826 LES REGRETS DE LA MORT DE SAINT LOUIS. POÈME ANGLO-NORMAND SUR LA BATAILLE DE MANSOURAH. (Ms. du Musée Britannique, Bibliothèque Cottonienne. Julius, A. V folio 176 verso; imprimé dans les Excerpta historica, or, Illustration of English History, London: printed by and for Samuel Bentley, M. DCCC. XXXI., grand in-8°, pag. 64-84; et réimprimé dans le Nouveau Recueil de contes, dits, fabliaux, etc., publ. par Achille Jubinal Paris, chez Challamel, 1842, in-8°, tom. II, page 339-353.) Ky vodra de doël e de pité oier très-graunt A un chastel de Babilone, Musoire est nomée, E ly counte de Artoise, sire Roberd li fers. Qui voudra de deuil et de pitié ouïr très-grande (histoire, écoute celle) du bon Guillaume Longue-Épée, le hardi combattant, qui fut tué en Babyione à carême-prenant, qui avec le roi Louis ala, avec sa très-grande armée, A un château de Babylone, Mansourah est nommé, qui toujours en terre payenne sera renommé, à cause du roi qui fut pris dans cette expédition, et des autres chevaliers qui furent de sa maison, Et du comte d'Artois, sire Robert le Fier. Ce fut par son orgueil, E meinz altres esquiers e pruz chivalers E meint homme vailant i avoit dunqe oscis. A le qarame-pernant del Incarnacione Mil e deus centz qarant-noef aunz par nune, E ly meistre du Temple od tot sun graunt poars, Meint i avoit Sarazin illoqe dunqe osciz. E de lur espées trenchant detrenché touz vifs. De treis mil Sarazins e sinqe centz e plus, à mun quider, tant il fut présomptueux ! Et maints autres écuyers et preux chevaliers y perdirent la vie, tant eurent d'embarras ! Et maint homme vaillant il y avait alors tué, et le bon Guillaume Longue-Épée, le chevalier hardi. Au carême prenant, (l'an) de l'incarnation mil deux cent-quarante-neuf nommément, quand le comte d'Artois dut passer le fleuve entre l'Égypte et Babylone, et avec lui maint homme, Et le maître du Temple avec sa grande puissance, le vaillant comte Guillaume et ses chevaliers assaillirent les logements aux Sarrasins maudits qui dehors Mansourah furent logés. Maint Sarrasin il y avait là tué. De toutes parts des logements ils furent assaillis'; car les chrétiens les ont atteints et honnis, et de leurs épées tranchantes taillés en pièces tous vifs. De trois mille Sarrasins et cinq cents et plus, à mon avis, qui Ke furent illoqe ateinz ne pout nul eschaper; Fors dedenz la Musoire qe dunqe avcint entré, Dedenz fust ly soldan, qe par Mahun out joré L'ost des kristiens est remu arère, Ly meistre du Temple, chivalere à frer, E ly count Long-Espée hardiz e pruz, Delacerunt lur heaumes pur eaux aventéir, furent là atteints, ne put nul échapper; fût-il monté ou à pied, il ne fut si fort et fier, qu'il ne perdit la tête, sans plus de détour, Excepté ceux qui alors étaient entrés dans Mansourah, château fort, bien garni et très-bien approvisionné. Dedans fut le soudan, qui par Mahomet avait juré que grand embarras il ferait ce jour à la chrétienté. L'armée des chrétiens s'est portée en arrière, le maître du Temple, chevalier avec (ses) frères, et le comte d'Artois déploye sa bannière; là il voulut demeurer de la même manière. Et le comte Longue-Épée hardi et preux, et le comte de Provence, chevalier téméraire, et le comte de Flandre, (et) nombre à pied et à cheval, sont là demeurés tous à se reposer. Ils délacèrent leurs heaumes pour s'éventer, arranger leurs armes, faire manger leurs chevaux ; ils se mettent à l'aise eux-mêmes, ils en Tant aveint combatu, n'ont talent [de] jucr; De or e de argent troverunt graunt plenté, Une gente conseilerunt tot pleinèrement Le Musoire prendre e aver à talent; Qar mult aveint le jour ben espleité, Et si Dieu plest de gloire, la matine ont pensé Le Musorie aler plus près. Qant lur gent unt assemblé, avaient grand besoin; ils avaient tant combattu qu'ils n'ont envie de joner; ils tiennent conseil ensemble comment ils voudraient agir, s'ils devaient aler en avant ou là demeurer. Pendant ce temps-là ceux qui voulurent gagner, retournèrent à leurs logements, et trouvèrent grand avoir, bien plus que ma langue ne saurait démontrer; D'or et d'argent ils trouvèrent grande abondance, plus qu'ils ne peuvent porter quand il fut pris. Certains conseillèrent tout uniment de demeurer jusqu'à ce qu'ils eussent plus de monde, qu'ils pussent aller avec plus d'assurance prendre Mansourah et l'avoir à leur gré; Car ils avaient le jour beaucoup marché, tué des Sarrasins et chassé de leurs logements, chevaux et armes, or et argent gagné, et Sarrasins tué, découpé et taillé en pièces. Et s'il plaît à Dieu de gloire, le matin ils ont pensé d'aller plus près de Mansourah. Quand |