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lerent de trives que li Soudans avoit faites au Roy et que il leur délivrast la cité de Damiete isuelement.

Comment les trives meismes du Roy furent refaites à cent et vingt-quatre amiraus.

Quant il orent assés parlé de ces choses au Roy et li Roys aves et il orent moult de fois juré et affermé par grans paroles et par grans conjuremens que il tinroient au Roy teles trives et teles couvenances que li Soudans avoit fait à lui, en la fin li Roys et li crestiens qui avec lui estoient s'accorderent en tel fourme : tout li Amiraus qui estoient en l'ost des Sarrasins c'est à savoir cent vingt-quatre jurerent sur la loi Mahommet que il tiendroient au Roy et à la crestienté les trives et toutes les couvenances teles que nous les avons devant devisées. Autel sairement leur fist li Roys comme il avoit fait au Soudans. En cette trive derniere furent nommé li jor certain que Damiete seroit rendue aus Amiraus et tout li chaitif seroient délivré d'une part et d'autre. Au jour qui fu nommé, rendi li Roys aus Amiraus Damiete. Quant ce fu fait, li Amiraus delivrerent le Roy de la prison et ses deux freres, le conte de Poitiers et le conte d'Angiers avecques ceuls furent délivré li Quens de Flandre, Pierres Mauclers qui avoit esté quens de Bretaigne, le conte de Soissons et autres barons, et autres chevaliers

semblant de lui mal faire. Ils le requirent au contraire et lui parlèrent de la trève que le soudan avoit faite avec lui, et demandèrent qu'il leur livråt incontinent la cité de Damiette.

de

du royaume de France, de Jherusalem, l'isle de Chypre et d'autre pays. Quant ces choses furent ainsi faites, li Roys et li autres crestien qui y estoient, cuidoient certainement

que li Amiraus gardissent fermement et loiau

ment leur sairement des trives et des couvenances que il avoient eues au Roy. Li Roys lessa bons messages et prudhome avec les Amiraus pour les prisonniers recevoir. Li Roys fist issir de Damiete la Royne sa femme, la contesse de Poitiers, la contesse d'Angiers, sereur la Royne; la contesse de Poitiers, le duc de Bourgoigne et tous les autres chevaliers, hommes et femmes qui issir s'en vendrent à toutes leur choses. Mais moult petit y avoit de vaissiaus, par quoi il convint moult grant piece demourer et de gens et de harnois, le Roy et les autres. Quant ces choses furent ainsi faites, li Roys entra en sa nef, et tout li autres qui vaissiaus porrent avoir, il se departirent du port de Damiete et se mistrent en mer et s'en alèrent droit à Acre. Tout cil de la cité alerent encontre le Roy à grant procession. Li clerc estoient revestu sollempnelement et portoient philates, crois, yaue beneoite, encensiers et autres choses qui apartenoient à sainte Eglise. Li chevaliers, li bourgois, li serjant, les dames, les puceles et toutes les autres gens qui estoient plus belement vestu et atiré que il pooient. Toutes les cloches de la vile

comte d'Anjou; avec eux furent délivrés le comte de Flandres, Pierre Mauclerc qui avoit été comte de Bretagne, le comte de Soissons et autres barons, et autres chevaliers du royaume de France, de Jérusalem, de l'ile de Chypre et d'autres pays. Comment ces mêmes trèves du roi furent refaites Quand ces choses furent faites, le roi et les au

avec cent vingt-quatre émirs.

