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orrent là esté une piece, et il virent que li crestiens n'istroient mie dou chastel, il prisent une partie de lor gens si les envoierent sus la terre des crestiens, ci semurent et coururent par la terre des crestiens qui garde ne s'en prenoient, car il estoient en trives et coururent abandon sus la terre qui garde ne s'en prenoit, et s'en vindrent sain et sauf à tout lor gaaigne en l'ost aus Sarrasins qui estoient devant Japhe. Li amiraus de Jherusalem prist❘ tous les prisons qui estoient bien cent que Templiers, que Hospitaliers, que serjans. Il avoient gaaignié quarante-neuf mil bestes que grans que petites. Paresme que il ne volt mie à envoier le Soudane, car il cuidoit qu'il leur couvenist tout rendre pour ce que li crestiens de ce pays estoient en trives.

Comment li crestiens desconfirent les Sarrasins devant Japhe qui n'estoient mie en la trive.

Quant ce fu fait, li Sarrasins faisoient souvent leur cembians et couroient jusques à murs de Japhe. Li crestiens qui estoient dedens Japhe disent que ce ne soufferoient il plus Il misent boines garnisons dedens le chastel pour le garder, que il avinist de ceuls qui s'en iroient dehors combattre aus Sarrasins, et quant ce

sins venoient jusqu'aux murs du château et ceux de dedans ne s'osoient mouvoir, car ils étoient peu de gens et avoient peur d'embuscade et de perdre le château. Quand les Sarrasins eurent été là assez long-temps, et qu'ils virent que les chrétiens ne sortoient point du château, ils prirent une partie de leurs gens et les envoyèrent sur la terre des chrétiens. Ce parti s'émut et courut par la terre des chrétiens qui n'y prenoient garde. Car ils étoient en trève, et courut à l'abandon sur cette terre qui n'y prenoit garde et s'en revint sain et sauf avec tout son butin à l'armée des Sarrasins qui étoient devant Jaffa. L'émir de Jérusalem prit tous les prisonniers qui étoient bien cent, tant Hospitaliers que Templiers et sergents. Ils avoient gagné quarante mille bêtes tant grandes que petites. Il paraît que l'émir ne voulut rien envoyer au soudan, parce qu'il pensoit que le soudan jugeroit qu'il conviendroit de tout rendre, parce que les chrétiens de ce pays étoient en trève.

Comment les chrétiens déconfirent devant Jaffa les Sarrasins qui n'étoient point dans la trève. Quand ce fut fait, les Sarrasins faisoient souvent leurs attaques et couroient jusqu'aux murs de Jaffa. Les chrétiens qui étoient dans Jaffa dirent que cela ne souffriroient-ils plus. Ils mirent bonne garnison dans le château pour le garder,

vint le vendredi devant mi-quaresme, li Sarrasins coururent devant Japhe; li crestiens qui estoient apareilliés firent ouvrir les portes et se ferirent hors encontre les Sarrasins, et commencierent à hucier à la mort, à la mort. Grant bataille y ot, mais li Sarrasins s'enfuirent quant il orent assés perdu de leur gent. Aucunes gens disent que li Sarrasins eussent été ou tout mort ou tout pris, se ne fust li quens de Japhe qui chei, et eust été occis se ne fuissent li freres de l'Ospital qui le rescoussent; mais toute vois emmenerent li Sarrasins son cheval. Mesires Jofrois de Sargines les chaca jusques en leur herberges. Ses chevaliers revindrent à lui et li loerent qu'il s'en retournaissent, car il avoient paour que il ni eust embuschement. Mesires Jofrois et li crestiens cele bataille avoit bien eu que mors, que pris s'en retournerent à Japhe, il conterent que en deus mil Sarrasins et des crestiens vingt sergeans et un chevalier; et si n'avoient esté en la bataille li crestiens que deus cents à cheval et entor trois cens que arbalestriers, que arechiers que autres serjans. En cele bataille fu occis avecques les autres li amiraus de Jherusalem et li amiraus de Bethleem. Li Sarrasins firent savoir au Soudan qui estoit à Damas, que li crestiens avoient les testes de l'amiraut de Jhe

