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voulait qu'un vaisseau de ce gauarit, armé avec lois de la mécanique une formule au moyen six mois de vivres, eût quatre pieds six pouces de laquelle, connaissant le poids du vaisseau, de batterie et non cinq. Le ministre ayant té- son degré d'inclinaison, son centre de gravité, moigné le désir que l'Académie s'occupat tout et celui du vent sur les voiles, on peut en déspécialement de cette question, elle y fut l'ob-duire aisément l'effort du vent dans le sens de jet d'une discussion approfondie, à laquelle pri-la verticale, effort qui doit produire une augrent part MM. Clairain-Deslauriers, du Maitz mentation dans le déplacement d'eau du vaisde Goimpy, Bricqueville et Borda. VI. Obser-seau. XIII. Mémoire sur une espèce de nœud fort vation sur la construction actuelle des vaisseaux ingénieux, connu sous le nom de NOEUD GOUBERT, et sur une nouvelle méthode de conduire leurs 7 p. in-fo. Explication conjecturale de l'appafonds, 13 p. in-fo. Exposé d'un système proposé reil ou procédé imaginé par M. Goubert, savant par M. Boux, constructeur, système qui con- ingénieur de la marine, pour le sauvetage de sistait à renfler les parties inférieures de la ca- I plusieurs galions coulés bas à Vigo, depuis rène vers les extrémités de l'avant et de l'ar-trente ou quarante ans, et qui étaient enfoncés rière, de telle sorte que les lignes d'eau se diri- à vingt-cinq ou trente brasses au-dessous de geassent en ligne droite, sans courbures ren-l'eau. Telle était l'idée que Roquefeuil s'était trantes, vers les extrémités des vaisseaux. faite de cet appareil. De son propre aveu, il M. Clairain-Deslauriers ayant combattu cette n'avait que quinze ans lorsqu'il l'avait vu préopinion, Roquefeuil lui répondit par le mémoire parer, et ce qu'il en disait était uniquement de suivant VII. Observations sur le mémoire de souvenir ou d'après les conjectures que lui M. Clairain, intitulé: « Réponse à un mémoire avaient suggérées ses propres études ultérieures. qui a pour titre: Observations, etc., » 55 p. Il semblerait que, quand il composa ce mémoire, in-fo. Ces nouvelles observations furent com- Roquefeuil n'eût aucune connaissance de battues par MM. Clairain-Deslauriers, de Bric- celui qu'avait publié, sur le sauvetage d'un des queville et du Maitz de Goimpy, dont l'Acadé-navires submergés, M. Goubert, ancien offimie adopta la manière de voir. VIII. Mémoire cier de marine, qu'une compagnie de spéculasur les étraves droites des vaisseaux considérées teurs avait chargé d'exécuter le projet de son pour la marche seulement, 5 p. in-fo. Série de frère l'ingénieur, mort sans avoir pu diriger calculs tendant à prouver que, si l'étrave d'un lui-même l'entreprise. Si ce mémoire ne dévoile vaisseau, au lieu d'être plate ou carrée, était pas la véritable composition du noeud dont il taillée et façonnée extérieurement dans la forme s'agit, du moins fait-il connaître les moyens la plus propre à fendre l'eau, il en résulterait que M. Goubert employa (18 août 1738-27 pour ce vaisseau une augmentation considérable de vitesse. IX. Examen de la force de l'homme pour tirer ou pousser horizontalement, et notamment pour le cabestan, 9 p. in-f. Pensant que M. de la Hire, dans son mémoire, lu en 1699 à l'Académie des sciences, n'avait pas tenu compte de toutes les causes qui concourent à déterminer la force réelle de l'homme, Roquefeuil ajouta aux calculs de M. de la Hire, déduits de l'effort que fait l'homme en marchant, ceux qu'il déduisit lui-même du seul poids du corps, puis il rectifia une autre erreur de M. de la Hire, qui avait émis l'opinion qu'un homme qui tire horizontalement une corde obtient le même effet, que cette corde soit attachée vers ses épaules, ou qu'elle passe par le milieu de son corps. X. Mémoire sur la manière La plupart des opinions de Roquefeuil étaient la plus avantageuse de déterminer les lignes contestables. Toutefois, il donna une impuld'eau dans la partie de l'arrière des vaisseaux. sion fructueuse aux travaux de l'Académie, en Ce mémoire n'a pas été retrouvé. XI. Lettre à l'engageant dans une voie que plusieurs de ses M. de Lironcourt sur son plan de corvette de adversaires parcoururent plus sûrement que lui. dix-huit canons de 6, 5 p. in-fo. Examen d'un On doit donc lui savoir gré et de ses efforts et nouveau système de mâture que M. de Liron- des résultats qu'ils procurèrent. Il ne laissa court aurait appliqué à des bâtiments plus spé- qu'un fils, Adrien-Maurice, marquis de Roquecialement destinés à naviguer dans la Méditer- feuil, tué à l'armée de Condé, à la tête du réranée. XII. Mémoire sur les effets de la décompo-giment de Médoc, dont il était colonel. Mais un sition du vent pour la manœuvre des vaisseaux, grand nombre de ses parents servirent honora7 p. in-fo (inséré dans le t. Ier et unique des blement dans la marine, en même temps que Mémoires imprimés de l'Académie royale de la lui. L'un d'eux, Charles-Balthasard, chevalier marine). Dans ce mémoire, l'auteur déduit des de Roquefeuil, capitaine de vaisseau avant 1789,

