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Regulus, receu toutevoyes son serement, que, ou cas que non, il retourneroit en la prison. Et comme Regulus eust ceste chose proposée au sénat, ilz luy en demanderent son conseil; lequel respondy, que ce n'estoit mie le prouffit de la chose publique tresmuer les prisonniers. Ainssi, le véritable preux, loyal preudome, nonobstant sceust bien la cruaulté de ses ennemis, et qu'ilz le feroyent mourir, ama mieux s'aler mettre en leur mains et laissier ses amis que fraindre sa foy, vérité et loyaulté.

CHAP. XXXII: Ci dit de la vertu de charité

en la personne du Roy Charles.

Pour ce que l'escripture saincte dit, que se homme faisoit tous les jeunes, tous les pellerinages et tous les biens que toute sa vie faire pourroit et ne cessast de Dieu prier, et il n'auroit la charité, tout ne luy prouffiteroit aucune chose. De laquelle parle Cassiodore, qui dit, que charité est comme la pluye qui chiet en printemps, qui toute plante fait fructifier. Volt cestuy sage Roy par charité ruiler le cours de son vivre, si comme il paru en sa bénignité et pacience. Car, dit saint Pol, charité est benigne et pacient; et les autres vertus qui en charité sont comprises en nostre Roy estoyent manifestes, comme de non quérir mesmes tout

on lui demanda à lui-même quel étoit là-dessus son avis; et Régulus répondit que ce n'étoit mie le profit de la chose publique d'échanger les prisonniers. Ainsi le véritable preux, le loyal prud'homme, nonobstant qu'il connût bien la cruauté de ses ennemis et le sort qui l'attendoit, aima mieux aller se mettre entre leurs mains, que de manquer à sa foi, à la vérité, à la loyauté.

CHAPITRE XXXII, où il est parlé de la vertu de cha

rité dans la personne du roi Charles.

L'Ecriture Sainte nous apprend qu'un homme qui ne cesseroit jamais de prier Dieu, qui jeûneroit, qui accompliroit des pèlerinages et feroit le bien qu'il pourroit durant toute sa vie, ne recueilleroit aucun profit de tout cela, s'il n'avoit la charité. Cassiodore parle de la charité : il la compare à ces pluies du printemps qui font tout fructifier. Notre sage roi voulut que la charité fût la règle de sa vie, comme cela parut dans sa bénignité et sa patience. Car, dit saint Paul, la charité est bénigne el patiente: les autres vertus que comprend la charité étoient manifestes dans notre roi; c'est ainsi qu'en plusieurs cas il ne demandoit point tout ce qui lui appartenoit, et c'est

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ce qui est sien en pluseurs cas, et pardonner de legier faultes à luy faictes: de quoy, une foiz, luy fu dit de ses princes, « que le trop libéral pardon que il donnoit de légier povoit estre >> cause aux deffaillans seuls trop enhardir à » faire faultes : » dont luy respondi: « se vice >> peut avoir en trop légierement pardonner, >> j'ay plus chier estre défaillant en ce cas, que >> en tenir trop estroicte rigueur. »

Trés grant aumosnier estoit le roy Charles, si comme il paru en pluseurs fondacions d'esglises et colliége que il fonda, où il assist grans rentes amorties, comme cy aprés sera dit. Donnoit aux povres abbayes et priorez, en esglises soustenir, reffaire et gouverner les pitances des freres et couvens, ou des seurs; soustenoit les hospitauls par larges aumosnes; aux freres mendiens, aux povres escoliers aydoit et confortoit en leur congrégations et assemblées, où il convenoit mises pour leur dégré avoir: ou, quant luy venoit à cognoiscence que aucun gentilhomme ou femme envielliz, ou cheus en maladie ou povreté, ou fust en grant necessité, povres religieus ou d'autre estat, ou pour aydier à marier povres filles, dont il fust informez que bien fust employé, povres femmes vefves, orphenins en tous cas piteus, donnoit très largement du sien, et de bonne voulenté; et chascun jour continuellement, de sa propre main, humblement et dévotement donnoit certain argent à

ainsi qu'il pardonnoit légèrement les fautes commises envers lui on lui fit observer un jour que la facilité avec laquelle il pardonnoit les petites fautes, pourroit encourager à en commettre de plus grandes. «S'il y a du mal, répondit-il, à >> pardonner trop légèrement, j'aime mieux avoir >> tort en cas semblable, que de déployer trop de >> rigueur. >>>

