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mise et de l'élan de pitié qui ne manquait jamais de le prendre à toute misère et à toute souffrance qu'il apercevait.

L'un des plus amiables et des plus actifs col

pondance avec ses jeunes fils, dont il était si fier, ses confidences intimes à quelques amis, feraient aujourd'hui encore, sans contredit, la bonne fortune des libraires, et charmeraient certainement les loisirs de tous ceux qui se rappel-laborateurs de la Muse bretonne et du Caveau lent son joli poème de la Moutarde celtique, lequel n'eut pas moins de sept éditions, et fit de M. Le Maout (voy. ce nom) un homme assez illustre pour qu'il ait pu arborer à Saint-Brieuc les aigles de Russie jusque sur son enseigne et ses pots de moutarde.

Comme avocat, il se montra plein de courage et d'énergie dans sa belle défense de l'abbé Coroller, qu'il parvint à soustraire aux juges de la Terreur. On a aussi conservé en Bretagne le souvenir de son mariage avec Mlle Urvoy de Saint-Bédan, qu'il chanta si souvent sous le nom de Julie, et celui de la résolution avec laquelle le président du club de Quimperlé triomphant du comité révolutionnaire de ce district, arracha à ses poursuites et aux confiscations dont il la menaçait, la proscrite, dont il fit sa femme

moderne, où le nom de Laennec se trouve mêlé à ceux des esprits les plus brillants du commencement du siècle, notre chansonnier fera long-temps encore parler de lui dans les départements de l'ancienne Bretagne pour la spirituelle saillie de ses bons mots, pour l'étrangeté de ses distractions et le flux de ses originales pensées, qu'elles se produisissent dans les actes de l'administration, au barreau, ou au bout de table où sa chansonnette pétillait, vive et alerte comme la situation qui l'inspirait. Laennec est mort à Saint-Brieuc, le 17 février 1836, à l'âge de quatre-vingt-dix ans. A. D.

frère

LAENNEC (GUILLAUME-FRANÇOIS), du précédent, médecin, né à Quimper le 44 novembre 1748, appartenait à une famille distinguée. Son père, Michel-Marie-Alexandre Laënnec, avocat au Parlement de Bretagne, avait été sénéchal de Locmaria, maire de Quimper, député de cette ville aux États de Bretagne tenus à Nantes en 1763, et avait laissé, outre de nombreux mémoires à consulter, un traité sur les fiefs, les domaines congéables et l'usement de Cornouaille, traité dont les événements de 1789 empêchèrent la publication.

Mobile comme la tourmente qui le ballottait lui-même, Laennec eut cependant beaucoup de peine à échapper au grand désastre qui ruina tant de familles, et nous voyons, par les cahiers de sa correspondance, que, privé d'emploi et de fonctions publiques, il fut, à plusieurs reprises, au moment de tomber dans la plus grande détresse. La place de conseiller de préfecture, qu'il obtint à l'époque du Consulat, lui Reçu docteur en médecine à Montpellier en advint enfin comme un dernier refuge, et il 1773, après avoir fait de solides études médidevait, sans doute, s'y croire en complète sé- cales à Paris, Laennec alla passer deux ans en curité, quand appelé, en 1808, à donner son Angleterre, afin d'observer dans la clinique des avis sur une vente de biens nationaux, il osa plus illustres praticiens de ce pays les méthoen prononcer la nullité. Grand fut l'émoi jus- des de traitement suivies par les maîtres de qu'en haut lieu, et le Conseil d'État lui-même, l'art. Il revint ensuite à Quimper, où il fut pourayant été saisi de la question, un ordre, un dé-vu, le 5 juillet 1775, du titre de conseiller-mecret de l'Empereur, en date du 1er avril 1808, decin ordinaire du roi. Ses succès comme méintervint et suspendit le conseil entier de la decin praticien, non seulement à Quimper, mais préfecture du Finistère. D'autres se seraient dans tout le comté de Cornouaille, le firent apdéconcertés à moins. Laennec se sentit aussi-peler à Brest, en 1779, comme médecin auxitôt tourmenté du démon de la poésie, et s'a-liaire de la marine. Il vit rentrer au port les dédressant partout, au Conseil d'État et aux ministres, en vers comme en prose, voici le placet qu'il adressa au chef même de l'État : A l'Empereur et Roi. Sire, vous m'avez suspendu; La chose est de sinistre augure: Quand tous me proclament perdu, Votre justice me rassure. Vraiment je me suis trompé.... Mais Qui ne perd quelquefois la carte? Et pour ne me tromper jamais, Suis-je un Dieu, suis-je un Bonaparte? Trop digne d'une indemnité Dont votre bras va me répondre, J'attends que Votre Majesté