septembre 1741) pour relever le Tojo, l'un des galions coulés en 1702. Ce mémoire a été publié dans le t. II, p. 501-515, des Mémoires des savants étrangers, sous ce titre Relation des travaux faits pour relever le navire le Tijo, galion d'Espagne, coule bas le 10 octobre 1702, dans la rade de Redondelle, baie de Vigo, relevé le 27 septembre 1741, et mis à terre, le 6 février 1742, par M. Goubert, ancien officier de marine. Du reste, à défaut d'indication précise de la composition du noeud Goubert, on peut se faire une idée des procédés qu'employa le frère de l'auteur, procédés sommairement détaillés par M. Borgnis, dans le t. III de son Traité complet de mécaniqne appliquée aux arts.

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chevalier de Saint-Louis et de l'ordre de Cin- | Boëce, traducteur et commentateur de Porcinnatus, émigra et fut fait prisonnier à Qui-phyre, se saisit de la question et lui donna beron. La lettre qu'il écrivit à sa femme, la une double solution, dans le sens de Platon et veille de sa mort, est un modèle de philosophie dans celui d'Aristote; il examina, ce qui est chrétienne; il n'y exhale pas une seule plainte hors de doute, si le genre, l'espèce, la diffésur son sort personnel, et ne s'y occupe que de rence, le propre et l'accident étaient des abses deux enfants, dont l'un, M. Aymar de Ro-stractions, et il pencha tantôt pour Platon, quefeuil, colonel démissionnaire du 40°, en 1830, tantôt pour le Peripatéticien, sans songer peutvit retiré dans sa terre de Kergré, près Tré-être qu'il exposait les esprits débiles à confonguier; et l'autre, Alexandre de Roquefeuil, est dre avec les cinq termes ci-dessus, simples mort de la fièvre jaune, à la Martinique, en abstractions de l'esprit, les idées générales de 1828. P. L...t. genre et d'espèce.

une conséquence des théories peripatéticiennes, conséquence qu'Aristote aurait, sans doute, repoussée; mais ce n'en est pas moins par la voie des déductions logiques qu'il en est arrivé au Nominalisme, où commence réellement la philosophie scolastique.

