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sacrifices qu'il avait pu leur faire. Chéri de Corinne et de l'Empereur, il eut pour amis les meilleurs écrivains de ce beau siècle. Il eut un commerce intime avec Emilius Macer, Bassus, PonProperce, Gallus et Tibulle. L'élégie très-touchante qu'il composa sur la mort de ce poète aimable, fait honneur à l'un et à l'autre.

ticus,

Horace lui-même voulut l'avoir pour ami et pour confident de ses vers. Ovide parle du plaisir qu'il goûtait à en entendre la lecture.

Sur sa lyre féconde en lyriques merveilles,
Combien de fois Horace enchanta mes oreilles ! 1

Mais on a remarqué comme une singularité, que le nom d'Ovide ne se trouve pas une seule fois dans les écrits d'Horace. Il ne paraît pas qu'il ait eu aucune liaison avec Virgile; il ne fit que le voir, comme il le dit lui-même:

Virgilium vidi tantùm.

des

Quoiqu'Ovide ne fût le courtisan que Muses et des belles, Auguste sut reconnaître et récompenser son mérite; il l'honora de quelques distinctions civiles, et l'éleva à la dignité de

Detinuit nostras numerosus Horatius aures,
Dum ferit ausoniâ carmina culta lyrâ.

décemvir, dont un des priviléges était d'avoir une place marquée dans les jeux publics. Ovide compta d'illustres amis parmi les grands de Rome on y voit des Fabius, des Cotta, des Pompée, et plusieurs autres personnages consulaires, avec lesquels il vivait dans une familiarité intime. On peut juger quelle fut sa renommée de son vivant même, s'il est vrai que les premiers de Rome par leur rang et par leur mérite, lui firent l'honneur de porter des anneaux où sa tête était gravée sur des pierres précieuses '.

Je conjecture que cette anecdote si honorable pour le poète est fondée sur une élégie où il adresse à un ami ces paroles touchantes:

O vous, dont l'amitié conserve mon image,
Du lierre qui me ceint ôtez-en le feuillage.
Le lierre ne sied bien qu'aux poètes heureux;
Le cyprès convient seul à mon destin fâcheux.
Tu sais bien, cher ami, qu'on parle de la sorte,
Toi, dont le doigt par-tout me porte et me rapporte.
D'un ami relégué, mais présent par tes soins,
Autant que tu le peux, tu vois les traits du moins;

'He acquired the friendship of many, such as were great in learning and nobilitie; among whom not a few of consular dignitie: and honored by divers that, they wore his picture in rings cut in precious stones. (Vie d'Ovide, par George Sandys, auteur d'une traduction des Métamorphoses en vers anglais, dédiée à l'infortuné Charles Ier, roi de la Grande-Bretagne.)

Et peut-être tu dis, le cœur gros, l'œil humide:
Que loin de nous, hélas ! est notre cher Ovide!
Oui, de ta piété ces soins me sont bien chers;

Mais Ovide est en grand bien mieux peint dans ses vers;
Lis-les donc, et sur-tout lis les Métamorphoses;
Excuse leurs défauts, et plains-moi de leurs causes '.

Ovide déplore ainsi son bonheur passé; car il était heureux, et semblait devoir toujours l'être. Il n'était ni jaloux, ni envié ; il s'était abstenu de la satire, et la satire avait respecté ses écrits.

Chéri de mes rivaux, j'eus ce bonheur; l'Envie

Qui mord tous les vivans, n'a point mordu ma vie,

Ni rongé de ses dents un seul de mes écrits 2.

La douceur et l'agrément de son commerce

? Si quis habes nostris similes in imagine vultus, Deme meis hederas, Bacchica serta, comis. Ista decent lætos felicia signa poëtas :

Temporibus non est apta corona meis.

Hæc tibi dissimulas; sentis tamen, optime, dici;
In digito qui me fersque refersque tuo.
Effigiemque meam fulvo complexus in auro,
Cara relegati, quà potes, ora vides.
Quæ quoties spectas, subeat tibi dicere forsan,
Quàm procul à nobis Naso sodalis abest!
Grata tua est pietas : sed carmina major imago
Sunt mea, quæ mando qualiacumque legas:
Carmina mutatas hominum dicentia formas,
Infelix domini quod fuga rupit opus.
Nec qui detrectat præsentia, Livor iniquo
Nullum de nostris dente momordit opus.

le faisaient aimer de tout le monde. Mais, comme si je ne sais quelle fatalité condamnait les hommes de génie à expier leurs talens par des disgraces, il eut le malheur d'encourir l'animadversion de l'Empereur, et fut exilé à Tomes, ville de la Sarmatie ou de la Scythie d'Europe, sur le PontEuxin, vers l'embouchure du Danube. Accoutumé aux délices de Rome, une terre affreuse et sauvage, habitée par des peuples encore plus sauvages que leur terre, fut pour lui une véri– table Sibérie. Là, entouré d'hommes assez barbares pour qu'il ne fût lui-même qu'un barbare au milieu d'eux, il se représente parmi les Sarmates et les Gètes, comme une statue muette qui n'entend pas leur langage et qui n'en est pas entendue.

Quelles furent les causes de son exil; on l'ignore: il en apporte deux:

Deux torts ont fait ma perte, une erreur et mes vers '.

On voit assez que ses vers ne furent pas son plus grand crime, et qu'ils ne furent que le prétexte de sa disgrace. Il le fait assez entendre dans une élégie, où se plaignant à Cupidon de ce qu'il

1 Perdiderint cùm me duo crimina, carmen et error.

avait occasionné les malheurs de son maître, ce

dieu lui répond:

Que n'est-ce ton seul crime ! il eût obtenu grace.
Tu sais qu'une autre offense a causé ta disgrace '.

Voltaire, car quelque matière qu'on traite il faut citer cet écrivain, qui a laissé par-tout des traces de sa plume universelle; Voltaire, dans une dissertation critique, soupçonne qu'Ovide était coupable d'avoir surpris Auguste dans un inceste avec sa fille Julie. Ce qu'il avait avancé en prose avec sa légèreté accoutumée, il le répète en vers dans son épître à Horace:

Amant incestueux de sa fille Julie,

De son rival Ovide il proscrivit les vers,
Et fit transir sa Muse au milieu des déserts.

Il fonde sa conjecture sur ce que Suétone, dans la vie de Caligula, rapporte que ce Prince publiait que sa mère était née de l'inceste d'Auguste avec Julie. Mais Suétone ne dit pas que cette inculpation fût vraie, qu'elle fût même supposée sur une apparence plausible; il dit simplement que Caligula répandait ce bruit: Pre

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