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Lorsqu'il fut parvenu, par une éducation soignée, à l'âge de faire des études, ils le confièrent à un maître digne et le firent appliquer avec soin aux sciences ecclésiastiques; ils le marierent et se réjouirent à cause de lui. Il fut jugé digne de recevoir l'ordre sacerdotal, fut inscrit dans la milice ecclésiastique et devint le gardien (procureur) de l'église de la ville susdite. Il se conduisit en toute honnêteté et humilité, s'appliqua à acquérir les vertus et engagea le combat pour les œuvres de la vie. future. Lorsqu'il eut atteint sa vingtième année, le feu divin s'alluma dans son cœur et y brùla les racines du péché il purifia son âme candide de toute souillure et de toute bassesse; il chérissait, en effet, au-dessus de tout, l'amour de son Maître, et il ne voulut pas regarder en arrière après avoir mis la main à la charrue. Il rejeta entièrement l'ombre du siècle et renonça complètement à ses désirs; les mets succulents furent pour lui comme s'ils n'existaient pas, et il s'interdit absolument l'usage de toute boisson enivrante.

Quand ses parents s'aperçurent de cela, ils furent saisis d'une vive douleur et atteints d'une profonde affliction en voyant leur unique enfant se séparer d'eux. Ils se levèrent le cœur brisé et le supplièrent en lui présentant des promesses mondaines « Pourquoi, ô notre fils aimé, notre séparation t'est-elle si chère? Pourquoi notre deuil t'est-il si doux? Pense à qui restera notre bien! Considère qui sera notre héri

où s'élèvent les monts appelés Célestes. Ce fut là que se retira leur chef, dont les successeurs, qui prenaient le titre d'Idi-court, c'est-à-dire, en turc, seigneur du pays, faisaient leur résidence dans la ville de Bisch-balik (= Les cinq villes, localité identifiée par KLAPROTH [Mém. relatifs à l'Asie, t. II, p. 355] avec Ouroumdje, à 44o de lat. et 87° de long. E. de Paris) et se reconnaissaient vassaux de l'empereur de la Chine..... »

Vers l'an 1215 cette principauté était devenue tributaire du nouvel empire du Cara-Khitaï. Il y avait dans le pays un gouverneur chinois que l'Idi-court fit mettre à mort après la conquête de Gengis-Khan, à qui il offrit de grands présents, ce qui lui valut les bonnes graces du conquérant et la main de sa fille Altoum-Bigoui (Cf. HowWORTH, t. I, p. 21, et D'OSSHON, t. I, p. 129).

La religion primitive des Ouïgours était le Schamanisme. Ils embrassèrent dans la suite le Bouddhisme auquel ils durent leur civilisation. Le christianisme, propagé par les Nestoriens, était très répandu parmi eux, et ce fut de ceux-ci qu'ils tirèrent sans doute leur alphabet qui est fondé sur le syriaque. Ils enseignèrent les lettres aux Mongols; de nomades ils devinrent cultivateurs et furent, dans les premiers temps, la race la plus cultivée de l'Asie orientale.

1. Le mot peut aussi signifier « ils le fiancèrent ». 2. Allusion au texte évangélique : Luc, IX, 62,

tier! Songe qui deviendra maître de notre fortune! Comment peux-tu trouver agréable que notre race et notre nom disparaissent? Pourquoi veux-tu faire en sorte que des étrangers deviennent nos héritiers? >>

Comme ils cherchaient à le convaincre par de semblables lamentations et à lui inspirer du regret par des conversations du même genre, il leur obéit extérieurement et demeura avec eux corporellement, mais malgré lui; et pendant les trois ans qu'il servit ses parents corporels, il n'abandonna point sa règle de conduite ni ne cessa de lutter dans sa carrière laborieuse. Quand ses parents virent que leurs conseils étaient inutiles, et que leur parole ne comptait pour rien en comparaison avec l'amour du Christ, ils le laissèrent accomplir son désir. Il distribua donc aux pauvres tout son bien, c'est-à-dire ses vêtements et son mobilier, prit l'habit monastique et reçut la tonsure des mains du père saint et illustre Mar Guiwarguis (Georges), le Métropolitain 1. Il se mit alors à travailler dans la vigne

