Imatges de pàgina
PDF
EPUB

mine, ville des Indes (1). En admettant que ce passage ne soit pas de l'illustre docteur, mais qu'ajouté par les Grecs il appartienne à Sophrone, il restera toujours prouvé que Sophrone et les Grecs ne révoquaient pas en doute le fait de la prédication de saint Thomas dans l'Inde. Du reste, c'était aussi le sentiment de saint Jérôme, puisque, en parlant de l'immensité du Sauveur considéré comme Dieu, il dit ces paroles, dont on ne conteste pas l'authenticité... « Le << Fils de Dieu se trouvait donc en même temps avec « les apôtres pendant les quarante jours qui suivi<«< rent sa résurrection, avec les anges dans le sein de « son père et par delà les mers. Il était présent en a tous lieux, avec Thomas dans l'Inde, avec Pierre à Rome, avec Paul en Illyrie, avec Tite dans la Crète, «< avec André en Achaïe, avec chaque apôtre et cha« que prédicateur de l'Évangile dans toutes les régions qu'ils parcouraient (2)... »

[ocr errors]

Théodoret était dans le même sentiment que saint Jérôme. En parlant de la prédication des apôtres, il s'exprime ainsi : « Ils ont fait recevoir la loi du cru«cifié non-seulement aux Romains et à ceux qui << vivent sous leur empire, mais encore aux Scythes, «< aux Sarmates, aux Indiens, aux Éthiopiens, aux « Perses, aux Sères, aux Hyrcaniens, aux Bretons, << aux Cimmériens, aux Germains, et, pour tout dire << en un mot, à toutes les nations et à toute classe « d'hommes (3) »... Théodoret, il est vrai, parle des apôtres en général; mais saint Thomas est le seul à

(1) Sanctus Hier., Catal. script. eccl., I, 120.

(2) Sanctus Hier., Marcell. Epit., 148, t. III, p. 414. (3) Théodoret, Serm., 9, p. 125,

qui on ait jamais attribué la mission des Indes, et le savant Baronius (1) fait observer avec raison que c'est à lui seul que doivent s'appliquer les paroles de Théodoret. Nicéphore (2) proclame également saint Thomas apôtre des Indiens, et Gaudence (3) dit comme Sophrone qu'il mourut dans l'Inde, à Calamine, ville qui n'est autre que Méliapour, à une petite distance de Madras.

A ces témoignages si clairs et si positifs, que nous trouvons dans les auteurs des premiers temps du christianisme, vient se joindre encore la tradition constante de tous les siècles. Ainsi au septième siècle nous voyons Grégoire de Tours, le père de l'histoire de France, parler d'un homme respectable appelé Théodore qui avait visité le tombeau de saint Thomas dans l'Inde. L'an 883, Sighelm (4), évêque de Shireburn, y fut également envoyé par le roi anglo-saxon Alfred le Grand, à la suite d'un vou; il était chargé de remettre des secours aux chrétiens de saint Thomas. Est-il croyable que de tels pèlerinages aient pu s'établir dans des contrées si éloignées si à ces diverses époques on n'avait été bien certain de l'apostolat et du martyre de saint Thomas dans l'Inde?

Deux musulmans dont on a conservé les relations des voyages et qui visitèrent l'Inde au neuvième siècle, peu de temps après l'évêque de Shireburn, font mention de l'église de saint Thomas sur la côte de Coromandel.

(1) Baronius, Annales, anno 44, no 33.

(2) Hist., t. II, ch. 4.

(3) Gaud. Serm. 17.

(4) Chronicon-Saxonicum, anno 883, par Turner De Gestis regum anglorum, p. 44, par Guillaume Malmesbury.

Le célèbre Vénitien Marco-Polo, qui, au treizième siècle, parcourut la haute Asie, dit, en parlant d'Aden en Arabie, que saint Thomas passait pour y avoir prêché avant d'aller dans l'Inde. « Le corps (1) de « saint Thomas, ajoute Marco-Polo, est dans la pro«vince de Malabar, aux environs d'une pauvre et petite ville où les habitants et les marchands sont <«<< en petit nombre, parce qu'il y a peu de trafic à <«< faire; mais la dévotion y attire une multitude de <«< chrétiens. Les Sarrasins ont aussi une profonde vé«nération pour ce lieu; ils disent que le saint apôtre << était un grand prophète et ils l'appellent avariia, «< ce qui dans leur langue signifie saint homme. »

[ocr errors]
[ocr errors]

