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»> notre armée et qu'il eut trouvé son frère mort, >> il conçut le projet, comme je crois, d'obtenir >> par la force ce qu'il n'avoit pu encore gagner » par la voie de la négociation. Bientôt après, le roi de Tunis lui envoya faire des propositions - » de paix qui ont été long-temps ignorées de l'ar» mée. Enfin, après bien des pourparlers, le jeudi » d'avant la Toussaint, nos rois et barons et les envoyés du roi de Tunis sont unanimement con» venus des conditions de la paix, laquelle a été » confirmée comme vous le verrez :

» Le samedi d'avant la Toussaint, Geoffroy de »Beaumont et autres furent envoyés au roi de » Tunis, qui jura devant eux qu'il permettroit aux chrétiens d'habiter dans les bonnes villes de →son royaume et d'y posséder librement et paisiblement des propriétés et autres biens quelconques sans exaction ou servitude, à la réserve > d'un cens qu'ils paieroient au roi pour leurs possessions, comme le font les chrétiens libres. Il sera permis aussi aux chrétiens de ces villes de construire des églises et d'y prêcher publiquement. Ledit roi de Tunis a promis en outre 20 de donner au roi de France et à ses barons, 1 pour les frais de son expédition, deux cent dix mille onces d'or, chaque once valant cinquante sous tournois. Il a déjà payé la moitié de cette somme; il a promis de payer l'autre moitié dans deux ans, à la fète de tous les Saints. De plus plus il s'est engagé à payer au roi de Sicile un tribut pendant quinze ans, savoir: Vingt-quatre onces d'or tous les ans au lieu de douze onces qu'il devoit auparavant ; ce tribut doit commencer à la Toussaint prochaine. Le roi a déjà payé cinq ans d'arrérages, c'est-à-dire soixante onces. D'après ce traité, le roi de Tunis rendu tous les chrétiens qu'il tenoit prisonniers, et nos chrétiens ont rendu tous les Sarrasins qu'ils avoient.

» La paix ainsi faite, nos rois ont ramené leurs gens sur les vaisseaux le mardi après la SaintMartin d'hiver. Le roi de Sicile est resté pour attendre les pauvres et les traîneurs. On a décidé que tous aborderoient aux ports de Trapani et de Palerme. Je ne sais pas bien ce qui sera résolu quand on y sera arrivé. Mais il y en a qui pensent que quelques-uns de l'armée iront dans la Terre-Sainte Tels peut-être que le comte de Poitiers et le seigneur Pierre Chambellan › avec plusieurs troupes soldées, et que d'autres > iront en Grèce contre Paléologue; on compte dans le nombre le roi de Sicile et plusieurs ba›rons accompagnés aussi d'une troupe soldée. Quant au roi de France, il se rendra directe⚫ment dans son royaume. Cependant quelques» uns disent qu'il ira à Rome et qu'il aura toujours avec lui ou près de lui le corps de son « père. Mais je ne sais rien de positif sur tout >> cela. Lorsque j'en serai mieux informé, je vous » l'écrirai. Portez-vous bien et long-temps dans le » Seigneur. Comme je n'ai pas le temps d'écrire » à tous mes supérieurs parce que j'écris le jour

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» même où presque tous les chrétiens quittent le >> pays des Sarrasins, je vous prie d'informer le >> prieur d'Argenteuil et le trésorier de saint >> Frambour de ce que vous jugerez digne de » leur communiquer de ma lettre.

>> Fait au port de Tunis, le mardi de la Saint>>> Martin. >>

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Quatrième lettre. <<< Vous savez sans doute >> par nos chefs en quel état se trouvent le roi et >> toute l'armée chrétienne. Cependant pour que >> vous ne m'accusiez ni d'oubli ni de négligence, » je crois devoir vous écrire le peu que j'ai appris >> par les bruits populaires. Vous saurez d'abord » que le roi et son frère, le seigneur Pierre, jouis>> sent d'une parfaite santé. La mienne est aussi >> bonne, et c'est toujours un nouveau plaisir pour » moi d'apprendre que la vôtre est pareille. Vous » avez su, je pense, par plus d'une voie, que la >> paix a été conclue entre nos rois et barons et le >> roi de Tunis. Vous l'avez su du moins par l'abbé de » Saint-Denis, à qui j'en ai écrit à la hâte la forme >> et les conditions le jour même où je la connus. >> L'embarras des affaires qui m'occupoient au » moment où je remontois sur les vaisseaux, m'em>> pêcha de vous en faire part. Je ne vous en dirai >> rien aujourd'hui, mais je vous informerai de ce » qui est arrivé depuis, quoique je ne doute point » que vous ne le sachiez déjà.

