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» la Verre et la Ferme, et toute la terre dus» ques à Phinepople; et se li empereres le nous otrie ensi, bien le volommes chaiens requellir, ne autrement n'i entrera il jà, si m'ait >> Dieus. >>

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32. Quant Cuenes de Bietune oï ceste response, mult li tourna à grant anoi, et ne se pot mie tenir que il à çou ne desist: « Comment, sire quens, v'i devons donc nule riens avoir ? n'i »venimes nous mie ensamble comme compai» gnon, et i avommes ausi bien enduré les pai»nes et les travaus pour nostre Signor com » vous avés? par Dieu, sire cuens, il ne m'est » pas avis que il ait en vostre requeste nule raison, ne que vos teus choses deusciés mie » requerre abregiers, que vous ayés les cités et » les chastiaus, et toute la signourie de la terre, » sauf cou que nous n'i partirons de riens, » si avons esté en toutes les plus grans besoin»gnes de la conqueste tout adies. Par moi don»ques, n'i sai-jou autre chose mais que nous >> nous aparillons pour labourir ensi comme vi» lain. Sire quens, dit Quenes de sire quens, Biétune, se nous demenons ensi li un les au>> tres et aloumes rancunant, bien voi que nous » perdrons toute la terre, et nous-meismes se>> rons perdu, se nous ensi faisons, et en ce mo» rons, car nos moriemes en haine mortel li uns » envers l'autre. Et se nous nous entre-guer

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et

>> rons nous fassent hommage; nous voulons avoir >> Béroëet Thermel, et toute la terre jusques à Phi>> lippopolis; et si l'empereur nous l'octroie ainsi, >> nous voulons bien le recevoir ici, autrement il » n'y entrera jamais, si Dieu m'aide. »>

32. Quand Conon de Béthune ouït cette réponse, il éprouva à grand déplaisir, et ne put s'empêcher de dire: « Comment, sire comte, nous ne devons » donc rien avoir ici? N'y sommes-nous pas ve>>nus ensemble comme compagnons, n'y avons» nous pas comme vous bien enduré des peines et >> des travaux pour notre Seigneur? Pardieu, sire >> comte, il ne m'est pas avis qu'il y ait nulle rai» son dans votre demande, ni que vous soyez en >> droit de requérir les cités et les châteaux, et » toute la seigneurie de la terre, sauf que nous » n'y partagerons rien, nous qui avons toujours » été dans toutes les plus grandes besognes de la >> conquête; pour moi je ne sais plus autre chose >> que de nous comparer à des vilains qui travail» lent pour le profit des autres. Sire comte, ajouta » Conon de Béthune, si nous nous conduisons >> ainsi les uns les autres, et si nous allons rancu»> nant, bien vois que nous perdrons tout le pays, » et nous-mêmes serons perdus, si nous fai» sons ainsi ; et nous mourrons, car nous >> mourrons en haine mortelle les uns des >> autres; et, si nous nous entreguerroyons,

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mesproisons sour vous, et li desraisons de cou » que là hors le laisiés. Que vaut chou? Je voi >> bien que nous ne faisons riens chi. Sire cuens, » or vous dirai encore que vous ferés, s'il vous plaist. Parlés encore à vostre conseil, et faites >> si pour Dieu, s'il i estre peut ne doit, que >> ceste pais viengne entre nous et vous. Metons. » arrière dos le paour de nostre Signour, en tel » manière que nous de mal faire ne le cremons; >> et se nous commençons guerre li uns contre l'autre, jou vous di et fai à savoir que toute la » terre en sera destruite, et nous perderons tout » ce que nous avoumes piechà conquesté à si grant paine. Et s'il est ainsi toutes voies que » nous nous entre-ochions en tel manieres, dont n'y a il plus mais que nous tout avant renoions nostre Signpur; et mal que mal, en>> core vauroit-il miex que nous en fuisçons hors » dou païs. Pour Dieu, sire cuens de Blansdras, ne souffrés jà que nous nous destruisons » en tel manière par la vostre coupe; mais pren» dés les biaus offres que nous vous faisons ichi.

