Imatges de pàgina
PDF
EPUB
[graphic][merged small][merged small][merged small]

XXI. Le Centaure Chiron, Ocyroë, Esculape.

CHOISI pour élever ce nourrisson illustre,
Chiron par cet honneur se croit assez payé.
Un jour il voit venir sa fille Ocyroë,

Qui, née aux bords d'un fleuve, cut Chariclo pour mère.
C'est peu d'avoir appris les secrets de son père :
Elle sait lire encore aux livres du Destin.

A l'aspect d'Esculape, un transport plus qu'humain
Ouvre en ces mots sa bouche en oracles féconde.
Croîs, merveilleux enfant, pour le salut du monde,
Croîs, ton art bienfaiteur, par de puissans secours,
Des fragiles humains, prolongera les jours.

Tu rendras même aux morts une nouvelle vie.
Mais les dieux irrités te porteront envie.
Ton aïeul indigné que la mort une fois
Par ton pouvoir vaincue obéisse à tes lois,
Jupiter t'a frappé de sa foudre terrible :
Tu subis de la mort le pouvoir invincible :
Mais tu redeviens dieu par un destin nouveau,
Et tu te vois deux fois racheté du tombeau.

Et toi qui fus doué d'une vie immortelle,
Toi, né pour voir des ans la durée éternelle,
O mon père! les maux qu'un jour tu dois souffrir,
Te feront regretter de ne pouvoir mourir :

Teque ex æterno patientem numina mortis '
Efficient; triplicesque Deæ tua fila resolvent.
Restabat fatis aliquid : suspirat ab imis
Pectoribus, lacrymæque genis labuntur obortæ;
Atque ita, Prævertunt, inquit, me fata; vetorque
Plura loqui; vocisque meæ præcluditur usus.
Non fuerant artes tanti, quæ numinis iram
Contraxêre mihi : mallem nescisse futura.
Jam mihi subduci facies humana videtur;

Jam cibus herba placet: jam latis currere campis

:

Impetus est in equam, cognataque corpora, vertor. Tota tamen quare? pater est mihi nempe biformis. Talia dicenti pars est extrema querelæ

Intellecta

parum, confusaque verba fuêre.

Mox nec verba quidem, nec equæ sonus ille videtur;
Sed simulantis equam : parvoque in tempore certos

Edidit hinnitus, et brachia movit in herbas.
Tum digiti coëunt, et quinos alligat ungues
Perpetuo cornu levis ungula: crescit et oris,
Et colli spatium : longæ pars ultima pallæ
Cauda fit: utque vagi crines per colla jacebant,
In dextras abiêre jubas: pariterque novata est
Et vox et facics: nomen quoque monstra dedêre.

1 Le Centaure, en maniant les flèches d'Hercule, en laissa tomber une sur son pié. Le poison de l'Hydre lui causa des douleurs si cruelles, que les Dieux, par pitié, le transformèrent en constellation. C'est le Sagittaire.

Je vois ton pié blessé par les flèches d'Hercule,
Et le poison de l'hydre en tes veines circule.
Mais enfin le ciseau des triples déités

Tranche le fil trop long de tes jours détestés.
Elle n'achève pas ce qui reste à prédire :
Son cœur ému se trouble; elle pleure, soupire.
« Le destin me prévient; en vain je le prévois ;
Je sens qu'il m'interdit l'usage de la voix ;
Pourquoi de ses secrets me donner la science,
Si mon savoir des dieux m'attire la vengeance?
Que j'eusse aimé bien mieux ignorer l'avenir,
Si j'ai su le prévoir et non le prévenir!
Déjà je perds les traits de l'humaine figure :
L'herbe me plaît: je veux me nourrir de verdure.
Je cours et je bondis, émule des chevaux.
Je leur ressemble plus que mon père ». A ces mots,
Sa voix en sons confus se prolonge et s'exhale :
C'est le hennissement d'une jeune cavale.
Des piés frappant la terre ont remplacé ses bras.
Des longs plis de sa robe ondoyans sur ses pas
Se forment de longs crins balayant la poussière.
Ses cheveux ne sont plus qu'une épaisse crinière.
Sa bouche s'élargit; son cou s'est alongé.

Sa figure, sa voix, son nom même est changé.

« AnteriorContinua »