Imatges de pàgina
PDF
EPUB

les partisans du rappel l'ayant emporté, la » M. de Calonne, dont le nom ne doit en partie lettre au roi partit le 13 mai. Le 18, le Parle- sa première célébrité qu'à ce qu'il a été lié dans ment reçut cette lettre renvoyée de Paris, « sans l'histoire à celui de La Chalotais, était chargé que le roi, disait le ministre, eût voulu la lire ». des fonctions de la partie publique, et le pro» Enfin, au mois d'août, on apprit à Rennes cureur-général espérait en vain que d'ancienque M. le duc d'Aiguillon avait donné sa dé-nes relations feraient de M. de Calonne un mission des fonctions de commandant de la magistrat, sinon indulgent, du moins imparprovince. Cette nouvelle rendit quelque cou- tial: mais la cour voulait que M. de La Charage aux anciens parlementaires; et le peuple, lotais fût trouvé coupable. qui avait sans cesse entendu attribuer ses souf- » Les charges, cependant, étaient moins que frances à la disgrâce du Parlement de 1765, rien (1); chaque jour l'édifice de ce grand prose livra à de grandes démonstrations de joie. cès croulait par le manque de preuves. Des La cérémonie de rentrée eut lieu le 12 novem-lettres-patentes du 14 février supprimèrent la bre. Après la séance, les divers corps firent commission et renvoyèrent l'affaire par devant visite au premier président. L'ordre des avo- les membres restant de l'ancien Parlement. cats n'était représenté que par le bâtonnier et Quelque temps après, des lettres-patentes du deux avocats. Le premier ayant dit au prési- 5 juillet ordonnèrent de partager le procès en dent: < Voici le temps, Monseigneur, de de- deux et de poursuivre séparément contre le mander le rappel de l'universalité; la misère sieur Bouquerel, pour le fait le plus grave, ceest extrême, les maux sont au comble; c'est le lui de billets injurieux et anonymes adressés seul moyen de les faire cesser. » « Le au roi. Nous ne savons pourquoi M. de Villetemps, répondit M. d'Amilly, n'est pas encore blanche, partie publique, joignit les deux afopportun. » — « Il est non seulement très-op-faires, mais il en résulta que cette procédure portun, répliqua le bâtonnier, mais encore très- vicieuse fut cassée, et que les magistrats fuurgent. Les villes et les campagnes crient, la rent transférés à la Bastille. Le 24 décembre province entière le demande. Si ceci ne finit 1766, ils en sortirent pour être conduits en exil bientôt, je ne réponds pas de mon ordre ! » à Saintes; là seulement ils apprirent que, le » Mais revenons au procès intenté à M. de la 22, le roi avait annulé toute la procédure, « ne Chalotais. Le procureur général et son fils, voulant pas S. M. trouver de coupables. » après quelques mois d'un emprisonnement Une telle solution ne pouvait être acceptée par étroit dans le château du Taureau, près de des magistrats. Ils voulaient être jugés innoMorlaix, avaient été ramenés à Rennes et ren- cents et non déclarés innocents. Ils se pourvufermés dans une prison spécialement disposée rent donc par devers le roi, pour obtenir d'être dans le couvent des Cordeliers. On craignit « jugés devant l'universalité du Parlement, que la popularité dont ces deux magistrats » leur juge naturel, et dans les formes juridijouissaient à Rennes ne rendit très-difficile de »ques prescrites par les ordonnances du royaules y garder et de les y juger. On les tranféra donc de nouveau, et le château de Saint-Malo devint pour eux une prison dans laquelle les traitements les plus inhumains leur furent prodigués. La commission de douze maîtres des requêtes, chargée de juger le procureur- général, son fils, et les trois conseillers arrêtés en même temps qu'eux, s'était réunie en jan-Requisitoire de M. de Calonne.) - Quelle monstruosité! vier 1766 dans cette ville. Alors seulement ces magistrats purent savoir quelles charges s'élevaient contre eux. Ils étaient prévenus d'avoir provoqué dans la Bretagne une « fermenta>tion dangereuse; tenu des assemblées cri> minelles; entretenu des correspondances se> crètes ; diffamé par libelles les personnes qui > avaient témoigné de l'attachement au roi > répandu des écrits composés dans l'esprit > d'indépendance; adressé au roi des injures > anonymes; enfin, abusé de leurs charges » pour vexer des sujets fidèles. »

