Imatges de pàgina
PDF
EPUB

Nous

tirer, le sieur Fleuri a reparu seul; alors un orateur du parterre s'est chargé d'expliquer plus clairement le vœu de son parti: Nous demandons, a-t-il dit, pourquoi l'on ne donne pas Charles IX, tragédie de M. Chénier, qui doit être à l'étude depuis trèslong-temps. Monsieur, a répondu fort respectueusement l'acteur, cette pièce n'est point encore à l'étude, parce que jusqu'ici nous n'avons pas encore obtenu la permission de la donner...Plus de permission, a répliqué l'anonyme, il est temps que le despotisme qu'exerçait la censure des Théâtres cesse. voulons pouvoir entendre ce qu'il nous plaît de penser...Me dispenseriez-vous, Monsieur, ainsi que mes camarades, d'obéir aux lois que nous sommes accoutumés à respecter depuis cent ans?.. Ces lois sont abusives et par-là même elles sont nulles...Le dialogue allait devenir plus vif, il s'y mêlait déjà beaucoup de cris et de brouhaha, lorsqu'une voix dominant enfin sur les autres, fit entendre le mot de Municipalité: adressez-vous à la Municipalité.. Eh bien oui...Et vous nous rapporterez sa réponse demain...La réponse a été qu'on examinerait la pièce, et après l'avoir examinée, on l'a permise.

Il a paru quelques jours après dans le Journal de Paris une excellente lettre sur la censure des Théâtres; elle est de M. Suard, et renferme des vues si justes et si modérées, que nous ne pouvons nous refuser au plaisir d'en transcrire au moins une partie. "Il serait étrange, dit-il, que la liberté civile consistât dans le droit illimité de rassembler dans de

vastes théâtres les citoyens d'une grande ville pour y exposer à leurs yeux des scènes licencieuses ou atroces, pour y tourner en ridicule la religion, la morale et les lois, pour y insulter le Souverain, les Magistrats, les Prêtres, les particuliers, pour y prêcher la sédition, et dénoncer aux vengeances du Peuple des citoyens innocens qu'un méchant voudrait perdre. Ces excès sont exagérés, dites-vous, et la licence n'ira pas jusque-là. Je l'espère, mais si la liberté ne peut pas aller jusque-là, il y a donc une borne où elle doit s'arrêter; là commence la

censure....

"Dans les démocraties les plus libres de l'antiquité la police des Théâtres était surveillée par des Magistrats particuliers. Dans le seul Gouvernement moderne où existe la liberté de la presse, les pièces de Théâtre sont souvent soumises à une censure. Il est vrai que nous commençons à croire que les Grecs, les Romains, et surtout les Anglais, n'entendaient pas grand'chose aux principes de la liberté. Un de nos législateurs patriotes disait il y a quelques jours à un Anglais : J'espère que vous allez enfin apprendre de nous à étre libres....Lorsque Solon vit des théâtres publics s'élever dans Athènes, il s'écria: Ces amusemens parleront bientôt plus haut que les lois. Eh bien, faisons parler sur nos théâtres l'esprit même qui va examiner nos lois, l'amour de l'ordre et de la liberté, etc."

[ocr errors]

Septembre, 1789:

Epitaphe de M. le premier président d'Ormesson Par madame la marquise de La Feronière.

Pleurez ce magistrat éclairé, vertueux,

Qui servit à-la-fois Dieu, les lois et son maître ;
Et qui jamais n'a fait de malheureux

Que le jour qu'il a cessé d'être.

