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Ils apprirent que les gens de ce pays ne jeûnaient point la première semaine du carême. Ils demandérent : « Pourquoi faitesvous cela et vous distinguez-vous ainsi de tous les chrétiens? »> Ceux-ci répondirent : « Telle est notre coutume. A l'origine de notre conversion, nos pères dans la foi étaient faibles et ne pouvaient jeûner. Ceux qui les ont convertis leur ont ordonné de jeûner seulement quarante jours 1. »

sacristie de l'église de Saint-Laurent. On en trouve l'histoire et la description dans la Revue archéologique de 1845, d'où j'extrais ce qui suit: « Il est d'une couleur d'émeraude, d'une forme agréable, les angles sont bien tranchés, les anses prises dans la matière sont bien placées, les ornements qui consistent seulement en des rangées de points creux sont de bon goût, les soufflures sont peu nombreuses. Il est aisé de voir qu'après avoir été fondu en entier il a été habilement réparé au touret. Lors de la prise de Césarée, il passa au pouvoir des Génois comme partie de la portion du butin à laquelle ils avaient à prétendre. Déposé dans l'église de Saint-Laurent il n'était offert aux regards des fidèles qu'une fois par an et de loin, par un prélat qui le tenait avec un cordon tandis qu'il était surveillé lui-même par des chevaliers nommés clavigeri, chargés de veiller à sa conservation qui étaient choisis parmi les premiers citoyens de la République. Des amendes, et en certains cas la mort, étaient prononcées contre ceux qui auraient osé toucher cette précieuse relique. On la regarda longtemps comme étant une émeraude d'une gigantesque dimension. Mais au XVIIIe siècle plusieurs observateurs affirmèrent que ce n'était que du verre. Il fut pris par les Français, transporté à Paris et examiné par une commission de l'Institut qui décida que ce n'était que du verre coloré. Il retourna à Gènes en 1816 et se trouva brisé à son arrivée. »

L'arrivée en Europe de cette célèbre relique est signalée dans une légende, rapportée par Geoffroy de Montmouth, au XIIe siècle, qui présentait ce vase comme taillé dans une émeraude, et comme ayant été présenté au roi Salomon par la reine de Saba. (Cf. ROHAULT DE FLEURY, Mém. sur les instruments de la Passion, p. 277; le Sacro Cattino est représenté dans ce volume, pl. XXIII.) 1. Outre le jeûne du mercredi et du samedi de chaque semaine, les Nestoriens, au temps de Bar Çauma (car depuis lors ils ont modifié un peu leurs coutumes), observaient sept jeûnes dans le cours de l'année : 1o Le jeûne dominical qui correspond à notre carème et qui dure sept semaines entières, depuis notre dimanche de la Quinquagésime qu'ils appellent l'Entrée du jeûne, jusqu'à Pâques, sans en excepter les samedis ni les dimanches; - 2o Le jeûne des Apôtres, depuis le mardi de la Pentecôte jusqu'à la première semaine de l'été, qui est la septième après la Pentecôte, en laquelle ils célèbrent la fète des douze Apôtres; 3o Le jeûne de l'Assomption de la Vierge, depuis le ler jusqu'au 15 août; 4o Le jeune d'Élie ou de la Croix qui durait aussi sept semaines, depuis le quatrième dimanche de l'été; 5o Le jeune de la Nativité ou de l'Annonciation, depuis le premier dimanche de l'Annonciation (Avent) jusqu'au 25 décembre; - 6o Le jeûne des Ninivites ou de la Rogation pendant trois jours, le lundi, mardi et mercredi avant le carême; 70 Le jeûne des Vierges, les trois jours qui suivent la fête de l'Épiphanie."

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Aujourd'hui, les jeûnes de la Croix et des Vierges sont supprimés. Celui de la Nativité commence le 1er décembre, et celui des Apôtres finit au 29 juin. Les jeûnes des Apôtres, de la Croix, de la Nativité n'étaient point obligatoires pour les laïques. (Cf. ASSÉMANI, Bibl. Or., t. III, part. 2., p. 284 et suiv.)

Puisque Rabban Çauma qui n'est certainement pas arrivé à Gènes pendant le carême a eu occasion de parler du jeûne, il est naturel de supposer que ce sujet de conversation a été amené par la coïncidence d'un jeune nestorien avec

Rabban Çauma en France.