>> Le mardi de l'octave de Saint-Martin d'hiver, » vers la neuvième heure, notre roi et les autres ba» rons s'éloignèrent du port de Carthage. Un grand >> nombre de personnes de toute condition restèrent >> toute la nuit à terre, sous la garde du connétable, » du maréchal de France et du chambellan. Le len>> demain mercredi, tous, depuis le plus grand jus>> qu'au plus petit, montèrent à bord avec leurs ba>> gages. Le roi de Tunis se conduisit assez bien et » avec fidélité envers les chrétiens; car il avoit en« voyé une troupe de chrétiens et de Sarrasins ar» més pour protéger le départ de l'armée, et les >> croisés n'eurent rien à en souffrir. Le jeudi matin, >> notre roi fit mettre à la voile, et tout le monde par» tit. Le vendredi, une partie de la flotte, secondée >> par un vent favorable, entra heureusement dans le >> port de Drapano. Le roi de Sicile y arriva sur une » galère, vers le milieu de la nuit. Notre roi et la >> reine, portés sur une autre galère, n'y vinrent que » le samedi. Vers la neuvième heure, tous les au» tres les y suivirent le même jour. Mais Dieu qui >> avoit accordé une navigation heureuse aux siens, » permit que, dans la nuit du samedi, la mer füt >> troublée par un vent si violent que, le dimanche >> matin, on put à peine monter de terre sur les vais>> seaux, ou descendre des vaisseaux à terre. La >> tempête fut si grande tout le jour, que ceux qui >> restoient à bord ne purent débarquer d'aucune » manière. Que vous dirai-je ? La violence du vent >> fut telle toute la nuit du dimanche, tout le lundi >> et la nuit qui le suivit, que des marins assurèrent » n'avoir jamais vu sur mer une pareille tempête. » Les màts étoient brisés, les ancres étoient rom>> pues, les vaisseaux, même les plus grands, fu

>> rent engloutis dans la mer comme une pierre. Ce >> n'est pas seulement la perte des effets qu'on doit >> regretter, c'est encore celle des personnes de >> toute condition, de tout âge et des deux sexes, » que les témoins de ce désastre évaluent au nom»bre de quatre mille. Plusieurs de ceux qui ont » survécu à ce malheur sont morts ensuite de dou>> leur et d'angoisse; on en porte le nombre à mille. L'évêque de Langres s'échappa de son vaisseau » avec un seul écuyer, et descendit sur sa petite barge, le corps ceint de sa tunique et préparé à >>nager ou résigné au naufrage, si c'étoit la volonté >> de Dieu. On assure qu'il périt sur son vaisseau » près de mille personnes; ce qui est assez vrai>> semblable; car le vaisseau étoit grand, et il en >> étoit sorti très-peu de monde. Dans cette tem» pête, on a perdu 18 vaisseaux, grands, forts et >> neufs, avec tout leur équipage et leur charge, >> sans compter de moindres vaisseaux dont je ne >> parle point.

