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ensuite à Gozarte de Beth Zabdai' et témoignèrent leur vénėration aux tombeaux, aux couvents, aux monastères, aux moines et aux évêques de ces régions; ils reçurent leur bénédiction, accomplirent les vœux qu'ils avaient faits, distribuėrent des présents et firent des aumônes selon leurs moyens.

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Ils revinrent et arrivèrent au monastère de saint Mar Micael de Tar'el2; ils y achetèrent une cellule et furent reçus tous les deux par les moines de cet endroit. Ils perdirent le souvenir de ce qu'ils avaient enduré pendant leurs voyages, quoiqu'ils ne fussent pas parvenus au terme.

Quand le Catholique Mar Denha apprit le fait, il leur manda de venir près de lui. Ils y allèrent aussitôt et le saluérent selon la coutume. Le patriarche leur dit : « Nous avons appris que

région. Il avait amené avec lui des déserts d'Égypte un certain nombre de compagnons, parmi lesquels se trouvait Mar Schalita dont nous trouverons le nom plus bas. Les Actes de Mar Eugène ont été publiés par P. BEDJAN, Acta martyrum et sanctorum, t. III, p. 376 et suiv. Il y a eu par toute la Mésopotamie un grand nombre de monastères placés sous le vocable de Mar Eugène. Beaucoup ont aujourd'hui disparu. Celui où nos pieux pèlerins se sont rendus, pour vénérer les reliques du saint, est peut-être le monastère de Zaphran, résidence du patriarche Jacobite, distant d'une heure de chemin de Mardin; cf. BAR HÉBRÉUS, Chron. eccl., 1, 87, n.

1. Gozarte, dont le nom signifie île, en arabe Djezireh, est aujourd'hui encore une ville assez importante de la Turquie d'Asie, tant par le chiffre de sa population (20,000 hab.) que par son industrie et son commerce de transit. Elle est située dans une île du Tigre, entre Mossoul et Diarbekir, à 170 kil. au sud de cette dernière, par 39° 50′ de long. E et 37° 23′ de lat. N. L'île, qui a environ trois milles de circonférence, est appelée aujourd'hui Djésireh ibn 'Omar (île du fils d'Omar). La contrée environnante des deux côtés du Tigre, entre la Gordyène au N. et la Mygdonie au S., qui est désignée en syriaque sous le nom de Beth Zabdai, était appelée par les Romains Zabdicène. Ce nom syriaque paraît avoir été aussi donné à la ville elle-même, car Ammien Marcellin (XX, 15, 16) la nomme Bezabden. Elle a joué un rôle important dans les guerres entre les Romains et les Perses. Sous le règne de Constance (337-361), elle avait une garnison de trois légions renforcées d'un contingent d'archers indigènes. En l'an 360, elle fut assiégée et prise par Sapor après une résistance désespérée. Le vainqueur irrité fit passer la garnison et les habitants au fil de l'épée, sans distinction d'âge ni de sexe. L'ile renferme encore des ruines importantes (Cf. ASSÉMANI, Diss. de syr. monoph., p. 85; RITTER, Erdkunde, West-Asien, XI Th., 147).

2. Ce couvent, ainsi que nous le verrons plus bas, était situé près d'Arbèle. 3. Cette expression est digne de remarque. Il est probable que ce couvent était un assemblage de cellules distinctes où les moines vivaient séparément, sans règle bien précise, se réunissant seulement pour la récitation de l'office, et jouissant de la plus grande liberté. Il ne faut pas oublier non plus qu'en Orient les ordres religieux, si tant est qu'il y ait eu de véritables ordres n'ont jamais pratiqué, en vertu d'une règle obligatoire, la pauvreté, au sens où nous l'entendons en Occident depuis la création, au moyen âge, des ordres mendiants. Sur l'origine, les progrès et la décadence du monachisme en Orient, voir AssÉmani, Bibl. or., t. II et t. III, 2o part.

vous étiez reçus dans le monastère. Cela ne nous plaît pas, car dans ce couvent vous obtiendrez la paix parfaite pour vous deux et ce sera tout, tandis qu'auprès de nous, vous servirez l'intérêt et la paix générale. Restez donc près de nous et aideznous près du roi. »

Ils lui dirent : « Tout ce qu'ordonnera notre Père, nous le ferons. >>

Lui reprit : « Allez près du roi Abaka ' et prenez des lettres patentes pour nous. ».

