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› vant la sainte église; à la seconde, elle sera › condamnée au feu, parce qu'en elle, ce seroit » une habitude criminelle. »>

D'après les Etablissements, on livrait les hérétiques et les incrédules à l'évêque; les coupables étaient condamnés au feu; on renvoyait aussi devant l'église les usuriers, qu'on punissait par l'amende et le bannissement; on confisquait les biens du suicide et de celui qui, volontairement, était mort sans confession; on pouvait faire vendre les meubles d'un mauvais débiteur, mais la loi ne condamnait à la prison que pour les dettes envers le roi; celui qui brisait sa prison était, par cela même, regardé comme coupable du crime dont on l'accusait, et condamné comme tel; si quelqu'un avait une bête vicieuse qui tuait un homme ou une femme, il devait payer le relief* d'un homme, et s'il était assez insensé, ajoute la loi, pour dire qu'il savait que sa bête était vicieuse, il devait être pendu; si quelqu'un avait dit injure à un autre, la justice l'admettait à déclarer par serment qu'aucune injure n'était sortie de sa bouche; s'il faisait serment, il était renvoyé; s'il refusait, il payait cinq sous d'amende à la justice et cinq sous un denier au plaignant.

Il n'existait point de partie publique; l'accusation appartenait à l'offensé; celui dont on découvrait l'attentat, sans que personne se présentat pour l'accuser, n'était ni jugé ni puni; il en était de même de celui qui était arrêté au moment d'exécuter le crime **; lorsque la poursuite était entamée, on donnait à l'accusé toutes sortes de garanties; l'accusateur était averti que, si son accusation se trouvait fausse, il devait luimême encourir la peine du crime déféré à la justice; toutefois, il ne pouvait être entendu comme témoin; les enquêtes étaient communiquées à l'accusé; celui-ci pouvait avoir un conseil; la défense était illimitée; à égalité de preuves, on le renvoyait absous. Le crime était prescrit au bout de dix ans, l'injure au bout d'un an, la contravention au bout d'un mois.

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mencé, doivent être regardés comme de précieux documents historiques, et c'est pour cela que nous nous y arrêtons un moment. Lorsqu'on se reporte au temps de saint Louis, on voit au premier abord combien il était difficile d'établir une justice régulière, de fonder un ordre de choses tant soit peu raisonnable, avec la coutume des combats judiciaires; aussi, dès les premiers chapitres des établissements, cet usage barbare estil formellement supprimé. Nous déffendons les batailles, dit le roi législateur, par tout notre domaine; et à la place des batailles, nous mettons les preuves des témoins ou des chartres. Cette justice du glaive ne pouvait être facilement abandonnée par une noblesse toute belliqueuse, et la législation royale fut obligée d'autoriser le combat judiciaire en certains cas exceptionnels; mais on y mit de telles conditions, on l'environna de taut de formalités dificiles à remplir, qu'à la fin les barons y renoncèrent d'eux-mêmes.