quoiqu'il advint, de ceux qui s'en iroient dehors combattre les Sarrasins. Et quand ce vint le vendredi devant la mi-carême, les Sarrasins coururent devant Jaffa; les chrétiens qui étoient préparés firent ouvrir les portes et s'avancèrent dehors à l'encontre des Sarrasins, et commencèrent à crier: A la mort à la mort! Grande, bataille y eut; mais les Sarrasins s'enfuirent quand ils curent assez perdu de leurs gens. Aucuns dirent que les Sarrasins eussent été ou tous morts ou tous pris, si le comte de Jaffa ne fût tombé, el cclui-ci eût été tué, si les frères de l'Hôpital ne l'eussent secouru. Mais toutefois les Sarrasins emmenèrent son cheval. Messire Geoffroy de Sargines les chassa jusque dans leurs logements. Ses chevaliers revinrent à lui et lui conseillèrent de s'en retourner; car ils avoient peur qu'il n'y eût embuscade. Messire Geoffroy et les chrétiens s'en retournèrent à Jaffa. Ils complèrent qu'en cette bataille avoit bien eu tant morts que pris, deux mille Sarrasins, et des chrétiens vingt sergents et un chevalier; et pourtant n'avoient été en cette bataille les chrétiens que deux cents à cheval et environ trois cents tant arbalètriers qu'archers et autres sergents. Furent occis avec les autres les émirs de Jérusalem et de Bethléem. Les Sarrasins firent savoir au soudan qui étoit à Damas, que les chrétiens avoient les têtes de l'émir de Jérusalem et de celui de Bethleem. Le soudan

rusalem et de celui de Bethleem. Li Soudanc envoia ses letres à un amiraut qui estoit en l'ost des Sarrasins, que il rachetat la teste à l'amiraut de Jherusalem, et il li renvoieroit le cheval au conte de Japhe et vingt mil besans sarrasinois. Et mesires Jofrois li remanda que se il li donnoit plaine une tour de besans et de chevaus, ne li rendroit il mie. Li amiraut se remanda le soudan à Damas, et quant li Soudan oy ces choses, s'enfu moult courroucié et jura que il ne feroit jamais trives aus crestiens.

Comment les Beduins tolurent bien aus Sar

ou plus. Li crestiens se conseillierent ensamble et envoierent leur messages au Soudans qui estoit à Damas, et li manderent que il rendit les domages que il avoit fait aus crestiens, et que il amandast les trives que il avoit brisiées il et ses gens. Et après fuissent bien les trives ainsi comme eles avoient été devant devisées se il voloit bien fust la guerre. Assés y ot paroles et messagiers envoiés dou Soudan as crestiens et des crestiens au Soudan. Et en la fin fist tant li Soudans pour les crestiens, que mesires Joffrois de Sargines, et li conte de Japhe et li autres seigneurs de la terre des crestiens, et li

rusins les deus pars de lor proie et que les Temples, et li doi Hospital d'une part; et li trives furent refaites.

Li Beduins qui estoient aus montagnes oirent dire que li Sarrasins avoient fait grans damages seur les crestiens, il disent qu'il y voloient partir. Il descendirent des montaignes et s'en vinrent en l'ost des Sarrasins où li gaains estoit, il disent a l'amiraut cui li Soudan avoit fait chevetaine de l'ost qu'il vouloient partir à lor gaaing. Il leur répondirent que il ne partiroient mie, car il ne l'avoient mie aidié à gaaignier; li Beduin s'en combatirent aus Sarrasins, et emmenerent cui quen pesast bien les deus parties des bestes et ot b'en occis en cele bataille que Beduins que Sarrasins quatre mil

envoya ses lettres à un émir qui étoit à l'armée des Sarrasins pour lui dire de racheter la tête de l'émir de Jérusalem, promettant de renvoyer aux chrétiens le cheval du comte de Jaffa et vingt mille besans sarrasinois. Messire Geoffroy répondit que quand le soudan lui donneroit une pleine tour de besans et de chevaux, ne lui rendroit-il point la tête de l'émir. L'émir renvoya cette réponse au soudan à Damas, et quand le soudan ouït cela, il en fut moult courroucé et jura qu'il ne feroit jamais trève avec les chrétiens.