1. Le Métropolitain de la Chine (de Pékin, Khan-Balik), est mentionné dans la liste d'Amrou (milieu du XIVe siècle); voir ASSEMANI, Bibl. or., II, 458. Depuis quelle époque le christianisme avait-il ses adhérents en Chine et en particulier dans les contrées reculées du Kathay? Il est difficile de le dire avec précision. « C'est une tradition unanimement reçue dès les premiers temps, dans toutes les églises syriennes, dit Mgr LAMY (op. cit.), que l'apòtre saint Thomas a évangélisé la Perse, la Bactriane, la Carmanie, et qu'il est mort à Calamine ou Méliapour, aux Indes, martyrisé par les brahmanes. Saint Aghée, un de ses disciples, prêcha l'Evangile aux Parthes, aux Perses, aux Tartares et alla jusqu'à la frontière de l'Inde. Dans la vie de saint Jonas que M. BEDJAN va éditer [éditée en 1890, Acta sanct. et martyr., tome II, p. 140], il est rapporté que ce saint reçut l'hospitalité aux Indes dans le monastère de saint Thomas que dirigeait alors, à la fin du Ive siècle, l'abbé Zadoï. Le moine COSMAS (INDICOPLEUSTA), dans son voyage aux Indes, trouva des chrétiens dans l'ile de Ceylan, gouvernés par un évèque ordonné en Perse. Il ajoute (Topogr. christ. lib. III. Migne, Patr. Gr., LXXXVIII, 170 et 446): « Chez les Bactriens, les Huns, les Perses, les autres Indiens, les Mèdes, les Elamites et dans toute l'étendue de la Perse, il y a une infinité d'églises avec des évêques et des fidèles, des martyrs, des moines et des anachorètes en grand nombre. » Quant à la Chine, Cosmas ignore si elle contient des chrétiens. Selon EBED JESU (apud ASSEMANI, Bibl. or., tome III, part. I, 346), le catholique des nestoriens Çaliba-Zaka, vers 714, aurait créé les métropolitains de Hérat, de Samarkande, de Chine et des Indes. « Quelques-uns, ajoute-t-il, rapportent cette création au catholique Achée (411) ou au catholique Silas (503). » La célèbre inscription, trouvée en 1625 à Si-ngan-fou, dans le Chen-si, prouve que le nestorianisme avait pénétré dès le viie siècle en Chine, où il avait été apporté par un prêtre syrien nommé Olopen. Dès 635, il comptait dans la capitale une église et vingt et un prêtres pour la desservir. En 756, il y avait des églises chrétiennes dans cinq principautés de l'Ouest. Les caractères nestoriens qui se lisent autour du fac-simile de l'inscription qui est à la Bibliothèque nationale de Paris, portent que l'inscription a été gravée en 781, Anan-Jésus étant catholique ou patriarche, et

de son Maître, avec l'espoir du royaume futur et la confiance de participer à l'héritage céleste et de recevoir comme récompense le denier final 1. Il se choisit une cellule, dans laquelle il s'enferma pendant sept ans; après quoi il songea à s'éloigner des hommes et à se livrer à l'ascétisme sur une montagne, dans un endroit retiré, pour s'y reposer dans l'isolement. Il sortit donc et s'en alla à une journée de marche de la ville pour se choisir là une demeure. Il trouva, dans cette montagne, un endroit où il y avait une grotte et, à côté de celle-ci, une source. Il y vécut paisiblement et reçut la grâce de son Maître, qui l'a rendu digne de choses telles que sa réputation se répandit dans le pays. Les hommes commencèrent alors à se réunir autour de lui pour entendre sa parole, et il était honoré de tout le monde.