Quand ils eurent assez parlé avec le roi de ces choses et le roi avec eux, et qu'ils eurent plusieurs fois juré et affirmé, par grands mots et grands serments, qu'ils tiendroient au roi, les trèves et les conventions que le soudan avoit faites avec lui, le roi et les chrétiens qui étoient là s'accordèrent en cette forme: tous les émirs qui étoient dans l'armée des Sarrasins, c'est à savoir cent vingt-quatre, jurèrent sur la loi de Mahomet qu'ils tiendroient au roi et à la chrétienté les trèves et toutes les conventions telles que nous les avons déduites. Pareil serment leur fit le roi, comme il avoit fait au soudan. Dans cette dernière trève fut fixé le jour que Damiette seroit rendue aux émirs, et que tous les captifs seroient délivrés de part et d'autre; et au jour qui fut nommé le roi rendit Damiette aux émirs. Quand cela fut fait, les émirs délivrèrent de prison le roi et ses deux frères, le comte de Poitiers et le C. D. M., T. I.

tres chrétiens qui y étoient, croyoient certainement que les émirs garderoient fermement et loyalement leur serment, concernant les trèves et les conventions qu'ils avoient faites avec le roi. Le roi laissa bons procureurs et prud'hommes avec les émirs pour recevoir les prisonniers. Il fit sortir de Damiette la reine sa femme, la comtesse de Poitiers, la comtesse d'Anjou, sœur de la reine, le duc de Bourgogne et tous les autres chevaliers', et les hommes et femmes qui s'en voulurent sortir avec tous leurs effets. Mais il y avoit peu de vaisseaux; c'est pourquoi il fut convenu que que moult de gens et harnois du roi et des autres resteroient plus long-temps. Quand ces choses furent ainsi faites, le roi entra dans sa nef, et tous les autres qui purent avoir des vaisseaux partirent du port de Damiette, et se mirent en mer et s'en allèrent droit à Acre. Tous ceux de cette cité allèrent au-devant du roi, en grande procession; le clergé étoit solennellement vêtu,

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sonnoient et avoient ja sonné toute jour de si loing que il porrent percevoir de premiers en la mer, mout honnourablement alerent encontre lui jusques au port où il arriva; tout droit l'emmenerent lui et les autres en la maistre Eglise | de la cité. Assés y ot larmes plourées de joies de ce que li Roys et cil qui là estoient furent delivré, et de pitié de sa grant mescheance qui estoit avenue à la crestienté; après ce, il emmenerent le Roy à son hostel; tout li grant homme de la cité li firent grans presens et precieus selon ce que chascun avoit pooir.

Comment li Amiraus briserent les trives malement.

Quant li Roys fu venu à Acre, il renvoia en Egypte grant messages et sollempereus et assés vaissiaux pour les chaitis et les autres qui là estoient demouré, et pour les malades, et pour les harnois et les autres choses qui estoient demourés à Damiete. Quant li messages le Roys vindrent à Damiete, li Amiraus s'en estoient ja partis. Il les suirent et les trouverent en Babiloine; il leur requistrent que il leur feissent delivrer les chaitis et les autres choses qui estoient, le Roy et les autres crestiens selonc la fourme de la trive que il avoient jurée. Li Amiraus les missent en bonne esperance du

delivrer, et les firent sejourner une grant piece en Babiloine. Toute jour semonnoient li serjant, le Roy, les Amiraus, mout viguereusement que il delivraissent les chaitis et les autres choses, et gardissent leur sairement qu'il avoient fais. Quant les Amiraus les orent fait atendre longuement, il ne leur delivrent de tous les chaitis que il tenoient en prison que seulement quatre cens. Cil estoient gens qui aidier ne se povoient; viel homme et malade et foible estoient; de ceulz meismes y ot assés qui furent mis hors des prison par raençon. De ces quatre cens en y ot assés mort dedans court terme. Douleureusement et desloiaument brisierent li desloial Amiraus ces trives que il avoient jurées à tenir au Roy et à la crestienté. Il ne rendirent que quatre cens prisons dont il y avoit bien douze mille. Il detindrent toutes les choses le Roys et des autres crestiens qui demourerent à Damiete. Après ce que li Roys s'en fu partis, il firent cherchier les prisons où li chaitis estoient et prisent des plus esleus bachelers fors et delivrés que il y trouverent et leur metoient les espées toutes nues sus les testes et leur faisoient par diverses painnes et angoisses renoier la foi crestienne, et leur faisoient reclamer, et crier, et croire en la loi Mahommet. Assés y en ot de