Ils s'en allèrent ensuite dans la région de Paris, près du roi de Phransis.

Ce roi' envoya au-devant d'eux une escorte nombreuse qui les conduisit dans la ville avec honneur et en grande pompe. Son pays a l'étendue de plus d'un mois de marche. On leur assigna une demeure, et, après trois jours, le roi de France. envoya un de ses émirs appeler Rabban Çauma.

Lorsque celui-ci arriva, le roi se leva devant lui et le traita avec honneur. Il lui dit : « Pourquoi es-tu venu? Qui t'envoie? >>>

Rabban Çauma répondit : « C'est le roi Argoun et le Catholique d'Orient qui m'ont envoyé au sujet de Jérusalem. >>

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Il fit connaître au roi tout ce qu'il savait, lui donna les lettres qu'il avait avec lui et les cadeaux, c'est-à-dire les présents, qu'il avait apportés.

Le roi de France reprit : « Si les Mongols, qui ne sont pas chrétiens, luttent avec les Arabes pour s'emparer de Jérusalem, à plus forte raison convient-il que nous nous combattions, et, s'il plaît à Notre-Seigneur, nous irons avec une forte armée. »

Rabban Çauma dit au roi : « Maintenant que nous avons vu la gloire de votre royauté et que nous avons considéré de nos yeux corporels la merveille de votre puissance, nous vous prions d'ordonner aux habitants de la ville de nous faire voir

l'époque de son séjour dans cette ville. Il aura remarqué que les Génois ne jeûnaient point et se sera informé des motifs de leur manière d'agir. On peut supposer qu'il se trouvait là pendant le jeûne de l'Assomption, c'est-à-dire du 1er au 15 août.

1. Philippe IV le Bel, qui régnait depuis l'an 1285.

2. Il existe encore actuellement aux Archives nationales une lettre, en mongol, du roi Argoun à Philippe le Bel, mais ce n'est pas, comme l'avait compris ABEL REMUSAT, celle qui fut apportée et présentée par Rabban Çauma. D'ailleurs la date (1289) s'y oppose. C'est une réponse à l'ambassade que Philippe envoya à Argoun après avoir accueilli Rabban Çauma. Elle est accompagnée d'une note, en français de l'époque, rédigée par le messager du roi mongol, un certain Buscarel. Telle est du moins la forme de son nom dans le document dont nous parlons. Je reproduirai in extenso et j'étudierai ces textes dans mon Essai sur les relations du roi Argoun, etc.; je montrerai comment ils concordent avec notre récit, et quelles modifications il est nécessaire d'introduire dans le Mémoire d'ABEL REMUSAT.

les églises, les châsses et les reliques des saints, et tout ce qu'il y a chez vous qui ne se trouve point ailleurs, afin que, quand nous retournerons, nous puissions raconter et faire connaître dans notre pays ce que nous aurons vu chez vous. »

Le roi donna ordre à ses émirs: « Allez, faites-leur voir tout ce qu'il y a de remarquable chez nous; ensuite je leur montrerai moi-même ce que j'ai près de moi. »

Les émirs sortirent donc avec eux.

Ils restèrent un mois et quelques jours dans cette grande ville de Paris et virent tout ce qu'elle renfermait.

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Il y avait là trente mille (sic) écoliers 1 qui étudiaient les sciences ecclésiastiques et profanes, c'est-à-dire l'interprétation et l'explication de tous les livres saints; la sagesse, c'està-dire la philosophie et la rhétorique avec la médecine, la géométrie, l'arithmétique et la science des planètes et des étoiles; ils sont constamment occupés à écrire, et tous reçoivent du roi la nourriture.

Ils virent aussi dans une grande église qui se trouve là les cercueils des rois défunts et leurs images, en or et en argent, placées sur leurs tombeaux 2. Il y a pour le service funèbre de ces rois cinq cents moines qui mangent et boivent aux frais du roi. Ils persévèrent dans le jeune et la prière sur

1. Le nombre est sûrement exagéré, mais moins que l'on ne pourrait supposer. Il suffit de compter les collèges et maisons destinés à recevoir les écoliers, pour constater qu'à cette époque Paris était le rendez-vous d'une multitude d'étudiants qui y étaient attirés par la renommée de son Université et aussi par les nombreux avantages attachés aux privilèges de cet établissement. Voir DUBARLE, Hist. de l'Univ. depuis son origine, Paris, 1829.)

