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En vingt jours ils arrivèrent à la ville'. Les habitants sortirent au-devant d'eux et leur demandérent : « Qui êtesvous? >>

Ils leur répondirent : « Nous sommes des ambassadeurs qui venons ici des mers orientales, envoyés par le roi [Argoun], le Patriarche et les princes Mongols. »

Ces hommes s'empressèrent d'aller annoncer la chose au roi qui les reçut avec joie et les fit venir près de lui.

Les familiers de Rabban Çauma remirent au roi le diplôme et les présents que le roi Argoun lui envoyait, ainsi que la lettre de Monseigneur le Catholique.

Le roi fut très content, mais sa joie s'accrut vivement quand on parla de la question de Jérusalem. « Nous, dit-il, rois de ces villes, nous avons pris le signe de la croix sur nos corps et nous n'avons d'autre préoccupation que cette affaire. Mon cœur s'est dilaté en apprenant que ce que je pense, le roi Argoun le pense aussi. >>

Le roi ordonna à Rabban Çauma de célébrer la messe. Celuici célébra donc les glorieux mystères; le roi et la cour y assistèrent. Le roi communia et donna ce jour-là un grand festin.

Après cela, Rabban Çauma dit au roi : « Nous vous prions, ô roi, d'ordonner qu'on nous montre tout ce qu'il y a en ce pays [en fait] de reliques et d'églises, afin que nous puissions en faire l'histoire lorsque nous retournerons chez les Orientaux. »

Le roi répondit : « Vous parlerez ainsi au roi Argoun et à

turba pervenit; cui occurrit ibidem, honoris gratia, Rex Francorum..... Expectavit autem Rex Edwardus Parius (sic) ad festum Pentecostes, circa quod tempus Fratres Praedicatores ibidem suum Capitulum Generale tenuerunt; quod uterque Rex, Francorum et Anglorum, et utraque regina, diebus diversis sua præsentia honorarunt. Post Pentecosten vero Rex Angliae de Parisio Wasconiam est profectus. Bien mieux, la Chronique de Saint-Denis (Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XX, p. 654), reproduisant le texte de GUILLAUME De Nangis (ibid., p. 571), fixe le passage d'Édouard à Paris en 1286. En toute hypothèse, Edouard ne retourna pas en Angleterre avant 1290. Les témoignages de l'Historia Anglicana sont formels : « Anno gratiae 1288..... cum adhuc Rex An gliae in Wasconia moraretur, etc.— Anno gratiae 1290..... Circa tempus istud, Rex Angliae, de Wasconia reversus, Londoniis solemniter recipitur a clero totaque plebe... » (op. cit. pp. 28, 30, 31). Nous avons d'ailleurs plusieurs lettres d'Edouard, du mois de juin 1289, datées de diverses villes de Gascogne (Doc. inéd. sur l'Hist. de Fr. Lettres de rois, etc., t. Ier). C'est donc bien pour la Gascogne que Rabban Çauma partit de Paris. 1. Le texte porte littéralement : « à leur ville ». Il s'agit sans doute de Bordeaux.

tous les Orientaux: « Il n'y a rien de plus admirable que ce « que nous avons vu, à savoir que dans les pays francs il n'y a « pas deux confessions, mais une seule profession de foi en << Notre-Seigneur, que tous les chrétiens confessent 1. >>

Il leur donna de nombreux présents et de quoi subvenir aux dépenses du voyage.

Rabban Çauma retourne à Rome.

De là, Rabban Çauma et ses compagnons revinrent passer l'hiver à Gènes, ville d'Italie ".

Quand ils y arrivérent, ils virent ce jardin, semblable au paradis, sans hiver rigoureux, sans été trop chaud. On y trouve de la verdure en toute saison et les arbres n'y restent pas sans fruits. Une espèce de vigne donne des fruits sept fois par an, cependant on n'en tire pas de vin.

