dû, ce me semble, prendre aussi quelque chose de son esprit et de la gracieuse flexibilité de son style. XVII. Page 45. Mais que hasardent-ils ? le front voilé, tous deux Benserade a donné à cette idée une tournure assez plai sante: Ils firent là ce qu'on ne voit plus faire A coups de pierre. XVIII. Page 49. Apollon prend son arc, ses traits long-tems oisifs. Les poètes ont souvent expliqué, par une histoire fabuleuse, des effets que la physique expliquerait par une cause naturelle. La fable du serpent Python, percé par les flèches d'Apollon, dieu de la lumière, n'est visiblement qu'un emblême dont l'explication est trop simple pour n'être pas vraie. Après le déluge, la chaleur solaire dissipa les exhalaisons pestilentielles produites par l'humidité de la terre ; et de là vient sans doute l'allégorie de cette fable. Ibidem. Verts rameaux du laurier, vous n'étiez point encor Voilà une de ces transitions fines et imperceptibles qu'on ne trouve que dans Ovide. Il explique pourquoi les vainqueurs aux jeux pythiques se couronnaient de chêne; et cette expli cation amène une liaison délicate et ingénieuse entre la métamorphose de Daphné et la fable précédente. La transition est si naturelle qu'elle n'en semble pas une. Nondùm laurus erat. Voilà bien Cet art de plaire et de n'y songer pas, qui n'a été connu que d'Ovide et de La Fontaine. XIX. Page 51. Daphné, du dieu des vers fut le premier amour. Daphné, selon l'étymologie grecque, signifie laurier. On pourrait croire que Pétrarque a voulu faire allusion à l'amante d'Apollon, en célébrant sa maîtresse sous le nom de Laure. Selon la fable, Daphné était fille du Pénée, parce que le laurier croissait en abondance sur les rives de ce fleuve. On dit qu'elle fut aimée et poursuivie par Apollon, parce que le laurier est l'emblême de la gloire, comme Apollon est celui du génie, et que le génie aime la gloire, et la poursuit avec ardeur. Cette fiction est charmante; on voit combien était riante l'imagination des anciens qui ont inventé les songes poétiques de la mythologie. Mais il serait absurde de vouloir expliquer toutes les allégories de la fable. Beaucoup sont inexplicables. Ovide, en cherchant à les embellir, n'a pas songé au sens qu'on devait leur donner un jour. Sans doute elles ont tour-à-tour un sens ou physique, ou moral, ou historique. Bannier les explique toutes par l'histoire, et il interprète souvent un mensonge par un autre. Rien de moins digne d'exciter la curiosité d'un homme qui ་ cherche une instruction utile ou agréable. Car que sait-on de ces tems reculés, où l'historien n'apperçoit que de l'incertitude et de la confusion? Sénecé, poète ingénieux, précis et correct, a raconté, ou plutôt abrégé, cette fable d'une manière assez originale dans son poëme intitulé les Travaux d'Apollon: L'Amour, juste vengeur d'un injuste reproche, Ce sujet a fourni à Fontenelle un sonnet imprimé dans tous les recueils, mais presque toujours défiguré; en voici la leçon véritable: Je suis, criait jadis Apollon à Daphné, Lorsque tout hors d'haleine il courait après elle, Des rares qualités dont il était orné; Je suis le dieu des vers, je suis bel esprit né : Je sais jouer du luth; arrêtez. Bagatelle! Le luth ne pouvait rien sur ce cœur obstiné. Je connais la vertu de la moindre racine; Mais s'il eût dit : Voyez quelle est votre conquête; Ibidem. Faible enfant, que fais-tu de cette arme puissante ? Ne sied qu'à mon épaule, et cet arc à mon bras. La bravade d'Apollon respire l'orgueil et l'imprudence de la jeunesse toujours si confiante. La réponse de l'Amour a ce caractère de malice naïve, qui convient si bien à l'enfance. On ne peut mieux observer ce précepte d'Horace: Etatis cujusque notandi sunt tibi mores. Tracez le caractère et les mœurs de chaque âge. Ibidem. Page 53. Dans son double carquois sa main choisit deux traits. L'un est un fer doré, l'autre un plomb qui s'émousse. Cette idée du double carquois de l'Amour a été développée par Voltaire dans des vers charmans, que l'on aime toujours à relire. Je vous l'ai dit; l'Amour a deux carquois : L'autre n'est plein que de flèches cruelles, Voilà les traits que vous prenez vous-même Ibidem. Page 59. Mais le dieu que l'amour emporte sur ses pas, C'est le sujet du fameux groupe d'Apollon et Daphné du Bernin. Ce chef-d'œuvre de sculpture, qu'il fit à dixhuit ans, pour le cardinal Barberin, fut si vanté à Rome, que le pape vint le voir dans l'atelier de l'artiste. Sa sainteté trouva les contours trop nus; mais Barberin composa un distique latin qui excuse le procédé du sculpteur par une allégorie morale très-ingénieuse : Quisquis amans sequitur fugitivæ gaudia forme; En voici le sens : Qui court après des appas suborneurs, Ibidem. Page 61. Aux murs du Capitole, où des chars de victoire Voyez comme le poète saisit et amène toutes les occasions de faire l'éloge de sa patrie! Combien ces allusions |