Me nomme son préfet a.... Londres. Paris, 1" octobre 1808.

Et le conseiller bas-breton, qui avait fait rire l'aréopage, rentra triomphant dans son cheflieu, ínnocenté de la hardiesse qu'il s'était per

bris de la Surveillante, et eut le douloureux honneur de prodiguer au commandant Ducouëdic, et aux rares survivants de son brillant fait d'armes, des soins qui, pour être stériles, n'en étaient pas moins méritoires.

En 1781, Laennec, que son union prochaine avec une demoiselle de la famille de Gennes (voy. Biog. bret., t. Ier, p. 774), et peut-être aussi la conscience de ce qu'il valait, avaient rendu plus ambitieux, résolut de s'établir à Nantes. Mais il n'était pas alors, comme il l'est aujourd'hui, facile à un médecin de se déplacer. Il y avait à Nantes une Université ayant pouvoir de conférer des grades, très entichée, en conséquence, de sa petite importance, très-jalouse de ses privilèges, et dont les membres influents. quoique tous individuellement fort honorables. éprouvaient pour les gradués des autres Univer

l'Hôtel-Dieu de Nantes; fonctions qu'il conserva toute sa vie, parce qu'elles lui donnaient l'occasion journalière de soigner les pauvres, qu'il aimait et qu'il appelait familièrement ses enfants. Il fut aussi, en 1795, nommé médecin en chef de l'armée des côtes de Brest; mais il ne paraît pas que ces fonctions l'aient obligé à quitter Nantes, et il est probable qu'il les conserva peu de temps.

Ce fut vers cette époque que R.-T.-H. Laënnec (voy. ci-après) commença, sous la direction de son oncle, dans l'hôpital civil et dans l'hôpital militaire en même temps, le rude apprentissage de la science dont il était destiné à reculer un jour les bornes.

sités qui existaient en France, à cette époque, cette sorte de répugnance envieuse qu'on voudrait ne rencontrer que chez les petits esprits. Laennec, qui était venu à Nantes en même temps que deux de ses anciens condisciples de Montpellier, Blin (voy. Biog. bret., t. Ier, p. 107) et Lefebvre de la Chauvière, dut conquérir avec eux le droit d'exercer la médecine dans cette ville. Ce fut en vain qu'il se soumit, lui docteur en médecine de la Faculté de Montpellier, à toutes les épreuves de l'agrégation; ce fut en vain qu'il soutint avec éclat devant la Faculté nantaise une thèse aussi remarquable par la nouveauté du sujet que par l'excellente latinité du style: il lui fallut, chose plus étrange, soutenir un procès devant le Parlement, of- G.-F. Laennec fut l'un des premiers profesfrir le concours à ses adversaires, et finalement seurs de l'Ecole secondaire de médecine créée produire une seconde thèse et la développer en à Nantes en 1808. Il était chargé du cours de pleine chambre des requêtes, par devant M. Pic- clinique interne et du cours de matière médiquet de Montreuil, conseiller commis pour pré- cale; et, pendant huit années, il se livra sider les actes. L'énergie et la facilité d'élocu- avec bonheur à ce double enseignement, aimé tion du récipiendaire enlevèrent plus d'une fois et vénéré de ses élèves, dont il s'attachait surles applaudissements de son nombreux et bril-tout à faire de bons praticiens. On a conservé lant auditoire. Il serait piquant, si les bornes de lui le rapport qu'il fit, en 1815, sur les trade cet article ne s'y opposaient, de rapporter vaux de cette école et sur les améliorations dont ici quelques incidents de ce curieux procès, qui l'Hôtel-Dieu de Nantes était susceptible. C'est ne fut terminé qu'en 1786; ce serait une preuve un mémoire d'hygiène publique aussi remarentre mille de cet esprit de mesquine rivalité quable par la science qu'y déploie l'auteur, que qu'entretient la vie de province, et dont les tra- par la concision et le mérite réel du style. ditions ne sont peut-être pas encore complètement effacées parmi nous. Hâtons-nous, toutefois, de dire que l'Université de Nantes ne tarda pas à reconnaître ce que nous appellerons quinze à reconnaître ce que nous appellerons son erreur des 1787, elle nomma Laennec son procureur-général, et l'année suivante elle le choisit pour recteur.