Ils répondirent: « Ainsi soit-il, mais que Monseigneur notre Père envoie avec nous un homme qui prenne et lui rapporte les lettres, et nous, de là, nous irons à Jérusalem. » Il leur accorda cela et les combla de bénédictions 2.

Quand ils arrivèrent au camp béni, des officiers les introduisirent devant le roi qui leur demanda le but de leur venue et quel était leur pays. Ils répondirent en lui manifestant leurs inten

1. Abaka, ou Abâgå-Khan, dont le nom signifie, en mongol, « oncle maternel ", était le fils du second des khans mongols de la Perse et de sa sixième femme, la reine Ysout ou Ysounin. Il avait succédé, en 1265, à Houlaghou son père, qui avait fait la conquête de cet empire. Il était né en 1234. Arrivé au trône, il épousa une princesse grecque, nommée Marie, fille de Michel Paléologue, que son père Houlaghou avait demandée en mariage et qui était arrivée trop tard, Houlaghou étant mort dans l'intervalle. Il inaugura son règne le 19 juin, jour désigné par les astrologues comme propice, à Chagan Nour « Lac Blanc », dans le district de Beraham. Parmi les personnages qui assistèrent à son inauguration, se trouvait Mar Ignace, patriarche jacobite d'Antioche, qui obtint un diplôme de confirmation de son titre (BAR HÉBR., Chron. eccl., I, 760-762; HowORTH, III, 212).

2. Le Catholique avait été obligé de quitter Bagdad, en 1268, après une révolte. Il avait arrêté un Nestorien de Tagrit qui s'était fait musulman, et il l'avait menacé de le noyer dans le Tigre. Le peuple en appela à Ali ed-Din, le gouverneur civil de la ville, qui demanda le relâchement de l'apostat, et, sur le refus du Catholique, ils attaquèrent sa maison, en brûlèrent l'entrée, essayèrent de s'y introduire pour le tuer. Denha se réfugia chez Ali ed-Din et déposa ses plaintes devant la cour mongole; mais personne ne l'accueillit et il se retira à Arbèle. En 1271, quelques Bédouins, tentèrent d'assassiner Ali ed-Din. Les mahométans déclarèrent que l'attentat avait été commis par quelques chrétiens émissaires de Mar Denha. Cela suffit pour faire mettre en prison les évèques et les chefs du clergé séculier et régulier à Bagdad, tandis que Koutbouka, gouverneur d'Arbèle, emprisonnait le Catholique et ses évèques. Ils furent relâchés seulement après quelques semaines, par ordre de la cour.

Le patriarche nestorien fixa dès lors sa résidence à Oshnou dans l'Adherbaidjan (Cf. BAR HÉBRÉUS, Chron. Syr., p. 571-73). On comprend par là que, malgré les bonnes dispositions du prince, le Catholique devait souvent user de ménagements et de précautions dans ses rapports avec la cour, et qu'il était heureux de profiter de la présence de ces deux moines, parlant la langue mongole, pour obtenir d'Abaka quelque nouvelle faveur.

tions. Le roi ordonna aux grands de son royaume d'accomplir leur demande, et de leur donner des lettres telles qu'ils les voulaient. Ils remirent la lettre demandée par le Catholique à son envoyé et eux, avec des compagnons, prirent le chemin de Jérusalem.

Ils parvinrent à Ani', dont ils visitèrent les couvents et les églises; ils admirèrent le grand nombre et la splendeur des édifices. De là, ils entrèrent en Géorgie pour suivre la voie sûre; mais, en arrivant, ils apprirent des habitants de la contrée que la route était interceptée à cause des meurtres et des pillages qui avaient eu lieu dans ces régions.

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RABBAN MARCOS DEVIENT MÉTROPOLITAIN ET PREND LE NOM DE MAR JABALAHA, ET RABBAN ÇAUMA DEVIENT VISITEUR GÉNÉRAL.

