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› Aux escrivains traçants quelque dessein louable,
. Pour dignement traiter ce prophète subjet,
. Posant à mes discours mon songe pour objet. »

Que, l'oreille apprivoisée aux doux accents de la muse des Marot, des Villon, des Du Bellay, des Passerat, des Bertaut, des Desportes, etc., le public ait pu désirer une seconde édition du Prophète subjet de notre breton, c'est ce que nous avons de la peine à nous expliquer.

Entré chez les Jésuites, il fit son noviciat à Toulouse, se mortifiant au point que sa santé en fut compromise, et qu'il fut obligé d'abandonner momentanément la vie religieuse. Arrivé à Morlaix, à la fin de 1600, il fut recueilli par une de ses sœurs, et établit dans sa chambre une école où il expliquait les auteurs latins aux nombreux élèves que sa réputation lui attirait. Il fut aidé dans cette tâche par un prêtre Terminons cette courte notice en disant que, anglais, l'abbé Charles Louet, persécuté dans parmi les cinquante ou soixante terres de la son pays pour son attachement au catholicisme, Tousche qui se rencontrent en Bretagne, nous et qui, sorti récemment de prison par la protecignorons quelle est celle dont Michel Quillian tion de l'ambassadeur de France, était banni se qualifiait seigneur, et, par suite, auquel de du sol britannique. Ce dernier lui apprit la théonos cinq départements revient l'honneur d'a-logie, et lui conseilla de recevoir les ordres. voir produit un poète d'une pareille force. Le Bon de W.

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Quintin fut ordonné prêtre à l'âge de cinquante ans. Privé de son ami, Charles Louet, qu'un bref du pape Clément VIII avait élevé à la diQUINTIN (PIERRE), — religieux de la pro- gnité d'archevêque de Cantorbéry, il prit l'havince de Bretagne, naquit en 1559 dans la pa-bit de dominicain, au couvent de Morlaix, le roisse de Ploujean, diocèse de Tréguier, d'A- 30 octobre 1602, et tenta d'y opérer des réforlain Quintin de Kerosar et de Perrine de Ker- mes importantes dont on lui sut mauvais gré, merhon, tous deux appartenant à des familles et qui attirèrent même sur sa tête de longues nobles du pays, tous deux distingués par leur persécutions; il les supporta avec la patience et piété et leurs vertus. Dès l'âge de six ans, il fut la résignation d'un martyr. envoyé à l'école de M. Hervé Miorssec, digne En 1607, il reçut la visite de Lenobletz, qui prêtre, qui consacrait ses loisirs à instruire les essaya de partager la vie de son ami, mais que enfants dans une chapelle de Saint-Nicolas.de cruels traitements obligèrent à quitter l'orprès de Morlaix. Il reçut ensuite les leçons d'un dre. Ils se réunirent pour faire des prédications vertueux ecclésiastique, M. Lachiver, depuis dans toute la Bretagne. Le P. Quintin faisait évêque de Rennes, qui le conduisit, ainsi que les sermons, et Lenobletz expliquait les vérités son frère, à Paris, où ils restèrent jusqu'au mo- fondamentales de la foi. Ces missions eurent ment où les guerres civiles les rappelèrent en des résultats miraculeux, et établirent dans la Bretagne. Nommé lieutenant de gendarmes sous province la renommée des deux saints prêtres le seigneur de Coatredrez, il remplit ces fonc- qui se dévouaient ainsi au salut de leurs frères. tions, alors difficiles, avec beaucoup de tact, L'union parfaite qui était entre ces missionde fermeté et de justice, ne permettant jamais » naires. et l'estime qu'ils avaient l'un pour l'auqu'on fit le moindre tort aux habitants. Un jour tre, furent un des principaux moyens dont Dieu il donna à un villageois, qui se plaignait de ce » se servit pour la conversion des peuples. Ils qu'on lui avait enlevé son bien, une somme con- » ne parlaient sans cesse que de Dieu dont ils sidérable qu'il avait gagnée au jeu. Dès ce mo- » étaient remplis, et les discours dont M. Lenoment, il s'adonna aux lectures pieuses, y con- bletz entretenait son compagnon lui donnaient sacra ses soirées d'hiver, s'imposa des mortifi- » tant d'admiration pour sa vertu et pénétraient cations qui semblaient incompatibles avec sa » si vivement dans son cœur, qu'il se jetait à profession, telles que le jeûne et l'abstinence. ses genoux et se prosternait à ses pieds pour fréquenta les sacrements et visita souvent les les baiser. Le P. Quintin, animé par M. Leéglises. S'étant défait de sa lieutenance, il re- » nobletz, excitait à son retour le religieux qui prit ses études au collège des Jésuites d'Agen, l'accompagnait, et lui disait souvent en l'emoù il se lia intimement avec Michel Lenobletz brassant : « Aimons Dieu, mon cher frère; ai(voy. ce nom), qui, quoique plus jeune que lui mons Dieu. » Ce religieux (le P. de Kerande huit ans, sut prendre sur son esprit un as- forn), d'une vertu rare, et qui succéda ensuite cendant salutaire. Excité par l'exemple et les à son esprit et à ses emplois dans les missions, exhortations de Lenobletz, Quintin se fit bientôt a assuré qu'il lui vit un jour le visage brillant remarquer par son austère piété : dès cette épo-» d'une lumière toute divine. Une semblable que, il prit la résolution de s'abstenir complète- » merveille a été attestée par M. de Coat-Salion, ment de vin, et se livra tout entier aux œuvres » de la maison de Kerouasle, l'un des gentilsde charité et de miséricorde, donnant aux pauvres tout ce qu'il possédait, catéchisant les herétiques et les enfants, visitant les malades; il vendit même son patrimoine pour en distribuer le prix aux indigents que désolait une cherté de vivres extraordinaire.