[merged small][merged small][ocr errors]

;

non les Ifs comme vous! M. Foucher ayant répliqué
et mal répondu au président, celui-ci lui dit: Monsieur,
je vous défends l'entrée de mon hôtel..... Et moi, s'é-
cria un conseiller, je vous offre de sortir par la fenêtre.
(Deuxième lettre d'un gentilhomme breton à un Espagnol,
p. 82, 1768, in-12.)

(1) Il n'est pas sans intérêt de reproduire ici quelquesplus importantes. Parmi les lettres trouvées chez M. de La unes des plus absurdes d'entre elles, signalées comme les Chalotais, il y en avait une dans laquelle on lisait: Les

⚫ casuistes qui ont décidé qu'on ne pouvait en conscience
donner sa démission, et qu'il fallait en tout obéir au
au roi, sont de grands J. F. et ceux qui les croient..
Un magistrat accusé pour avoir, non pas écrit une let
tre qui ne contenait certes qu'une maxime hardie pour
l'époque, et qui, de nos jours, serait peu propre à former
duisait encore la preuve que M. de La Gascherie, l'un
une preuve de tendance, mais de l'avoir reçue! On pro-
des conseillers arrêtés, et l'ami du procureur-général,
avait, se servant indûment du nom du Parlement de
différentes pa.
Bretagne, envoyé un nommé Rolland en «
⚫roisses pour se procurer des moyens contre l'adminis
⚫tration des grands chemins. » (Ïbid.) Quel crime!
Des magistrats qui, avant d'accuser, se permettent de
chercher la vérite sur un abus contre lequel la province
est soulevée. Le même M. de La Gascherie était inculpé
d'avoir signalé l'inaction du Parlement, lors de l'édit
de 1763 (voir ci-dessus), et plaint son ami, M. de Mon.
treuil, d'être spectateur de cette étonnante léthargie. !
(Ibid.)- Enfin des billets anonymes, plus tards attri-
bués à un sieur Bouquerel, billets dont on produisait,
non les fac-simile, mais des copies, etc., toutes pièces
dont l'ensemble dévoilait les égarements de l'esprit de
cabale et d'indépendance ». (Ibid.) On a peine, de nos
jours, à croire que tels griefs aient été cotés en 1766!

[ocr errors]

[blocks in formation]

tous les faits, y compris le jugement, demeureraient dans l'oubli ». M. de La Chalotais demanda à connaître l'arrêt; il ne lui fut pas même répondu.