Adam étant évêque de la Chine. La pierre a été érigée par les soins de Mar Jadbouzid, chorévêque de Kourndan (Nankin) et fils de Milis, prètre de Balch, ville du Tocharestan. On lit dans les mêmes caractères le nom de Mar Jean, évèque et de soixante-deux prêtres (voir l'Inscription syro-chinoise de Si-gnanfou, par G. PAUTHIER. Paris, 1858).

« Théodose, qui occupa le siège patriarcal de 852 à 858, énumère dans sa lettre synodale le métropolitain de Chine en septième lieu et le place avant le métropolitain des Indes, de Perse et de Samarkande (ASSEMANI, Bibl. or., t. III, part. II, p. 439). Une note ajoutée à l'écrivain Amri mentionne, au XIe siècle, les deux sièges de Tangout, en Tartarie, et de Pékin en Chine. Grégoire Bar Hébréus rapporte dans sa Chronique ecclésiastique (tome II, col. 279) la conversion de la nation entière des Tures Kéraïtes, avec leur roi, vers l'an 1007, faite par les soins de l'archevêque de Merv. » — «Il y a cependant, d'autre part, dit M. VAN HOONACKER (loc. cit.), des rapports tendant à établir que, bien avant le XIIIe siècle, l'Eglise chrétienne y fut tout au moins considérablement affaiblie. La conquête mongole, qui bouleversa l'ancien état de choses, fut le signal de la restauration du christianisme. La relation de Marco Polo semble supposer que, lors de la première visite des Vénitiens à Khan-Balik, Khoubilaï ne connaissait guère les chrétiens (Liv. 1, 3, 4); ceci s'accorderait difficilement avec les faits racontés au début de l'Histoire de Mar Jabalaha.» – M. J. HALÉVY a émis de très ingénieuses conjectures sur la possibilité de préciser l'époque de l'introduction du christianisme dans la Haute-Asie, par l'examen des noms d'animaux employés dans les dates; nous en parlerons à propos de la lettre d'Argoun à Philippe le Bel.

1. Allusion à la parabole évangélique: MATTH. XX.

CHAPITRE II

HISTOIRE DE MAR JABALAHA, CATHOLIQUE, PATRIARCHE DE L'ORIENT.

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Dans la prescience de Dieu, tout est connu toutes les pensées des hommes, bonnes et mauvaises, avant même qu'ils soient dessinés dans le sein, lui sont dévoilées, et, d'après elles, il choisit et justifie, selon elles il punit et supplicie. Il fut dit à Moïse « Voici, je t'ai donné comme dieu à Pharaon, » et son élection démontre la bonté de sa volonté et la dureté du cœur de Pharaon; car, avant même qu'il existât, Dieu connut qu'il serait endurci et il fut rejeté. A Jérémie [Dieu] dit 2: «Avant de te former dans le sein, je t'ai connu, et avant que tu sortisses du sein, je t'ai sanctifié. » Et Paul dit : « Dieu n'a pas rejeté son peuple qui lui fut connu dès le commencement », certes, à cause de la bonne volonté et des pensées pures.

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Certains signes de cette élection apparaissent dans la personne de celui qui est élu, et certains traits brillent en lui, qui démontrent qu'il est digne de la grâce: celui qui est éclairé les reconnaît, tandis que celui qui n'est pas éclairé ne les reconnaît pas. Puisque la personne dont nous avons à parler. fut élue pour des choses sublimes, nous sommes obligés de dire comment elle fut élue et confirmée dans une volonté parfaite.

