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« question plus haut: ils comprennent un peu les «< caractères (chinois); ils fardent leur langage et dé« bitent une foule de mensonges. En réalité, ils ne « diffèrent pas des manichéens et des sectateurs de l'Esprit de feu... (1) »

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Nous croyons ces citations bien suffisantes pour prouver d'une manière péremptoire que les auteurs chinois antérieurs à l'existence des jésuites connaissaient parfaitement le monument de Si-ngan-Fou et la propagation de la religion chrétienne dans le Céleste Empire. Après cela il parait superflu d'invoquer le témoignage des auteurs modernes, qui seraient cependant, quoi qu'on puisse dire, d'une grande autorité. Plusieurs lettrés du dernier siècle ont parlé dans leurs écrits de l'existence de l'inscription, et, chose bien remarquable, il n'en est pas un seul qui s'élève contre son authenticité. Comment admettre qu'il ne se soit pas rencontré dans tout l'empire un seul écrivain qui ait entrepris de dévoiler la supercherie des chrétiens et des missionnaires, surtout aux époques de persécution, où le gouvernement, les mandarins et le peuple, tout le monde était soulevé contre le christianisme? Quelle bonne fortune pour un lettré que de pouvoir lancer un bon pamphlet à la face des adorateurs du Seigneur du ciel (2) et de prouver à tout l'empire qu'ils n'étaient que des fourbes et des imposteurs. Rien de semblable n'est arrivé: on a inventé mille calomnies contre les missionnaires; on a été jusqu'à les accuser d'arracher les yeux aux malades et

(1) Tsien-chi-King-Khiao-Khao, t. VIII, liv. CVIII, fol. 8. (2) Nom actuel des chrétiens en Chine.

de faire bouillir les petits enfants pour fabriquer l'opium; quant à l'inscription de Si-ngan-Fou, jamais un doute n'a été soulevé; on ne trouve pas même la plus légère insinuation à cet égard dans les manifestes les plus violents qui ont été publiés en Chine contre les chrétiens et les missionnaires.

Voilà des preuves nombreuses et assurément bien décisives en faveur de l'authenticité du monument de Si-ngan-Fou. Qu'il nous soit permis cependant d'ajouter encore une considération qui, pour nous, serait sans réplique et plus concluante que tous les témoignages historiques et scientifiques que nous venons d'exposer. A l'époque de la découverte de l'inscription il y avait dans l'empire chinois un grand nombre de missionnaires de divers ordres, des franciscains, des dominicains et des jésuites; ils étaient Portugais, Italiens, Espagnols, Français, Allemands, appartenant à toutes les nationalités de l'Europe. Ces religieux avaient dit adieu à leur patrie; ils avaient tout sacrifié pour s'en aller au bout du monde travailler à la conversion des infidèles, au milieu des privations et des souffrances de tout genre, au péril même de leurs jours. Ce sont ces hommes qui ont vu (1), étudié l'inscription de Si-ngan-Fou et qui en ont envoyé des copies en Europe. Hé bien! nous croyons à la sincérité de ces hommes. Nous sommes convaincu que ces religieux ne se sont pas concertés pour attester una

(1) Le P. Alvarez Sémédo, qui était à cette époque à Si-ngan-Fou, s'exprime ainsi : « J'ai vu, lu et considéré à loisir cette pierre; je me suis « surtout étonné qu'elle fût si entière, et ses lettres si saines, si nettes « et si distinctes après le cours de tant d'années. » ( Histoire générale du royaume de la Chine, p. 220. )

