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PAR LA VERTU DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST NOUS TRANSCRIVONS L'HISTOIRE DU PÈRE DES PÈRES, ET DU CHEF DES PASTEURS, MAR JABALAHA, CATHOLIQUE, PATRIARCHE DE L'ORIENT, ET DE RABBAN ÇAUMA, VISITEUR GÉNÉRAL, TURCS ORIENTAUX '.

Préface.

Le Dieu tout puissant, miséricordieux et clément, qui dans l'abondance de sa grâce donna l'être à toute créature, pour perfectionner le genre humain dans la connaissance de la vérité et dans les bonnes œuvres, pour diriger les bienheureux et les faire parvenir aux degrés [supérieurs], a fait descendre son fils unique qui s'est revêtu de chair et a caché sa gloire. Derrière le voile de l'humanité, les rayons de sa lumière ont brillė. Il a aboli les lois matérielles, imparfaites et grossières, et a communiqué des commandements spirituels, parfaits et purs; il a aboli les sacrifices d'animaux par l'immolation de son corps et de son sang, et il a enrichi le monde entier par la sagesse de sa science. Il étendit en tous lieux, à l'aide de ses disciples, le filet de son évangélisation vivifiante; il s'en retourna, et ceux-ci allèrent jeter la bonne semence de sa prédication sur toute la terre. Ensuite, les disciples de ceux-ci éclairèrent les quatre coins du monde (par la lumière) de la foi orthodoxe et de la Trinité royale, et y firent briller les actions excellentes et les œuvres parfaites.

1. Le mot Mar est un terme honorifique, qui signifle, en syriaque, très exactement Monseigneur; on l'applique aux saints, aux personnages vénérables et à ceux qui sont revêtus de dignités. Je le laisserai indifféremment sous sa forme Mar, ou je le traduirai par Monseigneur selon que l'harmonie de la phrase semblera l'exiger. Quant au titre de Catholique, du grec xaboλixós universel, perpétuel, c'est, comme je l'ai dit dans mon Avant-propos, l'appellation propre du patriarche des Nestoriens qui s'intitule aussi Patriarche de l'Orient, et Père des Pères ou Chef des Pasteurs.

Cette parole ne peut être anéantie ni annulée, car Celui qui a établi la loi l'a scellée : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la fin du monde'. » A l'entreprise se joint la récompense, et à la parole l'œuvre s'ajoute peu à peu, jusqu'à faire des enfants de Dieu de ceux qui étaient sans loi; les Hindous, les Chinois et les autres peuples orientaux furent saisis et reçurent le frein de la crainte de Dieu; leurs sens et leurs consciences furent oints par l'Esprit-Saint.

La noblesse de la race ne sert, en effet, à rien, si on n'accomplit pas le bien dans la conduite de sa vie, et le don [de Dieu] n'est pas refusé lorsque des œuvres bonnes et des pensées saines se joignent à une origine méprisable. Quel profit ce fut-il pour les Juifs d'être les descendants d'Abraham, puisqu'ils sont devenus étrangers à la famille de Dieu? Et pour les Gentils, quelle perte de ne l'avoir pas été, puisqu'ils sont devenus de la maison de Dieu? Car, aujourd'hui, les Turcs ont attaché à leur cou le joug de la domination de Dieu; ils ont cru et approuvé de tout cœur la parole du Seigneur : « Quiconque n'abandonne pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, pour prendre sa croix et marcher à ma suite, n'est pas digne d'être mon disciple. »

L'audition de ce commandement parfait excita l'admiration de deux hommes vaillants dont nous avons à parler ils se dépouillérent de leurs passions, laissèrent parents et enfants, bref, renoncérent à toutes les espérances de leur éducation, et, comme des aigles rapides, ils renouvelèrent la jeunesse de leur pensée dans des travaux pénibles et dans un genre de vie laborieux, jusqu'à ce qu'ils eussent atteint leur véritable espérance; et ils retirérent des travaux qu'ils s'étaient imposés, comme nourriture parfaite, des fruits agréables et délicieux.

Maintenant, nous allons parler séparément de la famille de chacun d'eux, de leur pays, de leur genre d'éducation différent, de leur habitation commune, et nous intercalerons au milieu de leurs actes ce qui est arrivé de leur temps, à leurs personnes, ou par leur intermédiaire, ou à cause d'eux, et nous dirons chaque chose comme elle s'est passée.

1. MATTH. XXVIII, 20.

2. Cf. Luc, XIV, 27.

CHAPITRE PREMIER

HISTOIRE DE RABBAN ÇAUMA.

Il y eut un homme fidéle, noble et craignant Dieu, riche des biens du monde et de ceux de la nature, connu dans sa famille et sa tribu, qui s'appelait Schiban et était Visiteur. Il habitait la ville appelée Khan-balik, c'est-à-dire la ville royale du pays

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1. Ou périodeute. Les fonctions des périodeutes ne sauraient être déterminées avec précision. Elles ont aussi varié selon les temps et les régions. Il semble que, chez les Nestoriens de l'Orient, elles aient été considérées comme une charge très honorable, puisque nous verrons plus loin un évêque, pourvu d'un siège important, les ambitionner (ci-dessous, chap. vi). Je crois que c'est à tort qu'on a voulu assimiler les Visiteurs orientaux aux Chorévêques de l'Occident.