quirent qu'ils leur fissent délivrer les captifs et les autres choses qui appartenoient au roi et aux autres chrétiens, selon la teneur de la trève qu'ils avoient jurée. Les émirs les mirent en bon es

et portoit reliques, croix, eau bénite, encensoirs, et autres choses qui appartenoient à sainte église. Venoient ensuite les chevaliers, les bourgeois, les sergents, les dames, les demoiselles, et toutes les autres personnes qui étoient le plus bel-poir de cette délivrance et les firent séjourner un lement vêtues et parées qu'elles pouvoient. Toutes les cloches de la ville sonnoient, et avoient déjà sonné tout le jour dès le moment qu'on avoit aperçu le roi en mer. Ils allèrent moult honorablement audevant de lui jusqu'au port où il arriva. On l'emmena tout droit, lui et les autres, à l'église principale de la cité. Assez y eut de larmes de joie versées parce que le roi et ceux qui étaient là avoient été délivrés, et de larmes de pitié plourées pour les grands malheurs qui avoient frappé la chrétienté. Après cela, on conduisit le roi à son hôtel, et tous les grands personnages de la cité lui firent grands présents et précieux, chacun selon qu'il en avoit pouvoir.

Comment les émirs rompirent mauvaisement les trèves.

Quand le roi fut venu à Acre, il renvoya en Egypte grands et solennels messages et assez de vaisseaux pour les captifs et les autres qui y étoient restés, et pour les malades et les harnois et les autres choses qui étoient demeurés à Damiette. Quand les messagers du roi arrivèrent à Damiette. les émirs en étoient déjà partis; ils les suivirent et les trouvèrent à Babylone; ils les re

grand temps à Babylone. Tous les jours, les messagers du roi sommoient moult vivement les émirs de délivrer les captifs et les autres choses, et de garder le serment qu'ils avoient fait. Quand les émirs les eurent fait attendre longuement, ils ne leur délivrèrent de tous les captifs qu'ils tenoient en prison, que quatre cents seulement. Ceux-là étoient gens qui ne se pouvoient aider, vieux et malades et faibles; y en eut même assez d'eux qui furent mis hors de prison par rançon. De ces quatre cents, y en eut assez qui moururent dans un court terme. Les émirs déloyaux rompirent douloureusement et déloyalement les trèves qu'ils avoient jurées de tenir au roi et à la chrétienté; ils ne rendirent que quatre cents prisonniers de douze mille qu'il y avoit bien. Ils retinrent toutes les choses du roi et des autres chrétiens qui restoient à Damiette. Après que le roi fut parti de cette ville, ils avoient fait chercher dans les prisons où étoient les captifs, et en avoient tiré les jeunes gens les plus forts qu'ils avoient trouvés ; ils leur mettoient les épées toutes nues sur la tête, et par diverses peines et angoisses, leur faisoient renier la foi

ceus qui furent très fors champion de Nostre Seigneur Jhesu-Crist et fermement enraciné en la foi crestienne. Ceuls faisoient ils finer en cest siecle leur vies par glorieus martire. Ceuls qui estoient demouré à Damiete, qui ne s'en pooient mie estre alé avec le Roy par defaute de navie et les autres qui estoient demouré en la cité par maladie et remuer ne se povoient, il les occirent trestous et firent morir cruelement en divers manieres de tourmens. Aucunes gens disent que il prenoient les barrots (tombereaux, toneeaux), des ques y avoit assés en la cité et envelopoient les crestiens dedens et loient fort de boins loiens et y boutoient le feu, en tele maniere les ardoient cruelement; encore disoit on autre chose que li Sarrasins avoient pris les barrots de la terre et les avoient traisnés en un lieu hors de la vile, et les cors des crestiens que il avoient occis et les autres qui encore vivoient, avoient traisné avec et geté tout ensemble, puis y avoient bouté le feu et ares tout en cendre. Lors prendoient li desloyal les crois et les crucefis que il avoient trouvé dedens la cité de Damiete et les loioient à cordes, puis les traisnoient par grans siflois, et par grans risées, et par grans acharnissemens (railleries), puis les batoient, après les detrenchoient et fouloient