Ils retournérent et revinrent près du Catholique qui se réjouit en les voyant et leur dit : « Ce n'est pas le moment d'aller à Jérusalem; les routes sont troublées, les chemins sont coupés. Vous avez vénéré tous les sanctuaires et toutes les reliques qui sont dans nos régions; pour moi, je pense que si quelqu'un les visite avec un cœur pur, leur vénération n'est pas moindre qu'un pèlerinage à Jérusalem. Moi, je vous donne un conseil. Il vous convient de l'écouter. J'ai pensé à établir Rabban Marcos métropolitain et à lui conférer les dons apostoliques 3;

1. Une des anciennes capitales du royaume d'Arménie qui fut la résidence des Bagratides, située sur la rivière d'Arpatchaï, affluent de l'Araxe (bassin de la mer Caspienne). Ses ruines déjà visitées et décrites par Chardin, l'ont été de nouveau par d'autres voyageurs. Elles sont remarquables comme architecture. 2. Sans doute, d'après l'itinéraire que nous leur voyons prendre, nos voyageurs espéraient se rendre à Jérusalem par mer. C'était, comme dit notre auteur, la voie la plus sûre à cette époque, et surtout pour des Mongols, car la Basse Syrie était occupée par les troupes de Bibars, et à ce moment-là même, Abaka méditait une expédition dans ces régions. Nos pèlerins n'auraient donc pas eu seulement à affronter la malveillance avec laquelle les chrétiens étaient d'ordinaire accueillis, mais ils auraient eu surtout à craindre d'être pris pour des espions du Khan. On comprend dès lors qu'ils n'aient pas craint d'allonger leur route en gagnant la mer Noire à travers la Géorgie.

3. C'est-à-dire l'épiscopat. D'après BAR HÉBRÉUS (Chron. eccl., II, 451), Jaba

quant à toi, Rabban Çauma, je t'ordonnerai visiteur général, et je vous renverrai tous les deux dans votre pays. »

Ces moines répondirent : « La parole de notre Père est l'ordre du Christ; celui qui ne l'accomplit pas transgresse le commandement; mais, malgré cela, nous voulons faire connaître. nos pensées et déclarer le secret de nos cœurs. Nous ne sommes pas venus de là-bas pour y retourner et nous ne sommes pas d'avis, après la peine que nous avons endurée, de la renouveler. L'homme qui se heurte deux fois contre une pierre est un insensé. Nous dirons encore que nous ne sommes pas dignes de ce don. Un tel don est lourd pour des hommes de peu. Nous ne demandons qu'à rester dans le monastère pour y servir le Christ jusqu'à notre mort. >>

Le Catholique leur dit : « Ce don vous convient et sied à votre modestie. »>

Voyant que leurs instances n'avaient aucun résultat, ils dirent « Que la volonté de notre Père soit faite. »>

Le patriarche reprit : « Jusqu'à présent personne ne s'est appelé Mar Marcos. Je veux nommer ainsi Rabban Marcos; j'ai aussi pensé à écrire des noms et à les placer sur l'autel, et à l'appeler de celui qui sortira par le sort. »

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Il fit cela et le nom de Jabalaha sortit. Il dit, en effet : « Cela vient du Seigneur; qu'il soit béni et béni à jamais! »

Ils tombérent d'accord et Rabban Marcos reçut l'ordre de métropolitain du Catholique Mar Denha, à l'âge de trentecinq ans, pour les villes de Kathay et Ouang, l'an 1280 de

laha aurait été ordonné pour aller en Chine « parce que Denha ne voulait pas que Bar-Kalig, son ennemi, s'y rendit ». Le même auteur raconte (II, 449) qu'en l'année 1590 des Grecs (1279) un certain Siméon, surnommé Bar-Kalig, d'abord évêque de Tous, dans le Khoraçan, fut ordonné métropolitain de Chine par le Catholique Mar Denha. Bientôt, avant de partir pour la Chine, il commença à se montrer arrogant vis-à-vis de Denha. Celui-ci le manda près de lui à Oshna (aujourd'hui Oushnej, entre Ourmiah et Arbèle), le dépouilla de ses biens et le renferma dans le monastère de Mar Behnam dans la ville de Laqah. Il s'en échappa et s'enfuit dans la montagne; mais des montagnards s'étant emparés de lui l'amenèrent au Catholique qui le fit enfermer dans une cellule près de lui. Quelques jours après on le trouva mort ainsi que quelques-uns des évèques et des moines qui lui étaient attachés. L'historien ajoute malicieusement: « Les uns disent d'une manière, les autres d'une autre. »