Après la seconde chute de l'Empire, Laënnec, que le génie de Napoléon avait fasciné comme tant d'autres, et qui avait vu en lui, quinze ans auparavant, le restaurateur de l'ordre et le sauveur d'une société agonisante, ne put dissimuler des regrets, alors indiscrets, et fut, en conséquence, écarté de l'enseignement. Il se résigna avec peine à se séparer de ses chers élèves, et quoiqu'on lui eùt conservé son titre de médecin en chef de l'Hôtel-Dieu; quoique sa vieille expérience l'eût rendu le médedin consultant le plus recherché de Nantes, il ne se consola jamais complètement de ce qu'il regardait, et de ce qui avait été, en effet, une grande injustice à son égard.

La Révolution de 4789 fut pour Laennec une occasion de manifester d'autres qualités que celles du médecin. Partisan d'une sage liberté, convaincu que des réformes nombreuses étaient alors indispensables, il se mêla, lui aussi, à la vie publique, et devint, par le choix de ses concitoyens, membre de la première municipalité nantaise. Les archives de la mairie de Nantes conservent de lui un rapport rédigé sur le pre- G.-F. Laennec mourut le 8 février 1822. II mier budget de la commune, et lu à l'assem- était médecin en chef de l'Hôtel-Dieu de Nanblée publique et extraordinaire tenue dans la tes, membre du jury de médecine du départegrande salle de l'Hôtel-de-Ville, le 1er décemment de la Loire-Inférieure, correspondant de bre 1790, rapport qui dénote chez son auteur la Société de l'Ecole de médecine de Paris (deune aptitude aux affaires, une sûreté de mé- puis l'Académie royale de médecine), et l'un thode et une clarté d'exposition qu'on ne devait des fondateurs de la Société académique de la pas attendre chez un homme resté jusque là Loire-Inférieure, dont il avait été le premier seétranger au maniement des intérêts communs. crétaire-général. Ce premier succès semblait en appeler d'autres Il était père de quatre fils, dont l'un, Amet désigner Laennec aux fonctions électives; broise-François Laennec, lui succéda comme mais, inquiet de la marche des événements, médecin de l'Hôtel-Dieu de Nantes, et est mort indigné des excès dont se souillait chaque jour professeur à l'Ecole préparatoire de médecine la cause révolutionnaire, aristocrate de maniè-de la même ville. L'aîné, avocat distingué du res et de sentiments, Laënnec se hâta de ren-barreau de Nantes, est aujourd'hui recteur de trer dans la vie de famille et dans l'exercice l'Académie de la Loire - Inférieure; un autre absolu de sa profession. Il accepta seulement, est juge d'instruction près le tribunal de Nanen 1792, les fonctions de médecin en chef de tes; et le quatrième, après avoir pris part aux

LAENNEC RENÉ-THEOPHILE-HYACINTHE,— chevalier de la Légion-d'Honneur, docteur de la faculté de médecine de Paris, professeur de clinique médicale à la même faculté, lecteur royal et professeur au collège de France, médecin de S. A. R. Madame, duchesse de Berry, médecin honoraire de la société philanthropique, membre titulaire de l'Académie de médecine, membre associé d'un grand nombre de sociétés savantes nationales et étrangères, né à Quimper, le 17 février 1781, mort à Kerlouarnec, près Douarnenez, le 13 avril 1826.