chrétienne et leur faisoient confesser, publier et croire la loi de Mahomet. Y en eut assez d'eux qui furent très-forts champions de notre Seigneur Jésus-Christ, et fermement enracinés dans la foi chrétienne. A ceux-là, faisoient-ils terminer leur vie, en ce siècle, par glorieux martyre; ceux qui étoient restés à Damiette, parce qu'ils n'avoient pu s'en aller avec le roi, faute de vaisseaux, et les autres qui étoient demeurés dans la cité par maladie et parce qu'ils ne pouvoient remuer, ils les occirent tous et les firent mourir cruellement par divers genres de tourments. Aucuns disent qu'ils prenoient les tonneaux dont y avoit assez dans la cité, qu'ils y enveloppoient dedans les chrétiens qu'ils lioient avec de forts liens, et y mettoient le feu; de cette manière, ils les brûloient cruellement. Encore disoit-on que les Sarrasins avoient pris les tonneaux du pays et les avoient traînés en un lieu hors de la ville, avec les corps des chrétiens qu'ils avoient occis; et les chrétiens qui avoient survécu, les Sarrasins les avoient traînés avec eux; ils avoient jeté pêle mêle les morts et les vivants, puis y avoient mis le feu et brûlé tout en cendres. Lors, les déloyaux prenoient les croix et les crucifix qu'ils avoient trouvés dedans la cité de Damiette, et les lioient avec des cordes, puis les traînoient avec grandes huées, grandes risées et grandes railleries, puis les battoient, après les

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Quant li messages le Roy sorent comment ces choses aloient cruelement et desloiaument, il prisent toutes voies ces quatre cents que on leur avoit baillés, assés parlerent des autres choses, mais riens ne leur valut. Quant il virent ce il entrerent en leur nes à tous les prisons et sen retournerent au Roy à Acre. Bien disent au Roy et as crestien qui là estoient ces choses, ainsi que eles estoient avenues, et nous les avons devant contées. Li Roys et tout li autres en furent ebahi si que il nen savoient que dire. En ce point que li messages le Roy revinrent d'Egypte, qui ces nouvelles apporterent faisoit li Roys appareillier et garnir sa navie, car il sen beoit à revenir en France au passage d'aoust qui estoit assés près; mais quant il oirent que li amiraus avoient ses trives que il avoient jurées et creanties seur la loi Mahommet, enfraintes et brisies si cruelement et si dolereusement, il ne se volt mie partir

tranchoient et fouloient vilement et vilainement à leurs pieds. Plusieurs dirent et affirmèrent avec certitude que si le roi et ceux qui alors s'en étoient allés avec lui, fussent encore un trèspetit demeurés, ils ne se fussent si tôt mis sur le fleuve et en mer, que nul n'en fût jamais échappé, et que tous eussent été passés au fil de l'épée, occis et coupés avec les autres. Quand les messagers du roi surent comment ces choses se passoient cruellement et déloyalement, ils prirent toutefois ces quatre cents prisonniers qu'on leur avoit baillés et parlèrent assez des autres choses; mais rien ne leur valut. Voyant cela, ils entrèrent sur leurs nefs avec tous les prisonniers, et s'en retournèrent au roi, à Acre. Bien lui dirent ainsi qu'aux chrétiens qui étoient là, ces choses telles qu'elles étoient advenues, et que nous les avons devant racontées. Le roi et tous les autres en furent tellement ébahis, qu'ils ne savoient qu'en dire. Pendant que les messagers du roi revenoient d'Egypte, qui ces nouvelles apportèrent, le roi faisoit appareiller et garnir sa flotte, car il aspiroit à retourner en France, au passage du mois d'août qui étoit assez prochain. Mais quand il eut appris que les émirs avoient enfreint et rompu si cruellement et si douloureusement les trèves qu'ils avoient jurées et garanties sur la loi de Mahomet, il ne voulut pas partir d'Acre sans grand conseil; il manda un jour devant lui