L'usage consacré des guerres entre particuliers n'était pas un moindre obstacle à l'amélioration des lois et au triomphe de la justice; Louis IX employa tous les moyens en son pouvoir pour abolir tout-à-fait le funeste privilége qu'avaient les seigneurs féodaux, de venger leurs outrages par l'effusion du sang, et d'invoquer, pour la défense de leurs droits, toutes les fureurs de la guerre civile. Plusieurs chapitres des Etablissements, tendent évidemment à ce but; dans un chapitre du code royal, il est défendu de faire, sous aucun prétexte, invasion à main armée dans le domaine d'autrui. Dans un autre chapitre, la loi, en parlant de l'assurement ou de la trève promise en justice, déclare que celui qui, dans ce cas, se permet la moindre violence ou même une simple menace envers sa partie adverse, doit être pendu; ces dispositions sévères, jointes à la fameuse ordonnance qu'on appelait la quarantaine du roi, et qui défendait à toute personne offensée de poursuivre la réparation de ses griefs avant le délai expiré des quarante jours, devaient mettre un terme aux désordres les plus révoltants de ces ages reculés. Après avoir désarmé les passions féodales qui avaient pris la place de la justice, il restait encore au législateur une grande chose à faire: il fallait affaiblir ou détruire l'autorité de toutes ces juridictions seigneuriales qui couvraient le sol du royaume. Louis IX favorisa autant qu'il put les appels de la cour des barons à la cour du roi; ce fut comme un signal de délivrance auquel la France entière répondit; on ne tarda pas à voir s'accréditer cet axiôme de l'ancienne monarchie, que toute justice vient du roi, et dès lors notre ordre judiciaire put arriver à cet état glorieux ou les temps modernes l'ont vu. En examinant sous ce rapport les Etablissements de saint Louis, on peut dire qu'ils marquèrent véritablement le passage d'un état de barbarie à un état * Une amende de cent sols et un denier. de civilisation, et qu'ils furent pour la justice en Mignet, Mémoire couronné par l'Académie des Ins- France ce que les chartres anglaises de la même criptions et Beiles-Lettres. époque furent pour la liberté en Angleterre.

Beaucoup de savants et d'habiles légistes ont caractérisé les diverses parties de cette législation; nous renvoyons nos lecteurs à leurs judicieux commentaires ; l'obligation que nous nous sommes faite d'être courts, ne nous permet pas de parler de ce qui se trouve dans les Etablissements sur la police et l'administration.

Quelle fut l'influence qu'eurent certaines dispositions des Etablissements sur la législation et l'ordre judiciaire du royaume ? —Ce que les Etablissements nous offrent de plus curieux et de plus instructif, ce sont les lois ou règlements qui ont amené et préparé les grandes réformes dans l'administration de la justice, et j'ajouterai, dans presque tout le système social de l'Europe moderne ; ces lois ou règlements par lesquels tout a com

Quelle fut la politique de saint Louis dans les Etablissements?-Les vertus du saint roi lui donnèrent une sorte de dictature sur tout son siècle, et il n'en profita que pour faire régner les lois ; il ne put achever sa glorieuse entreprise; mais le monde social commençait à sortir du cahos, et ce fut un miracle de sa politique. Si le moyen-âge avait eu plusieurs monarques comme saint Louis, il est probable que notre civilisation serait venue deux siècles plus tôt, et la corruption qui l'a suivie, deux siècles plus tard. Louis IX croyait avoir reçu de Dieu lui-même la mission de législateur, et ses réformes furent comme des inspirations du ciel. On a souvent dit que le christianisme avait civilisé les sociétés modernes, et cette vérité est surtout facile à constater dans T'histoire du règne de saint Louis; les nobles sentiments du pieux monarque, son amour inflexible de l'équité, son respect pour la liberté et pour la vie des hommes lui furent inspirés par la religion; les institutions qu'il fonda, les réglements sur lesquels il établit la paix du royaume, tout cela lui était en quelque sorte dicté par l'envie de plaire à Dieu et d'obéir aux commandements de l'Eglise; ce que nous admirons dans ses lois comme l'œuvre d'une sagesse royale, venait d'un esprit profondément religieux; la religion bien entendue fut la véritable et seule politique de saint Louis, et cette politique, toute simple qu'elle était, a surpassé celle des rois dont l'histoire a le plus célébré l'habileté et le génie. Par un concours de circonstances heureuses pour l'avenir de la France, il arriva que cette religion, qui avait inspiré à saint Louis les meilleures lois qu'on pût faire de son temps, leur donna une sanction toute divine, et que l'église, en plaçant le roi législateur parmi les saints, recommanda au respect des générations sa législation et son exemple.

