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Mit insensiblement chaque chose à sa place; ·
Le temps amène seul la règle et le repos.
Or, dans ces époques anciennes,
Quand la nature se réglait,

On dit qu'ici-bas tout parlait :

Animaux, végétaux, ruisseaux, fleuves, fontaines
Prenaient notre langage et nos formes humaines;
Et de la vérité les premiers élémens

Nous sont venus de ces vieux monumens,
Avant qu'on écrivît l'histoire véritable.
La vérité naquit peut-être de la fable.
Il était donc jadis un Fleuve dont les eaux,
Venant des régions lointaines,

Recevaient le tribut de cent mille fontaines
Et celui de mille Ruisseaux,

Qu'il appelait à bon droit ses vassaux :
De cent peuples divers il voyait les contrées
Soumises à la fois à son cours souverain;
Ses limites n'étaient nulle part arrêtées ;
Il ne reconnaissait enfin

D'autre maître ni d'autre frein
Que le vaste Océan où tout se précipite.
Un fleuve cependant, s'il n'a point de limite,

Est sujet à bien des écarts;

Celui dont nous parlons, dans les champs, dans les villes,
Portait avec ses eaux l'abondance et les arts,

Lorsqu'en son lit elles coulaient tranquilles :
Mais quand il excédait ses trop faciles bords,
Il allait inondant tous ses vastes domaines,
Ravageant les cités, les hameaux et les plaines;
Rien ne pouvait arrêter ses efforts.

Les Ruisseaux, retenant leur onde tributaire,
Devenaient fleuves à leur tour,

Et ravageaient aussi la terre.
Le Fleuve s'aperçut un jour,
Tandis que ses eaux étaient basses,

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Que les habitans d'alentour

Sur la rive apportaient par brasses

Des pieux, des moellons, des poteaux,
Et du ciment et de la chaux.

Aussitôt des Ruisseaux la cohorte s'intrigue,

S'empresse, accourt chez le Fleuve, et soudain : Seigneur, lui disent-ils, vous voyez leur dessein : Ils veulent construire une digue.

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Que de ces peuples la licence

Ose borner votre puissance :

Elle vous vient du ciel, elle est de tous les temps.
Le Fleuve à longue barbe avait à ses dépens
Appris à démêler le but et le langage

Des flatteurs et des courtisans ;

Ne prenant donc alors que les conseils d'un sage,
Dont il s'aidait dans les cas importans:

Amis, dit-il, laissez les faire ;

Ne voyez-vous pas qu'en mettant

Sur les bords de mon cours une forte barrière,
S'ils préservent leurs champs d'un écart malfaisant,
Ils font aussi pour moi chose très-salutaire ?

La barrière sera pour moi comme pour eux,
Je ne pourrai plus nuire, eh! ce sont là mes vœux ;
Mais aussi de mon lit l'enceinte limitée

Sera par les humains à toujours respectée,

Et mes eaux désormais à ces peuples nombreux
Portant par des routes certaines

Le commerce, les arts et leurs trésors divers,
Du globe deviendront les veines

D'où le bonheur, libre de chaînes,
Circulera dans l'univers.

Juin, 1789.

Lettres de la Comtesse de *** au Chevalier de .

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"On présume, dit-on dans un petit avertissement, que ces lettres ont été écrites pendant les élections de Paris; il paraît qu'il en manque plusieurs, c'est véritablement une perte.”

Ces lettres que l'on a d'abord attribuées à M. le comte de Lameth, ensuite à M. de Vaines, peignent avec autant de malice que de légèreté la nouvelle espèce de ridicules que l'effervescence actuelle des esprits vient de mettre à la mode. Il y a dans ce petit écrit de la gaieté, de la grâce et surtout un excellent ton. Ce n'est que par des citations qu'on peut donner quelqu'idée d'un ouvrage de ce genre.

"Savez-vous que depuis que vous êtes dans le parti du Tiers, je ne gronde plus mes gens ?"