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hommes les plus vertueux et les plus accomplis de son siècle.» (Vies des Saints de Bretagne de D. Lobineau, p. 369.) Son zèle pour la prédication ne se ralentit pas: il prêcha jusqu'à sept fois en un jour, le matin dans les campagnes, le soir à la ville. Les évêques de Tré

guier et de Rennes l'envoyèrent plusieurs fois | Garaby;- Biographie universelle, t. LXXVIII, disposer les peuples au sacrement de Confirma- article signé B-E Badiche).- La Bibliothé tion, sachant combien était grand l'ascendant que des Frères prêcheurs de Quétif et Echard exercé par le P. Quintin sur les populations. attribue au P. Guillouzou une Vie du P. QuinMgr Cornulier, évèque de Rennes, avait une tin; mais elle ne dit pas si elle a, ou non, été si haute idée de la sainteté de ce missionnaire, publiée. F. S-In-r. qu'il disait souvent que, s'il avait eu la première place dans l'Eglise, il eût ordonné aux fidèles d'honorer le P. Quintin comme un saint. Nommé, en 1629, prédicateur général pour accompagner le prieur de la maison de Morlaix au chapitre de Rouen, le P. Quintin se fit encore remarquer par sa charité, son ardent amour de Dieu et de ses frères et son austère vertu. A Rouen, comme en Bretagne, il prêcha dans les rues et les carrefours. instruisit les enfants et les pauvres, et ramena aux pratiques de la religion catholique un grand nombre de personnes. A l'assemblée du chapitre, il défendit avec chaleur la réforme qu'il avait introduite dans la maison de Morlaix, et ne céda pas aux menaces qu'on lui fit de le jeter dans un cachot. Il revint néanmoins en Bretagne sans avoir éprouvé de persécution.