2. L'église de Saint-Denis dont le choeur et le chevet venaient d'ètre terminés (1281). Quant aux expressions de l'auteur: « leurs images en or et en argent » elles sont pleinement justifiées par les descriptions de l'ancienne basilique. La chàsse de saint Louis était recouverte de plaques d'argent ciselées; les sarcophages de Louis VIII et de Philippe Auguste étaient de vermeil et ornés de figures en bas-relief; le tombeau de Charles le Chauve était de cuivre et portait la statue du prince revêtu des ornements impériaux, etc. (Voir J. DOUBLET, Histoire de l'abbaye de Saint-Denys en France, Paris, 1625.)

3. Le chiffre des religieux est peut-être un peu exagéré. Nous savons cependant pertinemment que sous l'administration de l'abbé Mathieu de Vendôme qui gouverna le royaume de France pendant la seconde croisade, leur nombre s'élevait à deux cents. «Ils mangeaient et buvaient aux frais du roi » en ce sens qu'ils vivaient des riches revenus des dotations royales dont jouissait l'abbaye, revenus qui, d'ailleurs, auraient amplement suffi, à l'époque où Rabban Çauma visita la basilique, à faire vivre plusieurs milliers de moines, et qui se sont encore accrus par la suite jusqu'à la Révolution (Voir l'ouvrage cité à la note précédente).

les tombeaux de ces rois. Les couronnes de ces princes, leurs armes et leurs vêtements sont placés sur leurs tombeaux.

En un mot, tout ce qu'il y a de grandiose et de remarquable [dans Paris], ils le virent.

Après cela, le roi lui-même les fit appeler. Ils se rendirent donc près de lui, à l'église. Ils le virent qui se tenait du côté de l'Orient et ils le saluèrent.

Le roi demanda à Rabban Çauma : « Avez-vous vu tout ce qu'il y a chez nous? Ne vous reste-t-il plus rien à voir? »>

Rabban Çauma lui rendit grâces. Et aussitôt il monta avec le roi vers un tabernacle d'or que le roi ouvrit. Il en tira un reliquaire de cristal dans lequel se trouvait la Couronne d'épines que les Juifs placèrent sur la tête de Notre-Seigneur lorsqu'ils le crucifièrent. La Couronne se voit à l'intérieur du reliquaire, sans que celui-ci soit ouvert, grâce à la transparence du cristal. Il y avait aussi dedans une partie du bois de la Croix '.

Le roi leur dit : « Quand nos ancêtres ont pris Constantinople et ont pillė Jérusalem, ils en ont rapporté ces objets de bénédiction 2. »

1. On sait que ce fut pour abriter la Couronne d'épines et les autres reliques qu'il avait reçues de Constantinople, que le roi saint Louis fit batir la SainteChapelle. Sur la translation de ces reliques on peut lire les documents contemporains réunis dans le tome II des Exuviae sacrae de RIANT. En confirmation du récit de Rabban Çauma, GOSSELIN (Notice historique sur la sainte Couronne, p. 102), nous dit que, depuis la fondation de la Sainte-Chapelle jusqu'en 1656, les clefs en étaient gardées par le roi lui-mème ou par un seigneur délégué qui ne pouvait les prêter sans l'ordre du roi.

Le reliquaire que Rabban Çauma a pu admirer n'existe plus. La Couronne est actuellement conservée à Notre-Dame, dans un anneau de cristal, en six pièces, attachées par trois agrafes en bronze doré et par des fils de soie rouge, passant par des trous percés dans les rebords saillants du cristal et formant une espèce de couture pour retenir les sceaux. Elle se compose d'un anneau de petits joncs réunis en faisceaux. Le diamètre intérieur de l'anneau est de 210 millimètres; la section a 15 millimètres de diamètre. Les joncs sont reliés par quinze ou seize attaches de joncs semblables. Un fil d'or court au milieu de ces attaches. Le diamètre des joncs varie de 1 millimètre à 1 mm. 1/2; ils sont creux et leur surface apparaît, à la loupe, sillonnée de petites côtes. D'après les conclusions de ROHAULT DE FLEURY, à qui j'emprunte ces détails (Mém. cité, p. 206 et suiv.), la couronne était tressée de jonc (juncus balticus) et d'épines du genre rhamnus, probablement du zizyphus spina Christi.