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>> les Grecs en scront les premiers joyeux » et contents. Pour Dieu, comte, cela n'est pas >> raisonnable, nous vous prions, de la part de >> notre seigneur l'empereur, que, pour Dieu, vous >> lui fassiez raison. Certes, c'est chose moult >> laide et vilaine que vous lui reteniez assez du >> sien, et que vous le teniez éloigné d'ici; c'est une » grande honte pour vous; c'est contre toute rai>> son que vous le laissez là dehors. Qu'est-ce à >> dire? Je vois bien que nous ne faisons rien ici. >> Sire comte, je vous dirai: Essayez encore; par» lez encore à votre conseil, et pour Dieu, faites >> en sorte que la paix s'établisse entre nous et >> vous. Mettons arrière dos la peur de notre » Seigneur, de telle manière que nous ne crai>> gnions que de mal faire. Si nous commençons » la guerre les uns contre les autres, je vous dis et >> fais à savoir que tout le pays en sera détruit, et >> nous perdrons tout ce que nous avons déjà con>> quis avec tant de peine. Et toutefois, s'il est >>> ainsi que nous nous entretuions de cette ma» nière, autant vaut auparavant que nous renions >> notre Seigneur, et, mal pour mal, mieux vaudroit » que nous fussions hors de ce pays. Pour Dieu, >> sire comte de Blandras, ne souffrez pas que nous » nous détruisions ainsi par votre faute. Mais ac» ceptez les belles offres que nous vous faisons ici. » Et pour Dieu, si vous savez les grandes peines

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giés.

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» com vous avés oï, çaiens ne sera-il jà herbreA chou nous assentons-nous, dist li » quens, ne de nous n'enporterés-vous autre >> chose? Signour, fait mesire Cuenes, et »> nous retournerons donques arière pour dire à »> no signeu l'empereour tout chou que nous » avons trouvé; et ce qu'il respondera nous le » vous lairons à savoir chaiens par nous u par >> autrui. »

33. Dont sont tourné arriére; si montent sor lor chevaus et reviénent à lor signor l'empereur;

» et les grands malaises que nous souffrons là de>> hors, ne nous forcez pas à faire chose qui nous >> tourneroit à honte ou au décroissement de l'em» pire, et de l'honneur de l'empereur.

-((

Sire Conon, dit Aubertin, sachez bien >> que nous ne consentirons à rien autre, que »> nous ne vous donnerons rien de notre terre, » et que nous ne relâcherons rien de la demande » que nous vous avons faite; et si vous ne le faites >> ainsi, vous pouvez long-temps séjourner là de>> hors pour nous, car ici ne mettrez pas le pied. Beau seigneur, reprit Pierre de Douai, et si >> nous n'avons ni tentes ni lits, resterons-nous >> donc aux champs comme chiens matins? >> Vous vous tournerez, répondit Aubertin, au » mieux que vous pourrez et que vous sau>> rez; car s'il ne fait ainsi que vous avez ouï, » il ne sera jamais hébergé ici. A cela, >> nous accordons-nous, dit le comte, et de nous >> n'emporterez autre chose. Seigneur, dit >> messire Conon, et nous retournerons donc pour » dire à notre seigneur l'empereur tout ce que >> nous avons trouvé, et ce qu'il répondra nous >> vous le ferons savoir ici, par nous ou par d'au>> tres. >>>

33. Ils se retirèrent donc, et, montant sur leurs chevaux, revinrent à leur seigneur l'empereur; ils lui dirent et contèrent toutes les réponses et

si li ont dit et conté tous les respons et toutes les demandes que li Lombart lor ont faites. Et quant li empereres oï çou, s'il fu dolans chou ne fait mie à demander. Donques a dit as messages: «Chiertes, signour, il me requiérent si très-grant tort comme vous-meismes le savés très-bien, et que jà, se Dieu plaist, ce ne fe» rons. Or ensi qu'il sont laiens en grant solaes » et en grant déduit; et pour cou que il sevent » que je sui à si très-grant meschief me requièrent que jou me déporte de toute ceste » terre. Pour Dieu, comment feroie-jou çou, ne » comment poroie-jou m'i à ce accorder?

