Imatges de pàgina
PDF
EPUB

Mais il vit en moi seul, et je le fais mourir.
Il dit, et dans l'erreur qu'il se plaît à nourrir,
Il revient à l'objet que l'onde lui retrace :

Il pleure, l'eau se trouble, et l'image s'efface.

Où fuis-tu, dit Narcisse? ah! demeure un moment :
Demeure; prends pitié d'un malheureux amant.
Hélas! de t'embrasser si je n'ai pas la joie,
Du moins, cruel, du moins permets que je te voie.
XI. Narcisse en fleur.

A ces mots, de sa robe il déchire les plis,
Et de son sein qu'il frappe il empourpre les lys.
Telle aux feux du soleil, à demi colorée,
Rougit, en mûrissant, la grappe diaprée :
Tel encor de l'api le tissu délicat

A l'émail le plus blanc mélange l'incarnat.
Aussi-tôt que dans l'onde il eut vu son ouvrage,
Il n'en put soutenir la douloureuse image.
Comme se fond la cire à l'aspect d'un brasier,
Ou comme aux premiers feux d'un soleil printanier,
S'exhale des frimas la vapeur matinale,

Ce fol amant qui meurt d'une fièvre fatale,
Brûlé d'un feu secret, se consume et s'éteint.
Il a vu se faner les roses de son teint :

Il perd sa force, il perd sa beauté trop aimée,
Sa beauté dont Écho fut jadis si charmée.

Quæ tamen ut vidit, quamvis irata memorque, Indoluit: quotiesque puer miserabilis, Eheu! Dixerat; hæc resonis iterabat vocibus, Eheu! Cùmque suos manibus percusserat ille lacertos, Hæc quoque reddebat sonitum plangoris eumdem. Ultima vox solitam fuit hæc spectantis in undam, Heu! frustra dilecte puer ! totidemque remisit Verba lacus: dictoque Vale, Vale inquit et Echo. Ille caput viridi fessum submisit in herbâ : Lumina nox claudit, domini mirantia formam.

Tum quoque se, post quàm est infernâ sede receptus, In Stygiâ spectabat aquâ. Planxêre sorores

Naïdes, et sectos fratri posuêre capillos.

[ocr errors]

Planxêre et Dryades: plangentibus adsonat Echo.

Jamque rogum,quassasquc faces, feretrumque parabant; Nusquam corpus erat: croceum pro corpore florem Inveniunt, foliis medium cingentibus albis.

XII. Cultum Bacchi Pentheus improbat.

COGNITA res meritam vati per Achaïdas urbes Attulerat famam : nomenque erat auguris ingens.

'Les Naïades, sœurs de Narcisse, fils du fleuve Céphise. Selon l'usage religieux des Anciens, les parens des morts se coupaient les cheveux en signe de deuil, et les déposaient sur leur tombe comme un présent funéraire.

Témoin de sa douleur, la nymphe en eut pitié;
Et malgré son refus, qui n'est pas oublié,
Répétant chaque fois sa plainte entrecoupée,
Chaque fois qu'il se frappe, elle en gémit frappée.
Vers son image encore il tourne un œil mourant.
En vain je t'ai chéri, dit-il en soupirant;
En vain je t'ai chéri, répète son amante.
L'herbe molle a reçu sa tête languissante.
Adieu, dit-il. Écho lui rendit ses adieux.

Il succombe, et la mort a fermé ses beaux yeux.
Sa passion le suit sur le sombre rivage,
Et dans le Styx encore il cherche son image,
Sur ses restes chéris, les Naïades ses sœurs
Déposent leurs cheveux arrosés de leurs pleurs.
Comme elles dans les bois les Dryades gémirent,
Et par la voix d'Écho les antres le plaignirent.
On prépare un bûcher, des urnes, des flambeaux;
On ne voit plus Narcisse: on cherche, et près des eaux
On trouve une fleur d'or, à la tige inclinée,
Et de feuilles d'albâtre en cercle couronnée.

XII. Penthée s'oppose au Culte de Bacchus.

LE destin de Narcisse, hélas ! trop bien prédit, Du devin dans la Grèce illustra le crédit. Seul, au mépris des dieux, l'audacieux Penthée Se rit de sa science en tous lieux si vantée:

Spernit Echionides' tamen hunc, ex omnibus unus Contemtor Superûm, Pentheus: præsagaque ridet Verba senis; tenebrasque et cladem lucis ademtæ Objicit. Ille movens albentia tempora canis ;

Quàm felix

esses, si tu quoque luminis hujus

Orbus, ait, fieres; ne Bacchia sacra videres!
Jamque dies aderit, jamque haud procul auguror esse,
Quâ novus huc veniat, proles Semeleïa, Liber.
Quem nisi templorum fueris dignatus honore,
Mille lacer spargêre locis: et sanguine silvas
Foedabis, matremque tuam, matrisque sorores.
Evenient : neque enim dignabere numen honore;
Meque sub his tenebris nimiùm vidisse querêris.
Talia dicentem proturbat Echione natus.
Dicta fides sequitur, responsaque vatis aguntur.
Liber adest, festisque fremunt ululatibus agri.
Turba ruunt: mixtæque viris matresque, nurusque,
Vulgusque, proceresque, ignota ad sacra feruntur.

Quis furor, anguigenæ, proles Mavortia, vestras
Attonuit mentes? Pentheus ait : ærane tantum

Echionides ou Echione natus, comme on va le lire treize vers plus bas. Penthée, fils d'Echion, un des premiers fondateurs de Thèbes.

Après un nom collectif le verbe se met avec élégance au pluriel. Dans ce cas, on a plus d'égard au rapport de l'idée qu'aux règles de la grammaire.

3 Anguigenæ, les Thébains nés des dents du Serpent de Mars, comme on l'a vu, fable 11 de ce livre.

3

Il le raille, il insulte aux maux qui pour toujours
En ténébreuses nuits ont changé ses vieux jours.
Le vieil Augure, ému d'un chagrin prophétique,
S'écrie: Ah! que je plains ton erreur frénétique.
Plût au ciel que, privé des yeux que je n'ai plus,
Tu ne visses jamais les fêtes de Bacchus !

Un jour, un jour viendra, qui n'est pas loin peut-être,
Où Bacchus, nouveau dieu, dans ces murs doit paraître.
Il attend les honneurs qu'on rend aux immortels:
Si ton encens ne fume à ses nouveaux autels,
Malheur à toi! ta mère et les soeurs de ta mère,
De Bacchus dans ton sang vengeront le mystère.
Tu verras en lambeaux tes membres déchirés.
Tu te ris des malheurs qui te sont préparés :
Tu sauras par ta mort, que j'ai su te prédire,
Qu'au livre des destins un aveugle peut lire.
Il dit sans écouter sa menace et ses cris,
Le Thébain loin de lui le chasse avec mépris.
De ses prédictions les effets s'accomplissent.
De hurlemens sacrés tous les monts retentissent.
Bacchus, Bacchus arrive; et le peuple et les grands,
Les vierges, les époux, les mères, les enfans,
Tous accourent en foule à la fête nouvelle.

Thébains, peuple de Mars, quel est donc ce faux zèle?
Dit Penthée; et d'où vient ce vertige soudain?
Le vain bruit de l'airain frappé contre l'airain,

« AnteriorContinua »