Raban-Maur, au Ix siècle, et Jean-le-SoROSCELIN (1) (JEAN) (2) est le chef de phiste, au xr, ou Jean Scot-Erigène, si l'on l'école philosophique des Nominalistes, qui s'est adopte l'opinion de M. B. Hauréau (voir le papresque éteinte au XIIe siècle, pour renaître avec ragraphe suivant), professèrent que les genres plus de hardiesse au xive, à la parole d'Occam, et les espèces sont des conceptions de l'esprit et faire place plus tard, par une conséquence et qu'ils n'ont de réalité que dans les êtres inlogique à l'école sensualiste dont Locke, dividuels, où l'esprit les recueille par voie d'abCondillac et Destutt de Tracy ont été les maî-straction et de comparaison. Roscelin, le pretres. On sait où Roscelin a puisé les doctrines mier, prétendit que les universaux n'étaient qui ont pesé sur sa vie; mais s'il n'en est pas que de purs mots, flatus vocis sa doctrine est l'inventeur, il en est l'organisateur, nominalium sectæ non autor sed auctor, comme on l'a dit très-justement (3): c'est lui qui leur donna leur véritable caractère. Qu'on nous permette de retracer, le plus brièvement possible, l'histoire de l'idée qu'il a faite sienne, en y imprimant le sceau de son génie opiniâtre et persévérant : Jean Roscelin est né en Bretagne au XIe siènous croyons utile, indispensable même, pour cle (1); il n'y a à cet égard aucun doute; mais l'intelligence de notre notice, de remonter jus-on n'est pas encore fixé sur le nom du maître qu'à l'origine de cette idée, jusqu'à Platon et Aristote. Ces deux philosophes, dont les conceptions admirables ont fait faire de si grands progrès à la science, professaient sur les idées générales des opinions opposées. Selon Platon, ces idées existent réellement et en elles-mêmes, indépendamment des objets qui n'ont d'existence que par leur participation à la réalité des idées éternelles elles sont à la chose elle-même ce que la partie est au tout, la qualité au sujet; elles sont, sinon séparées, du moins séparables des objets. Selon Aristote, les idées existent dans les objets; elles n'en sont séparables que par abstraction, et en dehors des objets, elles ne sont que de simples conceptions de l'esprit. Porphyre, commentant les Catégories d'Aristote, souleva la question de savoir si le genre et les espèces existaient par eux-mêmes, mais il ne la résolut point (4).

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dont il suivit les enseignements, et, à vrai dire, tout porte à croire que ce nom est encore ignoré. Duboulay, citant une chronique anonyme dans son Histoire de l'Université de Paris, avance qu'un docteur nommé Jean, et qu'il distingue par le surnom de Sophiste, eut, entre autres sectateurs, Roscelin de Compiègne (2). On en a induit que celui-ci avait été son élève, et l'on s'est fondé surtout, pour faire triompher cette opinion, sur la similitude des doctrines émises par Jean le Sophiste et Roscelin. M. Barthé

⚫ ni s'ils existent séparés des objets sensibles ou dans ces objets et en faisant partie. (Introduction aux Catégories d'Aristote).

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(1) On ne sait au juste dans quelle partie de la Bretagne est né Roscelin. M. Travers, l'historien de la cité de Nantes, le fait naître dans cette ville. Selon M. Huet (voyez ce nom). il serait au moins né dans ce diocèse. Voici une note manuscrite d'une écriture ancienne, que nous avons autre version assez singulière qui nous est fournie par une trouvée sur un exemplaire des œuvres d'Abélard (1616, in-4), à la Bibliothèque de Rennes Erat oriundus ex oppido de Comper prope Rhedones in Britanniâ minori. Les Bénédictins (Histoire littéraire, t. IX), font naître Roscelin en Basse-Bretagne. Nous n'avons à cet égard que des opinions hypothétiques, que nous exposons sans nous croire le droit de prononcer entre elles.

(2) In dialecticâ hi potentes extitère sophistæ: Johannes qui eamdem artem sophisticam vocalem esse disseruit, Robertus Parisiensis, Roscelinus Compen. ⚫ diensis, Arnulphus Laudunensis hi Joannis fuerunt sectatores. (Historia univ. Paris, t. I, p. 443.) — Duboulay a pensé que le docteur désigné ici sous le nom de Jean pouvait être Jean le Sourd, né à Chartres, médecin de Henri I".