Très-grand aumônier étoit le roi Charles, comme cela parut par plusieurs fondations d'églises et de colléges, où il assit grandes rentes amorties, ainsi qu'on le verra ci-après. Il donnoit aux pauvres abbayes et prieurés pour entretenir les églises et subvenir aux besoins des Frères ou des Sœurs; il soutenoit les hôpitaux par larges aumônes il aidoit et confortoit en leurs congrégations et assemblées les Frères mendiants et les pauvres écoliers qui manquoient de ressources pour obtenir leur degré. Il donnoit trèslargement du sien et de bonne volonté aux gentilshommes ou aux femmes âgées qu'il savoit être malades ou pauvres, aux religieux indigents, à de pauvres filles pour les aider à se marier, à de pauvres femmes veuves, à des orphelins en tous cas piteux ; chaque jour il donnoit, de sa propre main, humblement et dévotement certain argent à une quantité de pauvres, et leur baisoit la

une quantité de povres, et à chascun baisoit la main. Ainssi, ce trés noble Roy tenoit la voye de ses prédécesseurs roys de France, ameurs de charité.

Si comme il est contenu és croniques du bon Roy de France Phelippe, filz au roy Loys le Débonnaire, lequel fu homme de grant vertu : celluy, avisant que maintes manieres de gengleurs et flateurs seulent, par leurs gengles, actraire les cueurs des princes, par quoy reçoivent de riches dons, robes ou joyauls; ce bon roy Phelippe, desprisant telle coustume, ce qu'on souloit donner à telz gens il donnoit aux povres, et les vielles robes qu'il laissoit aux années, vouloit que ilz fussent données aux povres. Ainssi, ne plus ne mains fu le roy Robert de France, si grant aumosnier, que aux povres donnoit ses robes que il laissoit aux festes années.

Ceste vertu de charité, que elle soit entre les autres toute la plus agréable à Dieu, appert, comme il est escript, de ce vaillant empereur Trayan, que j'ay, pour sa valeur, jà pluseurs foiz, allégué, nonobstant fust payens et persécutast les Crestiens en cuidant bien faire, comme faisoit saint Paul, ains sa conversion, comme celluy qui n'avoit cognoiscence de la foy de Jhesu-Crist, et tenoit la loy de nature. Dont, une foiz avint que l'en faisoit grant martire des Crestiens, vint à luy un preudomme de sa mesgniée qui luy dist: « Sire, trop est grant orreur

main. Ainsi ce très-noble roi suivoit l'exemple de ses prédécesseurs rois de France, amants de charité.

Comme il est écrit dans les chroniques du bon roi de France Philippe, fils du roi Louis-le-Débonnaire, lequel fut homme de grande vertu, ce roi Philippe, avisant que maintes manières de jongleurs et flatteurs ont coutume, par leurs jongleries, d'attirer les cœurs des princes, et en reçoivent de riches dons, robes ou joyaux, ne témoigna pour eux que du mépris ; ce qu'on avoit coutume de donner à des gens semblables, il le donnoit aux pauvres, et c'est aussi aux pauvres qu'il donnoit les vieux vêtements qu'il quittoit aux fêtes annuelles. Ainsi fut ni plus ni moins le roi Robert de France, si grand aumônier qu'il donnoit aux pauvres les vêtements qu'il quittoit aux fêtes annuelles.

Que la charité soit, entre toutes les autres vertus, la plus agréable à Dieu, c'est ce qui se voit par l'exemple du vaillant empereur Trajan, déjà plusieurs fois cité dans ce livre, nonobstant qu'il fût payen et qu'il ait persécuté les chrétiens en croyant bien faire, comme saint Paul avant sa conversion, n'ayant aucune connoissance de la loi de Jésus-Christ et observant la loi de nature. Un jour qu'on faisoit grand

» que on fait là hors, de tant de peuple mec» tre à mort qui riens n'ont meffait, et n'i »treuve l'en autre chose à redire, forsqu'ilz >> aourent ne sçay quel Crist et se lievent à mid>> nuit et chantent loange à leur Dieu. » Adont, l'Empereur, meu de compassion de tant de sang humain respendre, fist cesser l'occision.

