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En ce même temps l'Inde eut pour apôtre l'évêque Théophile, qui se rendit ensuite fameux par son adhésion à l'hérésie d'Arius. Il était natif de Diu, à l'embouchure de l'Indus, dépendant du royaume de Cambodge. Il fut envoyé très-jeune à Constantinople, où il fit ses études, embrassa le christianisme et la vie monastique. Comme il était remarquablement noir, on le nommait le moine noir. Dans la suite il fut sacré évêque et envoyé en Arabie par Constance, pour y veiller aux intérêts de la religion chrétienne. Malgré la vive opposition qu'il éprouva de la part des Juifs, alors très-nombreux, il réussit cependant à bâtir trois églises, l'une à Dafar, capitale de cette partie de l'Arabie; l'autre à Aden près du détroit de Babelmandel, et la troisième à l'entrée du golfe Persique, où se tenait annuellement une foire célèbre par la vente des produits indiens et chinois (1). Après avoir fondé ces diverses églises, il se rendit à Diu, sa patrie, et de là dans le reste de l'Inde, où il réforma, parmi les chrétiens, un grand nombre de pratiques; car, tout en croyant à l'Évangile, ils consultaient encore les oracles. Malheureusement Théophile sema l'hérésie arienne parmi les néophytes (2).

Marutha, également Hindou de nation, fut revêtu de la dignité épiscopale dans son propre pays vers la fin du quatrième siècle. Il occupa le siége de Sufferdam. Saint Chrysostome fait, dans ses écrits (3), l'éloge de ce saint évêque, qui assista en 381 au deuxième concile général de Constantinople et à celui de Séleucie,

(1) Philostorge, 1. II, no 6, et 1. III, no 4.
(2) Nicéphore, Hist. eccl., t. I, p. 719.
(3) Saint Chrisost., Epist. XIV, ad Olympiadem.

où il fit dresser vingt-six canons. En 383 il était présent au synode de Sides en Pamphylie.

Tous ces faits, qu'on ne saurait révoquer en doute, sont autant de preuves qu'aux premiers temps de l'Église la semence évangélique avait été aussi féconde dans l'extrême Orient que parmi les Occidentaux. Le grain de sénevé était devenu, aux Indes et dans les pays environnants, un grand arbre, sous lequel s'abritaient déjà de nombreuses populations. On peut croire même qu'il avait étendu ses rameaux jusqu'en Chine, puisque, d'après le témoignage formel de saint Ambroise, l'évêque Muséus avait parcouru « presque tout le pays des Sères. » Ces courses apostoliques, entreprises avec tant de courage et de zèle, durent porter leurs fruits de salut. Les Chinois de cette époque étaient moins indifférents que ceux de nos jours en matière de religion; il n'est pas croyable qu'ils aient été totalement en dehors du mouvement chrétien qui s'opérait dans le monde, puisqu'ils eurent de fréquents rapports avec les néophytes de l'Inde, de la Perse et de l'Arabie et que de plus les propagateurs de la foi pouvaient facilement pénétrer dans leur empire, alors ouvert à tous les étrangers. Cette assertion ne nous paraît pas purement hypothétique; car Arnobe, qui vivait au troisième siècle, compte les Chinois parmi les peuples qui déjà de son temps avaient reçu l'Évangile (1).

Plus tard nous voyons un voyageur célèbre, l'É

(1) Enumerari enim possunt atque in usum computationis venire ea quæ in India gesta sunt, apud Seras, Persas, Medos, etc. Arnobe, adversus gentes, 1. 11, p. 50.

gyptien Cosmas Indicopleuste (1) parcourir les Indes en 535, sous le règne de l'empereur Justinien. Il affirme, dans son ouvrage intitulé Topographie chrétienne, qu'il y avait des églises et des prêtres avec la liturgie complète dans l'ile de Ceylan, sur la côte de Malabar et dans le nord-ouest de l'Inde. Voici ce qu'il dit en particulier de Ceylan : « Il y a dans l'ile « une église pour les chrétiens persans, qui y abor«dent souvent. Elle est desservie par un prêtre et un

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vicaire qui ont reçu les ordres sacrés en Perse. Ils <«< ont toute la liturgie (2) ecclésiastique. Pour ce qui a est des peuples qui habitent cette île et des rois qui « les commandent, ils sont païens, ont plusieurs temples et un, entre autres, situé sur une éminence, où «< il y a un rubis, de la figure d'une grosse pomme « de pin, d'un prix inestimable. Lorsque le soleil « donne dessus, il jette un grand feu qui éblouit et surprend. Il aborde dans cette île quantité de vais«seaux, principalement des Indes et de l'Éthiopie. Il « en sort aussi beaucoup de ses ports; il y en vient de << la Chine et des autres pays qui sont à l'est (3). » Cosmas Indicopleuste avoue qu'il ne sait s'il y a des chrétiens au delà de Ceylan (4)... Il y en avait pourtant, et la Chine elle-même nous en fournira des preuves bien éclatantes...