lemy Hauréau ( De la Philosophie scolastique, | vement jugé (1); mais, ce qui n'est pas contesté, p. 172), fait remarquer, non sans raison, que c'est que le chanoine de Compiègne attirait à l'expression sectatores, employée par le chro- ses leçons les hommes les plus savants de l'échro-ses niqueur, désignait, au moyen-âge, les disciples poque. Quelle était donc cette doctrine séduiet les partisans d'une école philosophique, sans sante, dont la hardiesse était une séduction de emporter nécessairement l'idée de leçons don-plus? Nous allons essayer d'en rendre compte nées et d'enseignements directement reçus. Il et d'en donner un aperçu d'autant plus difficile croit que Jean le Sophiste ne doit même pas être à faire, que Roscelin n'a laissé aucune œuvre, regardé comme le prédécesseur et le patron de et qu'il faut demander à ceux mêmes qui l'ont Roscelin, et que cette dénomination appartien- combattu ses opinions et les raisonnements à drait à plus juste titre à Jean Scot-Erigène. l'aide desquels il voulait les faire triompher. M. Hauréau, allant plus loin, pense que le Johannes dont parle la chronique et dont elle a fait un philosophe éminent, sous le nom de Jean le Sophiste, ne serait autre que le célèbre Jean Scot lui-même. Rapprochant l'opinion de ce dernier sur la dialectique avec le bref exposé de la doctrine du prétendu Jean le Sophiste, il tente d'établir que les deux personnages n'en font qu'un, et les raisons qu'il donne à l'appui, sans être péremptoires, créent en faveur de son sys-sitivement: son témoignage est confirmé par celui d'Othon lème de très-fortes probabilités. La question étant ainsi posée sans être complètement résolue, nous renvoyons nos lecteurs, pour de plus amples développements, à l'ouvrage ci-dessus

cité.

(1) Nous croirons difficilement qu'en 1092, au plus tard, Roscelin ait donné des leçons à Abélard, alors trop jeune pour suivre un enseignement si élevé, et nous n'ad mettrons pas que le père de celui-ci l'ait envoyé, à cette époque, étudier la dialectique à l'école du philosophe de Compiègne. C'est cependant ce qu'avance M. Hauréau (op. cit., p. 267). Il est probable, toutefois, qu'à une époque quelconque, Abelard a été le disciple de Rosce France, en 1097. Aventin (Annal. Boior., lib. VI ), le dit polin, vraisemblablement après le retour de ce dernier en

de Freisingen, contemporain d'Abélard. De Gestis Frederici, lib. I, cap. XLII). C'était l'opinion générale au cité dans notre notice. Les auteurs de l'Histoire littéraire XVI siècle, ainsi que l'atteste le passage de d'Argentré, ont cru pouvoir affirmer le contraire, se fondant sur ce

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qu'Abélard, citant ses maîtres dans son Historia calamiNourri dans les principes de l'école dont nous tatum, ne fait aucune mention du célèbre Roscelin. Abévenons de faire connaître la doctrine, Roscelin lard, qui avait peut-être les meilleures raisons du monde, pour ne pas se vanter de leçons d'un philosophe alors condépassa bientôt ses prédécesseurs et se fit re-sidéré comme hérétique, parait nous fournir la réponse à marquer par une témérité d'opinion dont plu- cette objection. Nous lisons dans ses Œuvres inédites (liber sieurs illustres Bretons ont donné quelquefois definitionum et divisionum, p. 471): « Fuit autem, memini, de si malheureux et si éclatants exemples, et magistri nostri Ros tam insana sententia... Il expose une doctrine qui se rapporte tellement à celle de Roscelin, un attachement opiniâtre à son propre sens, qui qu'il est impossible de douter que ROS. ne soit Roscelin ne s'arrêta même pas aux pieds du dogme. Suc-lui-même. Celui-ci aurait donc été son maître, à moins cessivement clerc de la cathédrale de Chartres et chanoine de Compiègne, il donna des leçons publiques de philosophie, auxquelles accoururent de nombreux auditeurs. «Il y avait lors, >> dit un historien, un précepteur grandement >> renommé en cette discipline qui s'appelait >> Jean Rozelin, natif aussi de Bretaigne, qui >> avait une grande réputation entre les estu>> diants. Pour lors Abélard l'alla ouyr et avait » été cet homme des premiers inventeurs de la » secte des Nominaux et des Réaux..... (1). » Roscelin eut, en effet, pour élèves ceux dont le nom devait briller avec le plus d'éclat dans les luttes de la scolastique, Odon de Cambray, Guillaume de Champeaux, et, disent certains écrivains, Abélard, alors âgé tout au plus de treize ans. Nous croyons que si ce dernier s'instruisit auprès de Roscelin, ce n'a été qu'en 1097 environ, c'est-à-dire plus de cinq ans après. Il s'est élevé entre les biographes une discussion à ce sujet. Quelques-uns ont pensé que Roscelin n'avait jamais été le maître d'Abélard un texte de ce dernier semble mettre les probabilités du côté de l'opinion adverse. Quoi qu'il en soit, le procès n'est pas encore définiti

