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Il vit aussi les reliques de Lazare et de Marie-Magdeleine 1, ainsi que la pierre qui avait recouvert le sépulcre de Notre-Seigneur, lorsque Joseph le Noble le descendit de la croix. Marie pleura sur cette pierre et jusqu'à présent la place de ses larmes est humide; aussi souvent qu'on essuie cette humidité elle réapparaît 2. Il vit aussi une urne de pierre

couvent de Pantocrator, leur fut reprise par les Grecs et se voyait encore à C. P. en 1453 (DU CANGE, C. P. Chris., II, 61). Il y a lieu de supposer que c'est la même image décrite par ANTONIUS NOVGOR, en ces termes : « Multas alias reliquias in hoc palatio (Bucoleon) venerati sumus, inter quas imaginem purrissimae Dei Genitricis, cognomento Hodigritiam, a b. Luca apostolo depictam, super quam, dum per civitatem et per regionem Petri patricii defertur usque ad Blachernas, Spiritus sanctus descendit »> (Cf. Exuviae sacrae, II, 224). On voit, par les termes mêmes de la bulle, avec quelle réserve le pape parle de l'origine de l'image en question. On sait qu'il existe, en effet, sept images de la Vierge attribuées à saint Luc, et chaque église qui en possède une prétend avoir la seule authentique.

Cette légende d'une vierge peinte par saint Luc est évidemment d'origine byzantine, à en juger par le caractère des prétendus tableaux de l'Évangéliste. Saint Paul, qui nous a appris que saint Luc était médecin, ne nous a point parlé de son talent pour la peinture. De plus, il est remarquable que tous les tableaux attribués à saint Luc représentent la Sainte-Vierge avec des traits de jeunesse qui ne conviennent pas à l'âge où l'évangéliste, converti par saint Paul, aurait pu la voir et la peindre.

1. Voici ce que nous lisons dans la Chronographie de LÉON LE GRAMMAIRIEN (MIGNE, Patr. Graeca, t. CVIII, col. 1107)... « Pariter ad Topos sancto Lazaro dicatam aedificavit [ecclesiam imperator Leo VI] et virile eunuchorum monasterium esse disposuit: ad quod sancti Lazari et Mariae Magdalene translatum corpus deposuit, ejusdem ecclesiae celebrata dedicatione ». COMBEFIS ajoute en note: « Addit Cedrenus ex Epheso, ubi nempe creditus S. Mariae Magdalenae tumulus, uti Lazari in Cypro ». - La tradition des Grecs, consignée ici, ne parait pas reposer sur des fondements bien anciens. Il est cependant à remarquer qu'elle est antérieure à la tradition occidentale qui fait venir saint Lazare et sainte Magdeleine à Marseille (Voir Acta Sanctorum, XXII julii, t. V, p. 187 et suiv.; L. DUCHESNE, La légende de S. Marie-Madeleine, [Ann. du Midi, t. V, p. 1]).

Ce couvent aurait été construit, en 809, selon DE HAMMER, près de l'ancien port de guerre des Sophion, comblé par les Turcs 62 ans après la prise de Constantinople, et dont l'emplacement répond à la place actuelle de KadrigaLiman. C'est le plus ancien lasaret connu.

2. Il me semble que notre rédacteur, en abrégeant le récit primitif, a introduit ici une confusion en prenant pour une seule deux reliques différentes la pierre qui avait recouvert le sépulere, et la pierre sur laquelle on déposa le corps de Jésus-Christ en le descendant de la croix. On montrait, en effet, les deux objets à Constantinople au moment de la quatrième croisade. Le premier était à Sainte-Sophie : « In capella prope magnum altare muro affixa sunt tabula superior Sepulchri Dominici..... Tabula autem in qua de cruce fuit depositus asservatur in monasterio Pantocratoris » ANTONIUS NOVGOR., apud RIANT. Exuviae sacrae, II, 222, 225. ROBERT DE CLARI est aussi explicite : «Si estoit la Tavle de marbre ou Nostres Sires fu estendus, quant il fu despendus de la crois; et si paroient encore les lermes que Nostre Dame avoit plouré deseure... » (ibid., 232).

On sait que l'on montre actuellement, à Jérusalem, dans l'église du Saint

dans laquelle Notre-Seigneur changea l'eau en vin å Kana en Galilée', ainsi que la châsse d'une sainte qu'on expose chaque année, -et tout infirme qu'on place au dessous est guèri; - la châsse de Mar Jean Chrysostome 2; la pierre sur laquelle se tenait Simon Pierre lorsque le coq chanta; il vit le tombeau de l'empereur Constantin le Victorieux, qui était de matière rouge, et le tombeau de Justinien, qui était en pierre verte 3; il vit également le tombeau des trois cent dix-huit Pères qui

Sépulere, la pierre de l'onction, et que les Arméniens schismatiques de la même ville présentent la pierre de leur maitre-autel comme celle qui recouvrait le Saint-Sépulcre, tradition qu'ils ont prise, avec l'église, aux catholiques.

