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poésie, autant d'imagination qu'il y en a dans ce seul morceau.

Après les deux discours, M. Marmontel a annoncé que M. de Fontanes avait remporté le prix de poésie, et qu'une Epître de M. l'abbé Noël sur le même sujet avait obtenu une mention honorable. L'auteur a désiré de lire lui-même la pièce couronnée. On a remarqué dans le Poëme sur l'Edit en faveur des non Catholiques, les portraits de Bossuet et de Fénélon, surtout le dernier où se trouve ce vers charmant :

Son goût fut aussi pur que son âme était belle.

Mais ce qu'on a le plus applaudi, c'est l'éloge de ce Ministre citoyen,

Que les complots des Cours ont trois fois exilé,

Et que le vœu public a trois fois rappelé..

Le prix d'Eloquence, dont le sujet était l'Eloge de Vauban, a été réservé pour l'année prochaine, ainsi que celui fondé par l'abbé Raynal, et pour sujet duquel on avait proposé un Discours historique sur le caractère et la politique de Louis XI. Le prix d'utilité a été accordé à M. Gudin de La Brenellerie pour son ouvrage snr les Comices de Rome, les Etats-Généraux de France et le Parlement d'Angleterre; cette distinction pourra faire connaître l'ouvrage, assez ignoré jusqu'ici. Le prix d'encouragement a été donné à M. l'abbé Noël, etcelui de vertu à une domestique du sieur Réveillon, qui est à son service depuis plus de quarante ans, et qui a déployé un courage surnaturel pour son

sexe et pour son âge au milieu de l'horrible pillage de la maison de son maître dans la dernière émeuté du. Faubourg Saint-Antoine.

Ce qui a étonné du moins quelques personnes, c'est d'entendre que le sujet du nouveau prix d'Eloquence proposé par l'Académie pour l'année prochaine était l'Eloge de Jean-Jacques Rousseau. Qu'en diront les mânes de d'Alembert et de Voltaire? Mais on ne gagnera que six cents livres à louer Rousseau, et deux mille quatre cents à déchirer Louis XI.

Quelques réflexions qui ne sont pas du moment.

Il est possible qu'il se soit fait depuis quelque temps une grande révolution dans le monde moral, et que cette révolution merveilleuse en ait bouleversé tout-à-coup l'ordre et les principes. Mais avant cette époque mémorable, si l'on pouvait prendre un peu de confiance dans les résultats qu'offrent le plus évidemment l'histoire et l'expérience du cœur hu main, n'aurait-on pas reconnu sans peine que ce qui agit le plus fortement sur la volonté de l'homme, c'est l'empire des choses et des circonstances; que ce pouvoir suprême n'est balancé que par celui des passions, et ne l'est encore qu'un certain temps; que les passions ont plus de force que les habitudes, les habitudes plus que les préjugés, les préjugés plus que les intérêts ordinaires de la vie, ces intérêts habituels plus que de simples idées de justice ou de

convenances, qu'enfin de tous les ressorts qui déterminent nos actions et notre conduite, le plus faible sans doute est celui du raisonnement, quelque admirable qu'en soit la logique ?

Si l'influence secrète d'une puissance surnaturelle n'avait pas changé tous ces rapports, penserait-on de bonne foi qu'il ne faut opposer d'autres barrières au mouvement inconstant des volontés et des passions humaines que les limites d'une idée métaphysique tracées plus ou moins heureusement? Estce dans ces limites imaginaires qu'on croirait pouvoir circonscrire le mouvement impétueux d'une assem, blée, d'une foule, d'une cohue de volontés ?

Serait-il encore permis de douter si le seul gouvernement qui n'a jamais existé nulle part est infailliblement le plus parfait comme le plus admirable? s'il n'est aucun inconvénient attaché à l'unité du corps représentatif? si, pour être fort nombreux, tout corps politique est nécessairement ami de l'ordre et de la liberté s'il n'est aucun danger de rassembler dans un corps unique, quelle qu'en soit la dénomination, toutes les sources du pouvoir, à lui laisser une force illimitée pour enchaîner ou briser toutes les autres s'il est enfin quelque règlement au monde qui, tenant de ce même corps toute l'autorité dont il est revêtu, paraisse suffisant pour contenir le despotime de son inconstance ou de son ambition?

En morale comme en physique on n'a guère vu, ce me semble, des forces très-actives s'arrêter d'elles

mêmes; ce qui modère leur action, c'est toujours une force étrangère qui leur est supérieure ou du moins égale. D'après ce principe, on était disposé à croire qu'en politique la division et le balancement des pouvoirs étaient également le moyen le plus simple d'en prévenir les abus et de les tenir tous dans les limites respectives. La France paraît disposée à tenter une grande et sublime expérience pour nous prouver le contraire. Si le succès trompait malheureusement son attente, ne risqueraitde le payer fort cher ?

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On a cru long-temps que le corps dépositaire de la Puissance Législative de laquelle émanent tous les autres pouvoirs, et qui, par conséquent, tient de sa nature même le principe d'une force immense, avait besoin d'être contenu, non par de faibles liens qu'il s'imposerait lui-même et qu'il pourrait changer à son gré, mais par l'effet constant, invariable d'un partage d'intérêts et de pouvoirs qui, se balançant mutuellement, en modéreraient le mouvement et préviendraient ainsi les suites funestes qu'entraîne toujours une action trop violente ou trop précipitée.* Il me paraît évident qu'on est loin de le penser encore, car je n'imaginerai jamais qu'on ait cru sérieusement que la seule con

* N'est-ce pas une chose infiniment remarquable que la conduite actuelle de l'Assemblée nationale comparée à celle qu'elle a montrée tant que son autorité paraissait encore balancée par celle du Monarque? Laquelle l'Europe tranquille jugera-t-elle la plus auguste, la plus mesurée, la plus imposante ?

dition du consentement royal, telle qu'on a daigné l'admettre, serait une barrière suffisante contre les usurpations que voudrait tenter le Corps Législatif. Quelle est la résistance que lui pourrait opposer le Monarque isolé de tout ordre particulièrement attaché aux prérogatives du Trône, sans noblesse, sans armée, assis sur les débris du Pouvoir Exécutif, comme Marius sur les ruines de Carthage?

Combien l'on s'est éclairé depuis peu de mois, On avait cru long-temps que la Puissance Législative, une fois bien constituée, l'espèce de force qu'il convenait de lui laisser était plutôt une force d'inertie et de résistance, qu'une force de mouvement et d'activité. On a calculé profondément que le contraire serait bien plus neuf, bien plus hardi; en conséquence, on a proscrit tantôt avec mépris, tantôt avec fureur, toute division du Corps représentatif qui aurait pu servir à fixer l'incertitude de ses vues, la mobilité de ses projets; et plus on a senti combien il importait à la puissance du Corps représentatif de demeurer indivisible, plus on a cherché tous les moyens imaginables de diviser et de subdivisier à l'infini le Pouvoir Exécutif. On est parvenu à le réduire à des fractions si minimes, qu'il peut paraître aujourd'hui fort douteux s'il reste assez d'énergie au Pouvoir Exécutif, non pas pour se défendre lui-même, ce qui menacerait la Liberté, mais pour empêcher seulement que l'inviolabilité des Représentans de la Nation ne soit plus qu'une qualité métaphysique peu respectée de la classe la plus imposante de Messieurs leurs commettans.

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