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»>-Sire, si ferés, font donques si home, u >> autrement nous sommes tout morts et honni; » car il fet si fort tans et si cruel, come vous» meismes le poée savoir et sentir; et d'autre part nous ne ravommes que mangier, ne n'atendoumes nul secours qui nous doie venir de nulle part. Or, se nous sommes ichi plus cinq jours sans viande ne sans autre secours, grans » merveille sera se nous ne soumes chi tout » mort de fain et de meschief: car nous n'ave » rons nul confort d'iaus par nule maniére: il »> nous ont chi aussi com en prison. Et d'autre part, s'il nous font par forche faire chose que >> nous ne devons faire par raison ne otryer, en » nom Dieu la forche paist le pré, et on doit mult faire pour issir hors de prison et pour sa

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toutes les demandes que les Lombards leur avoient faites; et quand l'empereur les eut ouis, s'il fût dolent c'est ce qu'il ne faut pas demander. Il dit donc aux messagers : « Certes, seigneurs, ils me » demandent des choses très-injustes, comme vous » savez très-bien, et jamais, s'il plaît à Dieu, nous »> ne les accorderons. Ils sont maintenant là en >> grands divertissements et en grande joie; et » parce qu'ils savent que je suis ici à très-grand » méchief, ils me demandent que je me départe » de toute cette terre. Pour Dieu! comment fe>> rois-je cela, ou comment pourrois-je m'y accor» der?

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- Sire, si ferez, lui disent ses hommes, ou >> autrement nous sommes tous morts et honnis, » car il fait un temps si fort et si cruel, comme » vous-même le pouvez savoir et sentir, et d'au>> tre part nous n'avons rien à manger, et nous » n'attendons nul secours qui nous doive venir » de nulle part. Or, si nous sommes ici plus de » cinq jours sans viande ni sans autre secours, » ce sera grande merveille si nous ne sommes tous » morts de faim et de méchief, car nous n'aurons >> d'eux nul confort d'aucune manière. Ils nous >> tiennent ici commé en prison; et d'autre part, >> s'ils nous font faire, par force, chose que nous ne » devons faire par raison ni octroyer, au nom de » Dieu, la force pait le pré, et on doit tout faire

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vie sauver. Et pour çou ne ferons nous pas desloiauté, dou requerre nostre droiture hui » ou demain, se nous en poons venir en point » et en lieu; mais athirés messages hastive>ment, qui bien sachent cest message furnir. »

34. Après tout cou respondi li empereres, ki trop mervilleusement estoit dolans et courochiés, et dist tout en plourant. « Biau signeur, fait-il, par foi jou puis avoir en moi-meismes trèsgrant doel et mult très-grant despit; car Lombart m'ont emprisonné, si comme vous poez veoir, et sour tout cou me requiérent que jou leur laisse quitement Estines, Négrepont et toute la terre ki est de Duras dusques à Macre. Bien tient cou k'il demandent vingt grans journées u plus; et pour cou k'il m'ont ore en lor destroit, si me converra par forche faire, et par la destreche que il me font, que jou lor otroie toute lor volenté. Que vaut cou? Je leur otroie, et pour tant sans plus que jou sui en lor prison. Mais jà pour çou, se Dieu le consent, ne le tenront-il longuement. Sire, font li archevesque et li évesque de l'ost, nous vous en asaudrons de tout le meffait, et en prenderons tous les péchiés sur

nous. »>

35. Adont apiela li empereres Quenon de Bie

pour sortir de prison et pour sauver sa vie, et pour cela nous ne ferons pas déloyauté de requérir notre droit aujourd'hui ou demain, si nous pouvons en venir à point et lieu. Envoyez donc des messagers hâtivement, lesquels sachent bien remplir leur message. »

34. Après tout cela, l'empereur, qui étoit trop merveilleusement dolent et courroucé, répondit en Pleurant : « Beaux seigneurs, j'ai bien sujet d'être

en grand deuil et en très-grand dépit, car les Lombards m'ont emprisonné, comme vous pouvez voir, et ils me demandent que je leur laisse entièrement Estines, Négrepont, et toute la terre de Duras jusqu'à Macri. Tout ce qu'ils demandent tient bien vingt grandes journées ou plus de chemin, et parce qu'ils m'ont en leur discrétion, et par la détresse où ils me laissent, force me * sera que je leur octroie toute leur volonté. Après tout, je leur octroie parce que je suis en leur prison; mais, si Dieu y consent, à cause de cela ils ne tiendront pas long-temps.. Sire, dirent les archevêques et les évêques de l'armée, nous vous absoudrons de tout le méfait et en preng drons sur nous tous les péchés. »

35. L'empereur appela donc Conon de Béthune et Auseau de Cahieu, et les chargea du message tout ainsi qu'il vouloit qu'il fût fait : « Seigneurs, je ›› jurerai tout le premier, et puis tous les barons jureront après moi, que nous tiendrons, sans