Il y avait dans la ville de Koschang, au pays de l'Orient,

1. Ex. VII, 1.

2. JER. I, 5.

3. ROM. I, 2.

4. Cette ville est placée par l'auteur entre Péking et Tangout, à environ quinze journées de marche de Péking. Il s'agit donc vraisemblablement de la ville nommée Kung-Tschang (R. DUVAL). Je serais tenté de l'identifier avec la cité appelée par MARCO POLO Cacianfu (chapitre cx), à laquelle le célèbre voyageur, parti de Péking, parvint en dix-huit jours. C'est la ville appelée alors en chinois Hô-tchoung fou « la ville chef-lieu de département située au milieu du fleuve », aujourd'hui ville départementale de P'ou-tchêou fou, de la province du Chân-si, situće, selon la Géographie impé

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un homme fidèle, juste, pur et sans tache, qui travaillait avec persévérance pour Dieu dans l'Église et observait religieusement ses lois. Il se nommait Bainiel et était archidiacre. Il eut quatre fils. Le plus jeune d'entre eux (né en l'année de Notre-Seigneur 1245) s'appelait Marcos. Il s'appliqua plus que ses frères à l'étude des sciences ecclésiastiques...... Ceux qui le rencontraient lui donnaient ces avertissements et d'autres semblables. Mais il leur paraissait [si indifférent] qu'ils ne savaient s'ils parlaient à une statue ou à un être raisonnable '. Bien qu'il eût été contrarié en beaucoup de manières, il ne s'écarta pas de son chemin et sa pensée ne se détacha pas de son but. Il poursuivit son dessein et parvint auprès de Rabban Çauma après quinze jours de grande fatigue.

Il salua Rabban Çauma, qui le reçut avec joie et allégresse. Après qu'il se fut reposé Çauma l'interrogea : « Mon fils, d'où viens-tu? Comment es-tu arrivé sur cette montagne? Quelle ville habite ta famille? Qui est ton père? De qui es-tu fils? » Il répondit : « Je suis fils de Bainiel, l'archidiacre de la ville de Koschang, et je m'appelle Marcos. »

Çauma lui dit : « Pour quel motif es-tu venu vers moi avec tant de fatigue et de peine?

riale (Taï-thsing-i-thoung-tchi, k. 83), à 2,200 li de Péking. Lat. 34° 51'; long. E. 107° 55'. Sous les Mongols (Yuan-su, k. 58, fol. 34), elle dépendait du Tein-ming loú. Dès l'époque de la dynastie des Tchâng elle avait reçu à cause de sa situation le nom de Hô-tchoung fou, nom qu'elle échangea ensuite en celui de Hô-thoung kiun, puis qu'elle reprit sous les Kin ou dynastie d'Or, pour le conserver sous les Mongols.

Toujours selon la Géographie impériale, cette ville fournissait à titre d'impôts, sous la dynastie mongole, des étoffes de soie légère, des toiles de chanvre et des boites de laque. Marco Polo nous dit que dans la « noble cité de Cacianfu, les gens sont tous ydres. Et encore vous di que vous devez savoir que tuit cil de la province du Catay sont tretous ydolatres. » La Chine du Nord (Kathay) renfermait cependant quelques chrétiens, et rien n'empêche que la ville de Cacianfu en ait aussi compté quelques-uns parmi ses habitants. Toutefois le bouddhisme devait y être, à cette époque, en grand honneur, car on trouve dans le département dont Hô-tchoung fou (aujourd'hui P ́ou-tchéou fou) est le chef-lieu, vingt-trois temples et monastères bouddhiques fondés pour la plupart sous les Thàng, les Soung, les Kin et les Mongols, tandis qu'on n'en rencontre que treize dédiés à l'ancien culte pratiqué par les sectateurs de Confucius, dont l'un a été fondé en l'honneur de l'ancien empereur Chun et l'autre en celui de Yu, qui avaient établi là leur résidence plus de 2,200 ans avant notre ère.

1. Il semble qu'il y ait une lacune dans le texte. Il est probable qu'après avoir parlé des études de Marcos, le récit continuait par l'exposé des rapports de celui-ci avec sa famille et de la manière dont il s'en sépara. On peut traduire diversement ce passage selon l'endroit où l'on place la lacune.

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