A propos des « larmes de Notre-Dame », je me souviens qu'on m'a montré l'an dernier à Sainte-Sophie, à gauche en entrant par la porte du nord, la colonne qui sue. Elle est revêtue de bronze, mais une petite ouverture permet de toucher du doigt le marbre toujours humide.

1. Il est digne de remarque que cette relique ne figure dans aucun des documents cités dans les Exuviae sacrae; il y a donc lieu de croire qu'elle fut introduite à Constantinople après la quatrième croisade. Même observation pour « la pierre où se tenait Simon quand le coq chanta », dont il est parlé un peu plus bas. On montre aujourd'hui, à Kephr-Kanale Cana évangélique), dans l'église des grees schismatiques, deux des urnes du miracle qui ne sont autre chose que les cuves baptismales de deux églises abandonnées au XVIIIe siècle.

2. Cet illustre Père de l'Église, trop connu pour que j'aie à faire ici sa biographie, mourut pendant son exil, à Comane, le 14 septembre 407. Son corps fut transporté à Constantinople par les soins de l'empereur Théodose II. Au moment de la prise de cette ville par les croisés, le corps de saint Jean Chrysostome était dans l'église des Apôtres : « Porro in eccl. Apost... in sanctuario jacent S. Iohannes Chrysostomus » ANT. NOVGOR. (loc. cit.). On le montre maintenant à Saint-Pierre de Rome où il fut transporté à une époque évidemment antérieure (au moins quant au départ de Constantinople), à celle où Rabban Çauma visita Byzance. Voir sur cette translation Acta Sanct., Jan. 1, 376 et Sept. iv, 691.

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3. Le corps de Constantin, au témoignage d'EUSEBE (Vita Const.), fut déposé après sa mort dans un cercueil d'or; il fut transporté plus tard dans l'église des Apôtres, fondée par Constantin et édifiée sous son fils Constance pour servir de sépulture aux empereurs. Elle occupait l'emplacement de la mosquée actuelle de Mohammed le Conquérant (Mehmediyeh), construite en 1469. Il ne reste plus trace de l'église ni des tombeaux.

Voici un texte curieux de ROBERT DE CLARI (éd. Hopf, p. 68), qui mérite d'être rapproché du nôtre: « Après, ailleurs en le chité, avoit j autre moustier que on apeloit le moustier des vii Apostres... Si i jesoient en chu moustier vij cors d'apostres... et se disoit ou que Constentins li empereres, i jesoit et Helaine et asses autre empereur... » Voir les autres témoignages cités par RIANT, Exuviae sacrae, II, pp. 212, 215, 225. Les auteurs à peu près contemporains de Rabban Çauma qui parlent du tombeau de Constantin, s'accordent à dire qu'il était de porphyre. On peut voir sur ces deux tombeaux, leur forme et leurs transformations, de longues citations d'auteurs dans DU CANGE, Constantinopolis Christiana, t. II, pp. 108, 109. Il donne aussi la liste des personnages impériaux qui furent inhumés dans ce lieu, souvent désigné sous le nom de 'Hoov.

furent tous déposés dans une grande église et dont les corps ne sont pas corrompus, parce qu'ils ont confirmé la foi 1. Ils virent encore de nombreux reliquaires des saints Pères, beaucoup de chefs-d'œuvre et une image formée de bronze et de pierre.

Or, Rabban Çauma se rendit près du roi et dit : « Vive le roi, à jamais! Je rends grâces à Notre-Seigneur de m'avoir jugé digne de voir ces saintes reliques. Maintenant, si le roi permet, j'irai accomplir l'ordre du roi Argoun qui m'a prescrit de pénétrer chez les Francs. >>

Le roi le combla alors de bienfaits et lui donna des présents d'or et d'argent.

Rabban Çauma en Italie et dans la grande Rome.

De là, il descendit à la mer et il vit sur le rivage un monastère des Romains [= Latins] dans le trésor duquel se trouvaient deux châsses d'argent dans l'une était la tête de Mar Jean Chrysostome, dans l'autre celle du pape qui baptisa l'empereur Constantin 2.

1. ANTONIUS NOVGOR. (dans Exuviae sacrae, II, 230) mentionne en ces termes, hors la ville, au-delà du monastère de saint Michel et en-deça de celui des Géorgiens, l'église des Pères de Nicée : « Ulterius, xxxcxvIII Patres cum eorumdem reliquiis.