d'Acre sans grant conseil. Il manda à un jour | tous les barons de France qui là estoient et les grans hommes du pays par devant lui, il leur demanda conseil sur ces choses qui avenues estoient. Presque tous s'accorderent à une choses. Il respondirent au Roy que puisque li amiraus avoient les trives brisies, que se il sen revenoit en France, que ce ne seroit autre chose fors tant que il abandonneroient la terre et le pays et les crestiens qui là estoient en la main et en la volenté des Sarrasins les chaitis qui encore estoient en prison seroit lesperance toute perdue de leur délivrance. Toute la terre ce disoient seroit perdue, et tout cil qui en prison estoient, et tout li autre se il sen aloit en tel point. Tout li grans hommes et presque tout li meilleur estoient mort en la terre d'Egypte, par quoi li crestiens estoient en estat si foible, si piteus et si dolereux que cil qui demouré estoient navoient pouvoir de la terre tenir ne deffendre, ains couvendroit que cil qui demouroient fussent tout ou mort ou pris et la terre perdue. Encore disoient-il que se li Roys demouroit li chetis porroient encore bien estre delivrés, et les cités, et les chastiaux, et les viles retenues, et li crestiens sauvé, et assés de bien porroient venir à la crestienté. Li autres disoient, mais petit en y avoit que il ne seroit

tous les barons de France qui étoient là et les grands du pays, et leur demanda conseil sur les choses qui étoient advenues. Presque tous s'accordèrent sur un point. Ils répondirent au roi, que puisque les émirs avoient rompu les trèves, s'il retournoit en France, ce ne seroit faire autre chose que d'abandonner la terre et le pays et les chrétiens qui étoient sous la main et à la disposition des Sarrasins; que l'espérance de délivrer les captifs qui étoient en prison, seroit toute perdue; toute la terre, disoient-ils, seroit perdue, et tous ceux qui étoient en prison et tous les autres, s'il s'en alloit dans cette circonstance. Tous les grands et presque tous les meilleurs étoient morts dans la terre d'Egypte; de là, venoit que les chrétiens étoient dans un état si faible, si piteux et si douloureux,que ceux qui y étoient restés, n'avoient pouvoir de garder ni de défendre le pays. Il arriveroit ainsi que ceux qui demeureroient, seroient ou tous morts ou tous pris et la terre perdue. Encore disoient-ils que si le roi restoit, les captifs pourroient encore bien être délivrés, et les cités et les châteaux et les villes pourroient être retenus et les chrétiens sauvés, et assez de bien pourroit ainsi en advenir à la chrétienté; les autres, mais en petit nombre y en avoit, disoient qu'il ne seroit pas bon que le roi restât davantage dans la terre d'outre-mer, car il demeureroit en grand péril d'être perdu, et que s'il sui