Comment les Bédouins enlevèrent bien aux Sarrasins les deux tiers de leur butin, et comment les trèves furent refaites.

Les Bédouins qui étoient dans les montagnes ouïrent dire que les Sarrasins avoient fait un grand butin sur les chrétiens. Ils dirent qu'ils vouloient y avoir part, et descendirent des montagnes, et s'en vinrent au camp des Sarrasins où étoit le butin. Ils dirent à l'émir que le soudan avoit fait chevetain de l'armée, qu'ils vouloient avoir part à leur gain. L'émir leur répondit qu'ils ne partageroient rien, car ils ne l'avoient point aidé à faire ce gain. Les Bédouins se battirent avec les Sarrasins, et emmenèrent bien les deux tiers des bêtes, et y eut bien en cette bataille, tant Bédouins que Sarrasins, deux mille ou plus

soudans de Babiloine, et d'Egypte, et de Damas d'autre part que les trives furent refaites et affermées ainsi come eles estoient devant a dix ans et à dix jors. Adont estoient li an de l'incarnation Nostre Seigneur mil deus cens cinquante sis.

Comment li crestiens guerroierent les uns

les autres.

Quant ces trives furent raffermées, et li crestiens n'orent point de guerre aus Sarrasins, fors seulement li chastiaus de Japhe qui fors en estoit mis. Li crestiens commencierent à guerroier les uns les autres, honteusement douloureusement et vilainement à toute la crestienté et deça et de

d'occis. Les chrétiens se consultèrent ensemble et envoyèrent leurs messagers au soudan qui étoit à Damas, et lui demandèrent qu'il leur rendit le butin qu'il avoit fait aux chrétiens, et qu'il reprit les trèves qu'il avoit rompues, lui et ses gens; et qu'ensuite les trèves fussent bien comme elles avoient été devant réglées, s'il le vouloit bien, sinon la guerre. Y eut assez de pourparlers et de messages envoyés du soudan aux chrétiens et des chrétiens au soudan. Et en la fin le soudan fit tant pour les chrétiens, qu'entre messire Geoffroy de Sargines et le comte de Jaffa, et les autres seigneurs de la terre des chrétiens, les Templiers et les Hospitaliers d'une part et les soudans de Babylone et d'Egypte et de Damas d'autre part, les trèves furent refaites et affermies comme elles étoient devant, pour dix ans et dix jours. C'étoit l'an de l'Incarnation de Notre-Seigneur 1256.

Comment les chrétiens se firent la guerre les uns

aux autres.

Quand ces trèves furent raffermies et que les chrétiens n'eurent point de guerre avec les Sarrasins, fors seulement le château de Jaffa qui en étoit exclus, les chrétiens commencèrent à se guerroyer les uns les autres, honteusement, douloureusement et vilainement avec toute la chré

là; car il ot'discort entre les Veniciens, et les Pisans, et les Poulains de la terre d'une part; et les Genevois, et les Espagnols, et les freres de Saint Jehan de l'Ospital d'outremer qui soubtenoient les grejois pour une maison qui seoit dessus la mer en la terre des Veniciens et des Grejois, et dura la guerre près d'un an et occioient et décopoient et faisoient tout le mal qu'il povoient faire li uns aus autres, tout ainsi comme il feissent aus Sarrasins ou encore pis. On le fist savoir le prince d'Antioche, et il vint à Acre assés tost, et amena un sien neveu que il avoit que li princes disoit que il devoit estre hoirs et Roys et sires de la terre, de par le conte Gautier de Brianne, dont cils enfes estoit issus non mie de son cors, mais de ses hoirs et amena la mère, l'enfant avecques lui qui estoient Royne de Cypre, et pour metre pais en la terre se il peust. Et quant il furent venus à Acre, li prince fist semondre de par son neveu, les chevaliers dou pays qui tenoient dou royaume de Jherusalem, et les maistres de l'Ospital, et les maistres des maisons de religion à un jour à Acre; et quant il furent venu, li princes leur requist de par l'enfant son neveu, que il feisoient fauté à l'enfant come à Roy et à seigneur dou royaume de Jherusalem; il disent que il s'en conseillieroient, et après pluseurs paroles, li maistre dou Temple et li