Nous ne voyons pas cependant que les Etablis sements de saint Louis aient eu force de loi sous le règne de ses successeurs; mais le principe qui les avait dictés subsista, et l'effet salutaire qu'ils produisirent, fut d'entretenir les rois et les peuples dans la pensée de corriger les abus et de perfectionner les lois; cet esprit d'ordre et de justice dont les inspirations ne furent jamais tout-à-fait perdues, devint comme une providence dans les mauvais jours; et s'il ne put prévenir les grands désordres qui vinrent dans la suite, il contribua du moins à sauver ce qui restait de la monarchie et des libertés publiques sous la branche des Valois.

Les Etablissements de saint Louis ont été d'abord publiés et commentés par Ducange, ensuite par Laurière, par l'abbé de Saint-Martin, et par beaucoup d'autres érudits.

LETTRES ÉCRITES D'ORIENT

PENDANT LES DEUX CROISADES DE SAINT LOUIS.

Parmi les documents historiques qui nous sont

restés, nous ne devons pas oublier les lettres écriles par des contemporains, surtout celles qui furent écrites pendant les deux croisades de saint Louis. On trouvera ici en entier la lettre que Louis IX, écrivit de Césarée à ses chers et fidèles prélats, barons, guerriers, citoyens, bourgeois, à tous les habitants de son royaume. Ilest probable que cette lettre fut d'abord écrite en français; mais l'original s'est perdu : on n'en a conservé qu'une version latine dont voici une traduction fidèle :

« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France, >> à ceux qui ces présentes verront, salut. >> Desirant de toute notre àme, pour l'honneur et » la gloire du nom de Dieu, poursuivre l'entre>> prise de la croisade, nous avons jugé convena»ble de vous informer tous qu'après la prise de » Damiette, que notre Seigneur Jésus-Christ, par >> sa miséricorde ineffable, avoit, comme par mi» racle, livrée au pouvoir des chrétiens, ainsi que >> vous l'avez sans doute appris, de l'avis de notre » conseil, nous partimes de cette ville le vingt » du mois de novembre dernier. Nos armées de » terre et de mer étant réunies, nous marchames >> contre celle des Sarrasins qui étoit rassemblée >> et campée dans un lieu nommé vulgairement Mas>> soure. Pendant notre marche, nous soutinmes les >> attaques des ennemis qui éprouvèrent constam>>ment quelque perte assez considérable. Un jour, >> entre autres, plusieurs de l'armée d'Egypte ve>>nant attaquer les nôtres, furent tous tués. Nous » apprimes en chemin que le soudan du Caire >> venoit de terminer sa vie malheureuse, et qu'a» vant de mourir, il avoit envové chercher son >> fils qui restoit dans les provinces de l'Orient, » avoit fait prêter à tous les principaux officiers » de son armée serment de fidélité à ce prince, >> et avoit laissé le commandement de toutes ses » troupes à un de ses émirs nommé Fakardin. Eu >> arrivant au lieu dont nous venons de parler, »> nous trouvâmes ces nouvelles vraies. Nous >> étions alors au mardi d'avant la fête de Noël. » Nous ne pûmes nous approcher des Sarrasins à » cause d'un courant d'eau qui se trouvoit entre >> eux et nous. Ce courant qui se sépare en cet » endroit du grand fleuve du Nil s'appelle le » fleuve Thanis. Nous plaçâmes notre camp entre >> les deux, nous étendant depuis le grand jus» qu'au petit fleuve. Il y eut là quelques engage>>ments; plusieurs des ennemis furent tués par » l'épée des nôtres; mais un plus grand nombre >> fut noyé dans les eaux. Comme le Thanis n'é>>toit pas guéable à cause de la profondeur de >> ses eaux et de la hauteur de ses rives, nous >> commençàmes à jeter une chaussée pour ouvrir » un passage à l'armée chrétienne; on y travailla >> pendant plusieurs jours avec des peines, des » dépenses et des dangers infinis. Les Sarrasins » s'opposèrent de tous leurs efforts à nos travaux; » ils élevèrent des machines contre nos machi>> nes; ils brisèrent avec des pierres et brù» lèrent avec leurs feux grégeois les tours en