>>

tune pour cest message furnir et Ansiel de Caheu, et lor enchargea le message tout ensi com il vouloit qu'il fust dit, et lor dist: « Signor, jou jurerai tous premiers, et puis jureront tout » li baron après moy que toutes les convences, >> tout ensi com il les ont devisées, que nous le >> tenrons sans nule défaute, sauf chou que cou >> soit li greis de l'empereis. » Et véés le point par coi li Lombart furent tout engignié et décheu. Dont s'en allérent li message à l'empereour tout droit à Salenique, et fisent tant au conte de Blans-dras que il l'en amenérent avoec iaus al Corthiac. Dont le baisa l'empereour et li pardona illuec toute sa male amour et tout son mautalent, et si jurérent à maintenir le droit de la dame, et le droit de l'enfant tout autresi à garder; et quant ce vint aprés mangier, li quens s'en rala à Salenike; mais li empereres demoura celle nuit al Corthiac. Et quant ce vint à lendemain par matin, li empereres commanda à quarante chevaliers k'il fuissent aparillié pour aler avoeques lui, et bien autres soixante ki entrérent avoec tous les quarante, maugré tous chiaus ki les portes gardoient. Que vous diroie-jou? que cil ki conter les devoient en perdirent le conte. Or fu li empereres entrés par dedens Salenike et li quens de Blans-dras descendi à terre et mena à pié l'empereour par

»> nul défaut, toutes les convenances tout ainsi » qu'ils les ont réglées, sauf que ce soit le gré de » l'impératrice. » Et voyez comment les Lombards furent tous trompés et déchus. Les députés de l'empereur allèrent tout droit à Salonique, et firent tant auprès du comte de Blandras, qu'ils l'amenèrent avec eux à Corthiac L'empereur le baisa et lui pardonna toute sa malveillance et toutes ses mauvaises dispositions. Ils jurèrent de maintenir le droit de la dame et de garder pareillement celui de l'enfant. Et quand ce vint après le manger, le comte s'en retourna à Salonique ; mais l'empereur demeura cette nuit à Corthiac; et quand on fut au lendemain matin, l'empereur commanda à quarante chevaliers de se tenir prêts pour aller avec lui; il y en eut bien soixante autres qui entrèrent avec les quarante, malgré tous ceux qui gardoient les portes. Que vous dirai-je? Ceux qui devoient les compter en perdirent le nombre. Dès que l'empereur fut entré dans Salonique, le comte de Blandras descendit à terre et mena l'empereur, en tenant les rênes de son cheval, jusqu'au couvent de Saint-Démétrius. Quand on vint à l'entrée de la porte, il y eut une si grande presse que là on frappoit et battoit chacun de la verge ou du bâton sur la tête. Nos gens juroient Dieu et tout son pouvoir qu'ils entreroient tous, malgré les Lombards. Ceux-ci ne les purent arrêter, et les laissèrent tous entrer; au troisième

le régne dusques au moustier St. Demitre; et quant cou vint à l'entrée de la porte, il i ot si très-grant presse, que là ù on féroit et batoit cascun de verge ou de baston sour la tieste, si juroient il Dieu et tout son pooir qu'il i entreroient tout maugré les Lombart. Que vau cou? Li Lombart ne le porent amender et laisièrent tout entrer, et al tiers jour entra toute li os l'empereour qui fu demouré al Corthiach dedans la cité de Salenike; et quant il vinrent as aises et as solaes, si orent tantos oublies toutes les grans paines et les grans travaus qu'ils orent

eus.

36. Li Lombart disoient k'il demandoient la terre avoec l'empereis et avoec l'enfant, mais tout y avoit el. Mais ils le voloient garder avoec le marchis Guillaume de Monferrat, que il avoient mandé par tant de messages que pour poi que il ne dervoient pour sa demeure; et puisque il envers l'empereis et enviers son fil ouvroient si vilainement, che ne seroit ore mie mult grant merveille, se Diex voloit consentir que il en eusent lor gueredon. Et aprés cou que li empereres ot esté trois jours ou quatre en Salenike, li mandérent cascun jour li Lombart que il lor tenist ce que il lor avoit en convent par son sairement. Et tant li ont-il mandé que il laisiérent le mander, et li disent par bouche; et li empereres lor respondi que il en estoit tout apareilliés; et dist au conte que il recordast tout çou que il demandoit, et en la présence de tous :

jour, toute l'armée de l'empereur, qui étoit demeurée à Corthiac, entra dans la cité de Salonique. Quand ils eurent leurs aises et leurs ébats, ils eurent bientôt oublié toutes les grandes peines et les grands travaux qu'ils avoient eus.