A la fin de l'hiver arriva d'Allemagne un personnage important c'était le périodeute 3 de Monseigneur le Pape qui se

1. La chose devait, en effet, paraitre extrêmement singulière dans un pays où, non seulement des hommes professant les cultes les plus divers occupaient le même territoire, mais où la religion chrétienne elle-même était divisée en plusieurs sectes presque toujours en lutte entre elles, soit pour des raisons dogmatiques, soit, plus souvent encore à l'époque dont nous parlons, pour des questions d'intérêt matériel.

2. D'après les indications vagues éparses çà et là dans le récit, nous pouvons établir approximativement la chronologie du voyage de Rabban Çauma de la manière suivante :

Rabban Çauma était à Naples le 24 juin et dut quitter cette ville assez promptement. En supposant qu'il mit trois semaines pour traverser l'Italie et qu'il s'arrêta autant de temps à Rome, il dut passer à Gênes avant le 15 août. En moins d'un mois il était à Paris, c'est-à-dire au plus tard le 10 septembre. Il passa un mois entier dans cette ville et dut par conséquent en partir vers le 10 octobre. Il rejoignit le roi d'Angleterre, en Gascogne, après vingt jours de marche, c'est-à-dire dans les premiers jours de novembre. Il a donc pu facilement être de retour à Gênes dans la première quinzaine de décembre, ou mème dans les premiers jours de ce mois.

3. Ce personnage, qualifié de Périodeute ou Visiteur, n'était autre que le célèbre cardinal-légat Jean de Tusculum, qui avait été envoyé en Allemagne par le pape Honorius IV, à la fin de l'année 1286, dans le but de régler les dispositions du couronnement de l'empereur Rodolphe de Habsbourg, qui était fixé au 2 février 1287, et de voir quels remèdes on pourrait apporter à certains abus qui régnaient en ce pays. Il présida, le 18 mars 1287, un concile à Wurzbourg, à la suite duquel il eut des difficultés avec les prélats d'Allemagne, à propos des contributions qu'il demandait pour la nouvelle croisade. Ces affaires n'étaient pas encore réglées quand le pape mourut, ce qui contribua peut-être à hàter son départ. En tous cas, aussitôt qu'il apprit la mort d'Honorius IV, il s'empressa de quitter le pays et de retourner à Rome. V. MANSI, Coll. Concil., tome XXIV, p. 943. BARON., Annal., ad ann. 1287.

rendait à Rome. Ayant appris que Rabban Çauma se trouvait là, il alla le voir et le saluer. Quand il entra chez celui-ci, ils se saluérent mutuellement et s'embrassèrent dans la charité du Christ.

Le périodeute dit à Rabban Çauma : « Je suis venu te voir, car j'ai entendu dire que tu étais un homme vertueux et sage, et que tu avais l'intention d'aller à Rome. >>

Rabban Çauma lui répondit : « Que te dirai-je? cher et vénérable. Je suis venu en ambassade près de Monseigneur le Pape de la part du roi Argoun et du Catholique de l'Orient, à propos de Jérusalem. Voici une année entière d'écoulée. Le siège papal est vacant. Que dirai-je et que répondrai-je aux Mongols, à mon retour? Ceux qui ont le cœur plus dur que le roc veulent s'emparer de Jérusalem et ceux à qui elle appartient ne se préoccupent pas de cette affaire; ils n'y attachent aucune importance! Que dire à notre retour? Nous n'en savons rien. »>

Le visiteur lui dit : « Tes paroles sont vraies. Pour moi, je pars. J'exposerai exactement aux Cardinaux tout ce que tu m'as dit, et je les presserai d'élire un pape. »

Ce visiteur partit donc de Gênes et alla à Rome.

Il exposa ces choses au Roi, c'est-à-dire à Monseigneur le Pape, qui envoya le même jour un messager à Rabban Çauma et à ses compagnons pour les faire venir. Ceux-ci, le jour même de l'arrivée du messager, prirent avec empressement le chemin de Rome, où ils parvinrent en quinze jours.