La séance publique de l'Académie française le jour de la fête de la Saint Louis n'a été remarquable que par la réception de M. l'abbé Barthélemy, élu à la place de M. Beauzée. L'illustre récipiendaire, après avoir parlé de lui-même avec beaucoup de modestie, s'est borné à faire un grand éloge de son prédécesseur, qui, après avoir cultivé dans sa jeunesse les sciences exactes, s'est livré dans la suite à l'étude des langues anciennes et modernes, et s'y est distingué en effet par d'utiles travaux. On lui doit une nouvelle Grammaire générale, une traduction de Salluste assez estimée, une nouvelle édition fort augmentée des Synonymes de l'abbé Girard, et la plus grande partie des articles de grammaire de la nouvelle Encyclopédie. De l'éloge de M. Beauzée l'orateur a passé plus ou moins adroitement à celui de l'Académie française et de celle des Inscriptions, des corps littéraires en général, des bienfaits de l'imprimerie, du siècle enfin où s'est levé un jour éternel dont l'éclat toujours plus vif pénétrera successivement dans tous les climats...." La France, ajoutet-il, va vans doute se ressentir de cet heureux effet. Elle voit ses Représentans rangés autour de ce

Trône d'où sont descendues des paroles de consolation qui n'étaient jamais tombées de si haut (la singularité de cette phrase a été fort applaudie), et qui ont laissé dans les cœurs une impression profonde. Ils sont venus poser les fondemens inébranlables de la félicité publique."...O utinam!

Si le discours de M. l'abbé Barthélemy n'a pas paru d'un grand effet, la réponse de M. le chevalier de Boufflers, chargé des fonctions de Directeur de l'Académie, a fini par réunir tous les suffrages de la manière la plus éclatante. On a trouvé d'abord ce qu'il a dit à la suite de l'éloge de M. Beauzée, sur la métaphysique des langues, d'une discussion trop subtile, trop obscure, au moins trop longue pour un discours oratoire; mais le morceau où il a peint la Grèce détruite par la main du temps, et tous ses monumens relevés, tous ses grands personnages ressuscités par le génie de M. l'abbé Barthélemy, a excité des applaudissemens universels. Il est impossible de louer avec plus d'esprit, de grâce et d'imagination. Nous ne nous refuserons point au plaisir d'en transcrire au moins une partie.

“La Grèce, dit M. de Boufflers, est le pays qui atteste le moins ce que fut autrefois la Grèce; le voyageur qu'une curiosité audacieuse a conduit loin de sa patrie vers ces rivages désolés n'y retrouve pas même la nature, et pour unique fruit de tant de fatigues et de dangers, il ne remporte qu'une grande leçon, c'est que pour les pays comme pour les peuples la liberté est un principe de vie, et le despo

tisme un principe de mort....Mais quel autre Orphée, quelle voix harmonieuse a rappelé sur ces côteaux dépouillés les arbres majestueux qui les couronnaient et rendu à ces lieux incultes l'ornement de leurs bocages frais, de leurs vertes prairies et de leurs ondoyantes moissons? Quels puissans accords ont de nouveau rassemblé les pierres éparses de ces murs autrefois bâtis par les Dieux? Tous les édifices sont. relevés sur leurs fondemens, toutes les colonnes sur leurs bases, toutes les statues sur leurs piédestaux; chaque chose a repris sa forme, son lustre et sa place, et dans cette création récente, le plus aimable des peuples a retrouvé ses cités, ses demeures, ses lois, ses usages, ses intérêts, ses travaux, ses occupations et ses fêtes. C'est vous, Monsieur, qui opérez tous ces prodiges; vous parlez, aussitôt la nuit de vingt siècles fait place à une lumière soudaine et laisse éclore à nos yeux le magnifique spectacle de la Grèce entière au plus haut degré de son antique splendeur. Argos, Corinthe, Sparte, Athènes et mille autres villes disparues sont repeuplées. Vous nous montrez, vous nous ouvrez les temples, les théâtres, les gymnases, les académies, les édifices publics, les maisons particulières, les réduits les plus intérieurs ... et jamais les Grecs n'ont aussi bien connu la Grèce, jamais ils ne se sont si bien connus entre eux, que votre Anacharsis nous les a fait connaître, etc."

Beaucoup d'auditeurs se sont permis de croire que dans tout l'ouvrage si délicieusement loué l'on aurait peut-être de la peine à trouver autant de

« AnteriorContinua »