De cestui Empereur est escript, que, principaulment entre les autres vertus, pour la grant charité et compassion dont il estoit plain, nonobstant fust mescréant, desservi estre saulve: car, il avint, aprés sa mort, que, comme saint Grégoire, pape de Romme, lisist en un livre et trouvat enregistré les belles vertus de cel Empereur, par espécial sa grant charité, moult ot grant pitié que tel homme fust dampnez, adont leva les yeuls vers le ciel et dist : « Beau sire » Dieux à qui toutes choses sont possibles, donne moy l'ame de cest dampné, seulement perdu par faulte d'instruccion de saincte loy; tu, juste et miséricors, ne vueilles pas que les » bénéfices de la grant charité de cest Empe>> reur soyent du tout anientis et péris. >> Et ainssi pria tant le glorieux saint Grégoire, que Dieu, de sa grace, octroya que l'ame de l'Empereur retournast en son corps; si fist pénitence et fu saulvez. Si est bel exemple, quelque pécheur que on soit, que par celle vertu de charité exerciter, on puisse empétrer grace par devers nostre Seigneur.

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martyre des chrétiens, un prud'homme de sa maison vint trouver Trajan et lui dit : « Sire, >> c'est une trop grande horreur ce qu'on fait là >> dehors, de mettre à mort tant de gens qui n'ont >> fait aucun mal, et contre qui on ne trouve rien à >> redire, sinon qu'ils adorent ne sais quel Christ, » et se lèvent à minuit pour chanter les louanges » de leur Dieu. » Alors l'empereur, ému de compassion de tant de sang humain répandu, fit cesser l'occision.

Il est écrit que cet empereur, à cause de la grande charité et compassion, dont il étoit plein entre autres vertus, nonobstant qu'il fût mécréant, mérita d'être sauvé. Il advint, après la mort de Trajan, que saint Grégoire, pape de Rome, ayant trouvé dans un livre les belles vertus de cet empereur, spécialement sa grande charité, eut grande pitié qu'un tel homme fût damné, et leva les yeux vers le ciel et dit : « Beau sire » Dieu, à qui tout est possible, donne-moi l'âme » de ce damné, perdue seulement faute d'instruc>>tion de sainte loi; toi, qui es juste et miséri>>cordieux, ne permets pas que les bénéfices de » la grande charité de cet empereur périssent » et soient tout-à-fait anéantis. » Tant pria le glorieux saint Grégoire que Dieu, par sa grâce, permit à l'âme de l'empereur de retourner à son

Item, de la charité de Simonides, dit Va- | complexion, jeunoit tout temps, un jour de la

lere, que, une foiz, cellui Simonides vouloit entrer en une nef, pour passer mer, il trouva un corps mort sur terre, et par pitié il l'ensevely; et tantost oy une voix qui luy dist, que ce jour il ne se meust; il obey, et ceulx qui se meurent furent péris en mer. Cestui, pour sa grant charité, le voult Dieux encore sauver : une autre foiz, comme il souppoit avecques autres, deux compagnons l'appellerent, et il se leva de table et vint à eulx; et tantost qu'il fu hors, la maison chay et occist ceux qui ens estoyent. Si devons noter, comme Dieux sequeure, mesmes les payens et mescréans, qui | ont la vertu de charité, n'est mie doubte que plus grant mérite en auront les Crestiens en qui elle sera trouvée.

CHAP. XXXIII: Ci dit de la dévocion du roy

Charles.

Trés dévot et vray catholique estoit ce trés vray cristien, le roy Charles. Sa primiere œuvre, dés qu'il estoit levez, estoit de servir Dieu, comme devant j'ay dit; et nonobstant sa déliée

corps (1); l'empereur fit pénitence et fut sauvé. C'est là un bel exemple qui prouve que, quelque pécheur qu'on soit, on peut avec la charité obtenir grâce devant Notre-Seigneur.

sepmaine, et les jeunes commandez, se grant accidens ne luy tolloit. Dévotion en aucuns sains, aprés Dieu et sa mere, avoit singuliérement, dont fist aucunes fondacions, ou acrust leurs moustiers ou chappelles de rente et d'édiffice. L'esglise Saint Denis en France, auquel glorieux saint avoit grant dévotion, visitoit souvent, et aux festes de celle église, à grant dévocion, aloit à la procession avec les barons et les roynes qui lors vivoyent; grans dons et beaulx y offroit; un moult riche reliquiaire d'or à pierres précieuses, entre les autres dons, y donna. La chappelle du pallaís, à Paris, souvent visitoit, et, aux festes années, le service à grant solemnité célébroit dévotement; aloit ou noble oracle, où sont les dignes reliques, et à grant dévotion baisoit. Et, de sa propre main, le jour du grant vendredi, au peuple monstroit la vraye croix. Et fu voir que, une foiz, à celluy roy, trés inquisitif de toutes virtueuses choses, plout, que l'armoire, où les sainctes reliques d'icelle chappelle du pallaiz sont, fust visité, pour mieulx avoir certification de tous les sanctuaires qui là sont; là furent trouvées maintes nobles choses, que je passe pour brief

