Imatges de pàgina
PDF
EPUB

Sa famille était riche et distinguée; il descendait d'une longue suite de chevaliers romains.

Si de savoir mon rang vous êtes curieux,
Chevalier, je descends d'innombrables aïeux '.

On sait qu'après les sénateurs, l'ordre des chevaliers était le premier dans Rome. A seize ans, Ovide fut revêtu de la robe de pourpre appelée laticlave, qui ne se donnait qu'aux enfans des plus nobles chevaliers, et qui était une espèce d'assurance que dans la suite ils seraient reçus dans l'ordre des sénateurs.

Son patrimoine répondait à son rang et à sa naissance. Il parle de ses possessions rurales dans l'Abruze, de ses jardins agréablement situés près des faubourgs de Rome, non loin de la jonction de la voie Appienne avec la voie Flaminienne.

Mes domaines si beaux dans les champs de l'Abruze
Ne sont pas les seuls biens que regrette ma Muse;
Ni près de Rome encor ces superbes jardins,
Plantés dans un vallon qui s'ombrage de pins 2.

Si genus excutias, equites ab origine primâ,
Usque per innumeros inveniemur avos.
Non meus amisssos animus desiderat agros,
Ruraque Peligno conspicienda solo:
Nec quos piniferis positos in collibus hortos

Spectat Flaminia Claudia juncta viæ.

Enfin, il possédait une belle maison dans le quartier du Capitole, qui n'a pu, dit-il, lui servir de sauve-garde.

Ovide nous apprend encore qu'il n'était pas l'aîné de sa famille ; il eut un frère plus âgé que lui d'un an, né comme lui le deuxième des cinq jours consacrés dans le mois de mars aux fêtes de Minerve, c'est-à-dire, le treize des calendes d'avril, selon le calendrier romain, et le vingt mars selon le nôtre.

Tous deux au même jour nous avions reçu l'être :
Un même jour fêtait l'instant qui nous vit naître .

Dès leur plus tendre enfance, une éducation soignée cultiva les germes naissans de leur esprit. Ovide, ainsi que son frère, eut pour maîtres les plus habiles grammairiens. Il déclama sous le célèbre rhéteur Arellius Fuscus; car, qu'on ne s'y trompe pas, la déclamation était à Rome l'apprentissage de l'art oratoire. C'était une gymnastique où de jeunes athlètes essayaient leurs forces, et se disposaient aux sérieux exercices de l'arène judiciaire. Elle n'avait pas encore dégénéré en une école d'exagération sophistique,

[ocr errors][merged small]

qui fut une des causes de la décadence du goût et de la corruption de l'éloquence: ce qui détermina l'acception défavorable qui fut depuis attachée à ce nom, et qui aujourd'hui n'en peut être séparée.

Dans sa première jeunesse, le frère d'Ovide montra des dispositions pour le talent de la parole, et parut né pour les succès de la tribune. Pour lui, il sentit un penchant irrésistible pour la poésie. Encore enfant, il donna des marques précoces de ses talens, et promettait en vers de ne plus versifier, lorsqu'on le châtiait pour fait des vers.

Notre père avec soin cultiva notre enfance,

Et nous fit de bonne heure instruire à l'éloquence.
Mon frère, né pour vaincre aux joûtes du barreau,
Y signala d'abord un athlète nouveau.

Pour moi, je préférais le talent du poète,

Et j'en faisais par goût mon étude secrète.

<< Laisse, disait mon père, un art qui ne rend rien:

» Homère, tu le sais, n'y gagna pas de bien ».
Ses discours me touchaient, et je voulais en prose
M'exercer en beau style à plaider une cause.
Mais j'imitais en vain nos orateurs diserts:
Mon plaidoyer n'était qu'une harangue en vers '.

1 Protinus excolimur teneri, curâque parentis
Imus ad insignes urbis ab arte viros.
Frater ad eloquium viridi tendebat ab ævo,
Fortia verbosi natus ad arma Fori.

avoir

A seize ans, il fut envoyé à Athènes, où il étudia les finesses de la langue et de la littérature grecque. Ses talens déjà développés se perfectionnèrent dans cette patrie du goût et des arts. La lecture des poètes grecs, et sur-tout d'Homère, fortifia sa passion pour les vers. Son père, qui n'avait vu qu'avec peine cette inclination décidée pour un talent dont la première séduction dégoûte des occupations qu'on nomme plus sérieuses, c'est-à-dire, plus lucratives, essaya de le détourner d'une carrière stérile et périlleuse, pour le faire entrer dans celle de l'éloquence, qui était encore à Rome le chemin des honneurs et de la fortune. Ovide, par complaisance, fit violence à son goût; il étudia les lois, fréquenta le barreau, et siégea même quelque tems sur le tribunal des centumvirs '. Mais il était né poète, et fut ce qu'il voulait être, en dépit de

At mihi jam puero cœlestia sacra placebant,
Inque suum furtim Musa trahebat opus.
Sæpe pater dixit: Studium quid inutile tentas ?
Mæonides nullas ipse reliquit opes.

Motus eram dictis, totoque Helicone relicto,
Scribere conabar verba soluta modis.

Sponte sua carmen numeros veniebat ad aptos ;
Et quod tentabam dicere, versus erat.

'Les centumvirs étaient à Rome des juges de police.

ce qu'on voulait qu'il fût. Libre, par la mort de son père, de cultiver les Muses, il les courtisa avec une passion que les malheurs qu'il éprouva dans la suite n'affaiblirent jamais. Il renonça à une profession incompatible avec ses penchans, et laissa sans regret à son frère les honneurs du barreau, qui lui furent enlevés avec la vie à l'âge de vingt-trois ans.

Le génie maîtrise ceux qu'il enflamme avec non moins de tyrannie que l'amour. Comme l'amour, il enchaîne à sa suite des malheureux qui se font une jouissance de leurs tourmens; comme lui, il aime à marcher à travers les obstacles, et triomphe de toutes les difficultés. La sensibilité est le foyer de l'un et de l'autre. Ovide était né sensible; la passion impérieuse de l'amour le domina presqu'autant que celle des vers. Peu touché du crédit et des distinctions attachées aux grands emplois, il n'eut d'ambition que celle des lettres, et ses plaisirs furent une des occupations importantes de sa vie.

Jamais l'ambition, passion inquiète,

Ne troubla par ses soins la paix de ma retraite '.

Les Muses et les belles le dédommagèrent des

Sollicitaque fugax ambitionis eram.

« AnteriorContinua »