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breuses tribus de la Tartarie. Ce fut alors qu'il se trouva en présence d'un chef redoutable, nommé Témoutchin. Ung-Khan et Témoutchin comprenant que leur rivalité ne pourrait manquer d'être fatale à l'un et à l'autre, firent un pacte d'alliance, en vidant une coupe où les deux chefs avaient mêlé leur sang dans du lait de jument fermenté. Ils combattirent longtemps de concert et soumirent à leur domination les hordes nomades de la Tartarie. Cependant, leur alliance ne fut pas éternelle, comme ils se l'étaient promis, et ils cessèrent de partager ensemble le dour et l'amer (1). Il s'établit entre eux une lutte longue et acharnée; enfin ils se préparèrent à une grande bataille. Les deux armées étaient en présence et sur le point d'en venir aux mains, lorsque Témoutchin convoqua les devins qui l'accompagnaient dans ses guerres, et leur demanda quel serait le résultat de cette lutte décisive. Les devins prirent alors un bambou, le fendirent en deux, écrivirent le nom de Témoutchin sur une moitié et celui de Ung-Khan sur l'autre, puis ils les jetèrent au milieu de l'assemblée. Ensuite, ils récitèrent en chœur les prières magiques, et bientôt les deux fragments de bambou, se mettant d'eux-mêmes en mouvement, commencèrent entre eux une sorte de combat, dont les chefs tartares suivaient avec anxiété les péripéties. Le bambou de Témoutchin réussit enfin à se placer en travers sur celui de Ung-Khan et à paralyser ses mouvements. Cette pratique superstitieuse,

(1) Lorsque les Tartares font alliance, ils se promettent mutuellement de partager le doux et l'amer.

racontée par Marco-Polo (1), fut de bon augure pour les troupes de Témoutchin, qui s'avancèrent pleines de confiance et de courage contre les Kéraïtes. Ung-Khan fut mis en déroute et eut la tête tranchée par un officier de Témoutchin.

Ainsi disparurent, en 1203, le royaume du prêtre Jean et la puissance des Kéraïtes. On sait que les principaux chefs des tribus tartares ont toujours porté et portent encore le titre de khakan, ou simplement khan, par contraction. Ce mot étant peu aisé à prononcer, à cause de l'effort guttural qu'il exige, il est probable que lorsque les voyageurs occidentaux ont voulu parler dans leurs relations du khan des Kéraïtes, il leur a été bien difficile de rendre le son rude et aspiré de la prononciation tartare. Ils ont écrit tour à tour Chan, Caan, Ghan, Gehan et finalement Jean. Cette dernière prononciation fut celle qui plut davantage; car il était très-naturel, au moyen âge, de désigner par un nom d'apôtre un souverain nouvellement converti au christianisme. Tous les khans des Kéraïtes portèrent donc le même nom, et cela nous paraît expliquer l'existence de cet éternel prêtre Jean que les voyageurs occidentaux n'ont jamais manqué de rencontrer en Asie, durant deux siècles entiers.

Il n'est pas croyable que ces princes chrétiens aient été vraiment revêtus du caractère sacerdotal, comme leur nom semble pourtant l'indiquer. Le titre de prêtre leur est venu sans doute de l'usage où

(1) Voyages de Marco-Polo, publié par la Société de Géographie, ch. XLXIII, p. 349.

ont toujours été les monarques orientaux, de réunir en leur personne le pouvoir temporel et l'autorité spirituelle, d'être en même temps des chefs politiques et religieux. L'Asie n'a jamais cessé d'être la patrie des rois pontifes. Il n'est pas rare même de voir les princes de ces contrées se faire appeler fils du ciel, et, en cette qualité, non-seulement régler souverainement les affaires du culte, déterminer les croyances, mais encore instituer des esprits et des génies tutélaires pour les provinces, les villes, les fleuves, les montagnes et les forêts. Les khans kéraïtes ayant embrassé le christianisme, il est naturel que, pour se conformer aux habitudes asiatiques, ils aient adopté la dignité sacerdotale comme un titre honorifique. On voit même, d'après la curieuse lettre du prêtre Jean à l'empereur de Constantinople, que sa cour tout entière avait reçu une sorte d'organisation ecclésiastique, puisqu'on y voyait les valets, les échansons, les palfreniers, avec des titres d'abbés, d'évêques et d'archevêques. Il est à remarquer que vers la même époque on voyait se former dans le Thibet la hiérarchie lamaïque et le gouvernement théocratique du Talé-Lama. Nous aurons plus tard à revenir sur ce fait extraordinaire, qu'on ne peut raisonnablement attribuer qu'à l'influence de la propagande nestorienne dans la haute Asie.

Il nous semble, d'après tout ce qui vient d'être dit, qu'on est en droit de conclure que le prêtre Jean était le khan des Tartares kéraïtes, parmi lesquels les missions nestoriennes furent très - florissantes jusqu'au commencement du treizième siècle, et où nous retrouverons plus tard des traces de christianisme. Le grand

conquérant de l'Asie, Témoutchin, ayant dispersé et absorbé la nation des Kéraïtes, le royaume du prêtre Jean disparut et ne subsista plus que dans l'imagination des Occidentaux. Les touristes du moyen âge ne laissèrent pas cependant de le chercher encore avec une vive curiosité, et ils crurent le trouver partout où ils rencontraient un prince faisant profession du christianisme, tantôt dans les Indes et tantôt en Abyssinie.

CHAPITRE IV.

Tchinguiz-Khan proclamé - II. Caractère de ce fameux conquérant.

I. Un missionnaire français en Tartarie. souverain des Tartares.

Ses conquêtes. Sa mort.

Ses croyances religieuses. — Election de son successeur. - III. Invasion des Tartares en Géorgie. Grégoire IX et la reine Rhouzoudan. Invasion en

En Arménie.

Pologne. Saint Hyacinthe.

Bataille de Lignitz.

Mongols en Pologne et en Russie. Saint Louis et la reine Blanche. tures du chanoine de Varadin.

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Frédéric Barberousse.

Béla IV, roi de Hongrie.

Grégoire IX fait prêcher la croi

sade contre les Tartares. Grégoire IX et Frédéric Barberousse.

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V. Religion des Tartares mongols. Innocent IV au concile général de Lyon. — On décrète qu'il sera envoyé aux Tartares des ambassadeurs missionnaires.

I.

Un missionnaire français suivait, il y a peu d'années, dans les steppes de la Tartarie, une caravane mongole qui conduisait à Khiakta, sur les frontières de Sibérie, une longue file de chameaux chargés de marchandises chinoises. Un jour la caravane s'arrêta dans une vaste plaine, non loin des sources de l'Onan, un des grands affluents du fleuve Amour. Le campement choisi par ces pasteurs nomades était une immense prairie, où rien ne venait briser la monotonie des hautes herbes que le vent faisait ondoyer comme une mer. L'horizon était borné de tous côtés par une couronne de montagnes d'une teinte jaunâtre, et dont les cimes couvertes de neiges éternelles resplendissaient aux rayons du soleil.

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