» Deux années s'écoulèrent encore pour MM. » Il y avait donc, de la part de la cour, parti de La Chalotais dans cet exil à Saintes. Plu-pris d'étouffer toute cette affaire, sans doute sieurs fois le Parlement avait fait entendre en parce que, n'eût-elle jeté que des nuages, comleur faveur des suppliques dont le peu d'éner- me disait le roi lui-même, sur les projets de la gie était loin de faire preuve de son indépen-cour relativement à la Bretagne, c'eût été perdance. Quant au procureur-général, il était dre à jamais le moyen de reprendre autrement trop convaincu de l'illégale position de ce Parque de vive force le jeu d'une mine désormais lement, pour saisir cette cour bâtarde d'une éventée. Le roi alla plus loin pour calmer les demande quelconque. Celle-ci, cependant, esprits, il céda enfin au vœu populaire, et acavait fait un acte qui ne manquait pas d'une corda le « rappel de l'universalité. » (1769). certaine énergie: parmi les dépositions de l'en- Aussitôt M. de La Chalotais et son fils s'emquête commencée dans le procès intenté, en pressèrent d'adresser au Parlement une re1766, à M. de la Chalotais, il y en avait eu plu- quête tendant à ce qu'il fût ordonné que leur sieurs qui témoignaient, sur des indices peu procès serait instruit « selon toute la rigueur graves, il est vrai, qu'un individu aurait reçu des ordonnances ». Le Parlement, chose mission d'empoisonner celui-ci, tandis qu'il étrange, resta muet; mais il paraît que les était détenu aux Cordeliers. Les lettres-paten-« gens du roi » avaient instruit S. M. de cette tes du roi qui avaient déclaré M. de La Cha- requête, et de la sympathie qu'elle provoquait, lotais innocent ne permettaient pas au Parle- car le prince, par nouvelles lettres-patentes ment, soumis jusqu'à un certain point au com- déclara que «l'honneur des supplíants n'émandant, de reprendre cette affaire; mais ce tait pas compromis, qu'il ne pouvait rester qu'on n'avait osé faire ouvertement, on l'a-» le moindre doute sur leur conduite, qu'il vait abordé par une voie détournée, « en évo- » voulait rassurer leur délicatesse même, et >> quant la connaissance de cette tentative d'as-» qu'ils n'avaient pas besoin de justification. » »sassinat. » Une enquête eut lieu, enquête qui » Des paroles si honorables eussent eu quelne révéla que des on dit; un premier jugement fut rendu le texte en a été supprimé); mais des lettres-patentes du 5 août 1769 vinrent arrêter le cours de la justice, et ordonner que

(1) Le procureur-général avait pour système que la haine du duc d'Aiguillon contre lui venait de ce qu'aux Etats de 1762, celui-ci ayant, conjointement avec les Jésuites, fomenté des querelles et des troubles entre les partisans de cet ordre et les membres de la noblesse qui le repoussaient, M. de La Chalotais avait reproche hautement au duc d'Aiguillon ses complaisances envers les manœuvres de l'ordre proscrit. La haine du commandant avait été l'origine des troubles parlementaires, selon M. de La Chalotais; alors qu'à peine ces troubles commencés, il avait, et sa correspondance en faisait preuve, usé de toute son influence pour les apaiser. Mais cette même correspondance, composée de 286 pièces, avait été triée par ses ennemis, et neuf pièces seulement, neuf pièces qui, isolées des autres, étaient un piége tendu à l'innocence, avaient été mises sous les yeux des juges. Ce que nous disons de la correspondance de M. de la Chalotais est justifié par une de ses lettres, dans laquelle le procureur général écrit à des membres du Parlement qu'il veut amener à céder au roi, lettre qu'il montra au ministre comme une preuve de son action dans ce sens : Pesez bien tous les motifs de cet avis. Les choses en

que sens, si l'exil prononcé contre ceux qu'elles déclaraient innocents n'eût pas été maintenu. Ils n'en persévérèrent donc pas moins dans leur demande d'être jugés, et, le 3 mars 4770, la Cour se borna à « donner acte aux suppliants de leur opposition à ce que les lettres-patentes d'absolution fussent enregistrées. » Le duc d'Aiguillon, de son côté, ne voulut pas paraître effrayé d'une enquête et demanda à comparaître par devant ses pairs. Quelle idée prévalut alors dans les conseils de la couronne? Nous l'ignorons; mais, le 4 avril 1770, le roi autorisa solennellement ce procès. Il s'agissait enfin d'engager la lutte publi que entre le Parlement, c'est-à-dire le pouvoir judiciaire, et le duc d'Aiguillon; c'est-à-dire le pouvoir administratif. Cette autorisation, qui causa en Bretagne une grande joie, ne tarda pas à être révoquée par de nouvelles lettrespatentes (juin 1770).

