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succès sur ce nouveau Théâtre, même sur le dernier des tréteaux de la Foire, d'autant plus qu'il n'en est aucun qui ne soit aujourd'hui dans le sens le plus rigoureux de la Révolution.

Les Deux Figaro sont d'un acteur de la troupe

de Bordeaux, du sieur Martelli, ci-devant avocat, et tellement estimé pour sa conduite et ses mœurs, que, malgré la nouvelle profession qu'il avait embrassée, ses anciens confrères ne l'ont point rayé de leur tableau.

Figaro, jaloux et dégoûté de Suzon, est venu à bout de brouiller le comte Almaviva avec sa femme, et la maîtresse et sa suivante ont été reléguées dans un château assez éloigné de celui d'Aguas Frescas. Un certain don Alvar, ancien camarade de Figaro, mais qui à la mort de son père a retrouvé des titres qui le constituent gentilhomme, s'est introduit chez le comte Almaviva; il est amoureux de sa fille qu'il n'a jamais vue, ou plutôt d'une dot immense dont il apprécie parfaitement tout le mérite. Figaro sert ses projets, et dix mille écus doivent être le prix du mariage de don Alvar avec la fille du comte Almaviva. Figaro feint de désapprouver ce mariage pour le faire réussir; le comte n'attend plus que sa femme et sa fille pour le conclure. Telle est à-peuprès toute l'action des deux premiers actes. Ce qu'on y trouve de plus neuf et de plus gai, c'est une scène où deux pauvres auteurs viennent consulter Figaro sur le plan d'une comédie qu'ils se proposent de faire. Figaro donne à l'un d'eux le fonds même

de l'intrigue qu'il conduit, lui peint les principaux personnages d'une manière peu flatteuse pour le comte Almaviva et pour don Alvar. En attendant la suite des incidens qu'il promet de fournir incessamment à son protégé, il critique d'une manière assez amère le talent et le caractère moral de l'auteur de la Folle Journée; malgré l'irrévérence avec laquelle on y parle du bon homme qui a couru quelques risques dans la Révolution, quoiqu'il prétende y avoir contribué plus que personne par son opéra de Tarare; cette scène n'est pas une des moins heureuses de la pièce.

La comtesse Almaviva, sa fille et Suzon arrivent au commencement du troisième acte. Le comte presse le mariage qu'il a projeté, mais il y trouve une grande opposition de la part de sa femme et de sa fille; la jeune personne a un amant qu'elle adore, et cet amant c'est le fameux Chérubin. Ce charmant filleul de la comtesse est aujourd'hui colonel; depuis dix ans on ne l'avait vu paraître au château d'Aguas Frescas, mais il passe ses hivers auprès de celui où le comte a relégué sa femme et sa fille. C'est ainsi que l'auteur justifie l'apparition subite de Chérubin, qui, vêtu comme Figaro, n'est reconnu par lui, ni par son maître. Le comte accepte le faux Figaro pour domestique; celui-ci s'excuse

ni

Le peuple s'est porté plusieurs fois à la maison de Beaumarchais pour y chercher des blés et des armes qui n'y étaient pas; il eut même une fois l'intention de le pendre, ce que nous nous glorifions d'avoir heureusement empêché le 28 août 1789.

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d'avoir pris ce nom sur la brillante réputation dont il jouit; au reste, il était libre, dit-il, de le prendre ainsi que son premier titulaire, étant comme lui un enfant anonyme, épithète qu'il emploie dans l'acception que Beaumarchais lui a donnée.

Figaro se méfie de son cadet. Ce dernier lui annonce franchement qu'il n'est venu que pour déranger ses projets; il le persifle sur ses talens pour l'intrigue; il parcourt ceux qu'il a déployés soit dans le Barbier de Séville, soit dans la Folle Journée, et n'attribue le succès de tous les moyens qui l'ont fait réussir dans ces deux comédies qu'à l'extrême bêtise du comte d'Almaviva, ou à l'excessive maladresse des ressources qu'on s'est contenté de lui opposer.

