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d'excellentes et sublimes promesses et enleva son propre manteau pour l'en revêtir, ce qui causa une grande joie aux fidėles.

Le roi coucha au monastère. La nuit, tandis qu'il dormait, il vit en songe trois anges qui se tenaient au-dessus de lui : l'un portait des vêtements rouges, les deux autres des vêtements verts brillants. Ils le consolèrent et l'assurèrent de la guérison des douleurs dont il souffrait aux talons.

Le lendemain matin, le roi sortit une belle croix en or fin, ornée de pierres précieuses d'une grande valeur, dans laquelle se trouvait une parcelle du bois adorable de la Croix de notre Sauveur, que Monseigneur le Pape des Romains lui avait envoyée en signe d'honneur. Il en fit cadeau à Monseigneur le Catholique. Il raconta son songe devant tous les assistants et avoua que c'était par les bénédictions de cette

1. Il est probable que cette croix lui avait été rapportée par ce même Buscarel qui avait déjà, comme nous l'avons vu, rempli la fonction d'ambassadeur en Occident pour le compte d'Argoun et qui fut de nouveau envoyé en Europe par Cazan, ainsi que nous l'apprenons par deux lettres d'Édouard Ier, roi d'Angleterre, adressées l'une à Cazan et l'autre au patriarche d'Orient, évidemment notre Jabalaha. Nous reproduirons ailleurs cette lettre (Cf. REMUSAT, Mém. cité, p. 388). Buscarel est ici appelé Buscarellus de Guissurfo. Dans sa lettre datée de Westminster (12 mars 1302), Édouard - probablement en réponse aux reproches que Cazan lui avait adressés sur ses délais s'excuse de ne pas s'être engagé dans une croisade en alléguant les guerres qui le retenaient en Occident. Cette lettre fut portée à la cour mongole par un envoyé du roi d'Angleterre, Geoffroy de Langles, qui était accompagné de deux gentilshommes écuyers, dont l'un était Nicolas de Chartres. Ils rejoignirent Buscarel à Gènes et voyagèrent jusqu'à la cour de Perse, avec lui, son neveu Conrad et Percival de Gisolfi. La relation de leur voyage existe et a été analysée par M. T. Hudson Turner. La cour mongole étant constamment déplacée, la route des envoyés dut être fréquemment changée. Quand l'ambassade partit, la cour était supposée en résidence à Cassaria (l'ancienne Césarée, en Arménie). On trouve les envoyés successivement à Sébaste, Tauriz, Mardin, Erzerum, Coya (?), Perpetum (i. e. Baiburt, en Arménie) et Sarakhana. Il est curieux de voir l'équipement dont ils se munirent à Gènes. Il se composait de fourrures, habits, armures, tapis, vaisselle d'argent et pelisses de fourrure. On dit même que la vaisselle d'argent coûta la grosse somme de L. 193. 12 s. 7 d., en monnaie courante (anglaise) de l'époque. Leurs quinze tapis, qui devaient servir de lits, étaient d'une valeur de L. 15. 15 s. 6 d. Leurs armures, y compris sept assiettes de fer et onze petits bassins, coûtèrent L. 44. 5 s. Dans leur voyage à travers l'Asie-Mineure, les Sarrasins leur servirent de porteurs et de serviteurs. A Trébizonde, Buscarel se munit lui-même d'un « parasole » (sic). Comme le temps devenait plus chaud, on en acheta un autre à Tauriz. Ceuxci, dit M. Turner (Archaeological Journal, VIII, 49-50), de la valeur de 2 shellings furent leurs plus remarquables acquisitions. Les envoyés, en revenant en Angleterre, ramenèrent avec eux, dans une cage, un léopard qui fut nourri pendant la traversée avec des moutons embarqués à Constantinople pour cet usage (Cf. HowORTH, Hist. of the Mongols, III, 489).

sainte maison qu'il avait recouvré la santé. Il resta là encore toute la journée, exaltant et honorant le Catholique.

De là, il partit pour le lieu où il avait coutume de passer l'été, c'est-à-dire, Oughan1. Le vingt de Haziran (juin) de cette année, il envoya de nouveau à Monseigneur le Catholique un cheval de luxe qu'il montait lui-même, et un manteau d'honneur, avec un courrier pour s'informer de sa santé et lui faire encore de belles promesses. Après cela, au mois d'Ab (août), de cette même année, il lui envoya de nouveau des vases de cristal et des émaux (en persan gini), peints avec de l'or 2. Il avait, en effet, fait venir des ouvriers de la ville de Damas et de celle de Kâschan3. Il montra beaucoup d'affection au patriarche par l'envoi de ces objets '.