QUIQUER ou QUIQUIER (GUILLAUME),lexicographe breton, qui s'était attaché à reproduire fidèlement la vieille orthographe et l'ancienne prononciation de la langue bretonne. naquit à Roscoff (Finistère). C'est du moins ce qu'on est autorisé à croire d'après les titres des diverses éditions du dictionnaire et des colloques qu'il avait composés. Nous ignorons l'époque de sa naissance, comme le lieu et la date de sa mort, et, faute de renseignements sur sa vie, nous ne pouvons que donner la nomenclature des éditions, aujourd'hui fort rares, de son livre: I. Dictionnaire et colloques fran cois et breton, traduit du françois en breton par G. Quiqver de Roscoff, liure nessaire (sic) tant aux François que Bretons, se fréquentans, et qui n'ont l'intelligéce des deux langues. Morlaix, de l'imprimerie de George Allienne, 1626. in-18 de 279 pag. chiffrées, 39 pag. non chiffrées, plus 69 pag., y compris le privilege; édition la plus ancienne et la plus belle de ce dictionnaire. II. Nomenclator communium rerum propria nomina Gallico idiomate indicans, multò quàm anteà brevior et emendatior. Auctore Hadriano Junio medico in usum studiosorum societatis Jesu. En cette dernière édition a esté adioustée la langue bretonne correspondante à la latine et françoise, par mais tre Guillaume Qviqvier de Roscoff, en faveur de messieurs les Escoliers des Collèges de QuimperCorentin et l'anes. Morlaix, George Allienne, imprimeur et libraire juré à Rouen, au PalmierCouronne, et à Quimper-Corentin, en sa bouNous regrettons que les limites obligées de tique, 1633, in 18. III. Dictionnaire et collocet article ne nous aient pas permis de relater ques francois-breton, traduits de françois en tous les faits qui attestent la sainteté du P. breton par G. Quiquer de Roscoff, livre trèsQuintin. Les lecteurs, désireux de connaitre nécessaire pour l'intelligence des deux langues, complètement la vie de cet admirable mission-revu, corrigé et augmenté en cette dernière édinaire, trouveront tout ce que la tradition et les biographes contemporains nous ont appris et transmis à son sujet dans les Vies des Saints de Bretagne de D. Lobineau, p. 364-373, et dans la réédition par M. l'abbé Tresvaux, t. III. p. 387-408. Nous n'avons eu qu'à abréger cette biographie, nourrie de faits édifiants et de pieuses réflexions, dont la lecture ne peut être que

Arrivé à Vitré, et se sentant pris de douleurs violentes, accompagnées de fièvre, il s'arrêta dans un couvent, de son ordre nouvellement établi au faubourg Saint-Martin. Le mal, qui avait d'abord cédé, se compliqua, huit ou dix jours après, d'une esquinancie à laquelle il succomba le 21 juin 1629, à trois heures de l'aprèsmidi. Ses derniers moments avaient été aussi édifiants que sa vie. Toute la ville accourut à ses funérailles, et, pendant les trois jours qu'il resta exposé, on fut obligé de mettre des gardes autour de son corps pour en éloigner ceux qui voulaient le toucher. A la Révolution, l'église des Dominicains, où se trouvaient ses restes, ayant été détruite, ils ont, sans doute, été dispersés et profanés.

très-utile.

tion. Quimper-Corentin, Romain Malassis, imprimeur et libraire du diocèse, 1679, in-48. — Une édition de 1674 (que nous n'avons pas rencontrée) doit contenir l'adventureuse rencontre de deux personnages, l'un du pays de Léon et l'autre de la terre de Carahès, dialogue plaisant (avec deux portraits gravés sur bois), de la page 78 à la page 181. Ce dialogue n'est pas le même que celui qu'on voit aux pages 127-128 de On peut aussi consulter: La Vie et Actions l'édition de 1679.-M. Brunet (Manuel du Limémorables des trois plus signalez religieux en braire, etc., t. III, p. 895) mentionne les édisainctelé et en vertu de l'ordre des Frères pres- tions suivantes de ce dictionnaire : l'édition de cheurs de la province de Bretagne, du P. Ma- Morlaix, Nicolas du Brayet, 1640, in-24, hyeuc, d'Alain de la Roche, du P. Quintin, par sign. a-p, feuillets non chiffrés. est augmenRechac de Sainte-Marie. Paris, 1644 et 1664,tée de Discours et compléments ordinaires, qui in-12; Les Vies des saints de Bretagne par occupent les 15 dernières pages; mais on en a Albert Legrand, 2e édit.; - Id., par l'abbé retranché l'avis de l'imprimeur et le privilége.