semaine, nonobstant sa complexion délicate, et jeûnoit aux jours prescrits par l'église, si quelque grand accident ne l'en empêchoit. Après Dieu et sa Mère, il avoit dévotion envers beaucoup de saints; il fit en leur honneur des fondations, ou bien accrut leurs moutiers ou chapelles de rentes et d'édifices. Il visitoit souvent l'église de Saint

Valère, en parlant de la charité de Simonide, dit qu'une fois ce Simonide étant sur le point d'entrer dans une nef pour passer la mer, trouva un cadavre étendu sur le sol, et par pitié l'ense-Denis, en France, pour lequel saint il avoit grande velit; alors Simonide entendit une voix qui lui dit de ne point partir ce jour-là; il obéit, et ceux qui s'embarquèrent périrent en mer. Simonide fut sauvé une seconde fois par sa grande charité: étant un jour à souper en compagnie, deux amis l'appelèrent; il se leva de table et vint à eux; dès qu'il fut sorti, la maison qu'il venoit de quitter croula et ceux qui étoient dedans périrent. Si Dieu protège ainsi les payens et les mécréants qui ont la vertu de charité, il n'est pas douteux qu'il protègera bien plus encore les chrétiens doués de cette vertu.

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dévotion; dans les fêtes de cette église, il alloit à la procession avec les barons et les reines qui vivoient alors, il offroit à l'église des dons grands et beaux; entre autres présents, il donna un moult riche reliquaire d'or avec des pierres précieuses. Le roi Charles visitoit souvent la chapelle du palais, à Paris : il y faisoit célébrer, aux fêtes annuelles, le service avec grande solennité ; il se rendoit au noble oratoire où sont les dignes reliques et les baisoit à grande dévotion. Le jour du vendredi-saint, il présentoit, de sa propre main, la vraie croix à la dévotion du peuple. Une fois le roi, très-inquisitif de toutes pieuses choses, voulut visiter, dans la chapelle du palais, l'armoire des saintes reliques, pour mieux connoître tous les sanctuaires qui sont là on trouva là maintes nobles choses que je passe par brièveté. Entre les plus notables choses, on trouva une petite ampoule portant une inscription en grec et en latin, qui annonçoit

ne faut voir dans ce trait qu'une pieuse rêverie du moyenâge.

té: et, entre les plus notables choses, fut trouvée une petite ampolle, où avoit escript grec et latin, que c'estoit du propre sang du précieux corps de Jhesu-Crist qu'il respendi sus l'arbre de la crois.

Adont, ycelluy sage, pour cause que aucuns docteurs ont voulu dire, que, au jour que nostre Seigneur ressuscita, ne laissa sur terre quelconques choses de son digne corps que tout ne fust retourné en luy, volt sur ce sçavoir et enquérir par l'opinion de ses sages, philozophes natureuls et théologiens, se estre povoit vray, que sur terre eust du propre pur sang de JhesuCrist colacion fu faicte par lesdicts sages assemblez sus ceste matiere; ladicte ampolle veue et visitée à grant révérance et solemnité de luminaire, en laquelle, quant on la penchoit ou baissoit, on véoit clerement la liqueur du sang vermeil couler au long aussi fraiz comme s'il n'eust que trois ou quatre jours qu'il eust esté seignez laquelle chose n'est mie sanz grant merveille (1), considéré le long temps de la passion.

Et ces choses sçay-je certainement par la relacion de mon pere, qui, comme philozophe serviteur et conseillier dudit prince, fu à celle colacion, en laquelle ot pluscurs alterquacions et argumens de la saincte escripture et des sub

que là étoit renfermé du propre sang du précieux corps de Jésus-Christ, répandu sur l'arbre de la croix.

