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que, pressé par ses instances, Vernet consentit à le lui donner. Il avait oublié que ce tableau était promis au Cardinal son protecteur. Son Eminence arrive, elle est enchantée, elle annonce au jeune peintre qu'elle regarde ce tableau comme son chefd'œuvre, et ordonne à ses gens de le porter dans sa voiture, lorsque le perruquier tombe à ses pieds en la priant d'avoir pitié de lui, et lui annonce en fondant en larmes qu'il ne survivra pas à la perte de ce tableau. Vernet interdit, mais interpellé par le Cardinal, lui avoua la cause d'une scène si singulière; le Cardinal lui-même, touché de l'amour de ce perruquier pour l'art, justifia l'indiscrétion de Vernet en permettant que le tableau restât au perruquier. C'est un Point du jour, un des meilleurs tableaux que Vernet ait laissés à Rome.

Notre jeune peintre aimait passionnément la musique. Il était lié de la plus étroite amitié avec le célèbre Pergolèse; cette amitié fut si tendre, qu'on ne prononçait presque jamais devant Vernet le nom de Pergolèse sans que les souvenirs que ce nom lui rappelait ne lui fissent répandre des larmes : ils vivaient presque continuellement ensemble. Le peintre avait chez lui un forte-piano pour amuser son ami, et de même le musicien avait chez lui un chevalet et des palettes: l'un faisait de la musique pendant que l'autre peignait, et Vernet m'a souvent dit que ces momens ont été les plus heureux pour son génie et pour son cœur ; les chants de Pergolèse lui donnaient le sentiment de la plus belle nature: et

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souvent, disait-il, j'ai dû les teintes les plus suaves et leur, accord à l'impression que me faisaient éprouver le charme de l'harmonie et la douce voix de mon ami. C'est ainsi que Vernet vit créer le Stabat et la Serva Padrona: cet intermède eut le plus grand succès; mais le Stabat, fait pour un petit couvent de religieuses, dans lequel Pergolèse avait une sœur tourière, n'en eut presque point. Pergolèse, qui, en composant rapidement ce chefd'œuvre, n'avait cru ou voulu faire qu'un acte de complaisance, se moquait de son ami, affligé d'un succès qui démentait l'opinion qu'il avait conçue de cette composition. Ce fut Vernet qui fit entendre une seconde fois ce sublime Stabat à des Dilettanti; sans Vernet cet ouvrage fût resté enfoui dans le cloître pour lequel il avait été fait. Il eut le plus grand succès; on regarda dès-lors cette composition comme le chef-d'œuvre de Pergolèse, et la postérité confirmera ce jugement, parce que, dans les arts, ce qui est vraiment beau ne dépend jamais des caprices de la mode.

Le sentiment musical de Vernet et l'amour qu'il avait pour cet art lui firent accueillir avec intérêt Grétry quand il vint à Paris: il devina son talent, il prédit ses succès, et je lui ai souvent entendu dire que quelques traits de la figure de Grétry, sa constitution délicate et surtout plusieurs de ses chants simples et expressifs, lui rappelaient douloureusement l'hommeimmortel à qui la musique a dû sa plus grande puissance, puisque c'est à Pergolèse qu'elle

doit cette attention à l'expression des paroles, et cette intention dans les accompagnemens dont ce grand homme a donné à l'Italie les premiers modèles.

Vernet a démenti constamment la fausse tradition que Pergolèse était mort empoisonné. Les grands talens sont comme les princes dont le règne ou les actions ont eu de l'éclat; on se plait à ne pas vouloir qu'ils meurent d'une mort naturelle, et on croit ajouter à l'intérêt qu'ils ont inspiré pendant leur vie, en la leur faisant perdre par des circonstances extraordinaires. Pergolèse mourut dans les bras de son ami, d'une maladie qui l'avait fait languir plusieurs mois.

Vernet nous a été enlevé rapidement par une fluxion de poitrine. Bon mari, bon père, excellent ami si ce grand peintre emporte les regrets de ceux même qui ne le connaissaient que par ses ouvrages, il en a laissé de bien plus douloureux à ses amis: il pouvait compter dans ce nombre tous ceux qui jouissaient habituellement de sa société, qu'il savait rendre intéressante, sous des rapports même qui ne tenaient en rien à l'art qu'il a tant illustré. Il y a eu, disait-il lui-même, des hommes au-dessus de moi dans presque toutes les parties du genre auquel je me suis appliqué; mais je puis me flatter, je crois, qu'aucun ne les a réunies toutes au même degré, et c'est qui peut bien me donner sur eux quelque avantage.

Le Don patriotique.

Un quidam bon mari, mais meilleur citoyen,
Rêvant patriotisme et songeant au moyen
Que Necker a trouvé de sauver la Patrie,
Lui dit: Voyez ma femme, elle est jeune et jolie,
Elle inspire à-la-fois l'amour et l'amitié.

Je vous devais mon quart, je donne ma moitié.

Gallica Felicitatis publica
Monumentum.

Anno MDCCLXXXIX.

Principibus fugatis ;

Fide Militum mutatâ ;
Plebe armatâ, fæce imperante

Vectigalibus negatis ;

Vacuo Erario:

Incertâ et impeditâ Annonâ;

Castellis Nobilium incensis;
Sacerdotibus miserrimo ludibrio traditis;

Donariis Templorum ablatis ;

Confusis ordinibus ;

Juribus adæquatis ;

Permixtis Provinciis ;

Legibus eversis ;

Versaliis captis ;

Custodia Regis à sicariis exturbatâ ;

Ipso Rege innoxio, inermi, in Urbem adducto,

Incarcerato,

Decreta quævis sanciente,

Suadente Mirabeau ;

Philippo Aurelianensi machinante,

Spectante, largiente,

Demum profugo;

Administrante Neckro;

Stupente ac detestante Europâ;

Inter suspendia, incendia, cædes,
Galliâ deliberante et lætabundâ,
Felicitas publica.

Copie d'une Lettre de madame la marquise de Champcenetz à un Député démagogue.

De Naples, le 16 Novembre 1789.

Voyez où vos beaux principes ont précipité une malheureuse créature! Sur les bords d'une mer furibonde d'un côté, et de l'autre, au pied d'un volcan, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à votre Assemblée nationale; car, comme elle, tout ce qui en sort détruit tout, ravage tout, et fait fuir tous ceux qui aiment à dormir en paix.

Vous m'aviez promis de me donner des nouvelles ; mais cette fameuse Constitution à faire ou à défaire, et un Royaume, le plus beau Royaume de l'univers, à détruire, vous occupent trop pour vous laisser le loisir de penser aux pauvres victimes de vos fureurs. J'ai donc fait 400 lieues pour ne pas me trouver sous la lave. J'ai cru que je serais dédommagée de l'éloignement de ma Patrie par un beau ciel, par un beau sol et de belles villes, et je n'ai encore rien vu qui puisse être comparé à Paris, la Lanterne ôtée. Quant au ciel, il est ici cent fois plus vilain qu'en France. L'Italie ressemble au Paradis terrestre avant la création de l'homme; il n'y manque plus qu'un peuple digne de l'habiter et de le cultiver. Je vous proteste que je n'ai rien trouvé au bout de ma course qui puisse

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