2. Les expressions du roi sont vraies quant au fond. La plupart des reliques de la Passion avaient été rapportées de Jérusalem à Constantinople, soit à l'époque de la première croisade, soit même à une époque antérieure. Cependant, elles ne laissent pas soupçonner que les reliques de la Sainte-Chapelle vinrent à Paris tout autrement que par droit de conquête. Baudoin II, empereur de Constantinople, avait emprunté aux Vénitiens une somme de 13,075 hyper

Nous avons béni (=remercié) le roi et l'avons prié de nous donner la permission de nous en retourner. Il nous répondit : « J'enverrai avec vous un des principaux émirs de mon palais pour aller rendre réponse au roi Argoun 1. »

Le roi donna ȧ Rabban Çauma des présents et des vêtements princiers.

Rabban Çauma en Angleterre 2.

Ils partirent donc de là, c'est-à-dire de Paris, pour aller près du roi Alanguitar en Kasonia 3.

pères (environ 156,900 livres); ne pouvant se libérer, il s'adressa au roi de France qui, en 1238, paya la dette et devint possesseur des reliques, parmi lesquelles se trouvait la « Couronne d'épines », que l'empereur avait consignées comme gage entre les mains de ses prêteurs. Ayant ensuite obtenu de l'empereur une portion de la vraie Croix avec d'autres reliques, il fit construire la Sainte-Chapelle pour les y déposer.

1. Le roi envoya, en effet, des ambassadeurs au roi Argoun, comme nous l'apprenons par la note de Buscarel que j'ai signalée plus haut. « Ces ambassadeurs, dont le nom ne s'est pas conservé et dont le voyage, dit A. RÉMUSAT, n'est pas même indiqué par nos historiens, se conduisirent auprès d'Argoun avec une hauteur dont ce prince adressa à Philippe le Bel des plaintes remplies de modération. Ils refusèrent de lui rendre les honneurs que le roi de Perse attendait d'eux, sous prétexte que ce prince n'étant pas chrétien, ils manqueraient à ce qu'ils devaient à leur maître s'ils consentaient à lui prêter hommage, c'est-à-dire, suivant toute apparence, à se prosterner devant lui. comme il les en fit requérir par trois fois. A la fin, Argoun les reçut comme ils l'entendirent et leur fit beaucoup de caresses » (Mém. cité, p. 120). C'est ce qui résulte du passage suivant de la note de Buscarel: « Encore, sire, vous fait assavoir ledit Argoun que les vos grans messages que vous antan li envoyates ne li voudrent faire redevance ne honneur tels comme il est acoustume de faire de toutes mennieres de gens, roys, princes et barons qui en sa cour viennent. Car, si comme ils disoient, ils ne feroient pas votre honneur dagenoiller soy devant li pour ce qui nestoit mie baptise ne leve crestien, et si les en fist-il par trois fois requerre par ses grans barons; et quant il vit qu'il nen voloient autre chose faire, il les fist venir en la maniere qu'ils voudrent et si leur fist grant joie et mout les honnoura si comme il meisme scevent. Si vous fet assavoir, sire, ledit Argon que se ledit votre message firent ce par votre commandement, il en est tous liez, car tout ce qui vous pleist li plait ausing, priant vous que si vous li envoiez yceuls ou autres messages, que vous voulliez souffrir et commander leur que il li facent tele reverence et honneur comme coustume et usage est en sa court sanz passer par feu. » — J'expliquerai ce que signifient ces dernières paroles en

annotant le document.

2. Cette rubrique, insérée dans le texte par M. BEDJAN, ne paraît pas justifiée. 3. C'est-à-dire « près du roi d'Angleterre, en Gascogne ». Ce roi était Edouard Ier (1272-1307), qui se trouvait alors effectivement en Gascogne. Il avait quitté l'Angleterre au commencement de cette année 1287, selon l'auteur de l'Historia anglicana (Chronica monast. S. Albani, t. Ier, p. 28): « Anno gratiae 1287..... Papa Honorius Quartus moritur, cui successit Nicholaus Quartus..... Hoc anno Rex Angliae in Gallis transiens, Ambianis cum honorifica

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