» Le Parlement fit des remontrances sur ces lettres-patentes. Répondant entre autres à la crainte que les secrets de l'administration ne ⚫ sont au point qu'il faut nécessairement que le roi ou le fussent dévoilés, il objectait que le roi avait Parlement recule; et vous m'avouerez qu'il n'y a pas bien subitement changé d'avis à cet égard, lui à balancer entre les deux inconvénients, et qu'il ne faut pas pousser son maitre à bout.... Pour moi, plus qui, le 4 avril, disait, en autorisant le procès j'y pense, plus je crois qu'il n'y a pas à balancer. Je du duc d'Aiguillon: « Il s'agit d'examiner si tremble, non pour nous, mais pour le public qui en >> un pouvoir qui avait été donné pour la féli> souffrira, et qui, à la fin, vous blâmera et nous aussi... » cité des peuples est devenu l'instrument de Le Parlement ne peut jamais se compromettre en mon> trant sa soumission au roi... (L'Ombre de La Chalo>> leur malheur; si la confiance du souverain tais, Mémoire in-8°, p. 22.) Ecrire cela et penser au» a été trahie ou calomniée, etc. » Enfin, ne se

[ocr errors]

trement, ce n'est pas chose présumable un seul moment bornant pas à cette critique des actes et des

de la part de M. de La Chalotais.

opinions du souverain, le Parlement alla (2 juil

let 1770) jusqu'à contester au prince le droit de Parlement de Bretagne, et fit de ses résistances rendre de telles lettres-patentes. au pouvoir l'un des éléments de sa propre des» La lutte, qui avait commencé par la résis-truction par les ennemis mêmes du principe tance des Etats et du Parlement de Bretagne, atteignait enfin à toute sa hauteur: LA DISCOSSION ET L'EXAMEN DES POUVOIRS DU ROI. Soudain, tous les Parlements descendirent dans la lice, et alors apparut, dans toute sa lumière, le progrès que les idées libérales avaient, depuis quelques années, fait en France.

d'autorité. Préoccupée de terribles spectacles, absorbée dans de gigantesques luttes contre l'Europe, la France avait perdu de vue jusqu'aux noms des combattants de 1772 à 1789, quand la Restauration vint rappeler chacun au désir bien naturel de reconstruire dans l'édifice nouveau l'aile qu'il avait occupée dans l'ancien. Les > Ĉette. lutte avait profondément ébranlé le Jésuites, dispersés mais non détruits, car ils pouvoir royal, quand, en 1774, Louis XVI ne représentaient une idée, et une idée ne périt crut pas pouvoir mieux inaugurer son règne jamais, quelque comprimée qu'elle soit, les Jéque par un acte immense la restauration des suites, disons-nous, revinrent à la surface plus Parlements. M. de La Chalotais revint à Ren-calme de la société. Le libéralisme, alarmé de nes et y reprit ses fonctions, conjointement leur résurrection et des efforts faits par cette avec son fils. Il mourut en 1785; c'est-à-dire compagnie pour ressaisir l'instruction publique, qu'il ne vit pas la Révolution préparée par la lui fit une guerre acharnée. Bientôt, en Franlutte de 1764 à 1771, que, sans doute, il ne ce, être libéral sans haïr les Jésuites sembla prévoyait pas (1) et que certainement il n'eût une impossibilité. Béranger les avait chansonpas favorisée, s'il eût vu se dérouler devant nés (1819); de tous côtés les caricatures surgislui les dix années qui devaient lui survivre. » saient; et, comme protestation publique, on vit La Chalotais était de ces hommes qui adop-reparaître aux boutiques des marchands de gratent un principe, et poussent à son développe-vures plusieurs portraits du procureur-général ment envers et contre tous, parce qu'ils ont des au Parlement de Bretagne, portraits qui figurèconvictions. Tant que les événements mar-rent bientôt dans les maisons graves où les œuchent avec eux, ces hommes précèdent leur idée vres du chansonnier national n'avaient pas actriomphante; mais dès que les passions dépas-cès. sent le but, ces esprits supérieurs s'arrêtent, et M. de La Chalotais avait tellement attaqué veulent ramener en arrière les impatients et les l'ordre, qu'il importait à celui-ci de diminuer la fous. Ils ont refusé de transiger avec le moins, valeur de ses accusations en diminuant sa vaet ne transigent pas avec le plus. Alors le tor- leur personnelle. Le journal l'Etoile, s'emporrent les emporte et les précipite dans le gouffre tant à la vue du portrait de La Chalotais, écrioù la passion publique entasse, pêle-mêle, les vit : « Ils viennent (les libéraux) d'exhumer le prophètes de la vérité et les apôtres d'une cou-» portrait d'un obscur magistrat de l'ex-Parlepable exagération. Si La Chalotais eût vécu, il » ment de Bretagne, parce qu'il a eu la force et eût été sur l'échafaud révolutionnaire le com- » le courage de signer le premier réquisitoire pagnon de son fils (2), comme celui-ci avait été » contre les Jésuites!... Ils ont l'impudence de le compagnon de son exil, sous la monarchie. Il » signaler à l'admiration nationale UN MAGISTRAT est heureux qu'un si cruel désillusionnement » FÉLON qui, AU Mépris de ses devoirs et de son ait été épargné à cette noble destinée, et ne soit » IMPARTIALITÉ, poursuivit avec l'odieuse animopas venu faire douter de lui-même La Chalo-» sité d'une haine personnelle un corps respectais près de comparaître devant celui qui juge» table dont l'influence et les lumières étaient toutes nos actions.