cependant qu'il ne l'ait ainsi désigné que comme auteur lisme d'Abelard n'est, en effet, qu'un nominalisme mod'une doctrine qu'il a adoptée en partie. Le conceptuadifié. Bayle (Dictionnaire historique, article Abelard, et note z, édition de 1720, in-f, t. Î, p. 123), se prononce ouvertement pour l'affirmative, se réservant de donner celin, article qu'il a omis ensuite. Salabert, prêtre du dioles motifs de son opinion dans un article ultérieur sur Roscèse d'Agen, dans sa Philosophia nominalium vindicata (Paris, 1651, in-8°), et Joly, dans ses Remarques critiques sur le Dictionnaire de Bayle (Paris, 1752, in-l°, 1" part., P. 20) ont aussi examine la question : le premier l'a résolue dans le sens de la négative, supposant qu'Abelard ne se serait pas permis d'accabler d'invectives son ancien maitre, et que la façon outrageante dont il l'a traité était incompatible avec la reconnaissance qui l'aurait lié à ménagé davantage saint Bernard, saint Norbert, GuilRoscelin. Joly fait observer avec raison qu'Abélard n'a pas laume de Champeaux et Anselme de Laon. Il ajoute qu'il ne peut se ranger au sentiment d'Othon de Freisingen prétendant que Roscelin aurait été le premier maitre d'Agne, dans la maison paternelle, à l'époque où Roscelin bélard l'extrême jeunesse de celui-ci, retenu en Bretaprofessait à Compiègne, est une fin de non-recevoir suffisante contre cette opinion. M. et M Guizot, dans l'essai historique qui précède leur édition des Lettres d'Abelard (1854, in-12, p. XIII), expriment l'opinion qu'Abelard n'a reçut les leçons, non d'un maitre particulier, mais de son jamais eu de rapports personnels avec Roscelin, et qu'il temps. Quant à nous, nous ne voudrions pas affirmer qu'Abelard a reçu les leçons de Roscelin; mais, si le fait est vrai, nous croyons fermement qu'il n'a pu se produire qu'en 1097 ou 1098 au plus tôt : c'est ce qui nous paraît (1) D'Argentré, Histoire de Bretaigne, f 186, édition résulter, en dernière analyse, des nombreux documents de 1588.

que nous avons eus à notre disposition.