travaux de R. T. H. Laënnec, son cousin, et | Nantes, imprimerie de Forest, près la Bourse, avoir donné une édition annotée du Traité de 1815. Nous avons déjà dit notre pensée sur ce l'auscultation médiate (Paris, Chaudé, 1831, dernier travail de G.-F. Laennec. Cet excellent in-8° est aujourd'hui membre du conseil géné- homme s'y montre tout entier, plein d'amour ral de la Loire-Inférieure. pour les malades pauvres dont il aurait voulu On a de Guillaume-François Laënnec les opus- voir le patrimoine, c'est-à-dire l'hôpital, s'acules suivants : I. Tentamen medico-forense méliorer de plus en plus; plein de zèle pour sistens quæstionem à facultate Nannetensi pro-l'instruction de ses élèves en faveur desquels il positam utrùm in jure, citrà erroris pericu- sollicitait, dans sa péroraison, la création à lum, medicinæ legatis auctoritati fides adhi- Nantes d'une Faculté de médecine de plein benda? Nannetis, ex typographiâ viduæ Querro, exercice. « Ah! puissent, s'écriait-il, puissent 4782. C'est la thèse qu'il fut obligé de soutenir mes successeurs, mes jeunes confrères, mes pour se faire agréger à l'Université de Nantes, chers élèves, assister un jour à l'accomplisseet cette thèse est un petit chef-d'œuvre de ment de mon dernier vou! Je ne mourrai pas science et de latinité. II. Positiones ex omni- tout entier. >> bus medicinæ partibus collectaneæ quas ex auc- Laennec, en écrivant cette touchante et patoritate et decreto supremi Senatus Armorici, triotique péroraison, pressentait probablement coram sapientissimis Rhedonensis collegii doc-sa prochaine retraite. Il était difficile de dire toribus medicis et sociis, publicè propugnabit plus noblement adieu à l'établissement qu'il G.-F. Laennec de la Renardais, Corisopitæus, avait inauguré, et dont il avait été un des plus etc. Imprimé probablement à Rennes en fermes soutiens. M. L.... août 1786. C'est la thèse qu'il lui fallut soutenir par décret du Parlement, en la chambre des requètes, contre des argumentateurs qui ne méritèrent pas tous l'épithète de très-sages que leur avait adressée le récipiendaire. III. Résumé des demandes de la ville de Nantes et de ses moyens, par G.-F. Laënnec, D.-M., et J. Cantin, officiers municipaux, députés extraordinaires du conseil général de la commune de Nantes. Paris, 24 août 1790. in-8°. Paris, Vezard et Le Normand, 1790. IV. Premier compte public rendu à la commune de Nantes par ses officiers municipaux, imprimé par ordre de son conseil général, in-fo de 18 et in-4° C'est une des gloires de notre Bretagne mode 24 p. Nantes, Malassis, 1790. L'édition derne que deux de ses enfants se soient trouvés in-fo, suivie d'un grand nombre de tableaux, placés à la tête de la médecine française conest plus complète que celle in-4°. V. Instal-temporaine. Hommes d'un rare mérite l'un et lation de l'École de médecine de Nantes, le l'autre, ils avaient reçu de la nature un carac4" août 1808. Discours d'inauguration pronon-tère fort différent, une tournure d'esprit trèscé par G.-F. Laennec, médecin de l'Hôtel-opposée; mais tous deux devaient, quoique par Dieu, etc. Imprimé par ordre de l'administra- des sentiers très-divers, arriver à une grande tion, à Nantes, chez Brun, imprimeur, près la Bourse, 1808. Ce discours, très-brillant de style, est rempli d'aperçus profonds et délicats tout à la fois. Qu'il nous soit permis d'en citer un passage qui fut particulièrement remarqué, et qui donnera une idée du style et de la manière de l'auteur: « Dieu de mes pères, si » l'étude de mon art ne doit me conduire qu'à > douter de ta puissance; s'il faut que, dans ce > corps fragile et périssable, je ne retrouve plus > cet instrument céleste de ma pensée, cette > âme immortelle et libre que je tiens de ta bon» té; s'il faut qu'assimilé à la brute stupide, > dégradé dans tout mon être, je reconnaisse > des penchants irrésistibles dans mon crâne ▾ et la cogitabilité dans une huître; ah! rendsmoi mon ignorance! ne permets pas que je > blasphème ton nom! Je n'étudierai plus. » V. Compte-rendu des cours d'instruction médicale et du service de santé à l'Hôtel-Dieu de Nantes.