Préparée par la discussion de tout et par les fautes des gouvernants, la Révolution balaya le

» un crime de lèse-nation aux yeux d'ignorants » et orgueilleux magistrats; un homme enfin » qui, bientôt après, DÉGRADÉ du titre honora» ble dont son roi l'avait cru digne, FUT TRAÎNER » son repentir DANS L'EXIL ET L'IGNOMINIE (4)....... (1) L'esprit le plus extraordinaire, Voltaire, ne jugeait pas alors, non plus, les choses pour ce qu'elles étaient; » Voilà donc les hommes qu'on offre à la jeuVoltaire, qui s'était écrié que le cure dent avec lequel » nesse, comme les généreux apôtres des droits M. de La Chalotais, prisonnier à Saint-Malo, avait trace » du trône et des libertés publiques ! » (2 février ses mémoires, grâce à un peu de suie détrempée dans dans 1826.) du vinaigre, gravait pour l'immortalité! eh bien, Voltaire, n'avait vu dans le procureur-général que l'implacable adversaire des Jésuites, ses ennemis à lui-même, et non l'élément révolutionnaire qui faisait coin dans la vieille monarchie, sapée par les philosophes. Pour être conséquent, il eût du applaudir aussi à la lutte des Parlements contre le roi: eh bien! on le vit, au contraire, approuver la résistance de celui-ci! J'ai lu, écrivait-il en mars 1766, à la marquise du Deffand (et avec elle on ne le taxera pas de diplomatie), la réponse du roi au Parle⚫ment;.... elle m'a paru noblement pensée et noblement › écrite!....

(2) Voy. ci-après l'art. sur ce même fils.

Attaquer La Chalotais en des termes aussi injurieux, donner un tel défi à l'histoire presque contemporaine, était une grande faute, et la colère avait bien mal conseillé les adversaires de La Chalotais. Il existait une famille hono

(1) Loin de mourir dans l'exil et l'ignominie, La Chalo. tais avait vu, en 1776, le roi s'efforcer de verser le baume sur ses blessures, et lui donner la marque d'une évidente sympathie sa terre de Caradeuc avait été, faveur vrai ment insigne, érigée en inarquisat.