>> bois que nous dressions sur la chaussée. Nous >> avions perdu presque tout espoir de passer >> sur cette chaussée, lorsqu'un transfuge Sarra>> sin nous fit connoître un gué par où l'armée >> chrétienne pourroit traverser le fleuve. Nos >> barons et les principaux de notre armée furent >> rassemblés le lundi d'avant les Cendres, et il » fut convenu que le lendemain, c'est-à-dire le » jour de carême-prenant, on se rendroit, de grand » matin, au lieu indiqué pour passer le fleuve, >> et qu'une petite partie de l'armée resteroit à » la garde du camp. Le lendemain nous rangeà» mes nos troupes en bataille et nous nous ren» dimes au gué. Nous traversames le fleuve non >> sans courir de grands dangers, car le gué étoit >> plus profond et plus périlleux qu'on ne l'avoit >> annoncé. Nos chevaux furent obligés de passer » à la nage; il n'étoit pas aisé non plus de sortir » du fleuve, à cause de l'élévation de la rive qui » étoit toute limoneuse. Après avoir traversé, »> nous arrivâmes au lieu où étoient dressées les >> machines des Sarrasins, en face de notre >> chaussée. Notre avant-garde attaqua l'ennemi, >> lui tua du monde, n'épargna ni le sexe ni l'àge. >> Les Sarrasius perdirent un chef et quelques >> émirs. Nos troupes s'étant ensuite dispersées, >> quelques-uns des nôtres traversèrent le camp >> ennemi et arrivèrent au village nommé Mas» soure, tuant tout ce qu'ils rencontroient de Sar» rasins. Mais ceux-ci s'étant aperçu de l'impru>>dence de nos soldats reprirent courage, fon>> dirent sur eux, les enveloppèrent et les acca»blèrent. Il se fit là un grand carnage de nos ba>> rons et de nos guerriers tant religieux que au» tres. Nous avons, avec raison, déploré leur >> perte et nous la déplorons encore. Là, nous » avons aussi perdu notre brave et illustre frère, » le comte d'Artois, digne d'éternelle mémoire. » C'est dans l'amertume de notre cœur que nous >> rappelons cette perte douloureuse, quoique nous >> dussions plutôt nous en réjouir; car nous >> croyons et nous espérons qu'ayant reçu la cou>> ronne du martyre, il est allé dans la céleste pa» trie, et qu'il y jouit de la récompense accordée >> aux saints martyrs. Ce jour-là les Sarrasins >> fondirent sur nous de toutes parts, et nous ac» cablèrent d'une grèle de flèches; nous soutin>> mes leurs rudes assauts jusqu'à la neuvième >> heure, où le secours de nos ballistes nous man» qua tout-à-fait. Enfin, après avoir eu un grand » nombre de nos guerriers et de nos chevaux » blessés ou tués, nous conservâmes notre po>>sition avec le secours de Dieu, et, nous y » étant ralliés, nous allàmes, le même jour, pla>>cer notre camp tout près des machines des Sarra» sins. Nous y restàmes avec un petit nombre des » nôtres et nous y fimes un pont de bateaux pour >> que ceux qui étoient au-delà du fleuve pussent » venir à nous. Le lendemain, il en passa plu>>sieurs qui campèrent auprès de nous. Les ma>> chines des Sarrasins furent alors détruites, et >> nos soldats purent aller et venir librement et

