Ibidem. Enfin une moisson d'innombrables guerriers. Corneille qui semble avoir agrandi la poésie, en l'élevant à la hauteur de ses idées, et qui, dans ses beaux vers, est audessus de tout, exprime avec énergie la naissance des soldats produits par la semence des dents du serpent de Mars. Médée, dans les reproches qu'elle fait à Jason, après avoir parlé des taureaux de Vulcain, ajoute: Eux domptés, on entrait dans de nouveaux hasards. Il fallait labourer les tristes champs de Mars, Et des dents d'un serpent ensemencer la terre, Ibidem. Page 241. Ainsi lorsqu'au théâtre un tapis se déroule. Sic ubi tolluntur festis aulæa theatris. Cette comparaison ingénieuse tire sur-tout son agrément de son extrême justesse : car, sur la scène antique, la toile des décorations se déroulait en s'élevant, et non pas en descendant, comme sur nos théâtres modernes. Heureux par IV. Page 243. ton exil, dans tes nouveaux remparts, Tu te voyais l'époux de la fille de Mars, O Cadmus ! Ce prince avait épousé Hermione, fille de Mars et de Vénus; et les dieux avaient assisté à leurs noces. Ibidem. Mais nul homme, certain d'un bonheur sans retour, Crésus, roi de Lydie, célèbre par son luxe et son opulence, demanda à Solon s'il le croyait heureux. « Nul ne peut être jugé tel avant la fin de sa vie », lui répondit ce sage de la Grèce. On demandait à Epaminondas lequel de ses amis il estimait le plus. Il dit qu'il fallait qu'ils fussent tous morts avant de pouvoir répondre à cette question. L'axiôme de Solon est plus applicable encore à la célébrité contemporaine des gens de lettres. Souvent les plus loués pendant leur vie, une fois morts, sont à-peu-près oubliés, témoins Chapelain, Campistron et Lamotte : tandis que l'écrivain oublié ou méconnu long-temps, est lu avec admiration de la postérité la plus reculée, témoins Homère et Milton. Ibidem. Page 245. Un vallon couronné de pins et de cyprès Le latin désigne le cyprès par une seule épithète qui fait image, acuta cupressus, le cyprès pointu. En français, il faut avoir recours à une périphrase d'ornement, comme l'a fait un vieux poète dans une énumération de différens arbres, qui mérite d'autant mieux d'être citée, que ses poésies fades ne se lisent plus. C'est une perle trouvée dans un fumier. Les cyprès élevés, pyramides des bois, Les riches orangers, ennemis des ombrages, Les palmiers jaunissans, les lauriers toujours verts, Les cèdres orgueilleux à la feuille odorante, Et les humbles lilas à la fleur éclatante. A cette énumération rapide, à ce trait unique et distinctif qui caractérise chaque arbre, à cette poésie brillante et facile, on croit lire des vers du poëme des Saisons ou des Jardins. Ces vers sont de Ménage. Ibidem. Page 247. Fuis, et si tu le peux, lui dit-elle, profane, C'est une ironie, expression amère du dépit et de la colère. Diane semble permettre à Actéon ce qu'elle lui interdit en effet, puisqu'elle le change en cerf. Ibidem. Son front d'un bois rameux à l'instant s'est armé; Croirait-on que cette métamorphose, décrite par Ovide avec une netteté si élégante dans ses moindres circonstances, est omise à dessein dans la version en prose attribuée à Malfilâtre? Si ces détails sont difficiles à exprimer en français, Le traducteur, très-habile en ce point, V. Page 249. Mélampe le premier, par ses rauques abois, A donné le signal dans l'épaisseur du bois. Cette énumération des chiens d'Actéon est absolument dans le goût antique. Une meute nombreuse ne présente à l'esprit qu'une idée vague et collective. Mais le dénombrement, la revue d'une armée de limiers présente un tableau détaillé et plein de vie. Le traducteur, qui a pris le nom de Malfilâtre, efface d'un trait de plume cette peinture vivante. Si cette énumération était fatigante et ennuyeuse, comme il veut bien le dire, La Fontaine l'eût-il imitée dans son poëme d'Adonis? Le privilége de la poésie est de tout peindre ; et sa magie consiste à embellir, à ennoblir, par le choix et l'élégance de l'expression, les objets rebutans et ingrats à décrire. Ibidem. Page 253. Il n'est que trop présent; il voudrait ne pas l'être. Dans la version en prose attribuée à Malfilâtre, cette circonstance ingénieuse, et que le poète a su rendre touchante, est blâmée comme une redondance fastidieuse. <«< Rien de plus piquant, dit ce critique d'Ovide, que de >> voir les compagnons d'Actéon se plaindre de sa prétendue >> absence. Mais il fallait s'en tenir là, comme aurait fait » Virgile, et ne point ajouter inutilement : Actéon voudrait » bien étre absent en effet et voir les morsures que font » ses chiens, au lieu de les souffrir ». Je ne sais pas ce qu'aurait fait Virgile; mais je sais bien que substituer une nuance burlesque de plaisanterie à une nuance de sentiment, comme le fait le critique, c'est travestir en ridicule la pensée d'Ovide. VI. Page 255. Mais enfin je crains tout : l'amour est bien trompeur; Et plus d'un triste exemple autorise ma peur. Ce discours de la fausse Béroé est d'un naturel exquis. On ne peut trop faire sentir aux jeunes gens le prix de ce beau simple et naturel. Plus on a le goût pur et sain, plus on aime le simple. Rien n'est beau que le vrai; le vrai seul est aimable. Il plaît toujours, même au peuple. C'est ce charme du vrai qui ramène sans cesse à la lecture des Anciens; c'est là ce qui a fait dire à une femme qui avait appris à les lire dans leur langue naturelle, et qui avait par instinct le goût du vrai : << Voilà ce que je cherchais ». VII. Page 257. Le dieu veut sur sa bouche étouffer sa parole. Ce vers est une réponse suffisante à une remarque faite par le critique d'Ovide, dans sa version en prose attribuée à Malfilâtre. <«< Apollon, dit-il, représente au moins à Phaeton le >> danger qu'il veut courir, et le presse de se désister de sa >> demande : mais le maître des dieux ne fait aucune repré» sentation à sa maîtresse. Ovide dit: Neque enim non hæc optasse, neque ille Non jurasse potest. |