Ainsi donc, vivant, M. de La Chalotais, su

rable, dans laquelle le culte du souvenir avait cès était un de ces coins qu'une opposition encore toute sa sève et toutes ses convictions. habile enfonce dans le pouvoir, et qui y font Elle se leva indignée d'une attaque aussi odieu- une fissure irréparable. se, et vint demander tout à la fois justice à l'opinion publique des calomnies entassées contre jet fidèle et catholique fervent, avait sapé l'auson aïeul, et vengeance aux tribunaux. torité de l'Eglise et celle du Roi, au nom du Pour quiconque a lu ce qui précède avec quel-libre examen d'abord, puis au nom de l'autoque attention, il est inutile de dire que pas un rité parlementaire. Et, nous en sommes conmot n'était vrai dans l'article de l'Etoile. Or, vaincu, comme tous les parlementaires, il avait pour aller au rebours de l'opinion, il faut être de la puissance royale l'idée qu'on pouvait l'atarmé de toutes pièces et non chamarré de dé- taquer sans l'ébranler, et que lui demander clamations vides. On peut donc dire que le des réformes justes, urgentes, c'était l'affermir. procès intenté à l'Etoile par la famille La Cha- Idée vraie, s'il était possible de restreindre de lotais (1) fut un des événements les plus fâ- telles attaques à leur portée véritable; idée cheux de cette époque, et pour les Jésuites et erronée, si l'on calcule que les traits lancés au pour l'autorité royale, qu'on accusait de les pouvoir par les classes élevées vont s'implanter abriter. M. Berryer, chargé par la famille de dans les classes inférieures. Chez les premièplaider le point de droit, s'appliqua à démon-res, ils ont mille contrepoids; chez les secontrer que, sous prétexte de discuter des faits des, ils n'en rencontrent aucun. L'on dit beauhistoriques, le journal avait diffamé La Chalo-coup pour prouver un peu, et l'on prouve plus tais et insulté toute une famille; que cette fa- qu'on ne dit! mille avait le droit de demander vengeance contre le diffamateur de la mémoire de son ancêtre, de même qu'elle eût demandé réparation contre ceux qui auraient brisé le marbre de sa tombe et jeté ses cendres au vent.

Mort, M. de La Chalotais servit de nouveau d'instrument pour battre en brèche la dynastie relevée sur les débris de 1793 et de l'Empire ! Et pourtant, s'il eût été possible de donner son sang pour l'une et pour l'autre, le procureurAprès M. Berryer, un jeune avocat du bar-général l'eût versé sans hésiter. Tel est le trait reau de Rennes, célèbre déjà par son élo- caractéristique des bommes illustres; leurs quence entraînante, M. Bernard (2), attaqua théories font dans le présent et dans l'avenir l'article de l'Etoile. « Je viens, dit-il, au ce que vivants ils n'eussent pas eux-mêmes » nom de tous les Bretons, vous dire que La laissé faire. Le mortier voudrait en vain retenir » Chalotais est autant, depuis sa mort, l'objet la bombe qu'il a lancée; elle vole à son but, et » des hommages de la postérité qu'il fut, pen-l'atteint par lui et malgré lui. A. M. »dant sa vie, digne de l'estime et de l'admira>tion de ses concitoyens ! La Chalotais accusé, LA CHALOTAIS (JACQUES-ANNE-RAOUL, » les Jésuites accusateurs, voilà, en un mot, marquis DE CARADEUC DE) - fils du pré>> tout le procès. » A ce début, accueilli par des cédent, avait, on le sait, partagé avec son père acclamations, succéda une brûlante dialecti- encore vivant les fonctions de procureur-généque, interrompue à tout propos par les bravos ral du Parlement de Bretagne. Rentré comme de l'auditoire, qui finit par porter l'avocat en lui à la cour de Rennes, en 1774, il y continua triomphe. (Journal des Débats du 6 avril 1826). ses fonctions, et ne tarda pas à épouser CélesteDe son côté, M. Hennequin s'efforça d'établir Germaine-Rosalie de Montbourcher (4779). La que La Chalotais, mort depuis quarante ans, Révolution le trouva à son poste et l'en chassa appartenait à l'histoire, et qu'aujourd'hui elle de nouveau. Loin de fuir un sol où la terre pouvait le déclarer un dangereux novateur, qui tremblait sous ses pas, le digne fils de La Chaavait préparé, par ses discours et ses exemples, lotais se retira à sa terre de Caradeuc, et y les malheurs de l'avenir. Ses efforts furent su- vécut loin de toutes les intrigues politiques. perflus. Le ministère public, M.-Menjaud de Dammartin, taxa l'article incriminé « d'imputations d'une audace et d'une fausseté révoltantes », et conclut à la condamnation du gérant de l'Etoile.