1. D'après Raschid-ed-Din, Cazan arriva à Oughan le 26 juin. Il tint en ce lieu un kouriltaï qui s'ouvrit le 17 juillet, lorsqu'on eut fini d'informer contre les officiers qui avaient commandé en Syrie. Ce kouriltai donna lieu à beaucoup de fêtes et à de grandes largesses. « Assis dans une grande tente, où il avait fait déposer les sommes recueillies dans toutes les provinces et entouré de ses principaux officiers, il répartit cet argent en raison des services rendus, ayant soin de motiver ses préférences. Des tas d'habits plus ou moins riches rangés par espèces; des rouleaux d'or et d'argent de différentes grandeurs, sur lesquels était inscrite la quotité de la somme et à quel corps de troupes ils étaient destinés, se donnaient à mesure que le prince appelait chaque corps par son nom. Cette distribution dura près de quinze jours pendant lesquels furent dépensés 300 toumans d'or en espèces [=3 millions de dinars], vingt mille habits, cinquante ceintures garnies de pierreries et trois cents ceintures d'or. » D'OHSSON, IV, 341. C'est probablement en cette mème circonstance qu'il envoya des présents au Catholique.

2. Le mot gini, djini, ou plutôt tchini désigne des porcelaines émaillées, et semble dérivé du nom de la Chine que les Chaldéens prononcent tchine.

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3. Kaschan est une ville de la Perse, située dans la province d'Irak-Adjemi, à 150 kilom. au N. d'Ispahan sur la route de Téhéran, par 33° de lat. N., et 48° 'de long. E.; elle fut fondée par Zobéide, femme du khalife Haroun ar-Raschid, et était encore dans ces derniers temps une des villes les plus florissantes de la Perse. On y voyait un superbe palais royal, de belles mosquées, des collèges, des bains remarquables. De nombreuses manufactures d'étoffes châles, brocart, velours, soieries, et des manufactures d'armes en faisaient tout récemment un centre commercial important et elle comptait 30,000 habitants, lorsqu'elle fut détruite par un terrible tremblement de terre en novembre 1893. 4. « Nous voyons dans tout ce récit Kazan en fréquents rapports avec le catholique Jab-Alaha, et favorisant les chrétiens, mais nulle part il n'est dit qu'il ait reçu le baptême ou pratiqué la religion chrétienne. Au contraire, le récit indique bien qu'il n'était pas chrétien. Ayton ou Haytoum, l'historien arménien contemporain qui avait souvent conversé avec Kazan, ne le dit pas non plus. C'est donc à tort que Darras (Hist. de l'Église, t. XXX, p. 108), sur la foi de quelques écrivains occidentaux, déclare que « le fait de sa conversion ne saurait être mis en doute ». J. S. Assémani et Baronius se contentent de citer les témoignages sans se prononcer. Voir BARONII, Annales eccl., ad an. 1301. » LAMY. op. cit., p. 241. MOSHEIM lui-même, toujours enclin à exagérer les progrès du christianisme chez les Tartares, se refuse à admettre la

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Au mois de Teschri second de l'an 1615 des Grecs (novembre 1303), tandis que le roi était à Tauriz1, Monseigneur le Catholique descendit, comme c'était l'habitude, pour aller passer l'hiver dans la citadelle d'Arbèle. Tous les prêtres qui se trouvaient lå et les notables d'entre les chrétiens se rassemblérent près de lui.

Après la grande fête de la Résurrection de Notre-Seigneur2 (1304), le grand émir à qui était confiée l'administration du gouvernement de Diarbekir vint aussi trouver le Catholique, et il monta, tranquillement et en grand honneur, avec lui, au couvent qu'il avait bâti, à Maragha. Ils y parvinrent la veille de la fête de la Pentecôte 3.