Ils demandérent qui était ce pape qu'on avait élu. On leur dit que c'était l'évêque qui avait parlé avec eux lors de leur première arrivée et qu'il s'appelait Nicolas 1; ce qui les réjouit vivement. Quand ils arrivėrent, Monseigneur le Pape envoya

1. Jérôme d'Ascoli (voir ci-dessus, page 63, n. 2), qui fut élu le 20 février 1288 et couronné le 25 du même mois. Né à Ascoli, dans la marche d'Ancône, il entra dans l'ordre des Frères Mineurs, devint docteur en théologie, fut nommé par saint Bonaventure, alors général de l'ordre, provincial de Dalmatie, d'où il fut envoyé comme nonce à Constantinople par le pape saint Grégoire X. Pendant cette fonction il fut élu général de son ordre, au chapitre général tenu à Lyon, en 1274. Il donna sa démission qui ne fut pas acceptée. En 1278, le pape Nicolas III le fit cardinal-prêtre du titre de SaintePotentienne, et c'est en mémoire de ce pape qu'il prit le nom de Nicolas IV. Martin IV l'avait fait évêque de Palestrina, en 1281. Ce fut le premier pape de l'ordre des Frères Mineurs.

au-devant d'eux un métropolitain avec plusieurs personnes.

Rabban Çauma fut aussitôt introduit près du Pape qui siẻgeait sur son trône. Il s'approcha de lui avec révérence, lui baisa les pieds et les mains et se retira à reculons les mains croisées sur la poitrine.

Il dit à Monseigneur le Pape : « O père, que ton trône soit exalté à jamais! Qu'il soit béni au-dessus de tous les rois et de tous les peuples! Puisses-tu régner en paix toute ta vie, sur toute l'Église jusqu'aux extrémités de la terre. Maintenant que j'ai vu ton visage, mes yeux se sont illuminés de joie de n'être pas retourné dans mon pays le cœur brisé [de douleur]. Je rends grâces à Dieu de ce qu'il m'a jugé digne de te voir. » Il lui offrit les présents et les lettres du roi Argoun 1 ainsi que les présents de Mar Jabalaha le Catholique, c'est-à-dire son offrande et ses lettres 2.

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1. Nous ne croyons pas que cette lettre d'Argoun soit celle qui nous a été conservée dans une mauvaise traduction latine, et qui est datée du mois de mai 1285. Nous étudierons cette dernière dans notre Etude sur les relations du roi Argoun, etc.

2. Que contenaient ces lettres de Jabalaha au pape? Il est impossible de le dire, à moins qu'une découverte ultérieure ne vienne nous apporter soit le document original, soit une traduction, comme pour la lettre d'Argoun. On peut conjecturer qu'elles n'avaient pas un caractère dogmatique. C'étaient simplement des lettres de convenance, de relations amicales, sans rapport avec la réunion des Nestoriens à l'Église romaine. Il est d'ailleurs permis de se demander si Jabalaha soupçonnait que le Pape tint une autre doctrine que lui. RAYNALDUS (Ann., ad ann. 1304) rapporte que Jabalaha fit acte de soumission au Saint-Siège, par une lettre dont il donne la traduction latine, et que nous étudierons de plus près. A cette époque les papes et les rois d'Occident furent souvent mal informés sur les affaires d'Orient, et les chrétiens de ces contrées cherchaient par toute sprte de moyens à provoquer de nouvelles croisades. Qui nous assure d'ailleurs que les lettres de Jabalaha furent bien interprétées ? En tous cas, il est curieux de rapprocher des faits rapportés dans notre Histoire, le texte suivant de RICOLDO DI MONTE-CROCE; le patriarche dont parle RICOLDO est évidemment Jabalaha III, puisque ce missionnaire arriva en Perse après le règne d'Argoun et revint mourir à Florence en 1309:

« Cum igitur pervenimus ad eos [Nestorianos] in Baldacum [= Bagdad], ubi est sedes eorum, receperunt nos gratanter prima facie; sed audito, quod praedicavimus virginem Dei genitricem... nos de eorum ecclesia turpiter ejecerunt, et ipsam ecclesiam, in qua praedicaveramus contra Nestorium lavarerunt cum aqua rosacea, et celebraverunt solempnem missam, ut eum placarent..... >>

« Post hec veniens [probablement de Maragha] patriarcha eorum, qui distabat per decem dietas et amplius, dum sederet ipse patriarcha in ioserchiarcha, in sua sede deaurata, et ad pedes ejus episcopi et archiepiscopi et religiosi, nos autem armati gracia Dei ita confudimus omnes, ut ipse patriarcha coram omnibus mentiretur, et negavit se esse Nestorinum, nec imitatorem Nestorii. Et versi sunt omnes in stuporem de taciturnitate eorum et silencio.' Post hec archiepiscopi et episcopi ipsosmet adinvicem arguentes de silentio tantae con

Monseigneur le Pape tressaillit de joie et d'allégresse; il fit à Rabban Çauma plus d'honneur que de coutume et lui dit : « Il faut que tu passes la fête avec nous. Tu verras nos usages'. »

C'était, en effet, le jour de la mi-carème.

Rabban Çauma répondit : « Votre ordre est grand et sublime. »

Monseigneur le Pape lui assigna une demeure et lui donna des serviteurs chargés de lui procurer tout ce qui lui serait nécessaire.

Après quelques jours Rabban Çauma dit à Monseigneur le Pape : « Je veux dire la messe, afin que vous aussi voyez notre coutume. »

Le Pape lui accorda la permission de célébrer comme il le demandait. Ce jour-là il y eut une affluence de peuple considérable pour voir comment célébrait l'envoyé des Mongols. Ils virent et se réjouirent en disant : « La langue est différente, mais le rite est le même ».

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Le jour où il consacra et célébra les divins mystères était le dimanche aynau asia, Il entra ensuite chez Monseigneur

fusionis, et ipsum patriarcham verbis asperimis increpantes et improperantes, quod esset Francus et adversarius Nestorii, jactaverunt se quod possent nos disputatione publica superare..... Cum autem turpiter et totaliter deficerent..... maxime majores et magis intelligentes, videntes quod eorum perfidiam non poterant defendere nec fidem nostram aliqualiter impugnare dixerunt : « Confi« temur, quia hec est veritas fidei quam praedicatis, sed non audemus aliis « dicere publice, ne ab eorum contubernio repellamur». Dilexerunt enim magis gloriam hominum quam Dei. Patriarcha eciam contra voluntatem episcoporum ordinavit quod in eorum locis verbum Dei libere praedicaremus, et ita inceperunt audire et ad fidem redire, et venientes peccata sua confitebantur.» (Ed. Laurent, pp. 130-131).

1. Rabban Çauma suivit, en effet, les cérémonies de la Semaine Sainte avec tant d'attention qu'il nous en a laissé une description très fidèle, bien qu'abrégée, dans les lignes suivantes. Pour donner une idée de l'exactitude et de la précision du récit de notre voyageur, jusque dans les moindres particularités, je n'ai rien trouvé de mieux que de mettre ici en note les extraits correspondants des Rituels romains, à peu près contemporains de Bar Çauma, publiés dans le tome II du Museum Italicum de MABILLON (Paris, 1689). C'est à ce volume que renvoient les indications de pages. Ceux qui désireraient de plus amples détails sur ces cérémonies liturgiques pourront recourir au savant commentaire de l'éditeur, placé en tête du mème tome.

2. Il est fort douteux que les Romains aient trouvé une si grande conformité de rite entre le leur et le rite nestorien qui a d'ailleurs conservé les plus anciennes traditions de la liturgie syriaque. Mais ils ont pu, sans difficulté, reconnaitre les principales cérémonies extérieures de la messe, comme la lecture de l'Épitre et de l'Evangile, la consécration, l'élévation, la communion.

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