Le tribunal justifia le procureur-général La Chalotais par ses considérants et ne condamna pas le journal. Mais, nous le répétons, ce pro

(1) Les parties civiles étaient M. le marquis de Cara. deuc de La Chalotais, alors capitaine au 9° régiment de dragons, et M. de Kermarec, avocat général à la Cour royale de Rennes, allié en ligne directe; enfin, M. de la Fruglaye, petit-fils du procureur-général.

(2) Aujourd'hui conseiller à la Cour de cassation.

Mais, dans ce temps où tout était críme, on ne tarda pas à susciter une accusation contre l'ex-procureur-général. Il était allié à la famille de Saint-Pern (1), et celle-ci, pour relever sa fortune compromise dans les événements révolutionnaires, avait entrepris les affaires d'armement maritime. On accusa le marquis de Saint-Pern de ne se livrer à ces spéculations que pour entretenir des relations plus sûres avec les émigrés. Il fut arrêté, ainsi que sa femme, et jeté en prison, à Dinan d'abord. puis à Paris ensuite. Son allié et ami, M. de

(1) Emilie-Vincente de Saint-Pern était veuve de son frère, Gabriel-Jean-Raoul.

La Chalotais, accusé de connivence, fut aussi | » vrage sur la Destruction des Jésuites, il est arrêté à son château de Caradeuc, et traîné » sûrement trop heureux d'avoir pu vous dondevant le Tribunal révolutionnaire de Paris » ner un témoignage public de ses sentiments, (juin 1794), qui le condamna, à l'âge de » en ne faisant néanmoins que vous rendre la soixante-cinq ans, à la peine de mort. Sa veuve,» plus exacte justice. Les conseillers jansenismise en liberté, grâce à la chute de Robespierre, tes convulsionnaires du Parlement de Paris ne revint habiter la demeure des La Chalotais. » sont pas aussi contents de lui que vous. Ils Les populations l'accueillirent avec enthou- trouvent mauvais que l'auteur ait donné aux siasme, et les plus célèbres avocats du barreau » jansénistes sur le dos les coups de bûche de Rennes s'offrirent pour régler gratuitement » qu'ils se font donner sur la poitrine. Il me la tutelle de ses enfants. Elle est morte à Ren-» semble cependant que c'est toujours là un nes, le 3 janvier 1848, dans sa 87e année. » secours, et que la place doit leur être indifféLes termes manquent pour exprimer tout ce » rente. Recevez, je vous prie, les assurances qu'il y a de fatal et d'horrible dans ce spectacle » de mon attachement et de mon respect. affreux du fils de La Chalotais portant, sur » D'ALEMBERT. » l'échafaud révolutionnaire, sa tète blanchie dans l'exil de la monarchie. A. M.