>> en sûreté d'une armée à l'autre, en passant le >> pont de bateaux. Le vendredi suivant, les en>> fants de perdition réunissant leurs forces de >> toutes parts, dans le dessein d'exterminer l'ar>>mée chrétienne, vinrent avec audace et en nom>> bre infini attaquer nos lignes. Le choc fut si >> terrible de part et d'autre qu'il ne s'en étoit ja>> mais vu, disoit-on, de pareil dans ces parages. » Avec le secours de Dieu; nous résistàmes de >> tous côtés; nous repoussàmes les ennemis et »> nous en fimes tomber un grand nombre sous »> nos coups. Quelques jours après, le fils du sou>> dan, venu des provinces orientales, arriva à » Massoure. Les Egyptiens le recurent comme >> leur maître et avec des transports de joie. Sa » présence redoubla leur courage; et, depuis ce » moment, nous ne savons par quel jugement de » Dieu, tout alla de notre côté contre nos desirs. >> Une maladie contagieuse se mit dans notre ar»mée; elle enleva les hommes et les animaux, » et il y en eut très-peu qui n'eussent des compa>> gnons à regretter ou des malades à soigner. En » peu de temps l'armée chrétienne fut très-dimi»> nuée. La disette devint si grande que plusieurs >> tomboient de besoin et de faim; car les bateaux » de Damiette ne pouvoient apporter à l'armée » les provisions qu'on y avoit embarquées sur le » fleuve, les bâtiments et les pirates ennemis » leur coupant le passage. Plusieurs même furent >> pris: deux caravanes qui nous apportoient des >> vivres et des provisions le furent aussi l'une >> après l'autre, et grand nombre de marins et >> autres qui en faisoient partie furent tués. La di>> sette absolue de vivres et de fourrages jela la » désolation et l'effroi dans l'armée; elle nous >> força, ainsi que les pertes que nous venions de » faire, à quitter notre position et à retourner à » Damiette, s'il plaisoit à Dieu. Mais comme les » voies de la Providence ne sont pas dans l'homme, » mais dans celui qui dirige ses pas et dispose tout » selon sa volonté, pendant que nous étions en » chemin, c'est-à-dire le cinq du mois d'avril, les >> Sarrasins, avec toutes leurs forces réunies, at» taquèrent l'armée chrétienne, et par la per>> mission de Dieu et à cause de nos péchés, nous >> tombames au pouvoir de l'ennemi. Nous, nos >>chers frères les comtes de Poitiers et d'Anjou, » et ceux qui revenoient avec nous par terre, >> nous fùmes tous faits prisonniers, non sans un >> grand carnage et sans une grande effusion de >> sang chrétien. La plupart de ceux qui s'en re>> tournoient par le fleuve furent de même faits >> prisonniers ou tués. Les bâtiments qui les por>> toient furent en grande partie brûlés avec les >> malades qui s'y trouvoient. Quelques jours >> après notre captivité, le soudan nous fit propo>> ser une trève. Il demandoit avec instance, mais >> aussi avec menaces, qu'on lui rendit, sans re» tard, Damiette et tout ce qu'on y avoit trouvé ; » il vouloit qu'on le dédommageât de toutes les » pertes et de toutes les dépenses qu'il avoit fai» les jusqu'à ce jour, depuis le moment où les

» chrétiens étoient entrés à Damiette. Après plu>> sieurs conférences, nous conclûmes une trève » pour dix ans aux conditions suivantes :