nimement l'authenticité de ce qui n'eût été qu'une fourberie; nous sommes convaincu que des religieux préparés tous les jours à sceller de leur sang la foi qu'ils prêchaient n'ont pas menti effrontément à l'Europe, à la Chine, au monde entier. Non, ils n'ont pas fabriqué ce monument par une fraude pieuse, comme l'a prétendu Voltaire. Une pareille fraude eût été une infamie dont on ne peut se rendre coupable qu'après s'être dépouillé de tout sentiment d'honneur et de religion. Une telle conduite donnerait le droit de penser que les missionnaires de la Chine étaient nonseulement dépourvus de conscience, mais encore atteints de folie; car ils n'eussent pu sans démence s'abandonner à cet audacieux mensonge, dont on ne voit pas l'utilité, mais qui ne pouvait manquer de ruiner leur mission en les couvrant de honte et de mépris aux yeux de leurs néophytes et des chrétiens de l'Europe. L'inscription de Si-ngan-Fou est donc anthentique, parce que son anthenticité repose sur la bonne foi, l'honneur et la religion des missionnaires, parce qu'elle est attestée par les témoignages de l'histoire et de la science et qu'on n'a jamais pu encore, ni en Orient ni en Occident, lui opposer un argument solide et irréfutable. Aussi un savant et judicieux membre de l'Institut n'a pas craint de dire : « Ce monument fameux, dont on a longtemps cherché « à révoquer en doute l'authenticité, en haine des «missionnaires jésuites qui l'ont fait connaître plutôt <«< que par suite d'un examen équitable de ce qu'il «< contient, est unanimement regardé à présent comme à l'abri de tout soupçon (1).

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(1) Saint-Martin, Hist. du Bas-Empire, t. VI, p. 69.

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CHAPITRE III.

I. - Mouvement religieux dans l'empire chinois. - Tolérance et seepticisme des Chinois. II. Propagateurs du christianisme en Chine. Premiers métropolitains. — Progrès du prosélytisme. — III. Renseignements puisés dans la littérature arabe. Curieux passage du livre intitulé « La Chaîne des chroniques. » - IV. Révolution en Chine. Massacre des chrétiens. Les écrivains arabes et MarcoPolo. Missionnaires envoyés en Chine dans le dixième siècle. V. Notice sur le prêtre Jean. Lettre de ce curieux personnage à l'empereur de Constantinople. prêtre Jean. - VI. Conversion du khan et de la tribu des Kéraites au commencement du onzième siècle. Nombreuses conquêtes de cette tribu mongole. - Origine de la légende du prêtre Jean. - Ung-Khan dernier souverain des Kéraïtes.

Lettre du pape Alexandre III au

I.

A l'époque où les apôtres du christianisme érigeaient au cœur même de l'empire chinois le monument remarquable dont nous venons de parler, il s'opérait dans la haute Asie un grand mouvement religieux, mouvement qui sans doute n'a pas été assez remarqué par ceux qui ont voulu contester l'authenticité de l'inscription de Si-ngan-Fou. En même temps que les missionnaires de Jésus-Christ répandaient parmi ces populeuses contrées de l'Asie la semence de la foi chrétienne, les sectateurs de Mahomet et de Bouddha étaient, eux aussi, animés d'un

ardent prosélytisme. On sait avec quel fanatique emportement les disciples du Koran travaillaient à convertir les hommes à leurs croyances. La Perse avait été subjuguée, et son dernier roi, forcé, comme nous l'avons vu, d'aller chercher un abri en Chine, était mort dans les montagnes du Thibet. Les mahométans étaient déjà répandus partout, s'ouvrant adroitement. par le commerce les pays du haut Orient, qu'ils ne pouvaient dompter par les armes. Ils trafiquaient dans les Indes, à Ceylan, dans le détroit de la Sonde, sur les côtes de la Chine et jusque dans l'intérieur de l'empire, où ils divulguaient en toute liberté la doctrine du Koran. Les Chinois voyaient aussi accourir en foule chez eux les manichéens et les adorateurs du feu. Les bouddhistes surtout arrivaient par innombrables caravanes. Une puissante réaction s'était opérée contre eux dans les Indes; le brahmanisme les traquait de toute part, et, forcés de s'expatrier, ils venaient par milliers chercher un refuge au milieu des populations de la Tartarie, du Thibet et de la Chine, où déjà le panthéisme et la philosophie subtile du bouddhisme avaient fait des progrès considérables parmi les disciples de Lao-tze et de Confucius.

Durant la période à laquelle se rapporte l'inscription de Si-ngan-Fou la Chine était gouvernée par la célèbre dynastie des Thang, dont les princes furent, pour la plupart, des hommes éclairés et tolérants qui cherchaient à entretenir de bons rapports avec les nations étrangères. Ce fut sous leur domination que les Arabes et les Persans eurent les relations les plus suivies, tant par terre que par mer, avec le Céleste Empire. L'empereur Taï-Tsoung, dont nous avons vu l'édit de

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