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célébrité. BROUSSAIS! LAENNEC! ces deux noms ont eu dans l'école de Paris, dans tout le monde médical, un immense retentissement. Ils furent mis constamment en présence, en antagonisme, et ils servirent comme de cri de guerre aux deux grands partis, le physiologisme et l'hippocratisme, qui se disputèrent, il y a vingtcinq ans, le sceptre des doctrines médicales. La postérité les répétera souvent, long-temps encore.

Un article sérieux a été consacré dans cette Biographie à l'un de ces illustres Bretons. Vient aujourd'hui, par ordre alphabétique, non par ordre de mérite, le tour du second.

Le père du professeur Laennec, allié aux familles les plus honorables du pays, exerçait à Quimper une charge de magistrature locale, dont la gravité s'accordait mal avec la légèreté un peu frivole de son imagination de littérateur, de poète même. Il abandonna le soin d'élever

ses enfants, privés de leur mère, à l'un de ses La première professait le culte des traditions frères, médecin distingué de Nantes, qui a été hippocratiques; son grand moyen était l'obser le sujet de l'article précédent. Ce fut là une cir- vation. Elle était humoriste dans de certaines constance très-heureuse pour le jeune Théo-limites et croyait aux crises et aux jours critiphile, car il puisa sans doute près de son oncle, ques; mais elle admettait les progrès de la excellent humaniste, son goût prononcé pour science et acceptait avec empressement les les études sérieuses, pour les fortes humanités, faits nouveaux bien observés, les procédés noupour la saine littérature. Plus tard, il lui dut veaux bien éprouvés. encore l'ardeur avec laquelle il cultiva les sciences anatomiques et médicales, sources de la grande renommée qu'il devait acquérir un jour.

La France était en proie aux désastres de la guerre civile et de la guerre étrangère; elle était livrée aux excès du détestable régime de la Terreur. La Bretagne prit la part que l'on sait aux mouvements qui éclatèrent dans l'Ouest, à la résistance armée qui s'y organisa. On raconte qu'à peine sorti de l'enfance, le jeune Laennec suivit, en qualité de chirurgien, une expédition dirigée de Nantes contre le Morbihan. On prétend qu'il recueillit, dans cette courte campagne, des notes pleines d'originalité, dont il aurait tiré parti dans ses ouvrages.

L'autre se qualifiait de médecine philosophique; sa méthode de prédilection était l'analyse. Elle divisait, subdivisait les maladies, les rangeait par classes, ordres, genres, espèces et variétés. Elle enseignait le solidisme à peu près exclusif, et assignait un siége déterminé à presque toutes les maladies; en sorte que les affec tions pathologiques qu'elle admettait encore, ne pouvaient figurer sur les tableaux nosologiques que dans une sorte d'appendice intitulě : Maladies indéterminées.

Le sujet que Laennec traita dans sa dissertation inaugurale fait voir assez sous quelle bannière il s'était rangé. Il fut, en effet, un des élèves les plus éminents de l'école de la Charité, et il resta fidèle à ses doctrines jusqu'à la fin de sa glorieuse carrière.

On dit encore que les événements si rapides et si émouvants de cette époque, et la nomina- Le docteur Laënnec avait conservé l'intégrité tion de M. Laënnec, l'oncle, à la place de mé- de ses convictions religieuses; il était catholidecin en chef des armées, concoururent, avec que fervent, pratiquant. A son arrivée à Paris. l'extrême faiblessse de constitution de son pu-il s'était lié avec des étudiants qui partageaient pille, à livrer la jeunesse de celui-ci à une sorte d'oisiveté involontaire et à entraîner pour lui la perte de ces premières années si précieuses; mais que cette perte fut, en grande partie, réparée par sa facilité naturelle.

rent comme une pléïade de médecins religieux dans un siècle tout imprégné de l'incrédulité railleuse du philosophe de Ferney. Il y avait du courage alors à se déclarer catholique.