» Le soudan délivreroit de prison et laisseroit » aller où ils voudroient, nous et tous ceux qui >> avoient été faits prisonniers par les Sarrasins » depuis notre arrivée en Egypte; il délivreroit >> de même tous les autres chrétiens, de quelque >> pays qu'ils fussent, qui avoient été faits prison>> niers depuis que le soudan Kamel, aïeul du >> soudan actuel, avoit conclu une trève avec l'em>> pereur; les chrétiens conserveroient en paix » toutes les terres qu'ils possédoient dans le >> royaume de Jérusalem au moment de notre >> arrivée. Nous nous obligions à rendre Da» miette, et à donner huit cent mille bezants sar>> rasins pour la liberté des prisonniers et pour les » pertes et dépenses dont il vient d'être parlé » (nous en avons déjà payé quatre cents), et à » délivrer tous les prisonniers sarrasins que les >> chrétiens avoient faits en Egypte, depuis que »> nous y étions venus, ainsi que ceux qui avoient » été faits captifs dans le royaume de Jérusalem >> depuis la trève conclue entre le même empe» pereur et le même soudan. Tous nos biens-meu»bles et ceux de tous les autres qui étoient à Da>> miette seroient, après notre départ, sous la » garde et la défense du soudan, et transportés » dans le pays des chrétiens, lorsque l'occasion >> s'en présenteroit. Tous les chrétiens malades et >> ceux qui resteroient à Damiette pour vendre ce >> qu'ils y possédoient auroient une égale sûreté, » et se retireroient par mer ou par terre, quand >>> ils voudroient, sans éprouver aucun obstacle » ou contradiction. Le soudan étoit tenu de don>>ner un sauf-conduit jusqu'au pays des chré» tiens, à tous ceux qui voudroient se retirer par >>> terre. >>>

» Cette trève conclue avec le soudan venoit » d'être jurée de part et d'autre, et déjà le soudan >> s'étoit mis en marche avec son armée pour se >> rendre à Damiette et remplir les conditions » stipulées, quand, par un jugement de Dieu, » quelques guerriers sarrasins, sans doute de » connivence avec la majeure partie de l'armée, » se précipitèrent sur le soudan au moment où il » se levoit de table et le blessèrent cruellement. >> Néanmoins le soudan sortit de sa tente dans >> l'espoir de se sauver par la fuite; mais il fut » tué à coups d'épée en présence de presque tous » les émirs et de la multitude des autres Sarra» sins. Plusieurs d'entre eux, dans le premier >> moment de leur fureur, vinrent ensuite les >> armes à la main dans notre tente, comme s'ils >> eussent voulu, et comme plusieurs des nôtres >> le craignirent, nous égorger nous et les autres » chrétiens; mais la clémence divine ayant calmé » leur furie, ils nous pressèrent d'exécuter les >> conditions de la trève. Leurs paroles et leurs >> instances furent toutefois mêlées de menaces » terribles. Enfin, par la volonté de Dieu qui est » le père des miséricordes, le consolateur des af

» fligés, et qui écoute les gémissements de ses >> serviteurs, nous confirmȧmes par un nouveau >> serment la trève que nous venions de faire avec >> le soudan. Nous reçûmes de tous, et de chacun >> d'eux en particulier, un serment semblable >> prêté sur leur loi, d'observer les conditions de » la trève. On fixa le temps où les prisonniers et » la ville de Damiette seroient rendus. Ce n'étoit >> pas sans difficulté que nous étions convenus >> avec le soudan de la reddition de cette place; » ce ne fut pas non plus sans d'autres difficultés >> que nous en convinmes de nouveau avec les >> émirs. Comme nous n'avions aucun espoir de la >> retenir, d'après ce que nous rapportèrent ceux » qui étoient revenus de Damiette et qui connois» soient le véritable état des choses, nous jugeȧ>> mes, de l'avis des barons de France et de plu>> sieurs autres, qu'il valoit mieux pour la chré>> tienté que nous et les autres prisonniers fussions » délivrés au moyen d'une trève, que de retenir » cette ville avec le reste des chrétiens qui s'y >> trouvoient, en demeurant, nous et les autres >> prisonniers, exposés à tous les dangers d'une pa>> reille captivité; c'est pourquoi, au jour fixé, les » émirs reçurent la ville de Damiette, après quoi >> ils nous mirent en liberté, nous, nos frères et >> les comtes de Flandres, de Bretagne et de >> Soissons, ainsi que plusieurs autres barons et » guerriers des royaumes de France, de Jérusa>> lem et de Chypre. Nous eûmes alors une ferme >> espérance qu'ils rendroient et délivreroient >> tous les autres chrétiens, et que, suivant la >> teneur du traité, ils tiendroient leur serment.

