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le martyr éprouvé ; la sainte fille de Manoueh2; Schamouna et ses fils 3. Que leur prière secoure le monde et préserve l'univers de tous les dangers!

Le Catholique consacra l'église et posa la pierre de l'autel le jour de la sainte fête de la Croix adorable, le treize d'Iloul de l'an 1612 des Grecs (septembre 1301). Tous les fidèles bénis de l'Adherbaidjan se réunirent en ce jour de sa consécration et vinrent apporter des offrandes et des dîmes, chacun selon ses moyens, chacun selon sa position et son rang. Ils se réjouirent tous vivement.

Monseigneur le Catholique fit un grand festin dans lequel il réunit des personnes de toutes les confessions. Il leur présenta à tous la coupe et les enthousiasma. Il les bénit, comme le roi Salomon, après avoir achevé le grand temple, bénit le peuple du Seigneur *.

La totalité des dépenses qu'il consacra à cet édifice, jusqu'à son achèvement, est de quatre cent vingt mille zouz.

Aux évêques et aux moines, aux architectes, c'est-à-dire aux charpentiers et aux artisans, et à quiconque y avait travaillé, il donna des vêtements, à chacun selon sa condition et son labeur.

Maintenant encore les prières et les messes continuent

martyr » (p. 158). Sa vie, écrite par Jésujab qui occupait le trône patriarcal de Séleucie de 650 à 660 de notre ère, existe dans le ms. syriaque CLXI de la Bibl. vaticane sous ce titre : (( Historia sancti Jesusabrani confessoris et monachi inclyti scripta a Beato Mar Jesujabo Adiabeno Catholico Patriarcha Orientis. » Je ne sache pas qu'elle ait été publiée. Son contenu ne m'est connu que par la courte note d'Assémani, ainsi conçue : « Notandum tamen est quod etsi Jesusabranus a Jesujabo dicatur ex Magorum secta ad Christi fidem conversus, et propter eamdem fidem in vincula per annos quindecim conjectus, ac demum in crucem actus fuisse; idem tamen fertur nestorianam heresim coluisse. » Catalogus Bibl. Vatic., t. III, p. 328.

1. Probablement un de ces nombreux martyrs de Perse dont nous ignorons encore la vie.

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2. Il s'agit évidemment d'une pieuse femme de l'Ancien Testament. Dans une prière pour les cérémonies de la tonsure des religieuses on invoque ((... Thamar, Rachel, Ruth, Marie sœur d'Aaron, la sœur de Sama qui fut martyre, la sainte fille de Manouch, Debora, Anaël qui tua Sisara, la mère de Samson, (Cat. Bibl. vatic., t. II, p. 368). D'après la place qu'elle occupe dans cette énumération notre sainte pourrait bien être cette Rahab qui accueillit les espions de Josué (Jos., II).

3. C'est sous ce nom que les Syriens désignent la mère et les sept frères, ses enfants, qui furent mis à mort, sous le règne d'Antiochus Épiphane, pour avoir refusé de manger les viandes prohibées (II MACH., VII).

4. II Chron., VI.

dans cette église. Elle est, pour tous les Orientaux, un but de pèlerinage, une maison de refuge qui répand les secours.

Le Catholique donna, en effet, à ce saint monastère un village situé à l'est de Maragha, appelé Dahbi, qu'il avait acheté onze mille dinars. Il le constitua en waqf, c'est-à-dire en fondation pieuse, à ce saint monastère auquel il assigna encore d'autres biens-fonds, tels que jardins, vignes, potagers, terres labourables, etc., afin que leurs revenus, c'est-à-dire leurs fruits, puissent pourvoir aux besoins de la vie et à l'alimentation des moines, aux lampes, aux cierges, aux réparations et à l'entretien de ce saint lieu. Il appela ce saint monastère Malka d'oumré (le Roi des monastères).

Que [Dieu] accueille son mérite; qu'il lui accorde, comme récompense de ses peines, les délices du royaume céleste et une demeure avec les saints amis de Notre-Seigneur JésusChrist, et qu'il place à sa droite quiconque a travaillé avec lui et l'a aidé dans cette grande œuvre! Amen.

CHAPITRE XVI

AFFECTION DU ROI CAZAN POUR MAR JABALAHA; SA MORT.

Après l'achèvement de ce couvent et sa consécration, Monseigneur le Catholique se rendit à Tauriz, près du roi victorieux Cazan qui l'accueillit avec satisfaction, se réjouit de le voir, l'honora plus que de coutume et le traita d'une manière extraordinaire. Il l'interrogea sur sa construction et sur son entreprise. Le Catholique ayant répondu qu'elle était entiérement achevée, le roi victorieux tressaillit de joie et d'allėgresse. Le Catholique le bénit en présence des assistants.

Le roi partit pour passer l'hiver à Moughan. Il permit à Monseigneur le Catholique de demeurer dans son monastére pendant l'hiver « car, dit-il, c'est un édifice nouveau et il sera agréable à son maître, à cause de la grande peine [qu'il s'est donnée].

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1. C'est-à-dire, lui souhaita des bénédictions, le félicita.

