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'dicabat matrem suam ex incesto, quod Augustus cum Juliâ filiâ commisisset, procreatam. Mais la ridicule vanité d'un Empereur aussi indigne et aussi décrié, qui ne craignit point de déshonorer la mémoire d'Auguste, son aïeul maternel, pour se vanter d'en être sorti en droite ligne, loin de confirmer cette conjecture, ne sert qu'à la rendre plus suspecte. Ce qui achève de la détruire absolument, c'est qu'elle se fonde sur un anachronisme des plus grossiers: car il est constant qu'Ovide ne fut exilé que dix ans après Julie, fille d'Auguste. Cela n'est donc pas ; car si cela était, Ovide aurait-il osé en parler si souvent dans ses vers? Eût-il osé une seule fois, quoiqu'en termes couverts, rappeler un secret si honteux au souvenir d'un Empereur dont il n'était occupé qu'à fléchir la colère? Ce crime ou cette erreur est donc une énigme historique.

Un savant @dipe, italien, a cherché à la deviner. Voici le précis de ses recherches, poussées jusqu'à la vraisemblance. Selon lui, la jeune Julie, petite-fille d'Auguste, eut un commerce coupable avec Agrippa Posthume, son frère. Ovide, admis dans leur familiarité, vit un

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Tirabolchi, dans une dissertation très-longue et très-scien

tifique.

jour par hasard ce qui se passait entre eux; et d'abord témoin involontaire de leurs amours incestueux, il en devint par faiblesse le fauteur et le complice. Cette intrigue criminelle fut découverte. On sut qu'Ovide en avait été le confident. On trouva dans les mains de Julie ses poésies galantes; et ses vers, qui avaient ainsi quelque rapport avec sa faute, furent le prétexte public de son exil, parce qu'il tenait à l'honneur de la famille des Césars de cacher sa véritable offense. Cette explication est d'autant plus plausible, qu'Ovide et la seconde Julie furent exilés à la même époque. Mais ce n'est qu'une conjecture. L'énigme subsiste, et apparemment subsistera toujours. Ovide avait promis qu'il n'en donnerait jamais le mot.

Sur le reste, je dois me taire, et je me tais '.

Il espérait par ce silence rentrer en grace auprès d'Auguste. Mais il ne put jamais le fléchir, ni obtenir son rappel. Il passa neuf ans dans le triste lieu de son exil, où il finit ses jours la troisième année du règne de Tibère.

Ovide avait près de soixante ans, lorsqu'il mourut. Il avait laissé à Rome ce qu'il avait de

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plus cher, ses illustres amis, sa famille, une épouse chérie, et sa fille Pérille, sa digne élève par son esprit et par son goût pour la poésie. On ne sait pas bien de quelle femme elle était née; car il en eut trois successivement. Il nous apprend qu'il était très-jeune lorsqu'il se maria pour la première fois, et que cette union ne fut pas de son choix. Il ne garda pas long-tems sa première épouse, et en prit une seconde qu'il répudia de même; mais la troisième lui fut trèsfidèle et très-attachée, et conserva son estime et son cœur. Il avait desiré, au cas qu'il finît sa vie dans l'exil, que ses cendres fussent portées à Rome, et qu'on mît sur son tombeau l'épitaphe suivante qu'il avait composée :

Hic ego qui jaceo, tenerorum lusor amorum,
Ingenio perii Naso poëta meo.

At tibi qui transis, ne sit grave, quisquis amasti,
Dicere, Nasonis molliter ossa cubent!

« J'ai chanté les Amours, ces doux tyrans des cœurs.
» Mon esprit fit ma gloire; il a fait mes malheurs.
» O passant! si ton cœur fut amoureux et tendre,'
» Dis : Que d'Ovide ici repose en paix la cendre » !

Mais il ne paraît pas que ses desirs aient été remplis '.

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Quelques érudits ont prétendu que son tombeau fut trouvé

Sa disgrace fit voir en lui une pusillanimité de caractère, indigne également et d'un poète, et d'un chevalier romain. On lui reproche d'avoir avili ses vers, en prodiguant à Octave des louanges poussées jusqu'à l'idolatrie, sans que celui dont il faisait un dieu, voulût même les entendre. On ne sait ce qu'on doit le plus blâmer ou de la servile opiniâtreté du poète à flatter lâchement l'Empereur, ou de l'inflexible indifférence de l'Empereur, qui fut obstinément sourd aux prières du poète.

Ovide, c'est à tort que tu veux mettre Auguste
Au rang des immortels;

Ton exil nous apprend qu'il était trop injuste
Pour avoir des autels.

En t'éloignant de lui sans cause légitime,
Il t'a désavoué;

Et les dieux l'ont souffert pour te punir du crime
De l'avoir trop loué.

Certes, il fallait bien que ce fût un barbare,
De raison dépourvu,

Pour priver son pays de l'esprit le plus rare

Que Rome ait jamais vu.

en Bulgarie en 1508, avec cette inscription, qui, selon Jouvency, bon juge en cette matière, ne paraît pas d'une latinité digne du siècle d'Auguste :

Hic situs est vates, quem divi Cæsaris ira
Augusti patria cedere jussit humo.
Sæpe miser voluit patriis occumbere terris ;
Sed frustrà: hunc illi fata dedére locum.

Mais ni ton nom fameux jusqu'aux bords où l'Aurore

Se lève pour nous voir;

Ni tes justes regrets, ni tes beaux vers encore,
Ne purent l'émouvoir.

O combien s'affligea la déesse d'Éryce
Des plaintes que tu fis,

Et de voir un tyran faire tant d'injustice
Au maître de son fils 1!

Quelle que fût la faute d'Ovide, ses grands talens devaient l'en absoudre: son pardon eût honoré l'Empereur. Rome n'eût pas été privée de l'aimable favori des Muses et des Grâces qui en faisait les délices et l'ornement, et dont l'offense involontaire méritait plus d'indulgence.

De tous les poètes qui illustrèrent le siècle d'Auguste, Ovide est sans contredit le plus ingénieux, le plus varié, le plus fécond. On admire Virgile; on aime Ovide. L'un est un modèle de perfection qu'on étudie avec plus de soin: l'autre enchante par une aisance inimitable, et par je ne sais quelle grace plus belle

Ces stances sont tirées d'une élégie sur l'exil d'Ovide, par de Lingendes. Elle parut pour la première fois il y a près de cent soixante-trois ans, à la tête d'une traduction des Métamorphoses faite par Renouard. Elle a vieilli depuis, et le langage en est devenu suranné. Ce que j'en ai extrait est ce qu'il y a de mieux, et peut plaire encore.

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