>> Cela fait, nous quittàmes l'Egypte, laissant » des personnes chargées de recevoir les prison»> niers des mains des Sarrasins et de garder les >>> choses que nous ne pouvions emporter faute de >> bâtiments de transport. Arrivés ici, nous avons » envoyé en Egypte des vaisseaux et des com>> missaires pour en ramener les prisonniers; car >> leur délivrance fait toute notre sollicitude; nous >> y avons laissé en outre des machines, des armes, » des tentes, une certaine quantité de chevaux et >> plusieurs autres objets. Les émirs ont retenu >> très-long-temps nos commissaires, et ils ne leur >> ont enfin remis que quatre cents prisonniers de » douze mille qu'il y a en Egypte. Quelques-uns >> encore ne sont sortis de prison qu'en donnant » de l'argent. Quant aux objets ci-dessus men>>tionnés, les émirs n'ont rien voulu rendre. Mais >> ce qui est plus odieux, après la trève conclue » et jurée, c'est qu'au rapport de nos commis>> saires et de captifs dignes de foi qui sont reve» de ce pays, ils ont choisi parmi leurs prison>> niers des jeunes gens qu'ils ont forcés, l'épée » levée sur leur tête, d'abjurer la foi catholique » et d'embrasser la loi de Mahomet. Plusieurs » ont eu la foiblesse de le faire; mais les autres, >> comme des athlètes courageux, enracinés dans >> leur foi et persistant constamment dans leur >> ferme résolution, n'ont pu être ébranlés ni par » les menaces ni par les coups, et ont reçu la

couronne du martyre. Leur sang, nous n'en doutons pas, crie au Seigneur pour le peuple chrétien; ils seront dans la cour céleste nos avocats devant le souverain juge; ils nous seront plus utiles dans cette patrie que si nous les eussions conservés sur terre. Les musulmans ont aussi égorgé plusieurs chrétiens qui étoient restés malades à Damiette; quoique nous eussions observé les conditions du traité que nous avions fait avec eux, el que nous fussions toujours prêts à les observer encore, nous n'avions pourtant aucune certitude que les prisonniers chrétiens seroient délivrés et que ce qui nous appartenoit nous seroit restitué. Lorsque après la trève conclue et notre délivrance, nous avions la ferme confiance que le pays d'outre-mer occupé par les chrétiens resteroit en paix jusqu'à l'expiration de la trève, nous avions la volonté et le projet de retourner en France. Déjà nous nous disposions aux préparatifs de notre passage; mais quand nous vimes clairement par ce que nous venons de raconter que les émirs violoient ouvertement la trève, et qu'au mépris de leur serment ils ne craignoient point de se jouer de nous et de la chrétienté, nous assemblames les barons de France, les prélats, les chevaliers du Temple, de l'Hôpital, de fordre Teutonique et les barons du royaume de Jérusalem; nous les consultàmes sur ce qu'il y avoit à faire. Le plus grand nombre jugea que si nous nous relirions dans ce moment, et si nous abandonnions ce pays que nous étions sur le point de perdre, ce seroit l'exposer entièrement aux Sarrasins, surtout dans l'état de misère et de faiblesse où il étoit réduit, et nous pouvions regarder comme perdus et sans espoir de délivrance les prisonniers chrétiens qui étoient au pouvoir des ennemis. Si, au contraire, nous restions, nous avions l'espoir que le temps amèneroit quelque chose de bon, comme la délivrance des captifs, la conservation des châteaux et forteresses du royaume de Jérusalem et d'autres avantages pour la chrétienté, surtout depuis que la discorde s'est élevée entre le soudan d'Alep et ceux qui gouvernent au Caire. Déjà ce soudan, après avoir réuni ses armées, s'est emparé de Damas et de quelques châteaux appartenant au souverain du Caire. On dit qu'il doit aller en Egypte pour venger la mort du Soudan que les émirs ont tué et se rendre maître, s'il le peut, de tout le pays. D'après ces considérations et compatissant aux misères et aux tourments de la Terre-Sainte, au secours de laquelle nous étions venus, plaignant aussi la captivité et les douleurs de nos prisonniers, et quoique plusieurs nous dissuadassent de rester plus long-temps outre-mer, nous avons mieux aimé différer notre passage et rester encore quelque temps en Syrie, que d'abandonner entièrement la cause du Christ et de laisser nos prisonniers exposés à de si grands dangers. Mais nous avons décidé de renvoyer en France