--

On cite une édition de Morlaix, 1633 (voy. ci- | mée, et qui ne contient pas les additions de l'édessus), et une autre de Saint-Brieuc, 1640, dition de 1640, quoique le titre l'annonce comme petit in-12. Nous avons vu, poursuit M. Bru- corrigée et augmentée. Il y a aussi deux éditions net, une édition de Vennes, veuve Jean Borde, de Quimper, 1674 et 1722, in-12, et probable1688, petit in-8 de 148 pag., assez mal impri- ment plusieurs autres. P. L...t.

R

RAGUENEL (ROBIN). Il figure parmi les le donne comme fils de Guillaume Raguenel, chevaliers bretons choisis par Jean de Beauma- fils lui-même de Robin Raguenel, le jeune, et noir (voy. ce nom) pour le combat des Trente.de Jeanne de Dinan, vicomtesse de la Bellière; Et Robin Raguenel, Huon de Saint-Yon. (Vers 104 du poème).

Biz...

système qui ferait un vieillard du combattant de Mi-Voie. La postérité de Jean Raguenel se prolongea jusqu'à Jean, quatrième du nom; Quand Geoffroy du Bouès veut rassurer son arrière-petit-fils, mort la veille de Noël Beaumanoir, effrayé un instant de la résistance 1471, laissant deux filles, dont l'aînée se maria des Anglais ramenés par Croquard au combat, à Jean de Rieux, seigneur de Rochefort, et la après la mort de Bamborough, il lui fait remar- seconde, à Tanneguy du Chastel, seigneur de quer que Charruel, Tinténiac, Robin Rague- Renac et du Bois-Raoul. Les Raguenel pornel, La Marche, Arel, Rochefort, combattent taient écartelé d'argent et de sable, au lambel encore courageusement de lance, d'espée et de de trois pièces, parti de sable et d'argent. coutel, comme gentils jouvencels. Robin sortit. vainqueur de la bataille. Il donna, le 22 mai 1352, devant Fougères, une quittance de 93 li- RAGUIDEAU (Dom JULIEN), - bénédictin vres 40 sols tournois pour ses gages et ceux de la congrégation de Saint-Maur, né à Nantes de quatre escuyers, dix archers de sa compa- en 1628, prononça ses vœux à l'abbaye de gnie, « deservir et à deservir en ces présentes Saint-Melaine de Rennes, le 16 août 1647, et > guerres du roy nostre seigneur, ès parties de mourut le 1er septembre 1701 à l'abbaye de » Bretagne, d'Anjou, du Maine et de Norman-Saint-Valéry, en Picardie. On a de lui une » die, sous le commandement de noble homme Oraison funèbre de M. Charles-Henri de la » monseigneur Guy de Neelle, sire de Mello, Trémoville, prince de Tarente, prononcée à » mareschal de France, etc. » C'est le dernier | Vitré l'an 1672. Vitré, 1672, in-4° P. L...t. renseignement que nous connaissions sur ce brave chevalier.