maistres de l'ospital Nostre Dame des Alemans, et li chevaliers dou pays qui tenoient dou royaume, et la commuigne des Genevois et li Espaignuiel disent qu'il n'en feroient neent, car il n'estoit mie hoirs de la terre, ains en estoit hoir li fils Colrat; car Coleras avoit esté fils de la fille le roy Jehan d'Acre, qui estoit li drois hoirs de la terre. Quant li prince vit qu'il y avoit discort, et que il ne povoit mettre pais en la guerre, il ost conseil que il meist bail de par son neveu l'enfant. Li prince fist bail de la terre le seigneur d'Arsur, et li bailla huit cens François qui estoient ou pays un an à ses soudées pour lui aidier et li commanda que se li Hospitaliers, et la commuigne des Genevois, et li Espagneul ne venoient à merci que il leur feist tout le mal que il porroit, et que il n'espagnast mie lavoit le prince, car il en bailleroit assés. Après ces choses, li princes s'en rala en sa terre, car il ne povoit mettre pais entre les crestiens si très vilainement s'entreguerroient. Quant li princes fu partis d'Acre, la guerre fu plus gries et plus honteuse qu'ele n'avoit esté devant, et dedens cel an que la guerre dura, furent arses par cele guerre quatre vingt naves ou plus chargiés de tous avoirs et de marchandises au port d'Acre, et tout cel au ot bien quarante engiens, qui tous getoient aval la cité d'Acre sur les maisons, et sur les tors, et sus

tienté en deçà et delà; car il y eut discord entre les Vénitiens et les Pisans, et les poulains du pays d'une part, et les Génois, et les Espagnols, et les frères de Saint-Jean de l'Hôpital d'outremer qui soutenoient les Grecs pour une maison qui étoit située sur la mer dans la terre des Vénitiens et des Grecs; et la guerre dura près d'un an; ils tuoient, et coupoient, et faisoient tout le mal qu'ils pouvoient faire les uns aux autres, tout ainsi qu'ils eussent fait aux Sarrasins, ou encore pis. On le fit savoir au prince d'Antioche, et il vint à Acre assez tôt et amena un sien neveu qu'il avoit et qu'il disoit devoir être héritier et roi et seigneur du pays par le comte Gautier de Brienne, dont cet enfant étoit issu, non de lui-même, mais de ses hoirs, et amena avec l'enfant la mère qui étoit reine de Chypre, pour mettre la paix dans le pays, s'il pouvoit. Et quand ils furent venus à Acre, le prince fit appeler de la part de son neveu, à un jour fixé, les chevaliers du pays qui dépendoient du royaume de Jérusalem, et les maîtres de l'Hôpital, et les maîtres des maisons de religion, el quand ils furent venus le prince les requit de la part de son neveu qu'ils jurassent fidélité à l'enfant, comme à roi et à seigneur du royaume de Jérusalem. Les chevaliers dirent qu'ils se consulteroient, et après plusieurs paroles, le maître