conversion de Cazan et nous fait connaitre la source où puisèrent les auteurs qui ont cru à cette conversion. Voici ce qu'il dit à ce sujet : « Sanctus Antoninus (Chron. P. 11, Tit. xx, Cap. VIII, § IX fol. LXXXII) Gasanum non solum christianum esse factum refert sed prodigium quoque commemorat quo ad veritatem sit adductus. Uxorem duxerat Gasanus filiam regis Armeniae christianam eamque pulcherrimam, et dulcissimo ejus amore flagrabat. Sed accidit, nescio quo fato, ut ea filium ipsi pareret ita deformem, ut vix aliquid humani prae se ferret. Obstupescit Argonus consilium convocat et quid caussae sit, quod ex tam formosa uxore natus sit filius turpissimus, ex amicis quaerit. Hi inde id evenisse respondent quod uxor parum casta cum alio rem habuerit, ex quo adulterio puer esset procreatus; hanc ob rem principem gravissimo supplicio esse adficiendam, et cum sobole cremandam. Gasanus idem decernit; extruitur rogus, et feminae innocenti sententia adnunciatur. Ipsa ut sibi antea liceat peccata more christianorum confiteri, sacro epulo animam reficere ac puerum baptismo initiare, supplex rogat. Permittit Gasanus : uxor sanctissimum viaticum sumit, puer baptizatur. Sed esse miraculum! Puer, qui modo deformis erat ac teterrimus, pulcher ex baptismo exit et formosus. Imperator insigni hoc prodigio de pietate uxoris ac religionis Christianorum veritate convictus, eamdem profitetur veritatem et coetui christianorum cum multis aliis publice adscribitur. Ita rem narrat S. Antoninus, qui eam per virum quemdam ex Florentia oriundum innotuisse addit, qui inter Tartaros educatus, et ab iis ad Bonifacium romanum episcopum aliosque Europae principes missus esset ad divulgandum miraculum. Verum enim vero haec omnia non impediunt quo minus tota hec narratio dubia et incerta et veri parum similis nobis videatur » (Hist. Tartarorum eccles., p. 85). L'auteur ajoute qu'il serait bien surprenant de voir la naissance d'un enfant difforme causer une si vive surprise à un prince dont HAïTON (Liv. des Hist., chap. 41) nous fait le portrait en ces termes : « Et hoc praecipue erat admirandum quod in tantillo corpusculo tanta virtutum copia inveniri poterat. Nam inter xx mille milites vix potuisset staturae minoris aliquis reperiri, neque turpioris adspectus. Il fait encore observer que si le récit avait quelque apparence de fondement, on pourrait l'expliquer bien naturellement par une substitution d'enfant très facile à opérer par l'évêque qui administra le baptême selon le rite nestorien.

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1. Cazan arriva à Tauriz le 8 septembre; il y resta jusqu'au 31 octobre, selon RASCHID, et partit ce jour-là pour Oughan.

2. La fête de Pâques se trouvait cette année-là le 29 mars.

3. La Pentecôte était le 17 mai. C'est de Maragha et de cette époque (18 mai 1304) qu'est datée la fameuse lettre de Jabalaha au pape Benoît XI, sur laquelle

Cinq jours après, arriva une nouvelle cruellé, lamentable vraiment affligeante: le décès du roi victorieux Cazan! Il était mort le jour de la Pentecôte', vers le soir, dans les environs du Sahand. Tous les habitants des régions de son vaste empire prirent le deuil ; son cercueil fut conduit à la ville de Tauriz, le dimanche coulmedem so'ar et déposé dans la grande Coubba que le défunt lui-même avait fait construire '.

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on s'appuie pour démontrer la prétendue soumission de ce Catholique au Saint-Siège. Nous l'examinerons plus tard.

1. «< Cazan, arrivé près de Khaïlbuzurk dans le canton de Raï, retomba malade. Il expédia aussitôt un courrier à Boulgan-Khatoun pour la prier de venir et continua sa route à petites journées jusqu'à Yeskezé-round, près de Cazvin, où Boulgan-Khatoun arriva au commencement de mai. Cazan se sentant près de sa fin assembla les grands de l'État, adressa à chacun d'eux une exhortation et fit son testament par lequel il laissait le trône à son frère ŒŒuldjaïtou, qu'il avait déjà désigné pour son successeur quatre ans auparavant; il recommanda vivement aux assistants de veiller à la stricte exécution de tous les points que renfermaient ses dernières volontés. Après avoir accompli ce devoir, il passa la plupart du temps en retraite. Quoique affaibli par la maladie, il conserva toutes ses facultés et son éloquence naturelle jusqu'au moment où il expira dans la soirée du dimanche 17 mai 1304. » D'OHSSON, IV, 349.

2. Le Sahand ou Sehend est une montagne de l'Adherbaidjan à 150 kil. sur la rive orientale du lac d'Ourmiah. Son plus haut sommet dépasse 3,500 mètres. C'est du haut de cet observatoire que Monteith dressa la carte de l'Adherbaidjan étendu à ses pieds. Le massif formé de porphyres trachytiques auxquels s'appuient des calcaires, des schistes, des grès, des conglomérats, est très abondant en sources de toute espèce, thermales et froides, acidulées, ferrugineuses, alcalines. Ce sont des fontaines du Sehend qui alimentent les réservoirs de Tauriz et les bains très fréquentés de Lala près du village de Sirdaroud. Une des vallées voisines est un des trois « paradis de l'Iran ». Sur le versant occidental, les eaux très chargées de sel qui descendent dans le lac en augmentent la teneur saline. Une caverne profonde, l'Iskanderia " Grotte d'Alexandre », émet en abondance de l'acide carbonique et les animaux qui pénètrent dans cette fissure du sol périssent infailliblement, des amas d'ossements encombrent l'entrée. Pour les indigènes, c'est au fond de l'antre si bien gardé qu'Alexandre a enfoui ses trésors. Les roches du versant oriental sont veinées de cuivre et de plomb argentifère; les gens du pays vont y faire leur provision de minerai uniquement pour en retirer le plomb au feu de leur cuisine, ignorant que ce métal est allié à une quantité d'argent que d'ailleurs ils ne sauraient pas extraire (CZARNOTTA, Geologische Reichsanstalt, II).