RAIS (1) (GILLES, Baron de).- La France, Les Preuves de l'histoire de Bretagne de Dom au moyen âge, était courbée sous le joug de la Morice, aux colonnes 4116, 1126, 1127, 1183, féodalité. Chaque province avait, pour ainsi 1490, et le P. Du Paz, p 144, mentionnent un dire, son roi, ses priviléges et ses coutumes; Robin Raguenel, vivant en 1294, 1297, 1298, les grands seigneurs levaient des armées, exer1304. 1314, 1317, et qui était mort avant 1321.çaient la justice et battaient monnaie. Aussi C'était l'un des principaux personnages de la cour fallut-il bien du temps pour ruiner cette divide Bretagne sous Jean II, Arthur II et Jean III, sion anarchique. Philippe-Auguste, saint Louis dont il fut conseiller et chambellan. Exécuteur et Philippe-le-Bel ébranlèrent les pouvoirs pardu testament de Jean II. en 1304, il fonda la ticuliers, mais ne purent les détruire. « Pour même année, dans l'église de Saint-Pierre de » gagner des seigneurs puissants, dit Villemain. Rennes, une chapellenie, qu'il dota de dimes,» Charles VII leur accordait sur lui-même une dans les paroisses de Poligné, Pancé et Chan- » influence utile à l'Etat.» «Sous ce même roi, teloup. On voit dans cet acte qu'il était seigneur » suivant Châteaubriand, expirèrent les lois de de Chaster Oger, dominus de Castello-Orgerü.» la féodalité, dont il ne demeura que les habiseigneurie située dans la paroisse de Saint-Er-» tudes. » Mais ces habitudes rappelaient enblon. Il s'y intitule miles senior, et ces mots core trop la réalité. De 1461 à 1483. Louis XI, nous portent à penser qu'il avait dès lors un fils qui était chevalier; mais nous ne pouvons croire avec le P. Du Paz, p. 145, que ce fils fût le même que le combattant de Mi-Voie, donné par le poème comme un gentil jouvencel; celuici devait être le petit-fils du vieux Robin. Les chartes qui suivent la quittance dont nous avons parlé mentionnent un Jehan Raguenel, archer, en 1356, et chevalier en 1374. Il servait sous les ordres de Du Guesclin. Le P. Du Paz

en réunissant ouze grands fiefs à la couronne, porta un coup terrible à la noblesse; sa fille Anne de Beaujeu, Richelieu, Louis XIV et la Révolution achevèrent de la renverser.

Il est difficile aujourd'hui de se faire une idée de l'oppression qu'exerçaient sur leurs sujets

(1) On a écrit Rais, Raix, Raiz. Rays, Rayx, Rayz, et en latın Radesiarum dominus. ment employé au temps de Gilles; Retz est l'orthographe Rais est plus particulière. moderne.

ble, puisque le contrat de mariage de Gui de Laval et de Marie de Craon n'est, comme s'en est assuré Du Paz, que du 5 février 4404.

Bien que l'histoire se taise sur les premières années de cet homme célèbre, nous savons pourtant que, dès 1416, du vivant de son père,