Vers la même époque un missionnaire dominicain qui avait traversé l'Inde en allant porter les lumières de l'Évangile jusqu'au fond de la Tartarie écrivait ainsi aux religieux de son ordre (2); « En ce royaulme << de l'Inde prescha la foy monseigneur saint Thomas l'apostre et convertit à Dieu moult de princes. Mais « pour ce que ces princes sont loing des aultres pays « là où on croit en Dieu, pour ce est moult la foy «< crestienne amoindrie et si n'y a plus que une petite « ville là où on tient la foy crestienne, Toutes les << aultres villes et citéz du dict pays ont layssé la foy « de Dieu. »

Cette ville de l'Inde, où, selon le frère Ricold, le christianisme s'était conservé était sans doute Cala

(1) Le cors meisser saint Thomas le apostres est en la provence de Meabar en une petite ville, car ne i a gueires homes, ne mercaant, etc. (Recueil de Voyages et de Mémoires publié par la Société de géographie, t. 1, p. 208.)

(2) Lhystoire merveilleuse du Grant Caan, feuillet III.

mine, où l'apôtre avait souffert le martyre et où reposait son corps (1). Plus tard cette ville fut connue sous le nom de Méliapour ou ville des Paons (2). Elle a été aussi appelée San-Thomé, et au moyen âge les Arabes la nommaient Bétama ou Beit-Thoma, la maison, l'église de Thomas.

IV.

Ainsi, comme on le voit, ce ne sont pas seulement les Occidentaux, mais les Arabes eux-mêmes, les disciples de Mahomet qui sont persuadés de l'apostolat de saint Thomas dans les Indes. Cette tradition est surtout vivante dans les royaumes de Maduré et de Carnate, et bien des peuplades se glorifient encore de ce que leurs ancêtres ont été éclairés par cet apôtre. On a cru d'âge en âge à Méliapour que saint Thomas avait été mis à mort sur un monticule près de la ville, et on n'a pas cessé d'y venir tous les ans pour visiter son tombeau. Au témoignage du P. Pons (3), des brahmes disaient qu'il y avait parmi les livres dont leur académie de Cangipour était dépositaire des ouvrages d'histoire fort anciens où il était parlé de Thomas, de son martyre et du lieu de sa sépulture.

(1) Selon Rufin, qui vint en Syrie en 371 et y demeura vingt-cinq ans, les reliques de saint Thomas auraient été rapportées de l'Inde et déposées à Édesse. Rufin n'a pu vouloir parler, comme nous le verrons plus tard, que d'une partie des reliques du saint Apôtre.

(2) C'est la même qui est nommée Meliar-Pha par Ptolémée. (3) Lettres édif., t. XXII, p. 205, édit. in-18.

Plusieurs faits qui se rattachent à l'époque de la conquête portugaise viennent à l'appui de la tradition sur l'apostolat et sur la mort de saint Thomas dans les Indes. Alphonse Albuquerque, à qui ses exploits méritèrent le surnom de Grand, s'étant emparé de Goa en 1510, voulut mettre ce poste à couvert des attaques de l'ennemi au moyen de nouvelles fortifications. Lorsqu'on creusa pour en jeter les fondements, on découvrit dans les ruines des édifices abattus une croix de bronze qui portait l'image du Sauveur crucifié, et le gouverneur des Indes la plaça dans l'église qu'il faisait élever pour remercier Dieu de ses succès. L'invention du corps de saint Thomas eut lieu à Méliapour, en 1521, sous les ruines d'une antique et vaste église. On trouva sous terre, à une grande profondeur, un sépulcre, dans lequel, parmi la chaux et le sable, on découvrit des ossements remarquables par leur blancheur, le fer d'une lance encore enchâssé dans du bois, un débris de bâton ferré et un vase d'argile plein de terre. La coïncidence de cette découverte avec la tradition locale sur la présence du corps de saint Thomas à Méliapour et la disposition du monument ne permirent pas aux Portugais de douter que ce ne fût le corps de l'apôtre. On le mit donc dans une châsse garnie d'argent et plus tard on le transporta à Goa, où on le déposa dans une église bâtie en l'honneur de saint Thomas (1).

Du Jarric rapporte d'après Osorio, historien d'Emmanuel et évêque de Sylves en Algarve, que, vers

(1) Maffei, Histoire des Indes orientales et occidentales, t. I, p. 81-84, Du Jarric, Histoire des choses mémorables, etc., t, I, p. 502.

« AnteriorContinua »