2. Pékin, selon l'identification généralement acceptée, et qui ne parait pas contestable. Quoi qu'il en soit, il est certain que Khan-Balik désigne la capitale de l'empire de Khoubilaï-Khan. Le nom de la cité est la transcription exacte du mot turc oriental Khân-bâligh qui signifie « la ville du Khan ». « Cette ville, dit l'historien persan RASCHID ED-DiN, avait été la résidence des rois précédents; elle fut bâtie anciennement d'après les indications des plus savants astrologues et sous les constellations les plus heureuses, qui lui ont toujours été propices. Comme elle avait été détruite par Tchingniz-Khan, KoubilaïKhân voulait la rétablir afin de rendre son nom célèbre. Il båtit donc tout près une autre ville nommée Daïdou. » (Cf. Nouv. Journ. asiat., t. XI, p. 328). Khân-bâligh était la résidence d'hiver de Khoubilaï et Châng-toû sa résidence d'été.

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Le célèbre voyageur MARCO POLO (ch. LXXXIII) nous a laissé une très curieuse description de Khan-balik, à l'époque où vécut notre personnage. Voici ses propres paroles : Sachiez que le grant Kaan demeure en la maistre cité de Catay laquelle a nom Cambaluc, trois mois de l'an, c'est assavoir, decembre et janvier et fevrier. En ceste ville a son grant palais, et vous deviserai sa façon :

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Il y a tout devant un grant mur quarré qui a de chascune esquarreure une mille; c'est-à-dire que il dure tout environ quatre mille. Et c'est raison car il est moult grans; et si a de hautesce bien dix pas, et est touz blanc et crenellez tout entour. Et en chascun coing de ce mur a un grant palais moult bel et moult riche, où se tient dedens li hernois du seigneur. Ce sont ars et tatars et selles et frains, cordes d'ars et touches choses besoignables à ost. Et encore entre l'un palais et l'autre si a un autre palais semblables à un des quatre coings; si que il y a tout entour le pourpris huit palais moult grans, et touz sont plains de hernois au grant Sire. Mais entendez qu'en chascun palais n'y a que d'une chose seulement; car, se l'un est tout plein d'ars, l'autre palais est touz plains de selles, et l'autre touz plains de frains. Et ainsi vait par chascun tout entour, que chascun n'a que d'une manière de hernois. Et ce mur a à la face de midi cinq portes; ou milieu a une grant porte qui ne s'euvre nulle fois se non quand le grant hernois ist pour ost. Et entre chascune part de ceste grant porte si en y a deux; si qu'il y en a

de l'Orient. Il s'unit légitimement à une femme nommée. Qiamta. Le temps s'étant écoulé sans qu'ils eussent d'hé

cinq et la grant est ou milieu. Et par ces portes mendres entrent tout l'autre gent; et est la grant porte au milieu de ces quatre. Mais ces quatre portes ou entre la gent, ne sont mie l'une jouste l'autre; ains sont les deux aus deux coins de ceste meisme face; et les autres deux sont du costé le grant, si que le grant demeure ou milieu.

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Enmi ceste face devers midi de ce mur, lonc une mille dedens ce mur, si a un autre mur qui est auques plus longs que larges. Le pourpris a aussi huit palais entour, tout en la manière des autres huit dehors, en quoi se tient aussi le hernois du seigneur si comme as autres. Et si y a aussi cinq portes en la face de midi en la manière des autres qui sont en dehors. Et puis en chascun des autres coins si a une porte. Et ou milieu de ces deux murs est le grant palais du seigneur, qui est fait en ceste maniere que je vous dirai.

«Sachez que il est le greigneur qui onques fust. Il n'est pas esolier haut, mais est à pié plain, si que le pavement est plus hault que l'autre terre entour, bien dix paumes (= 2 m. 50). La couverture est moult haute; les murs du palais et les chambres sont toutes couvertes d'or et d'argent. Encore y a pourtrais dragons, bestes, oiseaux, chevaliers et ymages et de pluseurs autres generations de choses. Et la couverture est ainsi faite si que n'y a autre chose que or et argent et painture. La sale est si grans et si large que bien y mengeroient six mille personnes. Il y a tantes chambres que c'est merveille à voir. Il est si grans et si beaux et si riche que il n'y a homme ou monde qui le seut mieux ordener. Les trez de la couverture sont si tous de couleur vermeille et jaune, et vert, et blou et d'autres couleurs. Et sont envernissiés si bien et si soutilement qu'il sont resplendissants comme cristaus; si que moult loing environ le palais est resplendissans. Et sachiez que ceste couverture est si fort et si fermement faite que elle est pour durer à touz temps.