certains de ces petits rois de château, si l'on n'étudie la vie privée d'un Guillaume, comte de Poitiers; d'un Jean V, comte d'Armagnac; d'un Thomas de Coucy; d'un Régnault de Pressigny et de tant d'autres, qui commirent des crimes, pour ainsi dire, sans précédents. Le maréchal de Rais, qui les surpassa tous, est un de ces per-il y eut un contrat de mariage, comme on en sonnages extraordinaires, dont le caractère, faisait alors, entre lui et Jeanne Paynel, fille étrange alliage de bien et de mal, résume et et principale héritière de Foulques Paynel, seitermine exactement une époque. « Cet homme, gneur de Hambie et de Briquebec; mais la » dit Mézeray, s'abandonna tellement à tous fiancée mourut avant que le mariage pût être » les crimes atroces contre Dieu et nature, que célébré. » le scandale de sa vie surpassa enfin la granA douze ans, Gilles de Rais entra donc en » deur de sa condition et de sa charge. » Aussi possession d'une immense fortune, sous la tuson procès et son exécution eurent-ils à la fois telle de son aïeul maternel, Jean de Craon, dont un immense retentissement et de sérieuses con- il n'écouta malheureusement pas les sages conséquences. Cet exemple inconnu d'un châti-seils. Il reçut, suivant l'usage, une éducation ment aussi terrible que mérité, devint pour la toute militaire, et parut bientôt à la cour du noblesse comme une incessante menace contre duc de Bretagne. « Il possédait, d'après le Méles licences effrénées qu'elle s'était permises » moire de ses héritiers, de la succession de feu et qu'elle pouvait être tentée de renouveler. » son père, la baronnie de Rais, composée de Sans rien ajouter à la triste réalité, nous fe- » plusieurs châtellenies et seigneuries, comme rons l'histoire déplorable de Gilles de Rais, au» de Pornic, Machecoul, Saint-Etienne-de-Malmoyen surtout du manuscrit de son procès,» lemort (1), Pruigné, Veuz, l'île de Bouyn, le conservé aux Archives de la préfecture de Nan- » château de la Verrière...., à cause de laquelle tes, livre effrayant, dit M. Chapplain, et » baronnie ledit Gilles était doyen des barons > sans pareil au monde; monument inouï de la» de Bretagne. » On a cependant mille preuves » dégradation et de la perversité humaines, où qu'il ne l'était pas, dit Travers, s'appuyant sur » se résument à la fois les honteuses supersti- des faits que lui fournit dom Morice, et qu'il » tions et les stupides barbaries de nos pères, ne pouvait même se qualifier du titre de pre> et les sublimes horreurs des derniers Césars. »mier baron du comté de Nantes. Ainsi, à l'en

I.

trée de l'évêque Jean de Montrelais dans la cathédrale de cette ville (4 avril 1383), Jean IV, duc de Bretagne, prétendit, comme seigneur de Rais, occuper le second rang parmi les barons;

Foulques de Montmorency, dit de Laval (4), seigneur de Chaloiau en Bourgogne, époux de Jeanne Chabot. fille et héritière de Gérard Cha-ce qui donna lieu à de vives contestations, qui bot III de Rais et de Marie de Parthenay, eut pour fils Gui de Laval, surnommé Brumor. Ce dernier laissa deux enfants de sa seconde femme, Thiphaine de Husson, nièce du connétable Duguesclin: l'aîné, mort jeune; l'autre, Gui de Laval, baron de Rais, père de Gilles et de son frère René.

Ainsi Gilles de Rais naquit au château de Machecoul, en 1404, de Guí II de Montmorenci, dit de Laval, marié à Marie de Craon, dame de la Suze, que sa généalogie, presque aussi pompeuse que celle des Montmorenci, faisait remonter à Béranger, duc de Frioul et d'Italie. Si l'on prend pour base de supputation le Mémoire des héritiers de Gilles (2), dans lequel il est dit âgé de vingt ans à la mort de son père, en 1416, on le fera naître en 1396, comme l'ont avancé la Biographie universelle et quelques autres ouvrages; mais cette date est inadmissi

(1) Histoire généalogique des plus illustres maisons de Bretagne, par Fr. Augustin Du Paz, in-f, p. 219, et Histoire de la maison de Montmorenci, par Désormeaux. Paris, 1764, T. 1", p. 120.

(2) Ce Memoire, dont l'original se trouve à Nantes, dans le Trésor des Chartes de Bretagne, arm. L, cassette G, a été publié, mais avec des suppressions et des inexactitudes, par Dom Morice, Preuves, t. II, col. 1336 et suiv.

ne se terminèrent que par la lecture d'un extrait des anciens registres de Nantes. Le premier rang fut accordé au sire de Pontchâteau, le second à celui de Rais, et les deux autres à ceux d'Ancenis et de Châteaubriant.