3. Son cercueil fut transporté à Tébriz sur des chevaux de ses écuries, suivi des Khatounes et des Oméras. Les habitants des villes et des villages sur la route, hommes et femmes, sortaient de leurs maisons tête et pieds nus et vêtus de bure, se couvraient la tète de poussière et faisaient entendre des gémissements. Les minarets dans tout le royaume furent couverts de bure; on étendit de la paille dans les rues, les bazars et les places publiques. Les habitants de toutes les classes se vêtirent, pendant sept jours, d'habits déchirés ou de bure. La population de Tébriz, portant le deuil en bleu foncé, alla jusqu'à la dernière station au-devant du convoi; militaires et bourgeois marchaient autour du cercueil, en poussant des sanglots. » D'OнSSON, IV, 350. 4. A Schenb, tout près de Tauriz. -(( Jusqu'à ce prince les souverains mongols de la race de Tchinguiz-Khan avaient choisi pour leur sépulture un lieu isolé dont on dérobait soigneusement la connaissance à tout le monde. On

CHAPITRE XVII

LE ROI OLDJAITOU ET MAR JABALAHA.

Il n'y eut aucun trouble, il ne s'éleva de confusion absolument nulle part, grâce à la ferme direction des grands émirs qui tenaient les rênes du gouvernement 1.

Ils envoyèrent chercher le frère consanguin du roi défunt, qui s'appelait Oldjaïtou et se trouvait dans le Khoraçan. Ils le

plantait un bois sur ce terrain et on y plaçait une garde sûre qui en défendait l'approche. Cazan, devenu musulman, voulut suivre en tout les pratiques de sa nouvelle religion et dérogea à la coutume de ses ancêtres quoiqu'elle fût indifférente aux yeux de l'Islamisme. » Il avait visité dans toute la Perse un grand nombre de tombeaux révérés et voulut avoir, lui aussi, un lieu de repos qui fùt connu et respecté de tous. Dans ce but il l'entoura d'établissements de bienfaisance. I jeta donc à Schenb les fondements de grandes constructions. « Ces édifices, plus vastes encore que le célèbre Kounbed (coupole) du sultan Sindjar le Seldjoucide, à Merv, qui passait pour le plus grand bâtiment connu, consistaient en un mausolée couvert d'un dome, une mosquée, deux collèges, l'un du rite Schafi, l'autre du rite Hanefi, un monastère, un hospice pour les Séyids, un hôpital, un observatoire, une bibliothèque, un dépôt d'archives, une maison pour l'administrateur de ces établissements, une citerne qui fournissait de l'eau à boire, et une maison de bains chauds. Il assigna des dotations considérables, soit pour les frais du matériel nécessaire à ces établissements, comme tapis, parfums, lumières, bois, etc..., soit pour l'entretien et les émoluments d'un grand nombre de personnes qui y étaient employées. D'OHSSON, IV, 272-273.

1. Voici ce que notre auteur entend par une ferme direction : « A la mort de Cazan, son frère Kharbendé, qu'il avait désigné son successeur, se trouvait dans le Khorassan, son apanage. Le général Moulaï lui conseilla de cacher cet événement et de prendre des mesures pour prévenir les troubles que pouvait causer l'ambition du prince Alafrenk, fils de Gaïkhatou, soutenu par le général Harcoudac, qui venait d'être nommé commandant en chef de l'armée du Khorassan. Ce général avait épousé la fille de Coutloucshah qui, étant marié à la sœur d'Alafrenk, voulait élever au trône ce jeune prince. Il fut arrêté dans un conseil que Kharbendé tint avec ses officiers, qu'avant de publier la mort de Cazan on se déferait de ceux qui étaient soupçonnés de vouloir s'opposer à Kharbendé. Trois capitaines des plus distingués furent choisis pour aller òter la vie au prince Alafrenk....... Lorsqu'ils arrivèrent à son ordou, ce prince ignorait encore la mort de Cazan. Ils lui demandèrent un entretien privé, au milieu duquel Gurdji le tua d'un coup de sabre. » D'OнSSON, IV, 479. Dès que les trois officiers furent revenus, Kharbendé les chargea d'aller s'emparer du général Harcoudac. On le lui amena et il le fit mettre à mort avec tous les siens. Après s'être ainsi débarrassé de son compétiteur, il se mit en route pour Tauriz avec ses familiers et un gros corps de troupes.

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