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>> La tempête ayant cessé le mardi, jour de Sainte>> Catherine, nos rois et barons tinrent conseil, tant >> sur ce qui étoit passé que sur ce qui pouvoit >> arriver et sur leurs projets futurs. Je dis leurs >>> projets futurs : car, peu après, nos rois et ba>> rons jurèrent qu'ils se réuniroient, dans trois >> ans, le jour de Sainte-Madeleine, dans un port » qui seroit désigné pour passer dans la Terre» Sainte. Chacun en fit le serment, et s'engagea >> tout autant que le roi de France n'auroit pas de >> motif de se dispenser de son vou. Le roi resta >> ensuite quinze jours à Trapani. Il en seroit » parti plutôt, sans la maladie du roi de Navarre » qui avoit été pris de la fièvre, au port de Car>> thage. Le mal augmentant, ce bon roi, qui s'é>> toit si honorablement conduit dans l'armée, mou>> rut à Trapani, le jeudi d'avant la Saint-Nicolas. >> Plusieurs des nôtres y moururent aussi, d'au>> tres y restèrent malades. Notre roi, après avoir » passé le phare de Messine, arriva à Cosance, >> ville de la Calabre, le dimanche d'après l'Épi>> phanie. La douleur et les fatigues du voyage y >> firent accoucher la reine de Navarre avant ter>> me. Son enfant passa presque aussitôt du sein » de sa mère au tombeau, la laissant dans les lar>> mes et dans l'affliction. Mais Dieu permit dans sa >> clémence que celle princesse mourût de l'excès » de ses douleurs, au milieu de la nuit du mer» credi d'avant la Chandeleur. Notre roi est fort >> affecté de cette mort, et l'on craint pour lui» même, s'il persévère long-temps dans son déses>> poir. De Cosance il doit partir pour Rome, et » de là se rendre en France, Dieu aidant; car, >> comme il meurt tant de monde de l'armée, » soit auprès, soit autour de lui, et qu'il y a tant » de malades, il n'est presque personne qui puisse » se promettre d'échapper à la contagion. Priez donc >> Dieu pour moi. J'estime que ceux qui pourront » échapper au mal et suivre le roi, arriveront en » France, s'il plait au Seigneur, vers la Pente» côte ou un peu avant. Faites part de ma lettre, si » vous le jugez convenable, au doyen d'Argenteuil.

>> Fait à Cosance en Calabre, le vendredi d'a» vant la fête de la Purification. >>

Nous devons vivemen: regretter que les lettres dans lesquelles Pierre de Condet a dû raconter les derniers moments de saint Louis ne soient pas parvenues jusqu'à nous; le Spicilège nous a conservé une lettre qui raconte, avec une touchante naïveté, la mort du saint roi ; cette lettre, d'après la suscription, aurait été écrite par l'évêque de Tunis au roi de Navarre; mais le roi de Navarre était présent, et n'avait pas besoin qu'on lui écrivit pour lui raconter ce qu'il avait vu. Quel était d'ailleurs cet évêque de Tunis ? quoi qu'il en soit, la lecture de la lettre ne permet pas de douter qu'elle n'ait été écrite par un témoin oculaire. La voici :

A Thibaud, roi de Navarre, par la grâce de Dieu, comte de Champagne et de Brie, queux palatin, l'evesque de Thunes, salut et lui tout. « Sire, j'ai reçu vostre lettre, en laquelle vous » priés que je vous fasse à savoir l'estat de la >> fin de mon chier Seigneur Loys, jadis roy de >> France. Sire, du commencement et du milieu >> savez-vous plus que nous ne fasons, mais de la >> fin vous pourrions nous témoigner la veue des >> yeulx que en toute nostre vie nous ne veismes >> ne ne sceumes si sainte ne si dévote en homme » du siècle ne de religion, et aussi avons-nous oy » témoigner à tous ceulx qui la virent. Et saichés, » Sire, que dès le dimanche à l'heure de none, >> jusqu'au lundy à l'heure de tierce, sa bouche ne » cessa, de jour ne de nuit, de loer Notre Seigneur, >> et de prier pour le peuple qu'il avoit là amené; » et là où il avoit jà perdu une partie de la parole, >> si crioit-il aucunes fois en haut: Fac nos, Do» mine, prospera mundi despicere et nulla ejus ad» versa formidare. Et moult de fois crioit-il en » haut: Esto Domine plebis tuæ sanctificator el » custos. Après heure de tierce il perdit aussi >> comme du tout la parole; mais il regardoit les >> gens débonnairement et faisoit moult de fois le » signe de la croix, et entre heure de tierce et de » midi fist aussi comme semblant de dormir, et » fust bien les yeulx clos l'espace de demi-heure » et plus. Après il ouvrit les yeulx et regarda vers » le ciel, dit ces vers: Introibo in domum tuam, » adorabo ad templum sanctum; et oncques puis il »> ne dit mot ne ne parla. Entour l'heure de none >> il trespassa. Jusques à lendemain que on le » fendit, il estoit aussi bel et aussi vermeil ce nous sembloit, comme il estoit en sa pleine » santé et sembloit à moult de gens qu'il vouloit » se rire. Après, Sire, les entrailles furent portées » à Montréal, en une église près de Salerne *, là où >> nostre Sire a jà commencé à faire moult de >> beaux miracles pour lui, si comme nous avons » entendu, par l'archidiacre de Salerne, qui man» da par sa lettre au roi de Sécile. Mais le cueur » de lui et le corps demourèrent en l'ost; car le >> peuple ne voult souffrir en nulle manière que il >> en fust portés. »

Il faut lire ici : Palexme.