Saint Anselme de Cantorbéry (De Fide Trini- lui ordonnait de le nier, et il le nia en raisontatis sive Incarnationis Verbi contra blasphe- nant ainsi : « Il n'existe qu'un Dieu et une permias Roscellini), s'élevant contre les hérétiques» sonne ou il existe trois dieux; la première hyen dialectique, reproche à Roscelin de ne rien» pothèse est inadmissible, puisque la personne admettre de ce que les sens ne nous font pas » seule de Jésus-Christ s'est incarnée, il y a voir, et de regarder comme des mots les gen-» donc trois dieux. res et les espèces. Roscelin admettait l'exi- Roscelin ne professa pas impunément de pastence des corps colorés, mais niait celle de la reilles hérésies. Renaud, archevêque de Reims, couleur; il n'y avait pour lui de réalité que dans convoqua un concile qui se réunit à Soissons les individus; tout ce qui n'était pas l'individu en 1092 ou 1093 (4). Le philosophe nominaliste lui-même n'existait pas: parce que la nature ne mis à même d'expliquer, ou, pour mieux dire, nous montre pas, par exemple, l'arbre en géné- de rétracter sa doctrine, essaya de se mettre à ral, il n'aurait fallu croire qu'à l'existence d'in- l'abri de quelques noms orthodoxes, et prétendividus séparés, et non pas d'un être abstrait et dit que ses idées étaient celles de Lanfranc et typique appelé l'arbre. Comme on le voit, il n'y de saint Anselme, alors abbé du Bec. Ce dernier a pas loin de ces doctrines à celles des empiri- protesta hautement contre l'usage qu'on faisait ques et des sensualistes. Roscelin, sans doute, de son nom; dans une lettre à son disciple n'en prévoyait pas les conséquences; mais l'es- Foulque, évêque de Beauvais, il assura que prit humain livré à ses propres inspirations. Lanfranc n'avait rien écrit de semblable: « Pour lorsqu'il saisit le germe d'une idée, quelque moi, dit-il, je proteste à la face de l'univers que hardie qu'elle soit, aime à la développer et à la je crois de cœur et confesse de bouche la foi compléter; se laissant glisser sur la pente ra- contenue dans le symbole des apôtres, de Nicée pide des déductions que cette idée luí fournit, et de saint Athanase; j'anathématise en particuil ne veut ou ne peut plus s'arrêter, et s'aperçoit lier les blasphêmes de Roscelin (2). » Celui-ci, trop tard, après une longue suite de générations quoiqu'à bout d'arguments, ne voulait d'abord de philosophes, que la logique rigoureuse et im- rien rétracter; mais, craignant d'être déchiré pitoyable le condamne à se nier lui-même ou à par le peuple et cédant seulement à cette crainte, se méconnaître, à s'abaisser au niveau de la comme saint Anselme le lui reprocha plus tard, brute ou à s'élever au-dessus de l'infini. il désavoua ses hérésies, que le concile condamna. Forcé de quitter la France, il chercha un refuge en Angleterre, où il déclara persister

réau?

Roscelin alla plus loin il nia la réalité des parties d'un corps (1): «Dire qu'une partie d'une » chose, prétend-il, est aussi réelle que cette » chose, c'est dire qu'elle fait partie d'elle-mê- (1) M. Hauréau semble dire que le concile s'est réuni á » me; car une chose n'est ce qu'elle est qu'a- Reims; c'est évidemment une erreur. Nous ne pensons » vec ses parties.-La partie d'un tout devrait pas non plus, comme l'avance le même auteur, que Roscelin ait été de nouveau condamné, en 1094, dans un » précéder ce tout, car les composants doivent autre concile rassemblé par le roi Philippe pour célébrer » précéder le composé; mais la partie d'un tout son mariage avec Bertrade (18 septembre 1094). Les actes » fait partie de ce tout lui-même donc la par-de ce concile ne font nullement mention de Roscelin : » tie devrait se précéder elle-même. » Ce rai- serait-ce donc une seconde erreur de la part de M. Hausonnement pèche évidemment, et l'esprit con(2) Voici les termes exacts de la lettre de saint Anselme çoit sans peine l'existence réelle des parties Foulque J'apprends, ce que je ne pouvais me déci d'une chose en dehors de cette chose elle-mê- der à croire, que le clerc Roscelin prétend qu'il y a en Dieu trois personnes... comme seraient trois anges, mais me. Le philosophe breton ne s'arrêta pas dans avec une volonté et une puissance unique, ou qu'alors cette vole comme nous l'avons dit plus haut, le Père et le Fils se sont incarnés... Il affirme que le véil sacrifia le dogme aux hardiesses de sa doc- ⚫nérable archevêque Lanfranc et moi, nous partageons trine, et voulut soumettre les mystères de la ⚫ cette opinion... La vie de Lanfranc, connue de beaucoup de personnes pieuses et instruites, repousse un pareil religion divine à l'épreuve de la logique et du > crime; quant à moi, je veux que tous les hommes conraisonnement humains. A ses yeux, l'unité qui naissent ma pensée entière: j'adhère pleinement à tout n'était pas celle de l'individu n'était qu'un pur ⚫ ce que nous confessons dans le symbole, quand nous mot examinant donc le dogme de la Sainte- disons: Credo in Deum patrem omnipotentem creatorem Trinité, il crut que sa doctrine philosophiquefactorem cœli et terræ, et Quicumque vult salvus esse,

