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et de ses granz faiz d'armes. Sire, pour ce qu'il est escript Fai premier ce qu'il afiert 2 à Dieu, et il te adrescera 3 toutes ces autres besoignes 4, ai-je fait escrire ce qui afiert aus troiz choses desus dites; c'est à savoir ce qui affiert au profit des ames et des cors, et ce qui affiert au gouvernement du peuple.

Et ces autres choses ai-je fait escrire aussi à l'onneur du vrai cors saint, pour ce que par ces choses desus dites en 5 pourra veoir tout cler que onques home lay 6 de nostre temps ne vesqui si saintement de tout son temps, dès le commencement de son règne, jusques à la fin de sa vie. A la fin de sa vie ne uz-je mie; maiz le conte Pierre d'Alançon son filz y fu, qui moult m'aimma, qui me recorda 7 la belle fin que il fist, que vous trouverez escripte en la fin de cest livre; et de ce me semble-il que en ne li fist mie assez 8 quant en ne le mist ou nombre des martirs, pour les grans peinnes que il souffri ou 9 pèlerinage de la croiz, par l'espace de six anz que je fu en sa compaignie, et pour ce meismement que il ensuit Nostre-Seigneur ou fait de la croiz. Car se Diex 10 morut en la croiz, aussi fist-il; car croisiez estoit-il quant il fu à Thunes 11

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Le secont livre nous parlera de ses granz chevaleries et de ses granz hardemens, lesquiex sont tiex 12, que je li vi quatre foiz mettre son cors en aventure de mort, aussi comme vous orrez 13 ci-après, pour espargnier le doumage de son peuple.

Le premier fait là où il mist son cors en avanture de mort, ce fu à l'ariver que nous feimes devant Damiete, là où tout son conseil li loa 14, ainsi comme je l'entendi, que il demourast en sa ueif, tant que il veist 15 que sa chevalerie feroit, qui aloit à terre. La reson pour quoy en 16 li loa ces choses si estoit tele, que, se il arivoit avec eulz, et sa gent estoient occis et il avec, la besoigne seroit perdue; et se il demouroit en

Premier: d'abord. 2 Ce qu'il afiert: ce qui a rapport. -3 Adrescera: mettra dans la bonne vote. Besoignes affaires. En: on. 6 Lay: laïc. Recorda: raconta. - 8 On ne

l'exalta pas assez. — 9 Ou: au. 10 Se Diex: si Dieu.- Tunis.-12 Lesquiex sont tiex: lesquels sont tels. - 13 Orrez: entendrez. - 14 Li loa: lui conseilla. -15 Suppléez ce. 6 En: on.

sa neif, par son cors peust-il recouvrer à reconquerre la terre de Égypte. Et il ne voult nullui croire, ains saillien la mer, tout armé, l'escu au col, le glaive ou poing, et fu des premiers à terre.

Le seconde foiz qu'il mist son cors en avanture de mort, si fu tele, que au partir qu'il fist de Laumasourre 2 pour venir à Damiete, son conseil li loa, si comme l'en me donna à entendre, que il s'en venist à Damiete en galies3; et ce conseil li fu donné, si comme l'en dit, pour ce que, se il li meschéoit de sa gent4, par son cors les peust délivrer de prison. Et especialment ce conseil li fu donné pour le meschief5 de son cors où il estoit par pluseurs maladies qui estoient teles: car il avoit double tierceinne 6 et menoison 7 moult fort, et la maladie de l'ost en la bouche et ès jambes. Il ne voult onques nullui croire; ainçois dist que son peuple ne lairoit-il jà9, mez feroit tele fin comme il feroient. Si li en avint ainsi, que par la menoison qu'il avoit, que il li couvint le soir couper le fons de ses baiez1o, et par la force de la maladie de l'ost se penail le soir par pluseurs foiz, aussi comme vous orrez ci-après.

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La tierce foiz qu'il mist son cors en avanture de mort, ce fu quant il demoura un an en la sainte terre, après ce que ses frères en furent venuz. En grant avanture de mort fumes lors; car quant le roy fu demouré en Acre, pour un home à armes que il avoit en sa compaignie, ceulz d'Acre en avoit bien trente, quant la ville fu prise. Car je ne sai autre reson pour quoy les Turz ne nous vindrent prenre 12 en la ville, fors que 13 pour l'amour que Dieu avoit au roy, qui la poour 14 metoit ou cuer à nos ennemis, pour quoy il ne nous osassent venir courre sus. Et de ce est escript: Se tu creins Dieu, si te creindront tou

Et il ne voulut croire personne, mais sauta, etc.2 Mansourah. 3 Galie: galère, navire. - 4 S'il arrivait malheur à son monde. 5 Meschief: mauvais état. 6 La fièvre double tierce, - Menoison: diar

rhée. Ost: armée. -9 Mais il dit
qu'il ne laisserait jamais son peuple. →
10 Lisez: brayes. 11 Le manuscrit de
Lucques porte il se pasma. -12 Prenre:
prendre. 13 Fors que si ce n'est.
14 Poour: peur.

tes les riens qui te verront. Et ceste demourée 2 fist-il tout contre son conseil, si comme vous orrez 3 ci-après. Son cors mist-il en avanture pour le peuple de la terre garantir, qui eust esté perdu dès lors, se il ne se feust lors remez 4.