On peut juger par les lettres qu'on vient de lire, combien ces sortes de pièces peuvent servir à remplir les lacunes de l'histoire. On sentira d'ailleurs combien une pareille correspondance ressemble pour la forme et le style à la plupart des mémoires de cette collection, surtout lorsqu'elles sont écrites par des témoins oculaires, par des hommes qui ont pris part aux événements, et qui nous donnent leur jugement et leur opinion sur ce qui s'est passé de leur temps et sous leurs yeux. Nous allons donner la lettre la plus importante qui ait été écrite d'Egypte à l'époque de la croisade; cette lettre, qui n'a jamais été imprimée, se trouve dans les manuscrits de Rothelin à la bibliothèque du roi, fond Berthereau, n° 9, tome II, depuis la page 49 jusqu'à la page 84 *. Cette relation de la première croisade de saint Louis, n'a été connue d'aucun des éditeurs de Joinville, pas même de Ducange et des éditeurs du Louvre; nous avons fait des recherches pour savoir quel en est l'auteur; tout ce que nous avons pu découvrir, c'est qu'elle a été écrite par Jean Pierre Sarrasins chambellan de saint Louis; lui-même se nomme dans le commencement de sa relation, mais il ne parle plus de lui dans le reste de son récit. Jean Pierre Sarrasins est mentionné dans les mémoires de Joinville; ce qu'en dit le sénéchal de Champagne ne nous apprend rien de plus que ce que nous savons. La relation du chambellan de saint Louis roule tout entière sur la prise de Damiette et la bataille de Mansourah; elle n'ajoute presque rien à ce que nous lisons

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Il y a une erreur dans les observations en forme de table des matières, placées en tête du premier cahier ou volume des Manuscrits de l'abbé Rothelin; on y dit que la Relation sur la première croisade de saint Louis, écrite par un témoin oculaire, est adressée au seigneur Nicolas Arrode Jehans Sarrasins chanbrelens le roy de France; ceci est une faute grossière; le sens de la suscription de la lettre est bien évident: c'est Jean Sarrasins, chambellan de saint Louis et son compagnon

dans Joinville sur l'ensemble général des événements; ce qui la distingue, ce sont plusieurs faits particuliers qui ne se trouvent que là, c'est une foule de traits de mœurs qui font revivre la physionomie de l'armée chrétienne dans sa plus complète vérité. La manière de Jean Pierre Sarrasins diffère de celle de Joinville; c'est à peu près la même naïveté, parce que cette naïveté tient pour ainsi dire au vieux langage même; mais l'esprit des deux narrateurs est différent; il y a dans Jean Pierre Sarrasins plus d'enthousiasme, plus de dévotion que dans Joinville; les impressions de Joinville sont celles d'un chevalier; les impressions de Jean Pierre Sarrasins sont celles d'un pèlerin plein d'un ardent enthousiasme. Le chambellan du saint roi parle des Musulmans qu'on égorge, "tout comme un chroniqueur de la première croisade; on rencontre dans sa relation de ces traits d'inhumanité naïve, comme on en rencontre dans Raymond d'Agiles ou Robert-le-Moine. Il y a un mérite réel de narration dans Jean Pierre Sarrasins; la phrase est vive, claire, précise; le récit de Jean Pierre Sarrasius n'a point l'aimable abandon du récit de Joinville; on sent que le chambellan s'occupe de faire une narration, et Joinville a fait un livre sans y pen

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CHAMBELLAN DU ROI DE FRANCE,

A NICOLAS ARRODE,

SUR LA PREMIÈRE CROISADE DE SAINT LOUIS.

roy de France.