2. On ne peut affirmer avec certitude de quel monastère il s'agit ici, mais il est très vraisemblable que c'est du couvent attenant à l'église des saints Serge et Bacchus qui se trouvait, en effet, près du port des Sophion. Nous savons, d'après DU CANGE (C. P. Christ., p. 136) que ce couvent était de rite latin et que les moines reconnaissaient, mème après le schisme, l'autorité du pape. La tête de saint Jean Chrysostome avait été apportée en France avant cette époque, si nous en croyons les témoignages explicites de plusieurs auteurs : «< Capita B. Johannis Chrysostomi et S. Dimistri... cum multis aliis reliquiis attulit (Claravalli) de transmarinis partibus Artaudus, Templi miles, monachus Clarevallis et cellarius. Nota quod caput sancti Iohannis Chrysostomi, quod fuit in magno scrinio, deportatum est apud Parisios tempore domini Stephani, xIx abbatis Clarevallis (1242-1257) ubi est in collegio S. Bernardi... » (LALORE, Trésor de Clairvaux, pp. 52-54). Quant au pape qui baptisa Constantin, dans un monastère des Latins, ce mot ne peut désigner que le pape saint Sylvestre, mort en l'an 355, dont l'église Latine célèbre la fête le 31 décembre. La tradition d'après laquelle Constantin aurait été baptisé par ce pape ne parait guère solide et est en opposition formelle avec les témoignages d'Eusèbe de Césarée et de saint Jérôme, qui assurent que l'empereur fut baptisé à la fin de sa vie par Eusèbe de Nicomédie. Comme, d'un côté, il n'y a pas d'exemple que les Ariens aient réitéré le baptême, et que, d'autre part, la coutume de différer la réception de ce sacrement jusqu'au lit de mort était assez répandue, l'assertion d'Eusèbe ne paraît guère pouvoir être mise en doute, d'autant mieux que la tradition latine entoure le prétendu

Or, il s'embarqua et, parvenu au milieu de la mer, il vit une montagne de laquelle s'élevait de la fumée pendant le jour, et sur laquelle on voyait du feu pendant la nuit 1. Aucun homme ne pouvait s'avancer dans son voisinage à cause de l'odeur de soufre qui s'en exhalait. On dit qu'il y a là un grand dragon. Cette mer s'appelle mer d'Italie. Elle est redoutable et des bateaux portant des hommes y ont péri.

Après deux mois, il parvint au rivage, ayant éprouvé beaucoup de peines, de tribulations et de fatigues. Il débarqua dans une ville appelée Napoli, dont le roi se nommait Irid Chardalou 2. Il alla trouver le roi et lui fit connaître le motif de son arrivée. Le roi le reçut avec joie et honneur. Or, il était alors en guerre avec un autre roi qui s'appelait Irid Arkoun *. Leurs troupes étaient prêtes à engager le combat. Ils en vinrent aux mains et Irid Arkoun vainquit Irid Chardalou; il lui tua douze mille hommes et fit couler ses vaisseaux dans la mer. Cependant Rabban Çauma et ses compagnons étaient

baptême par saint Sylvestre de circonstances dont le caractère légendaire ne saurait être contesté.

Dans les inventaires de reliques de Constantinople, à l'époque de la quatrième croisade, nous trouvons chez ANTON. NOVGOR. (Exuviae sacrae, II, 223), la mention d'un Corpus S. Sylvestri à Sainte-Sophie, mais rien n'indique qu'il s'agisse du pape de ce nom. On ne voit pas non plus à qui cette relique a été attribuée dans les partages.

1. Il s'agit de l'Etna, selon la note de M. BEDJAN. Je crois, d'après le contexte, qu'il est plutôt question du Stromboli. Cependant rien ne s'oppose à ce qu'on l'entende de l'Etna, si la conjecture que j'émets un peu plus bas sur la date du séjour de Rabban Çauma à Naples est vraie; car nous savons par BARTOLOMEO DI NEOCASTRO (Script. rer. ital., XIII, 1138), que le grand volcan sicilien était en éruption le lundi 18 juin 1287.

2. M. BEDJAN propose de lire Al ri Charldanchou le roi Charles d'Anjou) et il ajoute avec raison : «< Cependant ce prince était mort à cette date, et son fils Charles II était alors en prison. » La correction proposée par M. VAN HOONACKER nous semble beaucoup plus logique. Elle consiste dans une simple transposition des lettres et r, facile à expliquer. Il lit Al ri Charladou : le roi Charles II. Cf., ci-dessus, page 55, n. 1.