Comme plusieurs docteurs ont avancé que Notre-Seigneur, au jour de sa résurrection, n'avoit rien laissé sur terre de son digne corps, et que tout étoit retourné à lui, notre roi sage consulta les philosophes et les théologiens pour savoir si le sang, renfermé dans cette ampoule, pouvoit être du propre pur sang de Jésus-Christ: lesdits sages s'assemblèrent pour examiner cette question; l'ampoule fut vue et visitée à grande révérence et à grande solennité de luminaire ; quand on tournoit ou qu'on penchoit l'ampoule, on voyoit clairement le sang vermeil couler aussi frais que s'il eût été répandu depuis trois ou quatre jours; cette chose n'est pas un petit prodige, si on considère le long espace de temps qui nous sépare de l'époque de la Passion.

Et je connois ces choses d'une manière certaine par les rapports de mon père qui, en sa qualité de philosophe serviteur et conseiller dudit prince, assista à cette réunion : il y eut dans cette assemblée plusieurs discussions et arguments tirés de la Sainte-Ecriture et des substances naturelles ; à

(1) Personne n'eût alors osé contester l'authenticité des reliques conservées dans la sainte chapelle de Paris. Tel était le prix qu'on attachait à ces reliques, qu'elles

stances naturelles; et à la parfin fu déterminé et dit que, saulves toutes raisons d'escripture saincte ou théologie, n'estoit point de neccessité que, à la perfection et entérité du corps ressuscité de Jhesu-Crist, ravoir tout le sang respendu en l'arbre de la croix, et dévotement se peut croire que, pour la dévocion de ses amis dont il n'est point de doubte, que, le jour de sa passion, dévotement en recueillent, en laissa sur terre. Bien est vray, et c'est que les docteurs veulent dire, que tout ce que Jhesu-Crist prist ou corps de sa benoicte mere, en emporta ou ciel glorieusement ressuscité; mais, chose est possible, sanz empirement de sa digne humanité, qu'en terre ait des superfluitez de son corps humain, comme cheveulx, ongles, sang, et telz choses et ainssi fu déterminé et conclus.

Cestui roy célébroit les festes des sains en service mélodieux de chant, dont il avoit souveraine chappelle, laquelle il tenoit richement et honestement de toutes choses, et à chantres, musiciens, souverains et honorables personnes. Monseigneur saint Louis de France avoit en grant reverance et dévocion, et moult honnoroit sa feste; de saint Remy, saincte Catherine, saint Anthoyne, saincte Agnés, et d'autres. Dont n'est point de doubte, que ainssi comme

la fin, il fut décidé, que sauf toutes raisons d'Ecriture-Sainte ou théologie, on pouvoit dire que Jésus-Christ étoit ressuscité parfait et intègre, sans qu'il fût pour cela nécessaire de croire que tout le sang répandu sur l'arbre de la croix étoit retourné à son sacré corps; on peut croire qu'il en laissa sur terre, puisqu'il est constant que, le jour de sa Passion, ses amis en recueillirent | dévotement. Il est bien vrai, et c'est ce que les docteurs ont voulu dire, que Jésus-Christ ressuscité emporta glorieusement au ciel tout ce qu'il avoit pris dans les flancs de sa benoîte mère; mais il est possible, sans que sa digne humanité en souffre, qu'il y ait sur la terre des superfluités de son corps humain, comme cheveux, ongles, sang, et telles choses: et telle fut la décision et la conclusion des sages.

Ce roi célébroit les fêtes des saints en service mélodieux de chant; il avoit pour cela souveraine chapelle qu'il entretenoit richement et convenablement de toutes choses, et à chantres, musiciens, souverains et honorables personnes. Il avoit en grande révérence et dévotion, monseigneur saint Louis de France, saint Remi, sainte Catherine, saint Antoine, sainte Agnès et autres. Il est dit dans

furent citées au nombre des avantages qui devaient décider le pape Urbain à préférer le séjour de la France à celui de l'Italie.

il est dit en l'istoire de saint Loys, la dévocion qu'il ot aux benoiz sains les fit estre intercesseurs par devers Dieu, si que ses besongnes en vinrent à meilleurs chief en toutes choses.

CHAP. XXXIV: Encore de la devocion du roy

Charles, et autres exemples.

Et que le sage roy Charles fust homme de trés grand dévocion, appert par lafferme entencion que il avoit délibérée en soy, ce sçavoient assez de ses privez preudes homes que, se tant povoit vivre, que son filz le Daulphin portast couronne, il luy délairoit le royaume et le feroit couronner, et luy seroit prestre et le demourant de sa vie useroit ou service de Dieu; de laquelle chose, s'il eust pleu à Dieu que sa vie eust esté longue, croy que grant bien fust venus; mais aulcunes foiz, nostre signeur punist le corps par luy oster le chief.