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mie bon que li Roys demourast plus en la terre d'outremer, car il demouroit en grant peril d'estre perdus, ne par leur conseil ni demouroit-il plus. Li Roys entendit bien que se il lessoit la terre doutremer en tel estat que il seroit avisé de toute la terre perdre. Il respondi que il ne sairoit pas la Sainte Terre en tel point, ains demouroit et viveroit et morroit avecques ceuls qui demouroient. Encore disoit-il que il ne voudroit mie vivre en cest siecle puisqu'il fut accoisons de la perdition de la terre. En nule maniere se disoit-il ne lesseroit-il la Sainte Terre en tel peril. Assés y ot de pitié, de larmes plorées quant il virent ainsi le Roy parler. Li Roys en renvoia ses deux freres en France par euls et par ses letres scelées de son seau nouvel où les aventures estoient escriptes bonnes et mauvaises, manda à tous ceuls de France, haus et bas, poures et riches et reguise et ammoneste que il secourussent. A lui et à la Sainte Terre grant volenté avoit de faire sa besoingne Dieu pour cui il estoit croisiés et avoit laissé la terre et le royaume de France, dont il estoit sires, et en estoit alé en estrange pays et en estranges terres. Ainsi demoura li Roys Loys en la terre d'outremer, et si freres et li autres barons s'en revindrent. Ceste dolereuse mescheance avint à la crestienté, et ainsi reperdirent

voit leur conseil, il ne resteroit pas. Le roi comprit bien que s'il laissoit la terre d'outre-mer en cet état, il apprendroit bientôt qu'elle seroit toute perdue. Il répondit qu'il ne laisseroit point la terre sainte comme elle étoit, mais qu'il demeureroit et vivroit et mourroit avec ceux qui restoient; encore disoit-il qu'il ne vouloit pas vivre en ce siècle, puisqu'il étoit la cause de la perdition de la Terre-Sainte; en nulle manière, disoit-il, il ne la laisseroit en tel péril. Assez y eut de larmes de pitié versées, quand on ouït ainsi parler le roi. Le roi envoya ses deux frères en France, et les chargea de lettres scellées de son sceau nouvel, où étoient écrites les aventures bonnes et mauvaises; il manda à tous ceux de France, hauts et bas, pauvres et riches, et les requit et admonesta de le secourir, lui et la sainte Terre. Il avoit grande volonté de faire la besogne de Dieu pour qui il s'étoit croisé, et avoit laissé la terre et le royaume de France dont il étoit seigneur, et s'en étoit allé en pays étranger et en terre étrangère. Ainsi demeura le roi Louis dans la terre d'outre-mer, et ses frères et les autres barons s'en revinrent. Ces douloureux événements advinrent à la chrétienté, et ainsi les chrétiens reperdirent la seconde fois, la noble et très-forte cité de Damiette, l'an de l'incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ, 1251, au mois de mai, Innocent IV étant apôtre de

li crestiens la seconde fois la noble cité et la très fort de Damiete. Adonques estoit li ans de l'Incarnation Nostre Seigneur Jhesu-Crist 1251, le mois de mai; Apostoles de Romme Innocent li quens, roys de France Loys, roys d'Angleterre Henris, roy d'Alemaigne couronne cresleus pour estre empereur de Romme, Guillaumes li quens de Hollande, archevesque de Rains, Joel qui avoit esté archevesque de Tours. Des mescheances qui avindrent à la crestienté cel an meismes et diverses choses qui avindrent à la terre d'outremer.

En dementres que li Roys sejournoit à Acre, vinrent messages à lui qui li disent que li turquemant mahommerois avoient en moult pou de temps destruit par deux fois la terre d'Antioche, et qui estoit hors des forteresses. Autres messages revindrent d'Ermenie qui disent au Roi que li mescreant mahommerois avoient gasté la terre et pris ce frere le Roy d'Ermenie et mené en prison. Li autres disent que li crestiens de Triple estoient alé en fuerre (troupe) sur les Sarrasins, et que il avoient esté desconfit et que il avoit assés perdu des crestiens de leur armes et de leur chevaus. Li autres disent au Roi que li messagier que il avoit envoié as Tartarins estoient revenu et les avoit ou detenus dedens la cité de Halape. Le Viels de la Montaigne, sires des Harsarsins, envoya les messages au Roi. Mais nous ne savons pourquoi ce fu. Li grans princes

Rome; Louis, roi de France; Henri, roi d'Angleterre; Guillaume, comte de Hollande, roi d'Allemagne, couronné et élu pour être empereur de Rome; Joël, archevêque de Reims, lequel avoit été archevêque de Tours.

