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XII., en avaient eu quelque idée imparfaite. Frédéric les perfectionna, les introduisit dans son infanterie et ensuite dans sa cavalerie...Les batailles de Leuctres et de Mantinée lui donnèrent l'idée de son ordre oblique. Mais qu'il y avait loin de cette manoeuvre qu'Epaminondas fit avec cinq à six mille hommes dans une petite plaine où il pouvait tout conduire, tout voir, tout réparer, à en faire l'application à nos grandes armées allongées à perte de vue dans des térrains coupés et inégaux, tels que ceux que nous recherchons aujourd'hui pour combattre qu'il fallut à Frédéric de talent et d'art pour s'approprier cette combinaison, et pour la transporter sur une échelle aussi immense!... L'exemple de César à Pharsale lui enseigna l'usage des troupes placées en potence ou en crochet aux ailes, et c'est là sans doute qu'il prit la méthode constante d'avoir des brigades de flanc, et de placer derrière la pointe de ses ailes de cavalerie des réservés de hussards en échelon ou en colonne pour envelopper l'ennemi au moment de la charge. Il y a ainsi des leçons de tout genre parsemées dans les débris des siècles; les générations passent et repassent sans les mettre à profit, jusqu'à ce qu'enfin un esprit supérieur s'élève et s'en empare, etc."

Pour prouver que l'art de saisir les détails et de les peindre avec une vérité touchante n'est pas étranger au talent de M. de Guibert, nous ne nous permettrons de citer que le morceau suivant.

"Peu de temps avant sa mort, un officier français,

avide de l'apercevoir seulement et d'emporter ce grand souvenir, pénètre dans les jardins du palais; il s'avance pas à pas, et à la faveur d'une palissade, il voit près de l'appartement du roi, sur les marches du péristile, un homme seul et assis. Cet homme était vêtu en uniforme et à demi recouvert d'un manteau; il était coiffé d'un grand chapeau à plumet, une seule de ses jambes était bottée, l'autre était allongée, et il paraissait en souffrir; il caressait un chien, et il se ranimait aux rayons du soleil levant. Cet homme était Frédéric, et ce costume, dont l'originalité même a quelque chose de grand, ce tableau, dans lequel on voit tout ensemble le héros qui dispute à la mort les restes d'une vie qui peut être utile encore, et le philosophe qui s'approche avec simplicité de sa fin, sont piquans à transmettre à la postérité."

Nous avons déjà relevé, dans l'ouvrage de M. de Guibert, une erreur en histoire politique, qu'on a peine à concevoir; il en a commis une autre en histoire littéraire, que nos journalistes lui pardonneront encore moins, c'est d'avoir dit que lorsque Frédéric commença ses liaisons avec Voltaire, la Henriade n'avait pas encore paru, tandis que dans la première lettre que Voltaire reçut du prince royal de Prusse, en 1736, lettre imprimée dans toutes les éditions de Voltaire, le premier ouvrage dont ce prince lui parle est précisément la Henriade. Si des fautes de ce genre sont très-faciles à corriger, elles prouvent toujours avec quelle précipitation M. de Guibert

a composé cet éloge; si c'est le plus grand tort de l'ouvrage, peut-être en est-ce aussi la seule excuse.

Toute impertinente qu'elle est, comment ne pas rappeler ici la saillie échappée à la vivacité de l'abbé Delille, après la lecture qu'il avait entendu faire dans une société fort nombreuse de l'éloge de M. de Guibert, avant qu'il fût imprimé ? Tout le monde accablait l'orateur d'éloges, notre étourdi d'abbé lui adressa ces deux vers impromptu :

Que vous avez bien peint ce fameux potentat

Qui vécut comme un tigre et mourut comme un chat! Cette folie a du moins un sens raisonnable, c'est de reprocher à l'auteur de n'avoir montré, pour ainsi dire, son héros que sous un seul rapport, d'avoir trop laissé dans l'ombre des vertus qui, sans exciter la même admiration, sont cependant plus intéressantes pour l'exemple des rois, et pour le bonheur de l'humanité.

Juin, 1787.

Inscription du nouveau kiosque astronomique qu'on vient de construire au Jardin du Roi, sur la partie la plus élevée du labyrinthe.

Dum calore et lumine mundum sol vivificat, Ludovicus decimus-sextus sapientiâ et justitiâ, humanitate et munificentiâ undique radiat.

M. de Piis a essayé de la faire passer dans notre langue sans y employer plus de quatre vers, et en n'ajoutant, pour développer cette noble comparaison, que deux ou trois mots pris de la même métaphore:

France, quand le soleil donne la vie au monde,

Par sa chaleur et sa clarté, ·

Sage, humain, libéral, rayonnant d'équité,
Louis de toute part t'éclaire et te féconde.

Anecdote.

L'abbé Delille avait l'honneur de souper, ces jours derniers, avec M. le duc d'Orléans. Pendant qu'on était à table, on lui apporta un gros paquet de lettres qu'il voulut mettre dans sa poche sans Pouvrir; on le pressa de voir ce que c'était. Je le sais, ce sont des vers d'un poète de province. On insiste davantage; voyons. A peine a-t-il jeté les yeux sur la nouvelle épître, qu'il dit à M. le duc d'Orléans: Monseigneur, ce n'est point à moi, c'est à votre altesse que ceci s'adresse.

Qui peut de tes Jardins sonder la profondeur ?

Juillet, 17871

Essai sur la Nature champêtre, en vers, avec des Notes. Un vol. in-8.

Cet Essai, en cinq chants, est de M. le comte de Marnésia, de Franche-Comté. C'est un nouveau poëme sur les jardins, mais qui n'est pas fait assurément pour faire oublier ceux de M. l'abbé Delille. Dans les deux premiers chants, l'auteur retrace les beautés et les défauts qu'offrent les jardins de différens peuples, des Anglais, des Hollandais, des Italiens, des Français, etc. Il dit des Allemands: Ils auront des jardins, puisqu'ils ont des poëtes. Dans les trois derniers chants il donne des préceptes sur

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l'art de cultiver la nature; il y a dans ses leçons plus de raison que de méthode, plus de goût et de sensibilité que d'imagination et de poésie. Ce qu'il recommande surtout, c'est de ne jamais forcer les effets, d'embellir la terre en la fécondant, de diriger toujours les ornemens vers un but d'utilité, etc.

On a remarqué dans ce poëme quelques détails heureux, de la douceur, de la facilité, mais en général peu de couleur, un style faible et lâche qui manque souvent de verve et de correction; il arrive même quelquefois à l'auteur de dire précisément le contraire de ce qu'il voulait dire, comme dans ce

vers:

Le fard du Marini fait adorer Virgile.

Il serait aisé de relever un grand nombre de fautes de ce genre, mais nous préférons de donner à nos lecteurs une idée plus avantageuse du talent qu'on ne saurait refuser à M. de Marnésia en citant un des meilleurs morceaux de son ouvrage, c'est le commencement de la description des jardins anglais.

A la Cour, au Sénat, dans son parc solitaire,
Il porte en tous les lieux le même caractère,
Et semblable aux volcans dans le Nord allumés,
Toujours couverts de neige et toujours enflammés,
Il cache un cœur de feu sous l'austère apparence
D'un philosophe froid qui médite en silence.
Adorateur des arts, il en brave les lois,
Et regarde le goût du même œil que ses rois.
Le génie est son guide, et pourtant il s'égare;
Sublime quelquefois et plus souvent bizarre,
Entassant des beautés sans ordre, sans dessein,
D'un tyrannique usage il croit braver le frein;

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