du Temple et le maître de l'Hôpital, et le maître teutonique, et les chevaliers du pays qui dépendoient du royaume, et la commune des Génois, et les Espagnols dirent qu'ils n'en feroient rien, car le jeune prince n'étoit pas héritier de la terre, mais en étoit héritier le fils de Conrad, car Conrad avoit été fils de la fille du roi Jean, qui étoit l'héritier direct de la terre. Quand le prince vit qu'il y avoit discord et qu'il ne pouvoit mettre fin à la guerre, il eut dessein de mettre un baile au nom de l'enfant son neveu. Le prince fit baile du pays le seigneur d'Arsur, et lui donna 800 François qui étoient du pays, pendant un an à sa solde pour lui aider, et lui commanda que si les Hospitaliers et la commune des Génois et les Espagnols ne lui venoient à merci, il leur fit tout le mal qu'il pourroit et qu'il n'épargnàt point l'argent du prince, car il lui en bailleroit assez. Après ces choses, le prince s'en retourna à sa terre, car il ne pouvoit mettre la paix entre les chrétiens qui très-vilainement s'entreguerroyoient. Quand le prince fut parti d'Acre, la guerre fut plus grave et plus honteuse qu'elle n'avoit été devant, et dans cette année que dura la guerre, furent brûlés plus de quatre-vingts vaisseaux chargés de toutes sortes de marchandises au port d'Acre. Y eut bien quarante engins qui tout cet an tirèrent

les tournelles, et abatoient et fondoient jusques en terre quanques eles consuioient; car il y avoit assés tel dix engiens qui ruoient si grosses pierres et si pesans, que eles pesoient bien quinze cens livres au pois de Champaigne, dont il avint presque tous les tors, et les forteresces d'Acre furent toutes abatues, fors seulement les maisons de religion, et furent bien mors de cele guerre vingt mil hommes que d'une part que d'autre, mais assés plus de Genevois, et des Espaignois, et furent decoupés et par mer et par terre, et rendirent toutes les tours que il tenoient dedens la cité d'Acre, et furent toutes abatues jusques en terre, et passerent par des-¦ sus les espées à ceus de Venisse et de Pise, et s'en alerent par pais, faisant à la cité de sur et fu la cité d'Acre si fondue par cele guerre, que ce fust une cité destruite par guerre des crestiens et des Sarrasins. Adont estoient li an de l'incarnation Nostre Seigneur mil deux cens cinquante neuf.

Comment les Commains desconfirent les Sarrasins, et des chastiaux que li crestiens garnirent contre eus.

Apres ces choses vindrent nouveles en la cité d'Acre et ou pays d'entor que li Tartarins avoient fait trois ost de leur gens, et que li uns

dans la cité d'Acre sur les maisons et sur les tours et sur les tourelles; ils abattoient et renversoient jusqu'à terre tout ce qu'ils rencontroient, car il y avoit dix de ces engins qui lançoient de si grosses pierres si pesantes qu'elles pesoient bien quinze cents livres, poids de Champagne; d'où il advint que presque toutes les tours et les forteresses d'Acre furent toutes abattues, fors seulement les maisons de religion, et moururent bien dans cette guerre vingt mille hommes tant de part que d'autre, mais assez plus de Génois et d'Espagnols, qui furent découpés et par mer et par terre, et rendirent toutes les tours qu'ils tenoient dans la cité d'Acre, lesquelles furent toutes abattues jusqu'à terre. Ils passèrent par-dessus les épées de ceux de Venise et de Pise, et s'en allèrent par pays à la cité d'Arsur. Et la cité d'Acre fut fondue par cette guerre comme si elle avoit été détruite par une guerre entre chrétiens et Sarrasins. C'étoit alors l'an de l'Incarnation de NotreSeigneur 1258.

Comment les Comans déconfirent les Sarrasins, el des châteaux que les chrétiens garnirent contre

eux.