3. Ce ne pouvait être Charles II, car à l'époque de l'arrivée de Rabban Çauma, c'est-à-dire en 1287, ce roi était prisonnier, en Espagne, de Jacques II d'Aragon qui, après avoir gouverné la Sicile sous le règne de son père Pierre, était devenu lui-même roi de cette ile à la mort de son père en 1285, avant de devenir roi d'Aragon, par celle de son frère Alphonse (1291). Il s'agit done vraisemblablement de Charles Martel, fils de Charles II, régent du royaume sous la tutelle de Robert comte d'Artois. On est cependant surpris de le voir désigné sous le nom de Chardalou.

4. Le roi d'Aragon, ou plutôt Jacques II alors seulement roi de Sicile, comme je viens de dire.

5. En consultant les historiens, je n'ai pu trouver qu'une bataille navale répondant aux données de notre auteur: celle qui fut livrée dans le golfe

assis sur la terrasse d'une maison, et ils admirèrent la coutume des Francs qui ne faisaient de tort à personne en dehors des combattants 1.

A partir de là, ils allèrent à cheval par la route de terre. Ils rencontrèrent nombre de villes et de villages; ils s'étonnaient de ne point trouver d'endroit dépourvu d'habitations. En route ils apprirent que Monseigneur le Pape était mort 2.

de Naples, le 23 juin 1287. Voici d'après VILLANI (MURATORI. Script. rer. ital., XIII, 316) les circonstances qui amenèrent ce combat :

Le 22 avril 1287, le comte d'Artois, régent du royaume et gouverneur de Charles-Martel, le plus jeune fils de Charles II, avait expédié de Naples une flotte de cinquante navires qui débarqua une armée en Sicile et s'empara d'Agosta. Jacques d'Aragon voulut reprendre la ville, mais ayant appris qu'une nouvelle flotte se disposait à amener de Naples des renforts aux partisans de Charles, il le fit savoir à son amiral Roger de Loria qui «incontanente, come savio Amiraglio et maestro di guerra, si delibero di venire adossa a l'armata di Napoli per sottrarli a battaglia... et cosi li vene fatto che, il di san Gioanni del mese di Giugno del detto anno, vene infino nel porto di Napoli, facendo saettare nella terra, e con grida et villane parole commincio a svergognare il Conte d'Artese et suoi Franceschi ». L'historien NICOLAUS SPECIALIS (MURATORI, Scriptores rer. ital., X, 954) nous a laissé de la bataille la description que voici: «Demum cum venissent Siculi ante Napolim sese in vexillis explicitis et celeumatibus ostentantes et, quasi delphines ad adspectum hostium, per horam exiguam alarum remigio colludentes, subitam fugam pro reditu simulabant, quo casu paratam jam classem hostium in duri Martis certamine provocarunt. Igitur Carolo juniore, quem Martellum agnomine titulabant, et Atrebatensi comite, Balivo regni, jubentibus, comites Flandriae, Brehennae, Avellinae, et Guido, comes de Monteforti, cum pluribus aliis regni primatibus, jam paratas ad bellum rates, quasi properantes ad epulas, ascenderunt, exiguum Siculorum numerum tumenti animo despectantes. Erant quippe Siculorum rates numero quadraginta, hostium vero classis in septuaginta ratibus consistebat. Quisque suam stationem deseruit. Napolitani de superabundanti numero confidentes ad bellum properant; Siculi assueti vincere non diffidunt; clangor tubarum, clamores et incurrentium sibi nautarum celeumata in aurea sidera ferebantur. Pugna itaque inter partes cruenta committitur, ac inferorum ducibus multo sanguine immolatur. Anceps fortuna belli magno diei spatio suspensa est. Ultimo... Siculi tam gloriosam victoriam consequuti sunt quod quadraginta galeas ex victis hostibus habuerunt. Cetera vero classis, cum Henrico de Mari, qui jam remedia fugae apud scopulos Formicarum dediderat, beneficio remorum evasit. Comites omnes et Naryo admiratus eorum cum pluribus magnis viris in eo bello capti sunt. Rogerius cum triginta galeis ante Neapolim residens reliquam classem cum quatuor millibus captivorum in Siciliam et debellata signa transmisit. »

D'après VILLANI (loc. cit.) le combat s'engagea à six milles de Naples; il y eut plusieurs galères coulées, surtout parmi celles des barons francs qui luttèrent avec courage, mais qui n'étaient point expérimentés dans l'art de combattre sur mer et furent complètement déroutés par la fuite de leur amiral. 1. La chose devait assurément paraitre bien étrange à ces hommes habitués aux horreurs des guerres mongoles, où chaque combat était suivi ordinairement d'une dévastation générale de la contrée, accompagnée de meurtres et de pillages.

2. Le pape Honorius IV mourut le Jeudi saint, 3 avril 1287. Si, comme je viens de le dire, nos voyageurs étaient à Naples à la fin de juin, ils ont dû

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