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(1) C'est-à-dire voyageur aux Indes.

(2) Ces églises, ces prêtres chrétiens et cette liturgie complète, dans le nord de l'Inde, en ces temps reculés, sont choses bien remarquables. Car c'est au nord de l'Inde aussi que se déploie aujourd'hui avec plus de pompe la hiérarchie et la liturgie du bouddhisme, qui n'existaient pas alors. Si l'un des cultes a imité l'autre, ce n'est pas le christianisme qui est l'imitateur.

(3) Cosmas Indicopleuste, dans les voyages de Thévenot, p. 20. (4) An ulterius etiam ignoro... Topographia christ., lib, III.

VII.

Pendant que la religion de Jésus-Christ se répandait dans le monde, l'esprit du mal, qui sans cesse travaille à égarer les hommes, cherchait à mêler l'erreur à la vérité, à obscurcir, par ses ténèbres, les lumières de la révélation évangélique. Les chrétiens de saint Thomas ne conservèrent pas toujours dans toute sa pureté la foi que cet apôtre leur avait prêchée. Les Indiens, ayant plus de communications avec l'Égypte et la Grèce qu'avec la ville où Jésus-Christ a établi le foyer de la vérité et le centre de son Église, souffrirent peu à peu dans leur doctrine de leurs rapports avec ces mobiles Orientaux, que l'esprit de schisme et d'hérésie gouvernait à son gré. Le nestorianisme avait pris racine en Perse, dont les nombreuses églises avaient à leur tête des ecclésiastiques qui, dans l'hérésie, conservaient encore de grandes lumières. Ils envoyèrent des missionnaires de leur secte à Ceylan, dans l'Inde et jusque dans l'empire chinois, où ils altérèrent le dogme chrétien.

Quelques auteurs ont pensé, d'après le monument de Si-ngan-Fou dont nous parlerons bientôt, que le christianisme avait d'abord été apporté en Chine par des nestoriens. Le fait nous paraît pour le moins trèscontestable. En laissant de côté, pour le moment, l'opinion de ceux qui prétendent que les Chinois furent évangélisés par saint Thomas ou par ses disciples,

nous avons les autorités les plus graves pour soutenir que la première propagation de la foi dans la haute Asie a été faite par des catholiques orthodoxes et nullement entachés d'hérésie. Ébedjesus, auteur syrien très-versé dans les antiquités chrétiennes de l'Orient, s'exprime ainsi dans son Épitome canonique : « Le « Catholicos (1) Saliba-Zacha créa les métropolitains « de Hérie (dans le Khorassan) de Samarkande et de « Chine; d'autres, au contraire, prétendent qu'ils fu<< rent institués par Achæus et Silas (2). » Ainsi, selon Ébedjesus, plusieurs pensaient qu'Achæus et Silas avaient institué les métropolitains de la Chine. Or, Achæus, archevêque de Séleucie, fut à la tête des Chaldéens orthodoxes depuis l'an 411 jusqu'en 415; Silas fut patriarche des nestoriens de 503 à 520 et Saliba-Zacha occupa le même siége depuis 714 jus. qu'en 728 (3).

Lors même qu'on admettrait, contrairement à l'opinion de plusieurs, que Saliba-Zacha fut le premier créateur du siége métropolitain de la Chine, il n'en serait pas moins certain que les Chinois ont dû être convertis au christianisme bien longtemps avant ce patriarche nestorien. Comment, en effet, eût-on pu songer à créer un siége métropolitain dans un pays si le christianisme n'y eût déjà fait depuis longtemps des progrès considérables et s'il n'y eût eu plusieurs siéges épiscopaux. La création d'un métropolitain

(1) Titre que prirent les patriarches nestoriens.

(2) Heriæ et Samarkandæ et Sinæ metropolitanos creavit Saliba-Zacha. Aiunt vero quidam Achæum et Silam illos constituisse. (Ebedjesus Sobensis, in Epitome canonum, par. 8, cap. 15.)

(3) Assemani, Bibliotheca orientalis, t. III, p. 347.

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