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› cœli et terræ, et Credo in Deum patrem omnipotentem

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• ante omnia opus est ut teneat catholicam fidem, etc.... (1) Voir Abelardi opera, 1616, in 4, epist. XXIII, p. 334, Pour dire plus encore: que quiconque voudra nier quelet Euvres inédites d'Abélard, p. 491: Aussi faux dialec- qu'une de ces règles et spécialement acceptera pour titien que faux chrétien, dit Abélard dans le premier de ⚫ vérité les blasphèmes de Roscelin, ange ou homme. ces ouvrages, il prétend qu'aucune chose n'a de par- ⚫ qu'il soit anathême, et pendant tout le temps qu'il ties, et repousse ainsi impudemment la divine Ecriture: persistera dans cette erreur, qu'il soit anathême.... > car de là, lorsque l'Ecriture dit que Notre-Seigneur man- (S. Anselmi oper., éd. de 1630, in-f, lib. II, ep. XLI, gea la moitié d'un poisson, il devrait dire qu'il s'agit de p. 46.) - Dans son Traité de l'Incarnation du Verbe, saint ⚫ la moitié du mot poisson, et non de la chose elle-même.. Anselme formule ainsi l'erreur de Roscelin: S'il y a en Ici Abelard exagère la doctrine de Roscelin, qui n'a ja-» Dieu trois personnes qui ne soient qu'une seule chose mais prétendu qu'aucune chose n'avait de parties, mais que les parties d'un corps n'avaient pas d'existence réelle, ce qui est sans doute faux, mais ce qui est moins absurde que ce qu'Abélard lui fait dire.

⚫ et que ce ne sont pas trois choses séparées comme trois anges ou trois âmes, s'il n'y a qu'une puissance et qu'une volonté, le Père et le Saint-Esprit se sont donc ⚫ incarnés avec le Fils. (Op. cit., p. 80.)

qui succéda, en 1106, à Arnould dans la dignité d'abbé de Sainte-Colombe, n'était pas le même que l'adversaire de saint Anselme c'est peu probable; car il faudrait supposer que Roscelin ne mourut qu'en 1139. Nous croyons qu'il rétracta complètement ses doctrines: quoiqu'il ait été accusé d'avoir écrit contre le missionnaire Robert d'Arbrisselles un libelle injurieux, contumacem epistolam (1), nous avons toutes raisons de penser qu'à l'époque où il attaqua le livre d'Abélard, de Trinitate, il était rentré dans le sein de l'orthodoxie catholique. Quant à la date de sa mort, nous partageons l'opinion de M. Cousin, et nous la reportons après 1121 : c'est dans cette dernière année qu'il dénonça à l'évêque de Paris l'ouvrage dont nous venons de parler, et qu'Abélard, qui avait aussi de grands désordres à se reprocher et dont le livre fut condamné par un concile, riposta par une lettre sanglante où, sans se défendre lui-même, il rappela toute la vie de Roscelin, les hérésies. les tergiversations et presque les crimes du chanoine de Compiègne qu'il ne craignit pas de désigner ainsi : inflatus catholicæ fidei hostis antiquus (2).