Ce bon Roy, considérant les seigneuries et honneurs du monde de grant charge en conscience et de petite durée et empechement peutestre de saulvement, vouloit prendre exemple en délaissant le monde, au bon empereur Deoclesian, lequel quant qu'il ot amenistré l'Empire vingt ans, avec luy Maximien, par l'exortacion

l'histoire de saint Louis que sa dévotion aux bienheureux saints, en fit pour lui autant d'intercesseurs auprès de Dieu; de même aussi il n'est pas douteux que la dévotion de Charles pour les bienheureux saints contribua à mener à bonne fin ses besognes en toutes choses.

CHAPITRE XXXIV, où il est encore parlé de la dévotion du roi Charles, et où l'on cite d'autres exemples.

Le sage roi Charles avoit formé un secret dessein qui prouve sa très-grande dévotion: ce dessein, qu'il n'avoit point caché à quelques-uns de ses prud'hommes intimes, étoit que s'il pouvoit vivre assez long-temps pour que son fils, le Dauphin, portât la couronne, il lui abandonneroit le soin du royaume, et lui se feroit prêtre et passeroit la fin de sa vie au service de Dieu; s'il avoit plu à Dieu que la vie de Charles eût été longue, je crois que l'accomplissement dé son dessein auroit amené un grand bien; mais quelquefois Notre Seigneur punit le corps en lui ôtant le chef.

Ce bon roi, considérant les seigneuries et les honneurs du monde comme étant de petite durée, comme étant une grande charge pour la conscience et un obstacle au salut, vouloit quitter le monde à l'exemple du bon empereur Dioclétien;

d'icelluy Deoclesien, tous deux se déposerent de la dignité impérial, et demoura Deoclesian à Nichomédie, et Maximien à Melan; et aprés les Rommains, veans que la chose publique estoit mal gouvernée, renvoyerent querre Deoclesien, lequel le refusa, et dist, qu'il trouvoit plus de paix ou service de Dieu que ou service du monde.

Ainsi est-il escript du roy de Bulgres, lequel assez-tost aprés qu'il fu convertis à la foy, son ainsné filz fit couronner à roy, et il laissa le monde et entra en religion; mais, comme son filz se porta moins sagement que il ne deust et voulsist retourner à la faulse loy, le pere de ce informez, laissa l'abit de moine et prist l'abit d'un chevalier, et poursuivist son filz et le prist, les yeuls luy sacha et le mist en prison; et puis qu'il ot fait son second filz Roy, retourna en la religion et persévéra jusques en la fin.

Item, pareillement est escript de Guillaume, conte de Nevers, lequel floury en grans vertus, homme estoit de grand dévocion et honneste, et il y paru; car, nonobstant fust-il seigneur de si grant puissance et si noble, laissa le monde et devint humble moine en l'ordre des Chartreux; et sans doubte je tien, que de ceulx se peut dire comme Jhesu-Crist dit de Marie Magdelaine : ils ont esleu la meilleur partie.

celui-ci, après avoir gouverné l'empire pendant vingt ans, engagea Maximilien, qui avoit partagé sa puissance, à renoncer, de concert avec lui, à la dignité impériale; Dioclétien se retira à Nicomédie, et Maximilien à Milan. Quelque temps après, les Romains, voyant que la chose politi— que étoit mal gouvernée, envoyèrent querir Dioclétien, lequel refusa disant qu'il trouvoit plus de paix au service de Dieu qu'au service du monde.

Même chose est dite d'un roi de Bulgarie qui, sitôt après sa conversion à la foi, fit couronner roi son fils aîné, quitta le monde et entra en religion; comme ce fils aîné ne se conduisoit point sagement et qu'il vouloit retourner à la fausse loi, le père, en ayant été informé, se dépouilla de l'habit de moine, endossa le costume de chevalier, poursuivit son fils, le prit, lui arracha les yeux et le mit en prison; puis ayant couronné roi son second fils, il rentra en religion et y persévéra jusqu'à la fin.

Même chose est dite de Guillaume, comte de Nevers, lequel fleurit en grandes vertus et se montra homme honnête et de grande dévotion; quoiqu'il fût seigneur noble et de grande puissance, il quitta le monde et devint humble moine dans l'ordre des Chartreux; de ceux-là je puis dire sans hésiter ce que Jésus-Christ disoit de Marie Madeleine Ils ont choisi la meilleure part.

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