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son père, tandis que Tchincaï protégeait Keurgueuz. Ce ministre profita d'un moment où il était seul auprès de l'empereur, pour lui persuader que les seigneurs du Khorassan désiraient la domination de Keurgueuz, et il obtint de ce prince une ordonnance qui autorisait provisoirement Keurgueuz à percevoir les impôts des deux provinces, et à faire le dénombrement de leur population, sans que personne pût le troubler dans l'exécution de ces mesures, avec la promesse d'une récompense s'il s'acquittait bien de sa commission. Keurgueuz revint en Khorassan, muni de cette patente, et commença ses opérations. Noussal, que ce même ordre destituait, était un vieillard insignifiant; son collègue Kélilat avait, au contraire, beaucoup de capacité; mais dès qu'il élevait la voix, Keurgueuz lui donnait de sa patente sur la bouche, disant: « voici l'ordre « que personne ne se mele de ma commis« sion. » Il organisa l'administration du Khorassan et du Mazendéran, et y réprima les exactions d'une foule de petits tyrans.

Cependant le vézir Schéréf-ud-din et Kelilat, que les plein-pouvoirs et le caractère ferme de Keurgueuz laissaient sans autorité,

engageaient Ongou-Timour à solliciter vivement la place de son père, et Schéréf-ud-din ne cessait de l'animer contre Keurgueuz, tout en paraissant l'ami de ce dernier. Entraîné par ces intrigues, Ongou-Timour fit partir un messager pour porter à l'empereur de fausses accusations contre Keurgueuz; elles furent vivement appuyées par le parti opposé à Tchincaï, et Ogotaï expédia Argoun avec deux autres officiers pour prendre des informations sur les lieux.

Mais Keurgueuz ayant appris l'envoi d'un émissaire par Ongou-Timour était parti pour aller lui-même plaider sa cause, laissant l'intendant Behai-ud-din à la tête de l'administration dans son gouvernement. Il rencontra, à Fénakét, les commissaires de l'empereur, qui lui signifièrent de rebrousser chemin; comme il refusait, il s'ensuivit une rixe dans laquelle Keurgueuz eut une dent cassée. Il se vit contraint de suivre ces officiers; mais dans la nuit, il dépêcha un de ses affidés à la cour, avec son habit teint de sang.

A l'arrivée des commissaires dans le Khorassan, les chefs des troupes, Kélilat, OngouTimour et Noussal firent sortir, à coups de bâton, de l'hôtel de Keurguez, ses secrétaires

et ses autres employés, qu'ils emmenèrent à leurs quartiers. Keurgueuz ne voulait que gagner du temps jusqu'au retour de son exprès, qui revint avec l'ordre aux chefs militaires et civils de se rendre à la cour pour y plaider leur cause devant l'empereur, que la vue de l'habit ensanglanté de Keurgueuz avait irrité. Celui-ci, après avoir communiqué cet ordre à ses adversaires, partit sans attendre leur réponse, accompagné de plusieurs personnages distingués, qui avaient sa confiance. Kélilat et Ongou-Timour, avec leurs gens, se hâtèrent de suivre son exemple. Les deux parties arrivèrent en même temps à Bokhara; dans un festin qui leur fut donné par l'intendant de ce pays, Kélilat, ayant eu besoin de sortir du pavillon, fut assassiné en plein champ, par des gens apostés.

Lorsque les deux compétiteurs furent arrivés à la cour, l'empereur voulut dîner dans la tente dont Ongou-Timour lui avait fait hommage. Après son repas il en sortit pour un instant, et aussitôt un coup de vent la renversa. L'empereur ordonna qu'on la mit en pièces. Quelques jours plus tard, on dressa la tente que Keurgueuz avait offerte au souverain, et l'on y étala toutes sortes d'objets rares et précieux qu'il voulait également lui

faire agréer. Il s'y trouvait une ceinture garnie de certaines pierres (1). L'empereur l'ayant mise, se sentit aussitôt délivré d'une légère douleur aux reins. Il but largement, fut de bonne humeur, et Keurgueuz put se flatter de gagner sa cause.

En effet, son protecteur Tchincaï avait été nommé avec plusieurs autres Ouïgours, pour examiner les assertions des deux rivaux; d'ailleurs Keurgueuz était assisté par des personnes qui avaient toutes du mérite, de la considération, de la fortune, et il était lui-même un homme d'esprit, au lieu que le parti de ses adversaires, après la mort de Kélilat, qui en était l'ame, ne se composait plus que des fils, encore enfants, de ce général, et d'Ongou-Timour, jeune homme sans expérience. Au bout de plusieurs mois, cette affaire n'étant pas encore terminée, l'empereur voulut que les deux rivaux fissent la paix. Il ordonna que Keurgueuz et Ongou-Timour habitassent la même tente, qu'ils bussent à la même coupe; on prit la précaution de leur ôter leurs armes. Ce moyen de réconciliation n'ayant pas réussi, Tchincaï et les autres commissaires

(1) Ces pierres sont appelées Yarcan.

durent présenter leur rapport. Ogotaï fit comparaître les parties en sa présence, et après les avoir interrogées, il condamna OngouTimour et ses compagnons; mais, ajouta-t-il, en s'adressant au premier: « Comme tu ap

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partiens à Batou, je lui manderai l'affaire, « et ce sera à lui de te punir. » Tchincaï, qui eut compassion d'Ongou-Timour, alla lui parler, et s'exprima ainsi, en son nom: OngouTimour dit: Le Caan est le chef de Batou. Es-ce qu'un chien comme moi mérite que deux souverains délibèrent ensemble sur son compte. C'est au Caan à décider. Tu fais bien, dit Ogotaï; car Batou ne ferait pas grace à son propre fils s'il se trouvait dans le méme cas que toi. Cependant, les compagnons d'OngouTimour furent punis; quelques-uns reçurent la bastonnade; d'autres furent livrés à Keurgueuz, afin qu'il leur appliquât la cangue, et tous durent s'en retourner avec lui. « Qu'on <«<leur fasse savoir, dit l'empereur, que sui<< vant les règles de l'équité et le Yassaï de Tchinguiz-khan, les calomniateurs doivent « être punis de mort, pour servir d'exemples; « mais, qu'en considération de leurs femmes « et de leurs enfants qui attendent leur retour,

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je leur fais grace de la vie, à condition

qu'ils ne retomberont plus dans la même

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