ses principes. Je me borne à citer parmi eux le bon et savant docteur Bruté (de Rennes), qui, depuis, s'engagea dans les ordres sacrés et est mort évêque de la Nouvelle-Orléans. Ces jeunes étudiants, devenus docteurs, restèrent unis par Ce que je puis dire ici, c'est qu'âgé de dix-les leçons d'une vertueuse amitié, et ils formèneuf ans seulement quand il vint à Paris, en 1800, Th. Laennec prit rang tout d'abord dans l'école entre les élèves les plus distingués par leur éducation classique et par une instruction médicale à la fois solide et étendue; c'est qu'en 1802 on lui décerna, en séance solennelle de l'Institut, les deux grands prix de médecine et de chirurgie de l'école pratique, utile institution qui a fourni tant de savants, tant d'habiles médecins; c'est qu'en 1803 il soutint avec éclat, sur la Doctrine d'Hippocrate appliquée à la médecine pratique, une très-bonne thèse s'est vendue; c'est enfin qu'il possédait dès lors des connaissances philologiques très-éten

dues.

La lutte contre la religion, où Voltaire se montra l'adversaire acharné du catholicisme, se poursuit encore de nos jours, peut-être aussi passionnée qu'autrefois; mais, du moins, le terrain du combat est-il changé, et les armes employées aujourd'hui sont puisées dans l'arsenal d'une philosophie pédantesque et nuageuse et fort heureusement au dessus de la portée du vulgaire. Les temps, d'ailleurs, sont peu propres à la moquerie voltairienne qui, par le lâche respect humain, a fait tant d'hypocrites de vice et d'impiété.

L'école de Paris, au commencement de ce siècle, se partageait en deux grandes divisions, Corvisart aimait à s'entourer des jeunes conqui formaient comme deux camps séparés, ri- frères qui lui semblaient des hommes d'avenir, vaux pourtant plutôt qu'ennemis. On ne s'était Laënnec et ses amis obtinrent l'honneur trèspas encore avisé de ces luttes passionnées jus-envié de son intimité. Là, comme partout, semqu'à l'injure, qui signalèrent plus tard l'invasion de la doctrine dite physiologique. Chacun des deux partis avait pris soit le nom de son chef, soit celui du lieu où se pratiquaient plus particulièrement les enseignements respectifs. Il y avait l'école de Corvisart, ou de la Charité, et l'école de Pinel, ou de la Salpêtrière.

blables aux jeunes Israélites de la cour du roi de Babylone, ils restèrent fidèles à leur foi, et on les vit à la table un peu épicurienne de l'archiâtre de l'empereur Napoléon, observer, sans vergogne, les fois de l'église sur l'abstinence des viandes. Leur mérite reconnu leur avait conquis liberté de conscience pleine et entière,

Le chef illustre de la clinique de la Charité | tre. On ne saurait être surpris que des hommes était doué d'un tact médical admirable. Son de ce mérite, occupés simultanément d'un diagnostic était si sûr qu'au moment des au- même travail, se soient rencontrés dans queltopsies, il annonçait d'avance à ses nombreux ques idées. Au surplus, ces prétentions réciélèves, et il leur décrivait presque les désordres proques, soutenues avec une certaine chaleur, organiques qu'on allait rencontrer. Il arrivait tournèrent, en définitive, au profit de la scienbien rarement que l'événement ne confirmât ce. Les deux émules ouvrirent sur l'anatomie pas sur tous les points les prévisions du grand pathologique, objet du débat, des cours publics praticien. qui furent très-suivis. L'attention fut appelée sur cette branche importante des connaissances médicales, et elle ne s'en est plus détournée depuis.