Le quart 5 fait là où il mist son cors en avanture de mort, ce fu quant nous revenismes d'outremer et venismes devant l'ille de Cypre, là où nostre neif hurta si malement que la terre là où elle hurta, enporta troiz toises du tyson 6 sur quoy nostre neif estoit fondée. Après ce le roy envoia querre quatorze mestres nothonniers, que de celle neif, que d'autres qui estoient en sa compaignie, pour li conseiller que il feroit; et touz li loèrent,si comme vous orrez ci-après, que il entrast en une autre neif; car il ne véoient pas comment la neif peust souffrir les copz des ondes, pour ce que les clous de quoy les planches de la neif estoient atacheiz estoient touz eloschez 9. Et moustrèrent au roy l'exemplaire 10 du péril de la nef, pour ce que à l'aler que nous feismes outre mer, une nef en semblable fait avoit esté périe, et je vi la femme et l'enfant chiez le conte de Joyngny, qui seulz de ceste nef eschapèrent.

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A ce respondi le roy : « Seigneur, je voi que se je descens de ceste nef, que elle sera de refus, et voy que il a céans huit cens personnes et plus; et pour ce que chascun aimme autretant 2 sa vie comme je faiz la moie 13, n'oseroit nulz demourer en ceste nef, ainçois demourroient en Cypre; par quoy, se Dieu plait, je ne mettrai jà 14 tant de gent comme il a céans en péril de mort; ainçois demourrai céans pour mon peuple sauver. » Et Dieu, à cui il s'atendoit, nous saulva en péril de mer bien dix semainnes, et venimes à bon port, si comme vous orrez ci-après. Or avint ainsi que Olivier de Termes, qui bien et viguereusement c'estoit maintenu outre mer, lessa le

Riens choses. 2 Demourée : séjour.3 Orrez: entendrez - S'il ne fût resté.5 Quart: quatrième.

Tyson: poutre. Locrent: conseillèrent. Cope: coups, Eloschez:

arrachés. -10 Exemplaire: exemple. - Ghiez chez. - 12 Autretant : autant. 13 Moje: mienne, - 14 Je ne mettrai jamais.

roy et demoura en Cypre, lequel nous ne veismes puis d'an et demi après. Aussi destourna le roy le doumage de huit cens personnes qui estoient en la nef.

En la darenière partie de cest livre parlerons de sa fin, comment il trespassa saintement.

Or diz-je à vous, monseigneur le roy de Navarre, que je promis à ma dame la royne vostre mère, à cui Diex 2 bone merci face! que je feroie cest livre ; et pour moy aquitier de ma pro messe, l'ai-je fait. Et pour ce que ne voi nullui qui si bien le doie avoir comme vous qui estes ses hoirs, le vous envoiéje, pource que vous et vostre frère et les autres qui l'orront, y puissent prenre bon exemple, et les exemples mettre à œvre, par quoy Dieu leur en sache gré.

En nom de Dieu le tout puissant, je, Jehan sire de Joyng-a ville, séneschal de Champaigne, faiz escrire la vie notre saint Looys, ce que je vi et oy par l'espace de sis anz, que je fu en sa compaignie ou pèlerinage d'outre mer, et puis que nous revenimes. Et avant que je vous conte de ses grans faiz et de sa chevalerie, vous conterai-je que 5 je vi et oy de ses saintes paroles et de ses bons enseignemens, pour ce qu'il soient trouvez l'un après l'autre, pour édefier ceulz qui les orront. Ce saint home ama Dieu de tout son cuer et ensuivi ses oeuvres, et y apparut en ce que, aussi comme Dieu morut pour l'amour que il avoit en son peuple, mist-il son cors en avanture par pluseurs foiz pour l'amour que il avoit à son peuple, et s'en feust bien soufers, se il vousist, si comme vous orrez ci-après. L'amour qu'il avoit à son peuple parut à ce qu'il dist à son ainsné filz* en une moult grant maladie que il ot 7 à Fonteinne-Bliaut : « Biau filz, fist-il, je te pri que tu te faces amer au peuple de ton royaume; car vraiement je ameraie miex que un Escot venist d'Escosse et gouvernast le peuple

Darenière: dernière. ? Diex: Dieu. 3 Doie: doive. 4 Hoirs:

héritier. Que ce que. - 6 Se il
rousist: s'il avait voulu.-7Пlot: il eut.

* Ce fils aîné était Louis, qui mourut âgé de seize ans, en 1260.

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MS = ms.

s. fr.

13568 de la Bibi Nat.

Date = 1320 a 13302) Chapporte de Brusselles, 142

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