dans ses opinions; c'est alors qu'indigné d'une telle conduite et sollicité par ses ouailles, saint Anselme, passé de l'abbaye du Bec à l'archevêché de Cantorbéry, publia contre lui son beau Traité de l'Incarnation du Verbe. Roscelin, de plus, attaqua violemment le clergé anglais. Malheureusement alors, les mœurs des prêtres n'étaient pas toujours irréprochables: plusieurs d'entre eux avaient des femmes ou des concubines, et les enfants nés de ces unions sacriléges envahissaient les bénéfices en héritant de leurs pères. Roscelin soutint d'abord que les enfants des prêtres étant hors la loi, d'après l'opinion de beaucoup de théologiens, il était injuste de les préférer pour les charges d'église à ceux qui étaient d'une origine irréprochable, puisque le baptême, qui effaçait leurs péchés, ne détruisait pas leur condition; enfin, qu'en les recevant dans les ordres, on encourageait les vices des prêtres élevés aux dignités ecclésiastiques. Cette attaque souleva une violente discussion dans laquelle Thibaut d'Etampes, Français établi à Oxford, publia la défense du clergé anglais. Roscelin avait peut-être raison; car le concile de Clermont décida qu'il faudrait des dispenses aux enfants des prêtres pour en- C'est la dernière fois que le nom de Roscelin trer dans le sacerdoce. Dans cette lutte, l'exilé fut, de son vivant, mêlé aux luttes de la scolaschargea d'invectives le grand et saint arche-tique. Au moment de la mort de son organisavêque de Cantorbéry, dont les amis agirent au- teur, le nominalisme s'était modifié; mais la près de Guillaume-le-Roux, qui, pour venger scolastique était fondée, et la science des chosaint Anselme, chassa Roscelin de son royaume. Celui-ci, dont la vie avait couru des dangers, revint en France vers 1097, et se remit à la discrétion de ses supérieurs, qui lui imposèrent une pénitence canonique très-sévère et le privèrent pendant quelque temps de la possession de son bénéfice. Le bienheureux Yves de Chartres, auquel, à son retour, il avait demandé une place dans son église, en se plaignant de ce qu'on l'avait exilé pour donner à d'autres le canonicat dont il était pourvu, lui répondit que, tout en reconnaissant qu'on l'avait dépouillé Voilà la vie de Roscelin: on a voulu, de nos injustement, il ne pouvait accéder à ses désirs, jours, en faire un martyr du rationalisme, une parce qu'il se rendrait suspect lui-même; que victime des persécutions et de l'intolérance de son arrivée à Chartres causerait de graves dé-l'Eglise. Dans un ouvrage que nous avons sousordres, et qu'on pourrait le lapider. Ce véné- vent cité, et que l'Académie des sciences morarable évêque lui reproche d'avoir persisté, après les et politiques a cru devoir couronner, M. Hausa condamnation, dans ses doctrines hérétiques, et lui insinue qu'une charge lui sera donnée, s'il fait une rétractation complète (1). Les auteurs de l'Histoire littéraire (t. ix, p. 362) croient que Roscelin, rompant avec ses anciennes erreurs, se convertit et mourut, en 1107, chanoine de Saint-Martin de Tours; il aurait même comme missionnaire en Aquitaine rendu de grands services à la foi. Mabillon s'est demandé si Roscelin, issu d'une famille noble,

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ses divines, la théologie, devait sa gloire, sa vie et sa force à un mouvement des esprits suscité par cette doctrine, qui, rallumée au xive siècle et développée au XVIIe, produisit, en s'éloignant de Dieu, le sensualisme et la négation de l'infini. M. Cousin fait cependant à Roscelin l'honneur de deux principes dont la science moderne a su, prétend - il, tirer parti : Il ne faut pas réaliser des abstractions. La puissance de l'esprit humain et le secret de son développement sont en partie dans le langage.

(1) On a cru que Marbode, évêque de Rennes, et Geoffroy, abbé de Vendôme, étaient les auteurs de ce libelle, ou du moins qu'il avait paru sous leur nom : on sait mainteuant que les lettres écrites par ces vénérables prêtres selles sur les bruits que sa conduite faisait naitre. Roscene renferment que des avis charitables à Robert d'Arbrislin, au contraire, si l'on en croit Abélard, aurait indignement calomnié ce missionnaire, ausus est confingere (voir Histoire littéraire, t. IX, et Abelardi op. Paris, 1616, in-4", p. 341).

(2) La lettre d'Abélard. suivant Geoffroy d'Amboise, éditeur de ses œuvres (Paris, 1616), aurait été adressée à Gaufridus (G), Geoffroy, évêque de Paris. Il y a erreur de nom; car Geoffroy mourut en 1092. Suivant le Gallia christiana, ce serait Gilbert qui occupa le siége de 1109 à 1123. Voir à ce sujet, Remarques sur le Dictionnaire de Bayle, par Joly, 1" part., p. 20.

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