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le pueple crestien. Et fet assavoir le dit Argon au dit roy de France comme a son frere que son cors et son host est prest et appareillié d'aler au conquest de ladite sainte terre, et de estre ensemble avec le roy de France en cest beneoit service 1.

Et je, Busquarel, devant dit message d'Argon 2, di que se vous rois de France, venez en persone en cest beneoit service, que Argon y amenra ij rois crestiens Jorgiens qui sont souz sa seignourie et qui, de nuit et de jour, prient Dieu d'estre en cest beneureus service et ont bien pooir d'amener avecques eus xxm homes de cheval et plus.

Encore di je que, porce que Argon a entendu que grieve chose est au roy de France et a ses barons de passer par mer tant de chevaus comme mestier est a eus et a leur gent, le dit roy de France porra recouvrer d'Argon, se il en a mestier et il l'en requiert, xxm ou xxx chevaus en don ou en convenable pris.

Item, se vous, monseigneur le roy de France, voulez, Argon vous fera appareillier por cest beneoit service par toute la Turquie bestial menu et bues, vaches et chameus, grain et farine, et toute autre vitaille que l'en porra trouver a vostre volenté et mandement.

Item, ci pouez veoir bones entreseignes et grant presomption de la bonté d'Argon; car, si tost comme il entendy que Tripple fu prise de Sarrazins, et qu'il avoit grans barons Sarrazins de souz sa seignourie, qui liez estoient et fesoient joie du domage qui estoit avenu au crestiens, il fist amener devant ly quatre de touz les plus grans et les plus puissanz barons Sarrazins qui fussent en sa seignorie et les fist taillier par mi, et ne souffri que les cors en fussent enterré, mais voust et commanda que l'en les lessast illecques mengier a chiens et as oisiaus .

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1. « Il n'y a rien de pareil à ces compliments dans la lettre originale; Busquarel se crut sans doute autorisé à les ajouter pour capter la bienveillance du roi de France. J'en dis autant des faits cités par l'ambassadeur et qui semblent indiquer de la part d'Argoun une grande propension pour le christianisme, comme le mariage de sa sœur avec le fils du roi de Géorgie, à raison duquel il la fist tantost presentement chrestienner et lever. » Ibid., p. 118.

2. RÉMUSAT, croyant que Rabban Çauma était le chef de l'ambassade, s'étonne de la liberté de langage prise par Buscarel : « Il parle en son nom, dit-il, comme s'il eût été le principal ambassadeur, quoiqu'il ne le fùt pas » (p. 117). C'est peut-être là ce qui a prédisposé le savant orientaliste à juger le langage de l'envoyé avec trop de sévérité, comme nous le ferons remarquer dans les notes suivantes.

3. Ces mots désignent probablement David et son fils Wakhtang. HOWORTH, Hist. of the mongols, III, 329, 330.

- Cfr.

4. « Il fallait que le négociateur supposât un grand fonds de crédulité à ceux à qui il faisait ce récit. Je ne veux assurément pas révoquer en doute le fait de l'exécution de ces quatre grands barons Sarrazins, mais je crois qu'on peut raisonnablement supposer qu'elle eut un autre motif que la

Item, que tantost que le dit Argon ot sa suer mariée au filz le roy Davi de Jorgie, il la fist tantost presentement crestienner et lever 1.

Item, que cesti jour de pasques, prochainnement passé, le dit. Argon fist chanter messe en une chapelle que il fet porter o soi a Rabanata 2, evesque nectorin, que l'autre an, vous vint en message, et fist illecques presentement devant ly accomenier et recevoir le saint sacrement de l'autel plusseurs de ses barons Tartars 3.

Encore, sire, vous fet assavoir ledit Argon que les vos grans messages que vous anten li envoiastes ne li voudrent fere redevance ne honeur tele comme il est a coustume de fere de toutes manieres de genz, rois, princes et barons qui en sa court viennent. Car, si, comme il disoient, il ne feroient pas vostre honeur d'age

joie qu'ils avaient pu faire éclater à la nouvelle de la prise de Tripoli. Argoun, monté sur le trône par l'effet d'une révolte contre un prince qui avait favorisé les musulmans, et lui-même ennemi acharné du sultan d'Egypte, ne manquait pas de raisons personnelles pour hair les partisans de l'islamisme et pour chercher les occasions de sévir contre eux sans recourir à un prétexte aussi frivole que celui que lui prète ici son ambassadeur Busquarel. Cette observation de REMUSAT (Mém. cité, p. 119) ne nous parait pas juste. Au moment où Argoun avait l'intention avérée de s'emparer de la Palestine avec le secours des Francs, c'était assurément une grave injure aux yeux de ce prince que d'applaudir aux succès des armées égyptiennes qui étaient par le fait ses adversaires. Le motif allégué de l'exécution des « quatre grands barons » n'a donc rien d'invraisemblable.