Il ne se pouvait pas que Laënnec, doué luimême d'un esprit éminemment observateur et d'un jugement aussi prompt que sûr, ne fùt pas frappé de ces résultats qui se renouvelaient Forcé, après quelques années, par la faifréquemment sous ses yeux; qu'il ne réfléchit blesse de sa complexion, de renoncer à la carpas profondément sur la relation qui existe entre rière de l'enseignement, Laennec partagea les phénomènes morbides et les altérations ma- son temps entre les soins d'une belle et nomtérielles qui en sont ou la cause ou l'effet. breuse clientèle, les travaux du cabinet et les Il possédait la science de l'anatomie propre-recherches de l'amphithéâtre. Il publia dans ment dite, cultivée à cette époque avec tant les journaux de medecine et dans les premiers d'ardeur dans l'Ecole de Paris. Il voulut y volumes du Grand Dictionnaire des Sciences joindre la connaissance approfondie des dé-médicales, de nombreux articles originaux et sordres engendrés par la maladie dans la par- de judicieuses analyses critiques, dans le détie matérielle de l'économie animale. A dater tail desquelles je n'entrerai pas. C'est dans ces de ce moment, l'étude de l'anatomie patholo-recueils et dans les Bulletins de la Société de gique devint son goût dominant et l'objet de l'Ecole (plus tard, de la Faculté) de médecine prédilection des travaux du reste de sa vie. Il de Paris, dont il était un des membres les plus avait été précédé dans cette carrière par des laborieux, qu'il a consigné ses vues ingénieuhommes d'un grand et juste renom. Les Bon- ses sur l'anatomie pathologique, ses belles dénet, les Morgani, les Portal, les Bichat et couvertes sur les vers vésiculaires, intestitant d'autres avaient légué à leurs contempo-naux, etc. rains et à la postérité des travaux dignes de En 1846, le docteur Laënnec fut nommé leur génie. Mais les faits recueillis par ces grands observateurs restaient à l'état d'isolement; ils perdaient par là une partie de leur valeur scientifique. La pratique n'en retirait pas non plus tout le fruit qu'elle était en droit d'en espérer.

Laennec entreprit de coordonner les observations de ses devanciers, d'y ajouter les siennes propres, de les rapporter toutes à des faits généraux, à des principes communs ou différentiels, en un mot, d'en construire un édifice régulier qui manquait encore à cette branche de la médecine.

médecin de l'hôpital Necker. Quoique situé dans un des quartiers de Paris les plus éloignés de l'école, cet établissement attira bientôt une grande affluence d'étudiants et de médecins tant nationaux qu'étrangers, empressés de suivre la clinique de l'habile praticien, avides de recueillir ses savantes leçons où la finesse et la profondeur des aperçus s'alliaient au charme d'une élocution facile et élégante. Il ne tarda pas à compter parmi ses auditeurs des célébrités venues de tous les points de l'Europe pour l'entendre et s'instruire près de lui. Je me plais à le dire ici sa bienveillance naturelle, l'aménité de son accueil et la sûreté de ses rapports, lui firent de tous ses disciples des amis dévoués.

Dans le même temps, et par une coïncidence dont les exemples ne sont pas rares dans les sciences, un de ses condisciples, dont le nom connu déjà dans l'école, devait plus tard, par- A l'époque dont je parle, Laënnec s'occupait, venir à une renommée européenne, Dupuy- avec l'ardeur qu'il mettait dans tous ses tratren, de son côté, avait fait de ce même sujet vaux, à perfectionner le diagnostic des malal'objet de travaux sérieux. Lorsque parurent dies de poitrine. Les medecins de ce temps les premiers essais dans lesquels Laennec tra- se rappellent en quelle faveur était alors à ça le plan qu'il se proposait de suivre, il s'éle- l'école de la Charité l'invention d'Avenbrugva entre les deux jeunes rivaux une polémi- ger, et quel parti savait en tirer l'illustre profesque assez vive; l'accusation de plagiat y fut seur de cette clinique. Mais l'utilité du procéréciproquement échangée. Ces questions de dé avait ses limites. La percussion, dans une priorité, si irritantes au point de vue de la per- foule de cas, n'apprend rien. Elle expose même sonnalité des auteurs, ont, au fond, une va- quelquefois à des erreurs de jugement sur l'éleur bien secondaire pour le public médical. Je tat des viscères logés dans la cavité du thorax. dirai, comme souvenir des impressions qui me La succussion, pratiquée dès le temps d'Hipsont restées cette controverse, que le reproche pocrate, est d'une application bien plus resme parut immérité, d'un côté comme de l'au-treinte encore. Laënnec réfléchissait sur cette

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