Au retour de l'année', le roi revint de Moughan. Le Catholique alla le voir et le bénir. Cette rencontre fut la plus joyeuse et cette entrevue la plus affectueuse de toutes. Le roi lui assigna un siège d'honneur à sa droite; il lui fit divers présents, [entre autres] une païza2 avec insignes et de précieux vêtements royaux. Il lui témoigna l'affection sincère d'un cœur très pur.

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Monseigneur le Catholique le remercia et retourna à Arbéle en l'an 1614 des Grecs (1302), pour se rendre de lå à Bagdad. Il y avait longtemps à peu près neuf ans - qu'il n'était pas allé à ce grand siège. Le principal motif de sa venue était que le roi victorieux avait résolu lui-même de s'y rendre.

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Il partit d'Arbèle le vendredi après la fête de Noël et arriva ȧ Bagdad la veille de la sainte Épiphanie (1303). Il célébra cette fête dans le monastère de Dârat Roumâyẻ ". Toute la population se réjouit en lui, et sa propre joie fut immense.

Après vingt jours il quitta Bagdad et partit pour aller voir le roi Cazan ȧ Hellah ', [ville] située auprès de cette Babylone que le roi chaldeen Neboucadnaçr avait bâtie.

1. De l'année mongole qui commençait le 1er février (voir ci-dessous, p. 140, n. 1), c'est-à-dire au printemps de l'année 1302. Le Catholique passa sans doute l'été près du roi, puisqu'il le quitta en l'an 1614 des Grecs qui commençait au mois d'octobre 1302.

2. Cfr. ci-dessus, p. 41, n. 2.

3. Ces distributions de vêtements précieux et de robes d'honneur, dans les circonstances solennelles, dont nous avons déjà rencontré de nombreux exemples, étaient très en usage chez les Mongols.

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MARCO POLO (chap. LXXXVIII) nous raconte que plusieurs fois l'an aux grandes fètes, Khoubilaï-Khan donnait à chacun des douze mille « barons et chevaliers qui formaient sa garde des robes de différentes couleurs, qui sont « aournées de pierres et de perles et d'autres nobles choses moult richement et de moult grant vaillance. Encore lor donne à chascun de ces douze mille barons avec chascune robe... une ceinture d'or moult belle et moult riche et de grant vaillance. Et encore une paire de chaucemente de camut qui est bourgal labouré de fils d'argent moult soutilement; si que, quant il ont ce vestu, si semble chascuns d'eux roys ».

4. Le 28 décembre 1302.

5. Le 5 janvier.

6. Cf. ci-dessus, p. 101, n. 4.

7. Hillah ou Hellah, en arabe Hellah el-Feia (Hella la vaste), est aujourd'hui une petite ville de l'Irak-Adjemi (Turquie d'Asie), située sur l'Euphrate et à 100 kilomètres au S. de Bagdad. Son enceinte confine aux ruines de l'antique Babylone, au milieu desquelles on a fait, en ces derniers temps, d'importantes découvertes. Hillah fut fondée en l'an 1100 de notre ère. Un voyageur arabe, Ibn Djobain, qui la visita à la fin du XIe siècle, en parle déjà comme d'une cité populeuse. La ville moderne, bàtie pour la plus grande partie avec des briques

Dès son arrivée, il se rendit près du roi, le jour où les Mongols célèbrent la Fête Blanche '. Celui-ci le reçut avec une joie au-delà de toute expression; il lui demanda comment

provenant de l'ancienne cité sa voisine, a beaucoup perdu de l'importance qu'elle eut autrefois.

Cazan était parti de Tauriz au mois de juillet (1302) pour Oughan. Après avoir célébré grandiosement l'inauguration de son palais d'été (cf. ci-dessus, p. 118, n. 2) il quitta cette station le 26 aoùt, et, passant par Hamadan, vint à Hillah où il arriva le 6 décembre. Il y réunit ses troupes pour une troisième expédition en Syrie. Il passa l'Euphrate le 30 janvier suivant, au témoignage de RASCHID ED-DIN qui l'accompagnait dans cette campagne. Actuellement encore, c'est à Hillah qu'on traverse le fleuve sur un pont de bateaux.

1. Il est probable que la Fête Blanche se célébrait à la cour des rois mon gols de la Perse avec des cérémonies analogues à celles qui étaient observées à la cour du Khakan de Péking. MARCO POLO nous en a laissé la description dans le chapitre (LXXXVII) où « ci devise de la grant feste que le grant Kaan fait à leur chief de l'an ». En voici le texte :

« Il est voirs que il font leur chief de l'an le moys de fevrier et le grant sire et tous ceux qui sont sougiet à li font aussi une tel feste si comme je vous conterai.

