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L'auteur a

de succès que dans sa nouveauté. bouleversé toute l'ordonnance de sa pièce. Au premier acte le Roi Duncan paraît lui-même, et c'est dans une scène de ce malheureux Prince avec son confident que se fait l'exposition du sujet. Le couronnement de Macbeth qui occupait presque tout le quatrième acte est entièrement retranché, ainsi l'on ne voit plus le trône ni le fantôme du Roi qui en écarte son assassin. Il a essayé de remplir les vides de ce nouveau plan par le rôle de la Sibylle Erichthoné qu'il a chargée, pour ainsi dire, de faire l'office des anciens chœurs de la tragédie grecque. Les longs discours de cette Sibylle pleins de morale et d'épouvante n'ont pas eu le bonheur de réussir. De toutes les scènes nouvelles ajoutées à cette tragédie, celle qui nous a paru produire le plus d'effet est la scène où la femme de Macbeth arrive sur le théâtre en somnambule, une lampe dans une main, un poignard dans l'autre, tout occupée de ses remords et ne pouvant effacer les taches de sang qu'elle croit voir sur ses mains; madame Vestris a rendu cette situation avec la vérité la plus terrible et la plus imposante; sa noble figure, le caractère de son regard et surtout l'immobilité habituelle de ses yeux l'ont également bien servie dans ce moment. La pièce n'a été donnée que trois fois et toujours avec des changemens assez considérables; il faut donc attendre que l'auteur ait arrêté entièrement ses idées pour essayer d'en rendre un compte plus détaillé, mais, quelque parti que prenne M. Ducis, il est

permis de douter qu'il puisse jamais parvenir à rendre l'ordonnance de cette pièce intéressante et raisonnable. Ce tableau de remords prolongés durant l'espace de trois actes, quelque abondante et quelque variée qu'en soit l'expression, tourmente l'âme, au lieu de l'attendrir et de l'intéresser. Macbeth, je crois, est un de ces sujets qu'on ne peut bien traiter qu'à la manière anglaise; en employant avec art ce que Shakespeare y a répandu de spectacle et de merveilleux, peut-être sesait-il plus aisé d'en faire un bon opéra qu'une bonne tragédie. Si M. Ducis ordonne mal ses ouvrages, il n'en est aucun qui n'offre de grandes beautés de détail; il fait aussi bien une scène qu'il fait mal une pièce entière. Son style n'est pas toujours pur, mais il est souvent plein d'imagination, de force et de sensibilité; la couleur est vraiment tragique, et Macbeth est rempli de beaux vers qui ont été fort applaudis, quelque froidement qu'on ait reçu d'ailleurs l'ensemble de la pièce.

Juillet, 1790.

Traduction d'une ode de M. Klopstock, par M. le chevalier de Bourgoin,* Ministre du Roi à Hambourg.

France! un beau jour s'annonce à mon cœur transporté,
C'est celui de ta gloire et de ta liberté.

* L'auteur du Nouveau Voyage d'Espagne, en trois volumes in-8°, qui parut il y a quelques années, et qui a été traduit depuis en plusieurs langues.

Parais, soleil nouveau, viens consoler le monde.

Qui l'eût pensé ? Ma verve en beaux songes féconde
Est encore au-dessous de la réalité.

En vain soixante hivers ont fait blanchir ma tête,

Ma tête en dépit d'eux conserve sa vigueur.
Rare bienfait du ciel, je lui dois le bonheur
D'être contemporain de cette auguste fête.
Francs! (agréez ce titre et noble et fraternel)
Pardonnez si jadis au Germain trop docile,
De ses légers voisins imitateur servile,
Ma muse patriote a prodigué son fiel.

Elle crie à présent en changeant de langage:
Des Francs régénérés par leur aréopage
Imitez désormais l'exemple solennel.

Lorsque ce Roi, du Nord la terreur et le lustre,
De l'univers ligué bravait les potentats,
Seul avec sa valeur défendait ses Etats,

J'ai dit: C'est de mon temps le fait plus illustre.
Je me trompais; la France au sein de ses foyers
A l'Europe attentive offre un plus grand modèle:
Voyez-la s'imposer la couronne immortelle
Dont le patriotisme a tressé les lauriers.

O couronne cent fois plus brillante et plus belle
Que ces lauriers sanglans, l'ornement des guerriers,
Conserve toi toujours sur l'Europe et sur elle !

Lettre de M. de Voigt à M. le Chevalier a

Bourgoin.

De Hambourg, le 18 Juillet, 1790. Je ne peux vous exprimer, mon ami, à quel point je partage cet enthousiasme qui a porté cent mille personnes de tout état et de tout sexe à travailler au Champ-de-Mars, dès qu'on a craint que la lenteur des travaux ne nuisît à la célébration de

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la plus belle des fêtes; nous en attendons des nouvelles avec la plus vive impatience. O combien cela sera intéressant! Nous avons aussi célébré ce grand jour à Hervestade, joli village à peu de distance de cette ville. Nous étions quatre-vingts personnes; les dames étaient vêtues en blanc avec des ceintures et des cocardes aux couleurs de la Nation. A midi 32 minutes, moment où nous avons calculé que le soleil passait sur votre méridien, un coup de canon a été tiré, et les dames ont chanté un chœur dont les paroles analogues à la circonstance étaient de M. S***, mon confrère. M. Klopstock, qu'on nomme avec raison le Milton de l'Allemagne, a lu à l'assemblée deux odes, dont l'une surtout a obtenu les plus vifs applaudissemens. Ce bon vieillard pleurait de joie en les récitant, le feu de la jeunesse animait ses vers et lui-même. Le docteur Reimarus a prononcé un discours plein d'énergie, quoique simple. Nous avons ensuite dansé, dîné, chanté, et puis encore dansé; notre joie était pure et sans mélange, les sentimens de patriotisme et de liberté étaient universels parmi nos convives.

Nous avons formé un club, nous nous rassemblerons le 14 de chaque mois; dans ces séances le président fera l'historique des progrès de la philosophie pendant le mois précédent, nous réunirons les journaux et les ouvrages nécessaires pour cet objet. Ce sera peut-être encore quelques années vox clamantis in deserto, mais le temps de l'Alle

magne arrivera, et peut-être est-il à desirer qu'il n'arrive pas avant que les lumières aient rendu ces contrées dignes de la liberté, car nous sommes encore un peu arriérés; quand je dis nous, j'excepte les Hambourgeois. Fortunatos nimiùm si sua bona norint. Je suis, etc.

Copie d'une Lettre de M. Prévost, membre de l'Académie de Berlin, à un ami de l'auteur des Premiers Principes du Système social appliqués à la Révolution présente.

J'ai lu dernièrement, Monsieur, un écrit profond et ingénieux qui m'a suggéré quelques remarques dont j'ai cru devoir faire part à l'auteur. Comme c'est un sujet intéressant, je vous envoie la copie de ma lettre.

A Monsieur ***.

La dernière partie de votre ouvrage, qui est toute en applications, est certainement d'un bon observateur, et il faut que vous ayez fait un voyage à Paris pour avoir si bien analysé les ressorts de la Révolution. Je ne me range pas tout à-fait sous vos étendards, mais je ne puis m'empêcher de reconnaître la justesse de vos réflexions; je trouve seulement que le dernier résultat auquel elles aboutissent, qui est celui qu'annonce votre épigraphe, sent un peu trop le découragement. Quant au Gou

* For forms of government, let fools contest,
Whate'er is best administered is best.

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