A seigneur Nicolas Arrode, Jehans Sarrasins, | Des messages que li Tartarins envoierent au chambrelens le roy de France, salus et bonne amour. Je vous fais à savoir que li Roys et la Roine, et li quens d'Artois, et li quens d'Anjou et sa femme, et je somes haitie dedans la cité de Damiete, que Dieus par son miracle, par sa miséricorde et par sa pitié rendi à la crestienté le dimanche de la quinzaine de Pentecoste. Après ce je vous fais à savoir en quele manière ce fu. Il avint quant li Roys et li os de la crestienté furent entrés es nel à Aigue-Morte, que nous feismes voile le jour de feste de Saint Augustin, qui est en la fin d'aoust, et arrivames en l'isle de Cipre quinze jours devant la feste de Saint Remy, c'est à savoir le jour de la feste de Saint Lambert. Li quens d'Angiers descendi à la cité de Lymeçon, et li Roys et nous qui avec lui estions en sa nef que on apeloit la Monnoie, descendimes bon matin, et quens d'Artois entor tierce à ce port meismes. Nous feismes en cette isle amont pou de gent et sesjournaismes illuec jusques à l'Ascension pour atendre l'histoire qui nestoit me venue.

Au seigneur Nicolas Arrode, Jean Sarrasins chambellan du roi de France, salut et bonne amitié je vous fais à savoir que le roi et la reine, et le comte d'Artois et le comte d'Anjou et sa femme, et moi sommes heureusement arrivés dans la cité de Damiette que Dieu, par son miracle, par sa miséricorde et par sa pitié, rendit à la chrétienté le dimanche de la quinzaine de la Pentecôte. Après cela, je vous ferai à savoir de quelle manière cela se fit. Il advint que quand le roi et l'armée de la chrétienté furent embarqués à Aigues-Mortes, nous fimes voile le jour de la fête de saint Augustin qui est à la fin d'août, et nous arrivâmes dans l'île de Chypre quinze jours avant la fète de saint Remi, c'est-à-dire le jour de la fête de saint Lambert. Le comte d'Anjou descendit à la cité de Limisso, et le roi et nous qui étions avec lui sur son vaisseau appelé la Monnoie, descendimes de bon matin et le comte d'Artois vers la troisième heure, à ce même port. Nous étions peu de gens qui débarquâmes dans cette île, et nous y séjournàmes jusqu'à l'Ascension pour attendre la flotte qui n'étoit pas encore arrivée.

Il avint que au Noël devant que li uns des grans princes des Tartarins que on apeloit Elteltay et crestiens estoit envoia au roy de France en Nycoisie en Cypre ses messages. Li Roy envoia à ces messages frère Andrieu, de l'ordre de Saint Jaque, et li message qui vien ne savoient que on y deuse envoyer le connurent aussi bien et frère Andrieus eulz con nous connoistriens li uns l'autre. Li Roys fit venir ces messages devant lui et parlèrent assés en lor langages, et frère Andrieus disoit le francois au Roy que li plus grans princes des Tartarins avoit esté crestiens le jour de la Thiphaigne et grant plenté de Tartarins avecques lui meismement des plus grans seigneurs. Encore disoient-ils que Etheltay à tout son ost de Tartarins seroit en l'aide au roy de France et de la crestienté encontre le caliphe de Baudas, et encontre les Sarrasins; car il entendroit venger les grans hontes et les g. ans damages que li Choramins et li autres Sarrasins avoient faites à Notre Sei

Des ambassadeurs

que les Tartares envoyèrent au roi de France.

Il advint que dans l'Avent de Noël, un des grands princes tartares qu'on appelle Etheltay et qui est chrétien, envoya ses ambassadeurs au roi de France à Nicosie, en Chypre. Le roi envoya'à ces ambassadeurs, frère Andrieux de l'ordre de Saint-Jacques, et les ambassadeurs sans avoir été prévenus, reconnurent le frère Andrieux, et celui-ci les reconnut aussi comme nous nous reconnaîtrions les uns les autres. Le roi fit venir ces ambassadeurs devant lui, et ils parlèrent assés en leur langage, et frère Andrieux disoit en françois au roi que le plus grand prince des tartares s'étoit fait chrétien le jour de l'Epiphanie et grande quantité de Tartares avec lui, même des plus grands seigneurs. Ils disoient aussi qu'Etheltay et toute son armée de Tartares viendroient au secours du roi de France et de la chrétienté, contre le calife de Bagdad et contre les Sarrasins; car il consentiroit à venger les grandes hontes et les grands dommages que les Karismiens et les autres Sarrasins avoient faits à notre Seigneur Jésus Christ et

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