« Il est usage que le grant Kaan o tous ses subgiez se vestent touz de robes blanches, si que chascuns en celui jour et hommes et femmes petis et grans sont tous vestus de blanc. Et ce font il pour ce que blanche vesteure leur semble bonneureuse et bonne; et por ce la vestent il le chief de leur an, à ce que tuit l'an aient bien et joie. Et cestui jour toutes les genz de toutes provinces et régions et royaumes et contrées, qui de lui tiennen, terre, li portent grans presenz d'or et d'argent et de perles et de pierres et de mains riches draps. Et ce font il à ce que tuit l'an le seigneur en provist avoir tressor assez et joie et leesce. Et encore se presentent l'une gent à l'autre, choses blanches, et s'acollent et baisent et font grant joie, à ce que tout l'an il aient joie et bonne aventure et sachiez qu'en ce jour vient presens au grand seigneur de plusieurs parties qui sont ordennees, plus de cent mille chevaux blans moult beaus et riches. Et en celui jour tous ses olifans qui sont bien cinq mille sont tuis couverts de draps entaillés moult beaus et riches et porte chascun sur son dos deux ecrins moult beaulx et riches qui sont tout plains de vessellemente du seigneur, et d'autre riche hernois qui besoigne à celle court de la blanche feste. Et encore y vient grandisme quantité de chameus aussi couvers de moult riches draps qui sont tout chargiés de choses qui besoignent à ceste feste et tuit passe par devant le grand Sire; et ce est la plus belle chose à veoir qui soit ou monde.

« Encore vous dit que le matin de celle feste, avant que les tables soient mises, touz les roys et touz les barons et touz les contes, et touz les ducs et marchis et barons et chevaliers et astronomiens et philosophes et mires et fauconniers et mains autres officiers de toutes les terres entour, viennent en la grant sale devant le seigneur. Et ceux qui ne puent [entrer] dedens demeurent en tel lieu dehors que le seigneur les puet bien touz veoir. Et sont tuit ordené en tel maniere. Premierement sont ses filz et ses neveus et ceux de son lignage emperial. Apres sont les roys et puis les ducs, et puis chascun apres l'autre selonc son gré qui li est convenable. Et quant il sont assis chascuns en son lieu, adonc se lieve un des plus sages et dist à haute voiz: « enclinez et aourez. » Et tantost que il a ce dit, il inclinent maintenant et mettent leur front en terre, et font leur oroisons envers le seigneur. Et l'aourent aussi comme se il fut diex. En telle maniere l'aourent par quatre fois. Et puis vont à un autel qui moult est bien aournez. Et sus de cel autel a une table vermeille en laquelle a escript le nom du grant Kaan. Et y a bel encensier d'or, et

allaient ses affaires et pourquoi il avait pris la peine de venir près de lui. Monseigneur le Catholique répondit ce qu'il fallait.

Or, le roi avait pris la résolution d'entrer de nouveau en Palestine, de conquérir et de subjuguer ces régions.

Après quelques jours, Monseigneur le Catholique eut une nouvelle entrevue avec lui pour [prendre congé et] retourner å Bagdad. Le roi lui donna cinq pièces d'étoffes précieuses qui servaient pour les vêtements royaux et lui régla toutes ses affaires selon son désir.

Le roi entra dans ces contrées et le Catholique retourna à Bagdad, où il demeura à Dârat Roumâyẻ. Il y passa le reste de l'hiver, espérant remonter à la fin du carême vers l'Adherbaidjan et se fixer dans le monastère qu'il avait construit à Maragha.

Le dix du mois de Nisan de cette année (avril 1303), il partit de Bagdad, sa ville patriarcale, et le treize du mois de Yar (mai), il arriva à la ville de Maragha et parvint en bonne santé au monastère qu'il avait fondė. Ensuite, le dix de Haziran (juin), le roi victorieux vint lui-même à ce monastère 1. Monseigneur le Catholique alla à sa rencontre et le reçut en grande pompe. Il donna un grand banquet, comme il convenait, au roi, aux princes, aux émirs et aux grands de l'empire.

Le roi fit beaucoup d'honneur à Monseigneur le Catholique; il l'éleva en dignité au-dessus de toute mesure, il lui fit

encensent celle table et l'autel a grant reverence; puis s'en torne chascuns en son lieu.

« Et quand ils ont tout ce fait, adonc se font les presens que je vous ai conté, qui sont de si grant vaillance et si riche. Et quand les presens sont tuit faits, et il a veues toutes ces choses si li mettent toutes les tables. Et quant elles sont mises, si s'assiet chascuns en son lieu si ordeneement comme je vous ai conté autrefois. Et quand ils ont mengié, si viennent les jugleours, et soulagent la court si comme autrefois avez ouy. Quant tous ce est fait si s'en torne chascun en son hostel. - Or vous ai devisé de la blanche feste du chief de l'an. »

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1. La troisième campagne de Cazan ne fut pas plus heureuse que la seconde. Après avoir laissé la direction de la campagne à ses généraux, il repassa l'Euphrate le 2 avril, se rendit à Singar où ses femmes vinrent le rejoindre, traversa le Tigre et attendit dans la plaine de Keschaf l'issue de son expédition. Koutloukshah, après avoir été complètement défait à Merdj us-Safar non loin de Damas, ramena les débris de l'armée en-deçà de l'Euphrate et rejoignit Cazan le 7 mai. Celui-ci partit dès le lendemain pour Oughan en passant par Maragha.

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