Ces deux curieuses lettres sont entièrement inédites. La bibliothèque de La Chalotais a été vendue au mois de mai 1827, et - Nous complétons la notice sur La Chalo- beaucoup d'ouvrages annotés de sa main, ou tais par quelques indications bibliographiques. portant des ex dono ont été recueillis avec soin Plusieurs des ouvrages du procureur-général par les bibliophiles. Le savant M. Baron du au Parlement de Bretagne ont, par leur rareté, Taya, à qui nous consacrerons une notice, en une véritable valeur. Voici une liste à peu près possédait un assez grand nombre, que nous complète des œuvres de La Chalotais: I. Dis- avons acquis après sa mort. IV. Essai d'Educacours sur l'entrée et la sortie des grains dans le tion nationale, ou Plan d'études pour la jeunesse. royaume. Rennes, 4754, in-12. II. Compte- Rennes, 1763, in-12. V. Exposé justificatif de rendu des Constitutions des Jésuites. Rennes, la conduite de Caradeuc de La Chalotais. Ren1762, in-4°, ibidem, in-12. III. Second Compte-nes, 1767, in-12. Ce livre est aujourd'hui inrendu sur l'appel comme d'abus des Constitu- trouvable; car peu d'exemplaires ont échappé tions des Jésuites. Rennes, 1762, in-12. Ce aux saisies opérées par ordre de la commission sont ces deux ouvrages qui ont soulevé contre extraordinaire. On sait que ces mémoires ont leur auteur de violentes colères, et qui ont été été écrits avec un cure-dent, au château de sinon la cause, du moins le prétexte des pour-Saint-Malo. VI. Sixième développement de la suites dirigées contre lui. Un exemplaire de ces requête qu'a fait imprimer M. de Calonne, exComptes-rendus ayant appartenu à La Chalo- ministre réfugié en Angleterre, ou LE SIEUR CAtais lui-même, relié à ses armes, est tombé en- LONNE... dénoncé à la postérité et pris à partie tre nos mains. L'œuvre du magistrat breton par l'ombre de feu M. de La Chalotais.... Lonest suivie d'un opuscule ainsi intitulé: De la don, printed for J. Foxhunter, bookseller, PicDestruction des Jésuites en France, par un au-cadilly Street, facing Calones' house, no 83, teur désintéressé. Paris, 1765, de 235 pages. Cet opuscule fut envoyé de Paris à La Chalotais, avec cette lettre :

1787, in-8° de xxx et 183 pages. Cet ouvrage, dont le titre est si singulier, n'est autre chose que le quatrième Mémoire de MM. de La Cha« Je vous envoie, mon ancien et respectable lotais et de Caradeuc. Nous nous en sommes > ami, un livre où vous êtes traité comme vous assuré en lisant le manuscrit original écrit en > le méritez. C'est de la part de l'auteur que entier de la main de M de Caradeuc, corrigé > vous reconnaîtrez aisément; mais n'en con- par M. de La Chalotais et signé par eux. Un as» venez pas, puisqu'il ne veut pas avouer l'ou-sez grand nombre de passages ont été biffés et > vrage. Si vous voulez lui écrire un mot de > remerciment, adressez-le moi, et je le lui > remettrai; c'est-à-dire un billet sans adresse » dans ma lettre. Mille respects à tout ce qui > vous appartient. Vale et me ama.

⚫ 13 avril 1765.

» DUCLOS. >

n'ont pas été reproduits dans le livre imprimé. Des personnalités violentes ont été supprimées ou adoucies; les noms y sont désignés par leurs initiales; mais, sous la rature, nous avons pu lire tout ce qui était effacé. Il est donc hors de doute que le quatrième Mémoire de La Chalotais est son œuvre. Le manuscrit nous apprend La Chalotais reconnut sans doute l'auteur; Destiné à être présenté au roi, il fut aussi préde plus qu'il a été écrit au mois de mai 1767. car il écrivit de sa main, sur le titre du livre, Destiné à être présenté au roi, il fut aussi préM. d'Alembert. Ce dernier reçut une lettre de la réhabilitation de MM. de La Chalotais et de senté au Parlement, et contribua sans doute à remerciments (que malheureusement nous ne Caradeuc. Les Comptes-rendus des constituconnaissons pas, et y répondit en ces termes:tions des Jésuites et les Mémoires ont été réimA Paris, ce 27 avril. primés en 1826 par plusieurs éditeurs, à l'oc

« Quel que soit, Monsieur, l'auteur de l'ou-casion du procès suscité par la famille de La

« AnteriorContinua »