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« faute. Qu'on dise en même temps à Keur« gueuz que ces gens là sont comme lui mes << serviteurs; que si, après le pardon que je « leur ai accordé, il leur garde rancune, il « sera lui-même punissable. » Alors il conféra à ce dernier le gouvernement de tous les pays, au-delà de l'Oxus, qui avaient été soumis par les armes de Tchormagoun.

Les seigneurs persans sollicitèrent aussi des patentes; mais Keurgueuz fit entendre à Tchincaï que s'ils obtenaient tous comme lui un diplôme du Caan, ils se croiraient indépendants du gouverneur, et il fut convenu entre eux qu'il n'en serait accordé à

aucun.

Pendant la procédure, Schéréf-ud-din, continuant son double rôle, paraissait dévoué à Keurgueuz, tandis que, sous main, il conseillait son rival. Lorsqu'on vit que l'empereur penchait en faveur de Keurgueuz, un des compagnons d'Ongou-Timour livra à son adversaire des papiers écrits de la main de Schéréf-ud-din, qui le convainquirent que toute cette affaire lui avait été suscitée par cet intrigant. Instruit de cette circonstance l'empereur ne voulut pas que Schéréf-ud-din retournât en Perse, de crainte qu'il n'éprouvât le ressentiment de Keurgueuz, et déjà

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Schéréf-ud-din se félicitait de lui avoir échapé, lorsque les amis de Keurgueuz lui conseillèrent de ne pas perdre de vue un ennemi, qui saisirait la première occasion de lui nuire encore; Keurgueuz obtint la permission de l'emmener, sous prétexte que sa présence était nécessaire en Perse, parce que les impositions n'étant pas encore rentrées dans le Khorassan, il se pourrait que les officiers du fisc profitassent de son éloignement, pour mettre quelques sommes à sa charge, et préjudicier ainsi le trésor.

Keurgueuz se rendit à Thous, où il établit sa résidence; il y convoqua les seigneurs du Khorassan et de l'Irac, ainsi que les généraux mongols, et célébra son installation par une fête de plusieurs jours, au milieu de laquelle furent promulguées les nouvelles ordonnances impériales.

Il fit partir son fils, accompagné de plusieurs employés au département des finances, pour aller ôter aux officiers de Tchormagoun le commandement des districts de l'Irac et de l'Azerbaïdjan, qu'ils ruinaient par leurs exactions. Chaque noyan, chaque officier agissait en maître absolu dans la province, dans la ville où il commandait, et employait à son propre usage la plus grande partie des revenus du fisc. Ces petits despotes furent déplacés; ils

durent même restituer de fortes sommes. Keurgueuz protégea la vie et les biens des Persans contre la barbarie des officiers mongols, qui ne purent plus abattre des têtes, à leur volonté. Dans ses marches, le soldat n'osa plus vexer l'habitant paisible. Keurgueuz fut craint et respecté.

Il releva de ses ruines la ville de Thous, où il n'y avait que cinquante maisons habitées. Dès qu'il l'eut choisie pour sa résidence, les seigneurs persans y achetèrent des hôtels, et au bout d'une semaine, le prix des immeubles y fut centuplé (1).

La ville de Hérat renaissait aussi de ses cendres. Après le saccagement de cette cité, dans l'année 1222, ses ruines n'avaient été habitées, pendant quinze ans, que par un petit nombre d'individus; mais, en 1236, Ogotaï ayant ordonné que l'on prit les mesures nécessaires pour restaurer le Khorassan, on songea à repeupler Hérat. Un émir, nommé Yzz-ud-din, que Toulouï, avait fait transporter, avec mille familles, de Hérat à Bischbalik, reçut l'ordre de retourner avec cent familles, à Hérat. D'abord cette colonie eut

*

(1) Djouvéini.

de la peine à pourvoir à sa subsistance; faute de bœufs, les hommes de toutes classes indistinctement s'attelèrent, par couple, à la charrue; on sema du blé et du coton dans des pièces de terre qu'il fallut arroser à la main, les canaux étant obstrués. La première récolte faite, on choisit vingt hommes forts et agiles, qui, chargés chacun de vingt menns de coton, furent envoyés dans l'Afghanistan, d'où ils revinrent avec des instruments aratoires (1). En 1239, les chefs de cette population envoyèrent un député à la cour, pour demander de nouveaux colons, et, au bout de cinq mois, deux cent familles arrivèrent à Hérat. L'année suivante un dénombrement fit connaître que cette ville avait déjà six mille neuf cent habitants. Depuis lors sa population s'accrut de beaucoup d'individus qui vinrent s'y établir de diverses contrées (2).

Dès son arrivée à Thous, Keurgueuz avait

(1) Il y a dans le texte et avec des diraz dunbal, ce qui signifie en persan, de longues queues; peut-être l'auteur du Raouzat a-t-il voulu indiquer une espèce de

moutons.

(2) Raouzat-ul-Djennat.

fait mettre la cangue à Schéréf-ud-din. Il tira de son ennemi des aveux qu'il manda 'à la cour. Son messager apprit en route la mort d'Ogotaï. Keurgueuz était parti luimême pour rendre compte à l'empereur du systême d'administration qu'il venait d'établir en Perse. En passant par la Transoxiane, il se prit de querelle avec un officier de la maison de Tchagataï. Menacé par celuici d'une accusation devant la veuve de ce prince, il répondit qu'il ne s'en souciait guère. Ce propos rapporté à la princesse excita son ressentiment. Inquiet des suites de cette avanture, instruit de la mort d'Ogotaï, privé de ses protecteurs, Keurgueuz jugea à propos de retourner sur ses pas. Cependant la femme de Schéréf-ud-din avait envoyé des messagers aux princes du sang pour implorer leur protection en faveur de son époux. Plusieurs de ces émissaires avaient été saisis en route; mais l'un d'eux parvint à la cour d'Ouloug Iff (1). Les femmes et les fils de Tchagataï firent partir Argoun, avec l'ordre de leur amener Keurgueuz de gré ou de force. Averti de cet arrèt, Keurgueuz, qui avait déjà livré son ennemi

(1) C'était le nom de la résidence de Tchagataï.

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