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5o. Observations de M. le maire de Paris sur les événemens du 20 juin. (Publiées le 30 dans le Moniteur.)

On parle très - diversement de cet événement et de ses causes; chaque parti l'envisage sous l'aspect convenable à son intérêt particulier, et les passions altèrent en tout sens la vérité: mais les hommes sages et sans prévention ne peuvent avoir qu'une manière de considérer ce qui s'est passé.

L'homme est naturellement avide de découvrir la cause de tout ce qu'il voit; plus un événement est remarquable, plus son imagination se tourmente à la recherche de cette découverte. Les circonstances actuelles sont extrêmement propres à donner de l'activité à cette curiosité inquiète : le hasard laisse trop à désirer; il n'offre pas de point d'appui sur lequel l'esprit de l'homme puisse se reposer tranquillement ; et quoique le destin aveugle dispose souvent des choses, on veut toujours avoir recours à des combinaisons réfléchies et qui n'aient rien de fortuit.

Aussi beaucoup de gens de bonne foi croient que l'événement du 20 juin est le fruit d'une intrigue et d'un complot; ils pensent que les moyens qui l'ont amené sont d'autant plus profonds qu'ils ne peuvent pas les pénétrer: car demandez-leur sur quoi ils fondent leurs soupçons ; vous verrez qu'ils n'ont que des idées vagues, incertaines, et que rien enfin n'établit raisonnablement leur opinion.

Ce qui vient les confirmer dans leur jugement c'est que d'autres, sans plus de réflexion, sont du même avis; c'est qu'ils entendent répéter sans cesse que cela est vrai; et le moyen après cette assertion d'avoir des doutes! .

Quelquefois même la honte de revenir sur leurs pas les retient dans la route où ils se sont avancés : je ne sais quel faux point d'honneur empêche de rétrograder; mais c'est encore là une faiblesse du cœur humain : avouer un tort est un acte de courage qui n'est pas très-commun.

Examinons de sang-froid l'événement du 20 juin : oublions pour un instant tout ce que nous en avons entendu dire soit en bien, soit en mal; transportons-nous sur le lieu de la scène. Cet événement tout entier se réduit à l'entrée dans le château; car si cet incident n'eût pas eu lieu, on n'aurait parlé de la députation des faubourgs que pour dire que le cortége était nombreux, imposant, qu'il avait marché en bon ordre, que les propriétés avaient été respectées, et que nul citoyen n'avait à se plaindre.

Or cette entrée est évidemment l'effet d'un de ces mouvemens imprévus qui n'appartiennent ni à la réflexion ni à aucun projet : tout le prouve. Une partie de la colonne, sortant de l'Assemblée nationale, défilait dans le jardin des Tuileries, le traversait tranquillement pour gagner le pont Royal; la garde nationale, rangée en haie, présentait les armes, et donnait tous les signes de joie, tandis que l'autre partie de cette colonne prenait sa marche par le Carrousel; de sorte que chacun se rendait chez soi à sa manière, sans avoir un but unique et concerté à l'avance.

Les porteurs de la pétition étaient en tête de cette partie de la colonne qui était au Carrousel; là on s'était arrêté à la porte royale pour entrer et présenter cette pétition au roi. On frappait à la porte; on témoignait de l'impatience : un officier municipal sortit par la cour des Princes, vint rejoindre les citoyens, leur exposa qu'ils ne pouvaient pas entrer en aussi grand nombre, qu'ils devaient envoyer des commissaires: cela était convenu, lorsque tout-à-coup la porte s'ouvre de l'intérieur; alors le flot se précipite, et inonde à l'instant les cours et les appartemens.

Où est là le dessein, où est là le moment donné à la méditation? Qui ne voit au contraire une masse considérable d'hommes qui par son propre poids se presse, s'entraîne et est portée? Ce qui s'est passé ensuite dans les appartemens ne doit-il pas ouvrir les yeux aux plus incrédules? Car enfin, qu'est-ce que les citoyens y ont fait qui donne le

plus léger indice, qui laisse la moindre trace d'un complot? S'étudier à chercher des moteurs, des instigateurs, c'est courir après des fantômes. Je vais plus loin à moins que ces moteurs, que ces instigateurs n'eussent été dans le sens de la cour, ceux qui auraient dirigé le mouvement auraient été les plus ineptes, les plus extravagans des hom→ mes; car il n'est personne de sens qui n'ait aperçu à l'instant que la cour seule pouvait tirer avantage de cette scène inattendue, qui heureusement n'a rien eu de tragique.

On pourra écrire bien des volumes, faire de belles procédures et de grands commentaires sur l'événement du 20 juin; mais jamais on ne fera croire à un homme raisonnable que l'entrée dans le château ait été ni méditée ni préparée. Signé PÉTION.

