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celles de Tauriz et de Hamadan ', elles étaient complètement détruites; dans la ville et la province de Mossoul, leurs fondations avaient été arrachées de la terre; à Bagdad, elles avaient été rachetées moyennant des prix considérables, jusqu'à des milliers de dariques. Mais l'église qui avait été bâtie dans cette ville par le Catholique Makikha, sur l'ordre du roi victorieux Houlaghou et de la reine chrétienne Dokouz Khâton, fut reprise par les Musulmans, avec la résidence et le palais qui avait appartenu aux rois Arabes . Quand Houla

leur présenter de l'or et leur offrir des présents pour le rachat des églises qui se trouvaient en ce lieu. Personne ne se présenta. Le métropolitain luimême ne prit pas soin de ses églises; aucun autre ne s'en chargea; chacun songeait à lui-mème et à sa propre maison. C'est pourquoi ils donnèrent à la populace la liberté d'agir, et celle-ci détruisit de fond en comble les trois belles églises qui se trouvaient là, dans la journée du mercredi 28 septembre (1295). En apprenant ce qui s'était passé là, le peuple de Mossoul fut consterné et saisi de frayeur. Quand les envoyés approchèrent de cette ville, des hommes pieux allèrent les trouver et leur promirent une somme d'argent considérable. Mais comme ils ne possédaient rien, ils prirent les vases sacrés des églises et ne laissèrent mème ni croix, ni image, ni encensoir, ni évangéliaire qui fut couvert d'or ou d'argent; et, comme tout cela ne suffisait pas, ils durent encore avoir recours aux chrétiens des environs. Ils recueillirent ainsi environ quinze mille dinars, avec lesquels ils rachetèrent les églises, et, par le secours de Dieu, aucune ne fut détruite. »

1. Hamadan, l'Ecbatane des Grecs, la fameuse capitale de l'ancienne Médie, célèbre aussi au temps des Mahométans par sa beauté et son opulence, est une ville de l'Irak-Adjemi située à 300 kilom. O.-S.-O. de Téhéran, près du mont Elvend par 34o 13' de lat. N. et 46° 26' de long. E. Elle compte environ 30,000 habitants. Parmi ses monuments remarquables était la tombe de la « Gazelle » de Balram-gur et un colossal lion de pierre qui dominait le pilier de l'une de ses portes. Il a été décrit en détail par Massoudi. On dit qu'il avait été mis là par Alexandre et on le regardait comme une sorte de palladium comme la fameuse pierre de Scône. Il fut brisé en morceaux par Merdavij, en l'an 319 de l'Hégire, quand à la tête des troupes du Ghilan et du Dilem il s'empara de la ville et exécuta un massacre si terrible, que, d'après l'auteur de Mujmal Altawarikh, cinquante ànes furent chargés des caleçons des morts. Elle fut restaurée par la suite; on dit qu'elle avait douze mille pas de circonférence, renfermait seize cents fontaines et plusieurs tombeaux qui étaient un objet de pèlerinage, entre autres celui d'Avicène. Dans la grande mosquée, on montre encore un tombeau comme étant celui d'Esther et de Mardochée.

2. Le Catholique Makikha, prédécesseur de Denha, né à Djougabad, dans la région de Nisibe, était métropolitain de cette dernière ville quand il fut élu patriarche, en 1257. Il mourut le samedi 18 avril 1265.

3. Voir ci-dessus, p. 97, n. 6.

4. Aux rois Arabes, c'est-à-dire aux Khalifes. L'espace que Houlaghou donna à Makikha, était celui de l'hôtel du petit Dévatdar, ou vice-chancelier (Dévatdar signifie litt. porte-écritoire) (Voir D'OHSSON, III, 270). - « Anno post [electionem Makikhae, i. e. 1258] Hulachus Mogulorum Tartarorumque Rex, devicto Chalipha, Bagdadum expugnavit, qui Machichae ad habitandum aedes Chaliphae dedit quas aedes Duidari appellant, in quibus novam is ecclesiam extruxit » (ASSÉMANI, Bibl. Or., II, 455). Le texte ajoute que le patriarche fut enterré dans cette église.

ghou, l'ancêtre des rois actuels, avait pris et saccagė Bagdad', il l'avait donné au Catholique Mar Makikha, afin qu'en ce lieu on fit perpétuellement des prières pour lui et pour sa race. Ils ne se contentèrent pas de prendre l'église et la résidence, mais ils obligèrent les chrétiens à emporter les ossements des Catholiques qui y avaient été ensevelis ainsi que ceux des évêques, des moines et des fidèles.

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Toutes ces choses se firent sur l'ordre de ce fils de perdition, le maudit et execrable Naurouz, l'adversaire de toute justice, l'ennemi de la vérité, l'ami du mensonge.