"Madame de *** arrive chez moi ce matin, et "de la porte elle me crie: Je n'ai qu'un instant

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pour vous faire mon compliment. C'est un héros. "Il a déclaré formellement qu'il renonçait à tout

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privilége pécuniaire. Il a été applaudi avec "transport; il a entraîné l'Assemblée"...et elle s'enfuit. Que signifie ce discours? Il m'a jetée dans une inquiétude mortelle. Quels sont donc ces priviléges auxquels vous avez renoncé? Je ne vous en connais d'autre que d'emprunter et de ne pas payer. J'avoue qu'il est grand, mais c'est par cette raison qu'il faut le garder. Vous ne recevez de votre famille qu'une pension modique; votre frère

aîné aura tout, et il n'y a que vos créanciers qui puissent vous donner. Prenez-y garde, Chevalier, vous avez dans l'âme une noblesse que vous poussez quelquefois trop loin. La générosité est trèslouable, mais il ne faut pas se ruiner, et c'est une bienfaisance exagérée que se priver de tout pour soulager le peuple."

Voici un portrait dont on n'a pas manqué de réconnaître le modèle, madame la comtesse de T.*

"Cette femme est réellement extraordinaire. Imaginez que depuis vingt ans elle s'occupe de constitution, qu'elle a prédit tout ce qui arrive, qu'elle verserait jusqu'à la dernière goutte de son sang pour que son plan fût exécuté. Son corps est faible, sa poitrine est allumée, ses nerfs sont misérables, son âme remédie à tout, suffit à tout. Si l'on m'en croyait on lui érigerait une statue; mais avant tout c'est la vôtre qu'il faut élever: en attendant, votre buste est chez moi à côté de celui de Masselin, et vous avez un autel dans mon cœur.”

"C'est une idée très-grande et qui doit faire un éternel honneur que celle que vous avez fait adopter à votre Assemblée de donner l'armée aux Etats-Généraux. Ce sera vraiment un spectacle patriotique lorsque les curés et les avocats feront la revue des

* En parlant du voyage que cette dame fit il y a quelques années en Italie pour voir le mont Vésuve, M. le chevalier de Boufflers disait : C'est une politesse de volcan à volcan.

Un des plus vigoureux défenseurs de la liberté publiquedans les Etats de 1484, sous Charles VIII,

troupes. Je erois qu'il y a quelque chose de cela dans Candide."

"Je vous en conjure, n'oubliez pas d'insister dans vos cahiers sur le divorce. Je n'ai jamais aimé mon mari. Il n'a qu'un bon sens très-ordinaire, cet assujettissement à l'ordre qui rend un intérieur fort insipide, et une crainte de toute nouveauté qui atteste la médiocrité. D'ailleurs il n'admet point le principe de l'égalité, ce qui gêne ma dépense, et il m'a toujours contesté ma liberté individuelle, etc."

Tablettes d'un curieux, ou Variétés historiques, littéraires et morales. Deux volumes in 8. On ignore le rédacteur de ces nouveaux mélanges. Le plus grand nombre des morceaux qu'on y a recueillis avaient déjà paru dans différens ouvrages périodiques, mais il en est quelques-uns cependant qui n'étaient guère connus et qui méritaient de l'être, tels que l'éloquent Discours de feu l'abbé Arnaud sur Homère, le Dialogue sur les femmes de feu l'abbé Galiani, où l'on retrouve toute la folie et toute l'originalité de son imagination; l'intéressant Mémoire de Louis XIV à Monseigneur le Dauphin, rédigé par Pelisson; une lettre assez curieuse sur le comte de Hodiz, cet homme singulier qui avait fait de la terre qu'il habitait en Moravie une espèce d'Opéra perpétuel. Tout dans le lieu de sa résidence était disposé pour des représentations théâtrales et pastorales; il avait fait de ses domestiques et de ces vassaux des acteurs, des musiciens, des

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