1. Ce fils du roi David s'appelait Wakhtang. La sœur d'Argoun qu'il épousa se nommait Oldjath (Cfr. HowORTH, Hist. of the Mongols, III, 330). C'est peutétre cette princesse qui est désignée sous le nom d'Elagag dans la lettre du pape citée plus haut (Cf. p. 204, n. 1).

2. « Ce nom de Rabanata, dit RÉMUSAT (Mém. citė, p. 101), ne parait pas être un nom propre. Déjà, dans mon premier mémoire, j'ai parlé d'un syrien nommé Siméon, qui jouissait d'un grand crédit à la cour d'Ogodaï et qui était communément appelé Ata (père) par le grand Khan, et Rabban (maitre) par les officiers de la cour. Rabban-ata seraient donc deux mots pris dans deux langues différentes, et dont la réunion marquerait le respect que l'on aurait pour un évèque et la déférence due à ses lumières. » Il conclut que probablement « Rabanata désigne Barsauma ». Cette probabilité est changée pour nous en certitude. L'exemple sur lequel s'appuyait le savant orientaliste français est emprunté à l'histoire arménienne de TCHAMCHEAN : « Il y avait, à cette époque, dans le pays des Tartares, un docteur syrien nommé Siméon.... Sa sagesse lui avait concilié l'amitié du roi des Tartares, qui l'honorait beaucoup et l'appelait Atha (père); les autres l'appelaient Rhaban (docteur). » Extraits publiés par KLAPROTH (Journ. as., sept. 1833, t. XII, p. 204).

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3. «Toutes ces particularités sont, je ne dirai pas controversées, mais vraisemblablement exagérées, et bien certainement introduites dans la note de Busquarel, avec l'intention évidente, et déjà si souvent remarquée, qui avait fait vingt fois annoncer en Occident la conversion du grand Khan, celle de plusieurs autres rois et de tant de barons mongols, qu'il n'eût pas dû rester un seul païen dans toute la Tartarie, si ces annonces avaient eu quelques fondements. >> Ibid. Nous avons vu plus haut que ces faits étaient historiquement prouvés.

noillier soi devant li porce que il n'est mie baptisié ne levé crestien, et si les en fist il par trois foiz requerre par ses grans barons; et, quant il vit que il n'en vouloient autre chose fere, il les fist venir en la maniere que il voudrent, et si leur fist grant joie et moult les honoura si comme il meismes sevent. Si vous fet assavoir, sire, le dit Argon que, se li dit vostre message firent ce par vostre commandement, il en est tout liez, car tout ce qui vous plest li plest ausi, priant vous que se vous li envoiez jces ou autres messages, que vous vouilliez souffrir et commander leur que il li facent tele reverence et honeur comme coustume et usage est en sa court, sanz passer feu 1.

Et je, Busquarel, devant dit message d'Argon offre mon cors, mes freres, mes enfans et tout mon avoir a mettre tout nuit et jour ou service de vous monseigneur le roy de France, et vous promet que se vous voulez envoier messages au dit Argon, que je les menerei et conduirei a meins la moitié de despens, travail, peril et doute que il ni ont esté, quant a vous plera.

Les historiens français nous laissent dans une ignorance complète sur les effets de la négociation de Buscarel. Il est certain qu'elle n'amena présentement aucune résolution conforme aux vues d'Argoun et aux désirs des Croisés.

L'envoyé poursuivit sa route et se rendit près du roi d'Angleterre, Édouard Ier, pour lequel Nicolas IV lui avait remis une lettre, ainsi que nous l'avons dit plus haut 2.

D'après cette Bulle nous pouvons conclure que la lettre d'Argoun au souverain pontife était conçue à peu près dans les mêmes termes que celle au roi de France. Le pape annonce au roi qu'un personnage distingué, Biscarellus de Gisulfo, citoyen Génois, envoyé d'Argoun, roi des Tartares, est venu récemment lui apporter des lettres de ce prince, dans lesquelles il dit, entre autres choses, qu'il est tout prêt à venir, à la réquisition de l'Église, au secours de la Terre-Sainte, dans le temps du passage général, c'est-à-dire à l'époque fixée

1. Nous savons par divers récits de voyage que telle était, en effet, la coutume chez les Tartares : « Et ut breviter dicam, per ignem credunt omnia purificari unde quando nuncii veniunt ad eos, vel principes, vel personae quaecunque, oportet ipsos et munera quae portant per duos ignes transire, ut purificentur, ne forte veneficia fecerint et venenum vel aliquid mali portaverint. » JEAN DU PLAN DE CARPIN, Relation des Mongols, éd. d'Avezac, p. 231, 2. Ci-dessus, p. 220.

pour la croisade. Ledit envoyé devant, pour cette affaire, venir trouver le roi d'Angleterre, le pape lui a donné cette lettre de recommandation et il prie Édouard de le recevoir avec bonté et d'écouter avec attention ce qu'il lui dira de la part d'Argoun. Cette bulle est datée de Rieti, le 30 septembre 1289. En voici le texte1:

NICHOLAUS, episcopus servus servorum Dei, Charissimo in Christo filio..... Edwardo, regi Angliae illustri, salutem et apostolicam benedictionem.