36. Les Lombards disoient qu'ils demandoient le pays pour l'impératrice et pour l'enfant, mais c'étoit tout autrement. Ils le vouloient garder pour le marquis Guillaume de Montferrat qu'ils avoient mandé par tant de messages qu'il s'en falloit peu qu'ils ne perdissent le sens, parce qu'il différoit de venir, et comme ils travailloient si vilainement en faveur de l'impératrice et de son fils, ce ne seroit pas maintenant grande merveille, si Dieu vouloit qu'ils en fussent récompensés. Après que l'empereur eut été trois ou quatre jours à Salonique, les Lombards lui mandèrent chaque jour qu'il leur tint ce dont il étoit convenu par son serment. Ils le lui mandèrent tant qu'ils s'en lassèrent et le lui dirent de bouche. L'empereur leur répondit qu'il étoit tout disposé à le faire, et il dit au comte de rappeler tout ce qu'il demandoit en présence de tous. « Sire, dit le comte, je vous le >> recorderai, puisqu'il vous plaît. Premièrement, » je vous requiers pour l'enfant du marquis toute

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37. Dont apiela li empereres les prinches et les barons ki laiens estoient cascun par son nom; premiérement l'archevesque de Salenique, qui dalès lui séoit, le comte Bertoul, et le signour del Cytre; et aprés tous les autres barons ki laiens estoient, puis lor demanda s'il s'asentoient à la demande que li quens avoit faite sour lui.

38. De tous chiaus ki laiens estoient n'en i ot nul ki à ceste chose se vousist asentir, fors que Aubertins, ki sires estoit des Estines, et li chanseliers et Pieres Vens. Cil troi traitor sans plus furent par-devers le conte. Dont dist li empereres al conte: «Sire cuens, or m'entendés un

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poi, s'il vous plaist. Jou ne voel mie que vous »> ne autres puiessiés à droit dire que je vous faille de convenenches. Voirs fu que jou vous euch en convent que toute la terre que vous avés chi recordée, que jou le vous otriai, se li >>empereis s'i accordoit, et jou encor le vous >> reconnois bien, et le vous tenrai s'ele s'i ac» corde. Mais je voel bien que tout li mons sa» che que onques mais à nul signor ne fut faite » teus demande qu'ils donnast la soie hounour

» la terre qui est depuis Modon jusqu'à Macri, » et toutes les dépendances qui y sont dedans et » qui y doivent être. Sire, je vous requiers, et de » la part de l'enfant. »

37. Là dessus l'empereur appela les princes et les barons qui étoient là, chacun par son nom; d'abord l'archevêque de Salonique qui étoit près de lui, le comte de Bertoul et le seigneur du Cytre, et après tous les autres barons qui étoient là, puis leur demanda s'ils consentoient à la demande que le comte lui avoit faite ?

38. De tous ceux qui étoient là, il n'y eut nulqui voulût consentir à cette chose, excepté Aubertin, qui étoit sire des Estines, et le chancelier, et Pierre Vens; ces trois traîtres, sans plus, se rangèrent du côté du comte. Là dessus, l'empereur dit au comte : « Sire comte, entendez-moi un peu » s'il vous plaît. Je ne veux pas que vous ni >> autres puissiez dire avec droit que je vous >> faille de convenances. Vous savez que j'ai con>> senti à vous accorder tout le pays que vous venez » de mentionner si l'impératrice s'y accordoit; jy >> consens encore, et je vous tiendrai parole si » elle s'y accorde. Mais je veux bien que tout le » monde sache que oncques telle demande ne fut

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39. Dont apela l'empereres Cuenon de Bietune; si li dist k'il alast à le empereis, et li demandast se cou estoit de par li, que li cuens de Blans-Dras li faisoit tel demande. Adont ala Cuenes de Bietune à le empereis et li demanda se ce estoit de par li, et se looit la requeste que li cuens avoit fait à l'empereour; et elle dist que elle s'en conseilleroit, et lor en responderoit à lendemain : et Cuenes li otria. Si s'en vint à son signour l'empereour; si li conta chou qu'il avoit trouvé. Li empereres meismes ala parler à la dame, et li dist : « Dame, pour Dieu, ne soyés mie contre mon droit; car donques feriés-vous grant desloiauté viers moi et viers » vous. Ne onques de moi ne vous cremés, car jà, si m'ait Diex! envers vous ne ferai vilounie, » se vous tout avant ne le fetes envers moi. » Sire, fait donques la dame, se jou m'osoie fier » en vous, jou vous diroie bien pour coi je obéi» soie dou tout à iaus, car il m'avoient jà si durement levé le pié que jou n'osoie à iaus parler. Il avoient fait sairemens envers moi » pour mon fil; mais pour cou n'est-il mie re» més qu'il n'aient mandé deus fois ou trois le