>> nos chers frères les comtes de Poitiers et d'An>> jou pour la consolation de notre très-chère dame »>> et mère et de tout le royaume. Comme tous >> ceux qui portent le nom de chrétien doivent » être pleins de zèle pour l'entreprise que nous >> avons formée, et vous en particulier qui des>> cendez du sang de ceux que le Seigneur choisit >> comme peuple privilégié pour la conquête de >> la Terre-Sainte que vous devez regarder comme » votre propriété, nous vous invitons tous à ser>> vir celui qui vous servit sur la croix en répan>> dant son sang pour votre salut; car cette nation >> criminelle, outre les blasphèmes qu'elle vomis>> soit en présence du peuple chrétien contre le » créateur, battoit de verges la croix, crachoit >> dessus et la fouloit au pied en haine de la foi » chrétienne. Courage donc, soldats du Christ! >> armez-vous et soyez prêts à venger ces outrages >> et ces affronts; prenez exemple sur vos devan>> ciers, qui se distinguèrent entre les autres na» tions par leur dévotion, par la sincérité de leur » foi, et remplirent l'univers du bruit de leurs >> belles actions. Nous vous avons précédés dans >> le service de Dieu, venez vous joindre à nous; >> quoique vous arriviez plus tard, vous recevrez >> du Seigneur la récompense que le père de fa>> mille de l'Evangile accorda indistinctement aux >> ouvriers qui vinrent travailler à sa vigne à la >> fin du jour, comme aux ouvriers qui étoient >> venus au commencement. Ceux qui viendront » ou qui enverront du secours pendant que nous >> serons ici, obtiendront, outre les indulgences >> promises aux croisés, la faveur de Dieu et celle » des hommes. Faites-donc vos préparatifs, et que >> ceux à qui la vertu du Très-Haut inspirera de » venir ou d'envoyer du secours, soient prêts » pour le mois d'avril ou de mai prochain. Quant » à ceux qui ne pourront être prêts pour ce pre>> mier passage, qu'ils soient du moins en état de » faire celui qui aura lieu à la Saint-Jean. La >> nature de l'entreprise exige de la célérité; tout >> retard deviendroit funeste: pour vous, prélats et >> autres fidèles du Christ, aidez-nous près du >> Très-Haut par la ferveur de vos prières; or>> donnez qu'on en fasse dans tous les lieux qui >> vous sont soumis, afin qu'elles obtiennent pour >> nous de la clémence divine, les biens dont nos » péchés nous rendent indignes.

» Fait à Acre, l'an du Seigneur 1250, au mois >> d'août. »>

Nous trouvons dans le spécilége de d'Achery deux autres lettres sur la première croisade de saint Louis; la première est adressée à la reine Blanche, par le comte d'Artois, frère de Louis IX, qui fut tué malheureusement dans Mansourah; elle paraît avoir été écrite peu de jours après la prise de Damiette; elle donne peu de détails sur l'expédition; la seconde lettre est d'un jeune pèlerin, appelé Guy, qui était attaché à la maison du vicomte de Melun, et qui écrivait à son frère, étudiant à Paris. Le jeune Guy raconte l'arrivée des croisés en Egypte; quelques-unes des cir

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