Nuper ad praesentiam nostram accedens dilectus filius, nobilis vir Biscarellus de Gisulfo, civis Januensis, nuncius Argoni regis Tartarorum illustris, lator praesentium, nobis ex parte ipsius Argoni litteras praesentavit, inter caetera continentes, quod ipse Argonus ad requisitionem Ecclesiae paratus et promptus existit viriliter et potenter accedere in Terrae Sanctae subsidium, tempore passagii generalis.

Cum autem praefatus nuncius (cui, de multae probitatis et fidelitatis meritis ac fide dignis, laudabile testimonium perhibetur) ad praesentiam regiam propter hoc, ex parte praefati Argoni regis accedat; celsitudinem regiam rogamus et hortamur attente, quatenus nuncium ipsum benigne recipiens et honeste pertractans, diligenter audias, quae tibi ex parte ipsius Argoni duxerit referenda.

Datum Reate, ij kal. octobris, Pontificatus nostri anno secundo.

D'après les comptes domestiques d'Édouard Ier, Buscarel arriva à Londres la veille de l'Épiphanie, 5 janvier 1290, accompagné de trois gentilshommes, un cuisinier, huit cavaliers et six garçons. Il resta treize jours à la cour et en tout vingt jours en Angleterre. Il fut totalement défrayé de ses dépenses par la munificence du roi Édouard. Les lettres

1. D'après RYMER (t. I, part. III, p. 50), qui déclare l'avoir copiée sur l'original. Cette lettre n'est pas enregistrée. Cf. LANGLOIS, no 7516. — RÉMUSAT (Mém. cité, p. 123) dit que Buscarel se rendit en Angleterre accompagné de Zagan, Dominique et Moracius. « Les bulles qui leur servirent d'introduction sont datées du 30 septembre et du 2 décembre 1289. Elles ne furent reçues en Angleterre qu'en 1290, ce qui marque le temps de leur séjour en France. » Or il n'y a pas de bulle du 2 décembre 1289, mais seulement une du 2 décembre 1290 qui se rapporte, par conséquent, à la quatrième ambassade d'Argoun dont nous parlerons plus loin (Cfr. p. 236.

d'Argoun à celui-ci, dont le texte original n'a pas été retrouvé, devaient être rédigées dans les mêmes termes que celles au pape et au roi de France et se terminaient, comme ces dernières, par une demande de présents. Buscarel y avait joint une note identique à celle laissée à Paris. C'est du moins ce qu'il est permis de conclure de la réponse que le roi remit ȧ Buscarel lors du départ de ce messager.

Édouard félicite Argoun de vouloir combattre le sultan de Babylone (c'est-à-dire d'Égypte) et venir en aide aux chrétiens de la Terre-Sainte. Il le remercie pour l'offre de ses chevaux, et il l'assure qu'aussitôt qu'il aura obtenu l'assentiment du pape, il se mettra en route avec son armée et dépêchera à Argoun un messager pour l'informer de l'époque du passage, et lui porter des gerfauts et d'autres objets précieux, comme le Khan l'a demandé.

Les archives de la Tour de Londres conservent encore une copie de cette lettre dont voici le texte 1:

In omni [?] nomine Salvatoris Argon' regi Tartarorum illustri salubriter vivere ac thronum regium justicia roborare.

Reducentes ad sedule recordationis examen devocionis eximie puritatem qua inclitus vir, genitor vester, erga Christicolas suis fulgebat temporibus, attendentesque quod vos, tanquam laudabilis imitator ipsius, Christi nominis et honoris cupiatis augmentum proinde virtutum, Domino gratias vobisque grates referimus multiformes; glorificetur altissimus Dominus dominantium et Rex regum, qui tam bonum tamque laudabile propositum inspiravit conceptui mentis vestre, ut contra soldani Babylon' sueque gentis perfidiam exurgere delectamini in terre saucte subsidium et fidei

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1. Le texte qui suit et les détails précédents sur la mission de Buscarel en Angleterre, sont empruntés à un article de M. T. HUDSON TURNER, intitulé : Unpublished notices of the times of Edward I especially of his relations with the Moghul sovereigns of Persia, publié dans The Archeological Journal, t. VIII (1851) pp. 45-51. Dans une note du même volume (p. 200) le même auteur dit que M. MEADOWS, dans un article du Chinese Repository, avait signalé l'existence, à la Bibliothèque nationale, de deux lettres en mongol d'Argoun au roi de France. Or, après vérification, j'ai constaté qu'il ne s'agit dans l'article de M. MEADOWS que des lettres déjà publiées par REMUSAT, c'est-à-dire celle d'Argoun, et celle d'Oldjaïtou. L'article est intitulé: Translations and Notice of two Mongolian Letters to Philippe the Fair by Mr MEADOWS; Chinese Repository, t. XIX, pp. 526-535; Canton, 1850.

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