Le lecteur a vu, dans diverses pièces qui ont été mises sous ses yeux, que le roi ordonna, quelques jours après le 20 juin, une enquête judiciaire sur les événemens de cette journée. Parmi les dépositions qui furent faites alors devant la justice, il en est une qui semble jeter sur les causes de la journée du 20 juin une très-grande lumière. C'est celle d'un sieur Jean-Baptiste-Marie-Louis Lareynie, soldat volontaire du bataillon de l'île Saint-Louis. Il nous paraît utile de joindre cette pièce à celles que nous avons rapportées ici dans l'intérêt de la vérité historique.

Déclarations reçues par le juge de paix de la section du Roide-Sicile. (Proclamation du roi, et recueil de pièces relatives à l'arrêté du conseil du département, du 6 juin 1792. — Imprimerie royale.)

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L'AN mil sept cent quatre-vingt-douze, quatrième de la liberté, le dimanche 24 juin, neuf heures du matin ;

Devant nous, Louis-Gilles-Camille Fayel, juge de paix de la section du Roi-de-Sicile, et officier de police du district de Paris, et en notre demeure, sise à Paris, rue des Écouffes, n° 18, paroisse Saint-Gervais;

Est comparu le sieur Jean-Baptiste-Marie-Louis Lareynie, soldat volontaire du bataillon de l'île Saint-Louis, décoré de la croix militaire, demeurant à Paris, quai Bourbon, no 1.

Lequel, profondément affligé des désordres qui viennent d'avoir lieu dans la capitale, et croyant qu'il est du devoir d'un bon citoyen de donner à la justice les lumières dont elle peut avoir besoin dans ces circonstances, pour punir les fauteurs et instigateurs de toutes manœuvres contre la tranquillité publique et l'intégrité de la constitution française, a déclaré que depuis environ huit jours il savait, par les correspondances qu'il a dans le faubourg Saint-Antoine, que les citoyens de ce faubourg étaient travaillés par le sieur Santerre, commandant du bataillon des Enfans-Trouvés, et par d'autres personnages au nombre desquels étaient le sieur Fournier, se disant Américain et électeur de 1791 du département de Paris; le sieur Rotondo, se disant Italien; le sieur Legendre, boucher, demeurant rue des Boucheries, faubourg Saint-Germain; le sieur Buirette-Verrières, demeurant au-dessus du café du Rendez-Vous, rue du ThéâtreFrançais lesquels tenaient nuitamment des conciliabules chez le sieur Santerre, et quelquefois dans la salle du comité de la section des Enfans-Trouvés; que là on délibérait en présence d'un très-petit nombre d'affidés du faubourg, tels que le sieur Rossignol, ci-devant compagnon orfèvre; le sieur Nicolas, sapeur du susdit bataillon des Enfans-Trouvés ; le sieur Brierre, marchand de vin; le sieur Gonor, se disant vainqueur de la Bastille, et autres qu'il pourra citer; qu'on y arrêtait les motions qui devaient être agitées dans les groupes des Tuileries, du Palais-Royal, de la place de Grève et surtout de la porte Saint-Antoine, place de la Bastille ; qu'on y rédigeait les placards incendiaires affichés par inter

valle dans les faubourgs, les pétitions destinées à être portées par des députations dans les sociétés patriotiques de Paris; et enfin que c'est là que s'est forgée la fameuse pétition et tramé le complot de la journée du 20 de ce mois. Que la veille de cette journée il se tint un comité secret chez le sieur Santerre, qui commença vers minuit, auquel des témoins qu'il pourra faire entendre, lorsqu'ils seront revenus de la mission à eux donnée par le sieur Santerre pour les campagnes voisines, assurent avoir vu assister MM. Pétion, maire de Paris, Robespierre, Manuel, procureur de la commune, Alexandre, commandant du bataillon de Saint-Marcel, et Sillery, ex-député de l'Assemblée nationale. Que lors de la journée du 20, le sieur Santerre voyant que plusieurs des siens et surtout les chefs de son parti, effrayés par l'arrêté du directoire du département, refusaient de descendre armés, sous prétexte qu'on tirerait sur eux, les assura qu'ils n'avaient rien à craindre, que la garde nationale n'aurait pas d'ordre, et que M. Pétion serait là. Que sur les onze heures du matin dudit jour, le rassemblement ne s'élevait pas au-dessus de quinze cents personnes, y compris les curieux, et que ce ne fut que lorsque le sieur Santerre se fut mis à la tête d'un détachement d'invalides sortant de chez lui, et avec lequel il est arrivé sur la place, et qu'il eut excité dans sa marche les spectateurs à se joindre à lui; que la multitude s'est grossie considérablement jusqu'à son arrivée au passage des Feuillans; que là, n'ayant point osé forcer le poste, il se relégua dans la cour des Capucins, où il fit planter le mai qu'il avait destiné pour le château des Tuileries; qu'alors, lui déclarant demanda à plusieurs des gens de la suite dudit sieur Santerre, pourquoi le mai n'était pas planté sur la terrasse du château, ainsi que cela avait été arrêté, et que ces gens lui répondirent qu'ils s'en garderaient bien, que c'était là le piége dans lequel voulaient les faire tomber les feuillantins, parce qu'il y avait du canon braqué dans le jardin, mais qu'ils ne donnaient pas dans le

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