Gilles, outre les seigneuries citées, et 400 livres qu'il touchait comme attaché à la maison ducale, possédait le château de Princé, et était encore seigneur, à cause de sondit père, des terres de Blaison (2), Chemillier, Grattecuisse, Fontaine-Millon, Lamotte-Achard, la Meurière, Ambrières, Saint-Aubin-de-Fosse, Louvain, de plusieurs autres.

et

Malgré son jeune âge, il rechercha bientôt Béatrix de Rohan, fille puînée d'Alain de Porhoët, et la convention arrêtée entre eux fut șignée à Vannes, le 28 novembre 1448, par les ducs de Bretagne et d'Alençon, et le comte d'Etampes, mais elle ne reçut pas encore de réalisation.

Enfin, il épousa, par contrat du 30 novembre 1420, Catherine de Thouars, dame de Pouzauges, fille unique de Milles de Thouars et de Béatrix de Montjean, dame de Chabanais et de

(1) On écrit aujourd'hui Mer-Morte.

(2) Située près des Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire).

RAI

Confolans. Ils n'eurent qu'une fille unique Marie de Laval, dame de Rais, qui, mariée à Prégent, sieur de Coëtivi, amiral de France, puis, en 1450, à André de Laval, connu sous le nom de maréchal de Lohéac, mourut sans postérité, le 1er novembre 1457. Gilles reçut en mariage Pouzauges, Tiffauges, Chabanais et Confolans, Château-Morand, Savenay-Lombert, Grez-sur-Maine et autres terres.

Ajoutons, pour compléter l'énumération des biens qu'il a possédés, que Jean de Craon, son tuteur, lui laissa en mourant, en 1432, l'hôtel de la Suze (4), à Nantes, et la terre du même nom, Brioley, Châteaucé, Ingrande, le Loroux-Botereau, la Bénate, Bourgneuf-en-Rais, Sénéché, la Voulte-près-Montoire en Vendemois, l'île de Bouin en partie et autres pays.

«La fortune de Gilles, dit M. de Sourdeval (Sires de Rais, p. 49), est évaluée, dans le Mémoire de ses héritiers, à un revenu de trente mille livres en vrai domaine (non pas trois cents mille livres, comme le dit la Biographie de Michaud. l'auteur ayant pris le change sur un zéro (2), sans les autres profits qu'il tirait de ses sujets. Il recevait en outre, pour son office de maréchal de France, des gages et pensions du roi, avec des dons gratuits, ce qui pouvait élever son revenu total à quarante ou cinquante mille livres.»<< Il avait, dit Désormeaux, des biens immenses, près de soixante mille livres (3) de revenus, fortune qui doit paraître d'autant plus éclatante, que l'apanage des frères et ducs de Bretagne ne montait alors qu'à six mille livres de rentes. »

Gilles portait pour armes celles de la maison de Rais, d'or à la croix de sable, dont il est fait mention pour la première fois en 1400, dans l'acte par lequel Jeanne Chabot, dame de Rais, institua Gui de Laval, père de Gilles, son unique héritier, et lui enjoignit de quitter les armes de Montmorenci-Laval pour prendre celles de Rais, qu'il ne faut pas confondre avec celles de la maison de Machecoul, qui sont : Trois chevrons de gueules en champ d'argent (4).

que

(1) Cette somptueuse demeure s'élevait sur l'emplacement occupé aujourd'hui par l'hôtel de la Tullaye, rue

Notre-Dame.

(2) Voici le passage qui a probablement donné lieu à cette évaluation, et que M. de Sourdeval ne connaissait pas: Il avait eu en meubles plus de cent mille écus d'or; et ses terres lui rapportaient trente mille livres de rente, qui, dans ce temps-lå, en valaient plus de trois cent mille, sans compter des profits de fief et les gages de son office de maréchal de France. Histoire de Bretagne, par D. Lobineau, t. I", p. 614.