Voilà donc la guerre déclarée entre Chérubin et Figaro. Le premier déjoue continuellement les projets et la sagacité du second; mais l'auteur a trop oublié de justifier tout le mal qu'il s'est permis de dire de l'esprit et des talens du Figaro de Beaumarchais, en nous montrant que le sien en avait réellement davantage. Ce qu'il invente n'est pas très-neuf, quoiqu'il en résulte quelques situations assez piquantes, quelques scènes assez gaies; telle est celle où le comte Almaviva, caché dans un cabinet, surprend sa femme et sa fille avec Chérubin, et pense tout savoir en découvrant que ce nouveau serviteur est un fourbe qui veut empêcher le mariage qu'il a conclu avec don Alvar. On a vu avec plus de plaisir encore la scène où Figaro, venant de faire congédier son cadet, triomphe et se croit bien vengé; c'est dans

ce moment que son poëte vient lui demander la suite de l'intrigue qu'il lui a promise; enivré de ses succès, Figaro lui répond à peine. Le poëte prend la joie et le délire de Figaro pour une inspiration de son génie créateur, il écrit tout ce qu'il lui entend dire, ce qu'il a fait, ce qu'il fera encore, et sort convaincu qu'il ne manque plus à sa pièce qu'un dénouement qu'il se promet bien de venir demander incessamment à son génie protecteur.

Un notaire, attendu pendant toute la pièce, arrive enfin. Le poëte paraît avec sa comédie, il prend le notaire pour un second auteur auquel Figaro a donné le même sujet à traiter. Le comte Almaviva et son gendre futur prennent à leur tour le poëte pour le notaire qu'ils ont mandé, et regardent tout ce qu'il leur dit du caractère des interlocuteurs de sa pièce comme des injures que l'insolent Figaro s'est permis de faire insérer dans le contrat. Le quiproquo s'é- . claircit; le véritable notaire revient, et les parties sont sur le point de signer, lorsque le colonel Chérubin paraît en habit militaire; il obtient la préférence sur don Alvar, dont il vient démasquer le caractère, l'origine et les indignes manœuvres. Ce chevalier d'industrie va chercher fortune ailleurs, et ne tarde pas à être suivi de Figaro qu'on chasse comme il l'a bien mérité du château d'Aguas Frescas.

Telle est à-peu-près la marche d'un ouvrage qui offre souvent des intentions comiques, une intrigue assez bien conçue et liée avec adresse; mais auquel il manque essentiellement cette rapidité d'action que

demande ce genre de comédie, et surtout un dialogue plus piquant et plus varié.

Il paraît que la première idée de l'auteur était de faire simplement une critique du Mariage de Figaro, et qu'entraîné par une conception heureuse il a fait plus et mieux qu'il ne voulait faire d'abord. C'est la suite, dit-on, d'une gageure. M. de Beaumarchais n'ayant pas été content de la manière dont le sieur Martelli avait joué à Bordeaux le rôle d'Almaviva, le lui fit sentir assez durement. Vous avez absolument manqué le rôle, lui dit-il. Eh bien! lui répliqua l'auteur, si j'ai manqué le rôle, je tâcherai de ne pas manquer la pièce. Et il fit les Deux Figaro.

Cartel sérieux, ou Lettre de M. T*** à un de ses amis.

Monsieur, demain à midi au bois de Boulogne vous me ferez raison du regard que vous lançâtes hier; demain, Monsieur, c'est-à-dire, lorsque le temps vous aura donné à vous le loisir de vous repentir, à moi celui de m'apaiser, et qu'il ne laissera plus ni à vous ni à moi l'excuse du premier mouvement, nous nous égorgerons, s'il vous plaît, de sangfroid. Je vous crois trop brave pour témoigner du regret de la faute que vous avez faite, et je pense, de mon côté, trop noblement pour ne pas la laver dans votre sang ou dans le mien; vous pensez bien qu'en me manquant d'égards vous m'avez donné droit sur votre vie, ou vous l'avez acquis sur la mienne. Je

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