« Entre l'un mur et l'autre des pourpris, si comme je vous ai dit, a moult belles prairies et beaux arbres de diverses manieres de fruiz. Et si y a bestes de maintes manieres, si comme cerfs et daims et chièvres et biches et vairs de pluseurs manieres; et des bestes qui font le muglias en grant habondance; et de toutes autres manières de bestes moult belles et moult diverses. Et en y a tant que tout est plain; et n'y a de voie se non tant que vont et viennent la gent.

« Et de l'un coing à l'autre a un lac moult bel ouquel a pluseurs manieres de poissons et assez, car le seigneur les y a fait mettre. Et toutes fois que il en veult, si en a à sa volenté et à son plaisir. Et si vous di que un flun y ist et entre, mais est si ordenné que uns poissons n'en puet issir pour le fil de fer ou d'arain qui ne len laissent issir. Encore y a devers tremontaine loing du palais entour une archie un tertre qui est fais à force, qui bien est haus cent pas, et dure environ bien une mille, lequel mont est tout plain et tout couvert d'arbres, qui par nul temps n'y perdent fucilles; mais toutes fois sont vers. Et si vous dit que là ou soit un biaus arbres, et le Seigneur le set, si l'envoie querre avec toutes les racines et avec toute la terre qui li est entour et le fait porter et mettre ou sien mont. Et le portent ses olifans, et soit l'arbre tant grant comme il veut. Et en cette maniere a les plus beaux arbres du monde..... »

L'auteur continue en décrivant les autres palais de la ville. On peut lire dans les notes de PAUTHIER tom. I, pages 265 et suiv.), d'autres descriptions analogues de cette ville, tirées des auteurs orientaux, ainsi que de savantes explications sur l'origine, l'agrandissement et les vicissitudes de cette cité. Voir aussi la Chine moderne de PAUTHIER, p. 8-12, et le plan qui s'y trouve joint.

ritier, ils persévérérent dans la prière et la supplication près de Dieu, afin qu'il ne les privât pas d'un continuateur de leur

race.

Or, celui qui console par sa grâce et sa miséricorde agréa leur prière et eut pitié d'eux. Il a coutume, en effet, d'accepter la supplication de ceux qui ont le cœur contrit et d'entendre. les gémissements de celui qui supplie et demande. « Celui qui demande recevra; celui qui cherche trouvera; on ouvrira à celui qui frappe' », a-t-il dit, en donnant l'assurance d'un véritable succès; et cela s'accomplit, en effet, envers les deux sexes, envers l'homme et envers la femme, lorsque les demandes sont présentées avec une intention droite. Anne, femme d'Elcana, ne fut pas déçue, ayant demandé avec droiture d'intention 2 ; et la femme de Manoah ne fut pas repoussée, mais elle reçut aussitôt l'ange dans sa chambre ".

Dieu envoya le souffle de la conception sur la femme, et elle enfanta un fils qu'ils nommérent Çauma. Ils se réjouirent grandement, et la naissance de cet enfant fit la joie de ceux de sa famille et de sa parentè.

1. MATTH. VII, 8.

2. I SAM. I, 10 et suiv.

3. JUD, XIII, 2 et suiv.

4. Cauma (qui, en syriaque, signifie jeûne) est une abréviation de Bar Çauma c'est-à-dire né pendant le carême d'après l'interprétation de M. DUVAL. Ne serait-ce pas plutôt fils obtenu par le jeûne? La forme pleine Rabban Bar Çauma est donnée par la Chron, syr, de Bar Hébréus, éd. Bedjan, 595, 4; dans une lettre du pape Nicolas IV, ce personnage est appelé Bersauma, et dans celle adressée par Argoun au roi de France, il est nommé Mar Bar Çauma Sakhora, mot qui n'est que la transcription du syriaque sa ‘ora (= visiteur). Je reviendrai sur ce point.

5. Nous savons par BAR HÉBRÉUS (Chron. eccles., t. III, col. 441) que Bar Çauma et Jabalaha étaient de race ouïgoure. Les Ouïgours, connus des Chinois sous le nom de Hoei hu, étaient indubitablement des Turcs. « Les Ouïgours, dit D'OSSHON (Hist. des Mongols, t. Ier, p. 107), dont le territoire bordait au sud-ouest celui des Naïmans, habitaient anciennement les pays arrosés par l'Orcoun, la Toula et la Salinga, rivières qui prennent leurs sources dans les monts Caracouroum. Soumis d'abord à l'empire turc, ils se placèrent sous la protection de la Chine du temps de l'empereur Taitsong, qui régna de 626 à 649; on établit alors des gouverneurs chinois dans les différentes tribus de cette nation..... Un de ces princes, profitant des troubles de l'empire turc, acheva sa ruine en 745 et s'empara de ses domaines. Ce guerrier reçut de l'empereur de Chine, son suzerain, le nom de Boucou-Khan. Il est le fondateur de l'empire Ouïgour, qui s'étendait à l'est jusqu'aux montagnes où finit le grand désert, et à l'ouest jusqu'aux monts Altaï ; mais cette monarchie ne dura guère au-delà d'un siècle : elle fut détruite par les Kirguises et les Chinois, en 817. Les Ouigours ne conservèrent de leurs vastes domaines qu'une petite principauté située au sud-ouest des monts Caracouroum, dans la contrée

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