(3) Ce revenu vaudrait aujourd'hui deux millions quatre cent soixante-quinze mille francs, en suivant les évaluations de M. Leber. (Essai sur l'appréciation de la fortune privée au moyen-âge. Paris, Guillaumin, in-8°.)

(4) Le petit sceau de Tiffauges, sous Gilles de Rais, dont la matrice, recueillie par M. Fillon, fait partie de la collection de M. Parenteau, à Nantes, se compose d'un écu d'azur semé de fleurs de lis d'argent sans nombre, qui est de Thouars, charge des armoiries de Rais, timbré d'un T avec ces mots : PS: DES CONTRAS: DE: THEFAV:

Gilles, profitant de la bonté et de la faiblesse de son aïeul et tuteur, s'affranchit bien vite de toute autorité et resta maître absolu de ses actions. Encore enfant, il prit toutes les allures d'un homme, et devint, avant l'âge, un véritable héros. Suivant Villaret (Histoire de France, t. XV), « une taille majestueuse, une figure séduisante, rehaussaient l'éclat de sa valeur. » Il avait de l'esprit, mais beaucoup d'orgueil. Il était puissant par la naissance et avait « avec cela, dit Lobineau, quelque teinture des lettres et de la religion.. Malheureusement, il ne possédait pas cette science solide qui vous donne, avec la modestie, la conscience de votre juste valeur, car il ne songeait qu'à briller et à s'élever par le luxe au dessus de ceux qui l'entouraient. Cependant, les hauts faits de bravoure de son aïeul Brumor, l'un des plus intrépides chevaliers de son siècle, et de son grand oncle, le célèbre connétable Duguesclin, l'enflammaient du désir d'acquérir une renommée au moins égale, sinon supérieure, à celle de ces. illustres guerriers. Aussi, dès 1420, saisit-il, malgré son extrême jeunesse, une occasion de se faire valoir. Entré au service du duc de Bretagne, il contribue à la délivrance de son souverain, trahi par les Penthièvre. Marguerite de Clisson et ses enfants, après s'être emparés par ruse de Jean V, le promenaient de château en chateau, et, pour le dissimuler, le plongeaient dans de sombres cachots. A la nouvelle de cette séquestration, la duchesse se présente en pleurs avec ses deux enfants devant les Etats. On jure de venger le noble prisonnier, et la Bretagne se lève tout entière. Le jeune baron de Rais marche à la tête de ses nombreux vassaux, et assiste aux siéges de Lamballe, de Guingamp, de la Roche-Derrien et de Jugon. Bientôt Marguerite de Clisson, assiégée dans Châteauceaux, est obligée de capituler, et Jean V, rendu à la liberté, est ramené en triomphe à Nantes. Alors Gilles se fait remarquer, par sa magnificence et ses largesses. pendant les fêtes qui ont lieu dans cette circonstance. Faut-il reprendre les armes pour exécuter l'arrêt qui condamne les Penthièvre? Il acquiert une véritable renommée de courage militaire sous Arthur de Richemont. Il assiste avec son aïeul, le sire de La Suze, conseil du duc, puis paraît aux siéges et aux prises des châteaux de Clisson et des Essarts.

au

P GS: DR: Petit sceau des contrats de Thefau (Tiffauges) pour Gilles, seigneur de Rais.

Le grand sceau de Gilles, reproduit par Dom Lobineau, dans son Histoire de Bretagne, t. II, à la date de 1436, fig. CCXVIII, se trouve aussi sur un acte de vente de Gilles à Malestroit, évêque de Nantes, agissant au nom du duc de Bretagne, conservé aux Archives de la LoireInférieure, Trésor des Chartes de Bretagne, arm. 0, Voir aussi un portrait équestre du cass. D, n° 6. Cette pièce porte la belle signature du maréchal : GILLES. baron de Rais dans les Monuments de la Monarchie française, par Montfaucon, t. III. p. 277, pl. LVIII. Il porte de Laval-Montmorenci sur son écu et sur le caparaçon de son cheval.

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