Lorsque le moine en revenant près de Monseigneur le Catholique lui apporta le décret et lui fit connaître l'affection des émirs et la grande bienveillance du roi victorieux à son égard, la porte de la résidence fut ouverte, le Catholique siégea sur son trône, réunit ses ouailles dispersées et rappela ses familiers qui s'étaient éloignés. Ce jour-là on lut au Diwan les édits ordonnant que quiconque avait extorqué quelque chose au patriarche ait à le lui rendre. De là le Catholique prit la somme nécessaire pour se rendre près du roi Cazan, au lieu appelé Oughan 3. Il sortit de Maragha au mois de Tamouz de

1. Le sac de Bagdad commença le mercredi 13 février 1258 et dura sept jours entiers, pendant lesquels la plupart des maisons et des mosquées furent incendiées. On dit que, quand Houlaghou fit proclamer l'ordre de cesser le massacre et le pillage, huit cent mille individus avaient péri. Les chrétiens avaient été épargnés. Ils s'étaient réfugiés pendant le siège dans une église bien gardée et furent préservés de tout mal. Cf. D'OHSSON, III, 230–241; HOWORTH, III, 125-132.

2. Ces Catholiques étaient Makikha et Denha. L'historien AмROU, cité par ASSÉMANI (Bibl. Or., II, 455) nous a conservé la date précise de cet événement: «Cadaver [Denhæ] in nova ecclesia, in aedibus Chaliphae, apud Machicham conditum : unde postea, mense martio, anno Graecorum 1607 (1296), feria quinta, quum Mahumetani Christianos ex aedibus Chaliphae ejecissent, ad ecclesiam Vici tertii (souq al thalathat) nuncupatam, una cum corpore Machichae translatum est ibique feria sexta conditum. »

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3. Oughan (ou Oudjan) était une station d'été des Mongols située à huit fersenks de Tauriz, sur les dernières pentes N.-E. du mont Sehend (Voir BAR HÉBREUS, Chron. syr., éd. Bruns, p. 602). Cazan semble avoir affectionné particulièrement cette résidence qu'il habitait surtout au printemps; vers 1298, il y fit construire des marchés et des bains, et ses officiers, sur son ordre, y batirent des hôtels avec des jardins et des pavillons: ce qui en fit promptement une jolie ville. Il s'y fit lui-même construire un palais dont il fêta l'inauguration au mois d'août 1302. « Au centre d'une prairie délicieuse abondamment pourvue d'eaux courantes, traversée par deux allées de saules et de cyprès qui se coupaient en croix, et servaient d'abri à une multitude d'oiseaux de toute espèce, s'élevaient des habitations, des kioschks, des bains et d'autres bâtiments. Dans cette prairie qui était fermée par une clôture carrée

l'an des Grecs 1607 (juillet 1296), qui tombait cette année-lå au mois de Ramadhan.

Deux jours après son arrivée, il entra chez le roi victorieux avec les honneurs convenables. Le roi fit brûler de l'encens selon la coutume; il fit asseoir le Catholique à sa droite, fit apporter du vin et lui présenta la coupe. Il traita également avec beaucoup d'honneur tous les évêques venus avec lui.

Aussi, la haine grandissait-elle dans le cœur de ses ennemis, qui ourdissaient des cabales et rapportaient tout ce qui se passait au fils de perdition, le maudit Naurouz.

CHAPITRE XIII

NOUVEAUX PILLAGE ET MASSACRE A MARAGHA.

L'an 1608 des Grecs le roi victorieux descendit passer l'hiver (1296-1297) à la ville de Bagdad, et Monseigneur le Catholique demeura à Maragha.

Or, il advint qu'un individu portant le nom de Schenak etTimour, arriva à Maragha et répandit le bruit qu'il avait avec lui un édit portant que quiconque n'abandonnerait pas le christianisme et n'abjurerait pas sa foi serait mis à mort. Il exagéra encore la nouvelle et y ajouta des choses jusqu'alors inouïes dans le monde. En entendant cela, les Musulmans devinrent furieux, ils s'excitèrent, s'animèrent, endurcirent leur cœur, et, avec l'impétuosité de leur violence, se portèrent vers la résidence où ils pillèrent tout ce qu'ils trouvèrent.

C'était pendant le carême, le mercredi après le dimanche tau naudé vanschabach.

où il y avait pour chaque classe de serviteurs une entrée particulière, fut placé un pavillon de drap d'or auquel les meilleurs artistes avaient travaillé pendant trois ans. Il fallut plus d'un mois pour le dresser avec son salon de réception et ses accessoires servant à donner de l'ombre, tant il était vaste. On y voyait un trône rayonnant de pierreries. Cazan, pour l'inaugurer, fit venir les ministres de la religion mahométane et des autres cultes. Il mit le pied dans la tente en prononçant le nom de Dieu et fit un discours dans lequel il exprima sa reconnaissance envers le Créateur. Après avoir donné un festin à l'assemblée, il distribua de sa main quantité d'or et d'étoffes. D'OHSSON, IV, 310-312.

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Quand on sut que cet impudent avait agi non par ordre du roi, mais par la malignité de sa propre volonté et par la violence de sa malice, les émirs et les magnats qui étaient à Maragha se rassemblèrent et résolurent de rendre un jugement le dimanche suivant, pour faire restituer tous les objets précieux que ces arrogants avaient pillés dans la résidence. Il y avait des ornements d'un grand prix, entre autres le sceau d'or que le Roi des rois, Mangou-Khan 1 que NotreSeigneur accorde le repos à son âme et lui donne une part avec les saints! - avait concédé à la résidence patriarcale; la tiare que Monseigneur le Pape avait envoyée à la résidence 2, un autre sceau en argent que le défunt roi Argoun avait donné au Catholique.