1. Ce nom est composé de deux mots syriaques jab, donna, et Alaha, Dieu; i répond donc exactement au français DIEUDONNÉ.

2. Kathay désigne la Chine du nord; voir Chron. syr. de BAR HÉBRÉUS, éd. Bedjan, p. 218, 1. 6 (où il faut lire Kata au lieu de Bata) et p. 441, 1. 3. Quang

Notre-Seigneur. Rabban Çauma reçut sa bénédiction et fut nommé visiteur général 1.

Ils prirent tous les deux des lettres patentes, chacun en raison des exigences de son ministère. Après quelques jours, la nouvelle arriva que la route par laquelle ils étaient venus était tout à fait coupée et que personne ne pouvait passer, car les cœurs des rois des deux frontières, de celui d'un côté du Djihon et de celui de l'autre côté, étaient brouillés 2.

Ces deux flambeaux revinrent donc au monastère de Mar Michael de Tar'el et habitèrent leur propre cellule environ deux ans.

Une nuit que Mar Jabalaha dormait, il eut un songe.

Il lui semblait entrer dans une grande église où il y avait des images des saints et au milieu d'elles une croix. Il étendit le bras droit pour recevoir sa bénédiction; plus il l'étendait, plus il s'allongeait; et la croix remontait jusqu'au sommet du temple où il l'atteignit et l'embrassa. En sortant de l'église

parait être une restriction du premier nom trop général; c'est peut-être la contrée arrosée par le fleuve Jaune Hoang-ho (R. DUVAL).

1. Nous ne voyons rien dans notre histoire qui justifie l'assertion de quelques auteurs, reproduite par HowORTH (Hist. of the Mongols, III, 283), affirmant que Jabalaha ordonna Rabban Çauma évèque des Ouïgours. On ne voit pas non plus qu'il ait reçu l'imposition des mains de Denha, mais seulement sa bénédiction. D'ailleurs, la charge de visiteur n'impliquait pas nécessairement la dignité épiscopale, comme nous en avons la preuve dans le premier chapitre de notre récit où il est dit que le père de Rabban Çauma était visiteur et marié. Or, les évêques n'étaient jamais pris parmi les hommes mariés. Cependant il faut remarquer que le pape Nicolas IV, dans une lettre à Argoun que nous reproduirons, l'appelle « venerabilis frater Bersauma, episcopus in partibus Orientis ».

2. Locution pour dire que les rois étaient en guerre. Le nom de Djihon désigne le fleuve actuellement appelé Amou-Daria, l'ancien Oxus. C'est un des plus grands cours d'eau du Turkestan; il a sa source dans la région la plus élevée de l'Asie, à près de 4,800 m. d'alt., et, après un cours d'environ 1,800 kil., va déboucher dans le lac Aral, à 14 ou 15 m. seulement d'alt. audessus de la Méditerranée. Amou-Daria est le nom sous lequel le fleuve est aujourd'hui désigné par les populations riveraines, bien que dans les hautes vallées on rencontre d'autres dénominations locales, notamment celle de Quakksou (riv. de Ouakhan), d'après le premier pays qu'il traverse. Ce dernier nom a un grand intérêt historique. On le retrouve dans la Géographie sanscrite sous la forme Wakchou, et il parvint après Alexandre à la connaissance des Grecs qui l'adoucirent en Oxos (d'où l'Oxus des Latins). Les Arabes, par une réminiscence de la géographie mosaïque, en ont fait le Djihoun, nom de l'un des quatre fleuves du Paradis terrestre.

3. C'est un usage, encore habituel chez les chrétiens orientaux, pour témoigner leur vénération à un objet sacré, de le toucher avec la main, qu'ils portent ensuite à la bouche et avec laquelle ils se signent. De là vient que le mème mot signifie en syriaque être béni et vénérer.

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