Des malheurs qui advinrent à la chrétienté en celle même année, et de diverses choses qui advinrent à la terre d'outre-mer.

Pendant que le roi séjournoit à Acre, il lui vint des messagers qui lui dirent que les Turcomans mahométans avoient en très-peu de temps détruit par deux fois la terre d'Antioche et le pays qui étoit hors des forteresses. D'autres messagers d'Arménie revinrent et dirent au roi que les mécréants mahométans avoient ravagé le pays et pris le frère du roi et l'avoient emmené en prison; d'autres dirent que les chrétiens de Tripoli étoient allés en troupes sur les Sarrasins, et qu'ils avoient été déconfits, et qu'ils avoient assez perdu des chrétiens de leur armée et de chevaux; d'autres dirent au roi que les messagers qu'il avoit envoyés aux Tartares étoient revenus, et qu'on les avoit retenus dans la cité d'Alep. Le Vieux de la Montagne, seigueur des assassins, envoya des messagers au roi, mais

des Grifons Vatages envoya ses messages au Roi, mais nous ne savons pourquoi ce fu. Mais li Roys renvoya ses messages à celui Vatage et au Viel de la Montaigne, avecques leur messages meismes. Li autre messagier qui estoient grant homme sollempnel vindrent en Acre par deux fois de par Fedrie qui avoit été empereres. Fedrie voloit mettre ses baillius et ses serjans dedans la cité d'Acre et par le pays de la crestienté de Jerusalem. Li autre vindrent et distrent au Roy que li Roys de Chypre avoit épousé la fille le prince d'Antioche, de ce fu li Roys moult lies. Li messagier les amiraus d'Egypte vindrent au Roy. Par euls mandoient li amiraut au Roy que les trives que il avoient faites et prises fussent tenues. Li Roys respondi que il avoient les trives brisiés en tel maniere que nous avons devant dit. Tant coururent les paroles que li Roys envoya ses messages en Egypte as amiraus avec leur messages meismes. Mais nous ne savons mie encore que il firent. Li autre vindrent et distrent au Roy que Fedrie qui avoit esté empereres estoit mort. Li autre vindrent qui dirent au Roy que grant discorde et grant guerre estoit esmue entre les Sarrasins. En tel maniere li Soudan de Halape sot que cil d'Egypte avoit occis le Soudan leur Seigneur. Tantost avoit semons ses os à pié et à cheval. Il avoit mandé tous ses amis que il li aidaissent. Il sen estoit venu à tous si grant gens et avoit pris Damas et presque toutes les cités, tous les

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nous ne savons pas pourquoi ce fut Le grand prince des grecs, Vatace, envoya ses messagers au roi, mais nous ne savons pas pourquoi ce fut. Le roi renvoya ses messagers au prince Vatace et au Vieux de la Montagne, avec leurs messagers mêmes; d'autres messagers qui étoient grands personnages, vinrent à Acre par deux fois, de la part de Frédéric qui avoit été empereur. Frédéric vouloit mettre ses baillis et ses sergents dans la cité d'Acre et par le pays de la chrétienté de Jérusalem; d'autres messagers vinrent, et dirent au roi que le roi de Chypre avoit épousé la fille du prince d'Antioche; le roi en fut moult content. Des messagers des émirs d'Egypte vinrent au roi; les émirs lui demandèrent qu'il tînt la trève qu'ils avoient faite et jurée. Le roi répondit qu'ils avoient rompu la trève, comme nous l'avons devant dit. Tant y eut de pourparlers, que le roi envoya ses messagers en Egypte, aux émirs, avec leurs messagers mêmes; mais nous ne savons pas encore ce qu'ils firent ; d'autres vinrent au roi, et dirent que Frédéric, qui avoit été empereur, étoit mort; d'autres vinrent qui dirent au roi que grande discorde et grande guerre s'étoient élevées entre les Sarrasins. Le

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