Quand le peuple des Arabes fut rassemblé devant les émirs et les juges, et qu'on eut fait apporter des verges pour châtier les coupables, ils se mirent à vociférer tous unanimement, prirent des pierres dans leurs mains, fermèrent l'oreille et poursuivirent les émirs et les magnats chacun à sa demeure. Tout chrétien qui tombait entre leurs mains était frappé et fustigė sans pitié.

Dans leur fureur, ils parvinrent jusqu'à la résidence. Ils démolirent tous les bâtiments jusqu'au toit; ils brisèrent la tête, à coups de pierres, aux moines et aux jeunes gens qui étaient montés sur la terrasse pour échapper. Un des disciples de la résidence, en voyant cela, lança ces pierres et atteignit quelques-uns d'entre eux. Alors ils devinrent encore plus furieux l'un d'eux monta près de ce disciple, le frappa du glaive, lui trancha la tête et la jeta en bas. Les moines qui étaient là se précipitèrent en bas et plusieurs se brisèrent les os. Un de ces fanatiques, voyant que les moines se jetaient en bas pour se sauver, mit la main à son couteau et en

1. Mangou-Khan, prédécesseur de Khoubilaï-Khan, fut le quatrième des grands Khans mongols. Fils ainé de Toulouï et petit-fils de Gengis-Khan, il fut élu par un kouriltaï, en 1250. Il s'était acquis les sympathies de ses sujets par des réformes utiles. Ce fut sous son règne que l'empire Mongol atteignit ses plus vastes proportions, son frère Houlaghou s'étant emparé des régions orientales du Thibet et la Perse pendant que Mangou lui-même achevait la conquête de la Chine. Il fut tué au siège de Ho-Tchéou, en 1260. Le roi saint Louis lui avait envoyé une ambassade que le Khan considéra presque comme l'hommage d'un vassal à son suzerain (V. ABEL RÉMUSAT, Mém. cité, p. 59). 2. Voir ci-dessus, p. 92.

frappa un qu'il tua. Les fidèles entraînèrent les autres et les firent entrer dans leurs maisons.

Le trésor de la sainte église de Mar Georges, qu'avait fait bâtir Rabban Çauma ', fut ouvert, et tout ce qu'il y avait dans la résidence, les vases de cuivre ou de fer, les tapis, les caisses de provisions qui avaient échappé au premier pillage, fut pris et saccagé en même temps. Par leur pillage même l'église fut sauvée et échappa à la démolition et à la destruction. C'était bien là leur intention, mais Dieu, dans sa miséricorde, les empêcha de le faire, en leur laissant piller les objets.

Bref, le mal continua, depuis le premier pillage, d'une manière telle que la langue ne saurait l'exprimer ni la plume du plus habile écrivain la décrire.

Si Dieu n'eût usé de miséricorde et s'il ne se fût trouvé une reine chrétienne, Bourgaçin Argai 2, qui cacha dans sa maison le Catholique ainsi que les évêques et, avec l'aide du Dieu secourable, les couvrit de sa protection, l'Église n'avait plus qu'à baisser la tête et à se couvrir le visage, car les émeutiers ne cherchaient qu'à faire un massacre.

Après cinq jours, ils se retirèrent dans un endroit appelé Schâqâtou, et de là s'en allèrent à la montagne appelée Siah-kouh, jusqu'au moment où le roi revint de Bagdad à Hamadan ".

Dans le voisinage de cette ville, le Catholique fut reçu par lui.

1. Voir ci-dessus, page 99.

2. Il s'agit probablement de la reine Boulgan ou Bouloughan, femme de Cazan. Cependant le nom est si défiguré qu'on ne pourrait assurer cette identité d'une manière absolue; d'autant plus que le titre de reine n'était pas réservé aux femmes du Khan, mais s'appliquait à toutes les princesses de sa famille. Peut-être aussi s'agit-il de Ourouk-Khatoun dont le nom est orthographié par notre auteur Argaou (cfr. p. 147).

3. La position de ce lieu n'étant pas indiquée, il est d'autant plus difficile d'essayer une identification que la manière dont les noms propres sont transcrits dans notre texte laisse souvent à désirer. Peut-être s'agit-il du village de Sekoudan situé sur les dernières pentes N.-O. du Sehend, à mi-chemin, entre Maragha et Tauriz? C'est du moins celui dont le nom se rapproche le plus de l'orthographe adoptée par notre auteur.

4. Voir ci-dessus, p. 40, n. 3.

5. Cazan était parti, le 19 septembre 1296, des environs de Maragha pour aller hiverner à Bagdad. La cour fut établie dans cette ville au mois de décembre, mais le prince passa l'hiver à chasser dans l'Irak. Il repartit de Bagdad le 10 mars 1297, pour se rendre à Hamadan (D'OнSSON, IV, 172).

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