Après ces choses, vinrent nouvelles dans la cité d'Acre et au pays d'alentour, que les Tartares avoient fait trois armées de leurs gens, et que l'une de ces armées étoit allée vers la Coma

des os estoit alé vers la cité de Comenie, et quand il vindrent à l'entrée de la terre de Comenie, li Commain distrent qu'il metroient tout pour tout et que il se combattroient à euls. Li Commain s'assamblerent et se misent en convoi, et si assamblerent aus Tartarins, et li Tartarins à culs. Crueuse bataille et doulereuse et merveilleuse et longe et entre eus, car de tous ces deus ost ou il y avoit tant de gens n'en demora mie granment que tout ne fussent mort et occis. Mais en la fin furent vaincus les Tartarins et s'enfuirent au miex qu'il porrent et laissierent tout leur harnois, et se repusent (ca-cher) par buissons et par taisniere et par repostailles (retraite) au miex qu'il porrent, et peu eschappa qui ne fussent mors ou pris. Li autres os qui s'en venoit vers la terre de Surie avoit ja conquis et soumis en leur poeste le royaume de Perse et la tres noble et tres puissant cité de Baudas et toute la terre qui estoit entor, et avoient occis le Caliphe qui est appelé apostole des Sarrasins, et la terre de Mede, et cele d'Arsiee, et cele de Caldée, et de Turquiee, et de Halape, et de Hamans, et la Chamele, et Cesaire la grant, et la terre et la cité le Vieil de la Montaigne, et asses autres terres et de provinces et de royaumes qui tous sont de Sarrasins, et la terre de Georgie et

nie. Et quand elle vint à l'entrée de la Comanie, les Comans dirent qu'ils mettroient tout pour toul, et qu'ils se battroient contre eux. Les Comans s'assemblèrent et se mirent en corps de bataille, et attaquèrent les Tartares, et les Tartares attaquèrent les Comans. Bataille cruelle et douloureuse et merveilleuse et longue y eut entre eux, car de toutes ces deux armées où il y avoit tant de gens, ne tarda pas un grand moment que tous ne fussent morts et occis; à la fin, les Tartares furent vaincus et s'enfuirent du mieux qu'ils purent, et laissèrent tous leurs bagages et se cachèrent dans les buissons, dans les tanières, dans les retraites, du mieux qu'ils purent, et peu échappèrent qui ne furent morts ou pris. Les autres armées qui s'en venoient vers la terre de Syrie, avoient déjà conquis et soumis en leur pouvoir le royaume de Perse et la très-noble et très-puissante cité de Bagdad et tout le pays des environs, et avoit occis le calife, qui est appelé l'apostoile des Sarrasins; elles avoient soumis la terre des Mèdes et celle d'Assyrie, et celles de Caldée et de Turquie et d'Alep et de Hama, et la Chamelle et Césarée la grande, et la terre et la cité du Vieux de la Montagne, et assez d'autres terres et de provinces et de royaumes qui tous sont de Sarrasins, et la terre de Georgie el d'Arménie et la cité d'Antioche qui sont terres de chrétiens. Il étoit resté peu de terres par tout

d'Armenie, et la cité d'Antioche qui sont terres des crestiens, et n'avoit preu demoré de terres par tout le pays et pres et loing que il n'eussent toutes conquises ou destruites, ou que les ne fuissent soumises à euls par treus (tributs) et par grans leviers, par grans services d'or et d'argent, et d'omes et de fames, et autres services asses que pres vausist (valut) miex qu'il fuissent tout mort. Il n'avoit demoré en toute la terre de crestiens que presque tous ne fuissent sougis à euls. Cil peu de crestiens se conseillierent ensamble et disent que ja se Dieu plaisoit ne seroient sougis à euls. Il conquisent presque toute la terre et estoit toute perdue se n'estoit aucun fort chastel; car li Tartarins estoient ja au devant deuls. Il egarderent que il garniroient les plus forts chastiaux et garniroient les Templiers sept des plus forts chastiaux que il eussent, et li Ospitaliers deux, et li Ospitaliers des Alemans un, et la cité d'Acre et la cité de Sur qui furent garnies de commun. Bien leur sembloit que toute la terre ne se porroit mie tenir. Cil chastel qui furent garni leur greverent moult durement, car il ne povoient trouver soudoiers qui entrassent dedens se il n'avoient sols à leur volenté; car il ne veoient mie comment il peussent eschaper contre la grant plenté de Tartarins com il venoit.

Comment li Sarrasins desconfirent malement li Tarlarins, et que li Tartarins s'enfuirent.