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>> faite à nul seigneur, par quoi il donnât son hon>> neur par force, et je sais bien que celui qui me » fait telle requête n'est pas désireux d'accroître >> le mien ou d'augmenter mon profit, et ne » m'aime guère plus que Bulgare ou Coman ne >> fait. >>>

39. Alors l'empereur appela Conon de Béthune, et lui dit d'aller trouver l'impératrice et de lui demander si c'étoit de sa part que le comte de Blandras lui faisoit telle demande. Conon de Béthune alla donc trouver l'impératrice et lui demanda si c'étoit de sa part, et si elle approuvoit la requête que le comte avoit faite à l'empereur. Elle dit qu'elle s'en consulteroit et qu'elle répondroit le lendemain. Conon y consentit et s'en revint à son seigneur l'empereur, et lui raconta ce qu'il avoit trouvé. L'empereur alla lui-même parler à la dame et lui dit : « Dame, pour Dieu ne soyez point >> contre mon droit; car vous feriez grande dé>> loyauté envers moi et envers vous. N'ayez » de moi aucune crainte; car si Dieu m'aide, » jamais ne vous ferai vilainie si vous ne » m'en faites auparavant. Sire, répondit ła » dame, si je m'osois fier à vous, je vous di>> rois bien pourquoi j'obéis en tout à eux; car » ils m'ont déjà si durement traitée que je n'osois » leur parler. Ils avoient fait serment pour mon >> fils envers moi; mais pour cela n'ont-ils cessé

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40. Ensi ordenérent lor afaire entre l'empereour et l'empereis; et quant Lombart sorent le deffiement de la dame, si en furent mult esbahi et dolant. Donc se ravisérent d'un autre barat ; car il dient que se la pais ne poet en tele manière venir, qu'il prenderont deux homes, et li empereres deus, et chil quatre prenderont le cinquième; et tout cou que cil cinq en diront communaument, si soit pour loial jugement tenut. Mais ce ne disoient-il fors que pour detryer. Et quant li empereres oï chou, si dist qu'il s'y accordoit bien, sauf chou qu'il voloit savoir qui li cinquisme seroit; et li Lombart disent k'il nel sauroit jà; mais les deus li noumèrent il mult volentiers, car li uns estoit li connestables et li autres li sires de Nigrepont. Ensi remest adonques ceste cose en estrif; et la dame vint à l'empereour; si li proia pour Dieu, s'il lui plaisoit qu'il couronnast son fil, et il dit qu'il le

» de mander deux ou trois fois au marquis Guil>> laume de Montferrat de venir les trouver, » parce qu'ils vouloient déshériter moi et mon >> enfant de toute notre terre pour y mettre le mar>> quis. Et puisque je sais ainsi toute la malice qui >> est en eux, et qu'ils tàchent ainsi de me déshé>> riter, je veux rester pour tout à votre volonté, ni >> jamais, pour chose qu'ils me puissent dire, >> rien faire ou promettre, céder à eux ou à leurs >> conseils. >>>

40. Ainsi l'empereur et la dame réglèrent entre eux leur affaire, et quand les Lombards surent la défiance que la dame avoit d'eux, ils en furent moult ébahis et dolent. Ils s'avisèrent d'une autre ruse, et dirent que si la paix ne pouvoit se faire de cette manière, ils choisiroient deux hommes et l'empereur deux, et que ces quatre prendroient un cinquième, et tout ce que ces cinq feroient en commun seroit tenu pour jugement loyal. Mais ils ne disoient ainsi que pour retarder. Quand l'empereur ouït cela, il dit qu'il s'y accorderoit bien, sauf qu'il vouloit savoir qui seroit le cinquième ; et les Lombards dirent qu'il ne le sauroit pas. Mais ils lui nommèrent volontiers les deux; l'un étoit le connétable et l'autre le sire de Négrepont. La chose resta ainsi en contestation. La dame vint trouver l'empereur et le pria, pour Dieu, qu'il lui plùt de couronner son fils. L'empereur dit qu'il

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