Li Soudant de Babiloine et d'Egypte et de Damas furent tous effrées et li Sarrasins ausi de ces nouveles. Li Soudant semoust tres tout son pooir de gens à armes et laissa sa terre à garder à un amiraut que il cuidoit que il fust loyaus envers lui; mais il li fut mout desloiaus en la fin. Li Soudant s'esmut et passa les désers qui sont entre Egypte et Surie et s'en vint vers Damas. Li autres Sarrasins qui estoient entor s'assamblerent avecques lui, et disoit-on que il estoit cinq soudans. Il se conseillerent et manderent aus crestiens que il se combattissent avecques euls encontre les Tartarins. Li crestiens se conseillerent et li plus s'acorda que il se combattissent avecques les Sarrasins, et li maistres de l'Ospital Nostre Dame des Alemans dist que ce ne seroit mie bon. Car il les avoient eprouvés assés de foies et n'avoit mie granment que li Sarrasins ne tenoient mie trives aus crestiens si bien com il deussent, ains y mesprenoient assés de fois. Et que se il se combatoient avecques les Sarrasins encontre les Tartarins et les Tartarins estoient vaincu, et li crestiens qui ne seroient mie mors en bataille seroient tous las et euls et leur chevaus.

le pays, de près et de loin, qu'ils n'eussent toutes conquises ou détruites, ou qui ne se fussent soumises à eux par tributs et par grandes levées, par grands tributs d'or et d'argent, et d'hommes et de femmes et autres servitudes, telles qu'il eût presque mieux valu que tous fussent morts; enfin, dans toute la terre des chrétiens, il s'en falloit presque rien que tout ne fût soumis à eux. Ce peu de chrétiens qui restoient se consultèrent ensemble et dirent que s'il plaisoit à Dieu, ils ne seroient pas sujets d'eux. Les Tartares avoient conquis presque toute la terre, et elle étoit toute perdue, sinon aucuns forts châteaux, car les Tartares étoient déjà devant eux. Les chrétiens décidèrent qu'ils garniroient les plus forts châteaux, et que les Templiers garniroient sept des plus forts qu'ils eussent, et les Hospitaliers deux et les Hospitaliers allemands un; et la cité d'Acre et la cité d'Arsur furent garnies en commun. Bien leur sembloit que toute la terre ne se pourroit pas défendre. Ces châteaux qui furent garnis, les grevèrent fort, car ils ne pouvoient trouver de soldats qui y entrassent s'ils n'avoient solde à leur volonté ; ils ne voyoient pas comment ils pourroient échapper à la grande multitude de Tartares qui approchoit.

Comment les Sarrasins déconfirent malement les Tartares, et comment les Tartares s'enfuirent.

Le soudan de Babylone et d'Egypte et de Damas fut tout effrayé, et les Sarrasins le furent aussi de ces nouvelles. Le soudan appela tous ses gens aux armes, et laissa sa terre à garder à un émir qu'il croyoit devoir être loyal envers lui; mais à la fin, il lui fut moult déloyal. Le soudan se mit en marche et passa les déserts qui sont entre l'Egypte et la Syrie, et s'en vint vers Damas. Les autres Sarrasins qui étoient à l'entour s'assemblèrent avec lui, et disoit-on qu'ils étoient cinq soudans. Ils se consultèrent et mandèrent aux chrétiens qu'ils combatissent avec eux à l'encontre des Sarrasins. Les chrétiens se consultèrent, et de plus s'accordèrent à combattre avec les Sarrasins; et le maître de l'Hôpital, le maître teutonique dirent que ce ne seroit pas bon, car ils les avoient éprouvés assez de fois, et les Sarrasins n'avoient pas tenu trève avec les chrétiens, aussi bien comme ils le devoient; et au contraire, les avoient trompés assez de fois; que si les chrétiens combattoient avec les Sarrasins contre les Tartares, et que les Tartares fussent vaincus, les chrétiens qui ne seroient pas morts dans la bataille seroient tous harassés, et eux et leurs

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