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scepticisme politique y favorise tous les intérêts, et laisse dans les nuages les abus, les droits, les biens et les maux." En général l'opinion de Montesquieu Jui paraît trop favorable au pouvoir absolu.

L'examen que fait ensuite l'auteur et des lois fondamentales qui existent en France, et des pouvoirs intermédiaires destinés à les maintenir, ne tend qu'à prouver l'insuffisance de toutes ces barrières politiques. "L'instruction générale et le crédit public rétrécissent de jour en jour le cercle de l'autorité arbitraire. L'énergie morale de ces principes est l'instinct conservateur des peuples: répandus et multipliés sous mille formes diverses, ils sont pour ainsi dire un aliment impalpable qui sans cesse fortifiait nos âmes languissantes sous l'atmosphère du despotisme; ils nous ont seuls soutenus, ils vont nous régénérer. Voilà les uniques, les vraies puissances intermédiaires dont la répulsion universelle supplée à la constitution quand elle manque, et la maintient quand elle existe."

Après avoir rassemblé dans un seul chapitre avec beaucoup de précision ce qu'on trouve, ce qui manque et ce qu'on reproche à l'Esprit des lois, l'auteur ne craint pas de décider que ce grand ouvrage, tout admirable qu'il est, fait trop sentir l'absence d'une double inspiration nécessaire au vrai Législateur, l'amour du peuple et le sentiment de l'égalité. Il peint lui-même ce dernier sentiment avec l'éloquence la plus touchante; c'est assurément le morceau le mieux écrit de tout le livre: je doute cependant qu'on veuille en conclure que le génie de

M. Grouvelle est plus législateur que celui de Montesquieu.

Le principe qui domine dans ce petit ouvrage, où nous avons trouvé d'ailleurs une foule de réflexions également justes et profondes, est celui de tous nos grands hommes du jour; s'il est encore permis de le révoquer en doute, ce n'est qu'avec une extrême réserve; M. Grouvelle et tous ces Messieurs pensent que la liberté est la fin nécessaire de tous les gouvernemens. Cette idée ne Cette idée ne serait-elle pas susceptible de plusieurs modifications essentielles? Point de bonheur sans une liberté raisonnable sans doute; mais si les hommes n'avaient eu pour premier but que la liberté, n'eussent-ils pas fait le plus sot calcul du monde en se soumettant aux conditions de quelque pacte que ce puisse être ? Ce n'est donc pas là le principal objet du système social. Ce qu'on a dû se proposer d'abord en se réunissant avec ses semblables, c'est d'assurer son repos et sa propriété, en sacrifiant au besoin de la réunion de toutes les forces en commun pour garantir ce repos et cette propriété, le moins possible de sa liberté personnelle. De cette première idée, ainsi déterminée, je vois dériver, ce me semble, tous les principes d'une constitution heureuse et durable, je ne vois dans tout le reste que désordre et instabilité. Si M. Grouvelle s'était placé sous ce point de vue, après avoir médité davantage l'ensemble de l'Esprit des lois, il n'eût pas, je crois, prononcé si durement que Montesquieu éclaira les Nations, mais qu'il aveugla les Français.

Sans être toujours de son avis, sa brochure nous a fait un grand plaisir. Le style en est inégal, un peu néologique, un peu maniéré, mais souvent plein d'esprit, et quelquefois même d'une énergie trèsingénieuse.

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Des Propriétés et des Priviléges. Extrait d'un ouvrage manuscrit.

Propriété.

Si l'homme n'eût jamais désiré de pouvoir dire: Ce champ est à moi, j'y veux attacher une partie de mon existence, le produit de mon temps, de mes forces, de mon travail; cette portion de mon être que j'y dépose pourra me survivre : il me sera doux d'en disposer après moi......Si l'homme n'eût jamais conçu l'idée ou lá fantaisie de cette espèce de bonheur, par quel motif l'aurait-on porté à subir volontairement le joug d'une convention permanente, éternelle?

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On conçoit que les hommes ont pu former d'abord beaucoup d'associations passagères, sans autre objet que celui de défendre leur vie et leur repos, tantôt contre les bêtes féroces, tantôt contre une troupe de leurs semblables, que le hasard ou la nécessité poussait à venir enlever leur proie: mais il n'y eut sans doute que le désir de s'assurer la possession libre et tranquille d'un bien dont ils avaient connu la douceur et l'utilité qui ait pu les déterminer à cette aliénation de la liberté personnelle, sans laquelle il n'est point de convention durable, point de force publique, point de pacte social.

Le maintien du droit de propriété est donc le premier objet de toute constitution politique; c'est là leur véritable berceau qu'il importe de ne jamais perdre de vue, car c'est à cette origine que ce rapportent tous les inconvéniens et tous les avantages de l'ordre social.

Ne voulez-vous que la liberté? fuyez les hommes rassemblés, cachez-vous dans les forêts. Ce n'est qu'au fond d'un antre solitaire ou dans le vaste silence des bois que l'homme jouit librement de la nature et de lui-même: là, sa destinée ne s'élève guère au-dessus de celle des animaux qui servent à nos besoins et à nos plaisirs; mais végétant sans peine et sans inquiétude, si quelque douleur imprévue vient l'atteindre, il n'est pas long temps tnalheureux; ne tenant à la vie que par un seul lien, la chaîne en est bientôt rompue; las de son existence, il a déjà cessé d'être,

Cette liberté, dont on parle avec tant de bonne foi dans tous nos Codes civils et politiques, la seule liberté qui puisse exister réellement dans l'ordre social, n'est, à proprement parler, que cette propriété déterminée de nous-mêmes qui nous est garantie par la loi. Cette liberté, plus ou moins modifiée par l'intérêt commun de la société, est la véritable propriété de ceux qui n'en ont point d'autre.

y a long-temps qu'il dure, et sans doute il durera long-temps encore ce grand procès des propriétaires et des non propriétaires, des riches et des pauvres. J'admire l'éloquence des Gracques,

j'adore le sentiment qui les inspira; mais ne faut-il pas être raisonnable avant d'être éloquent? L'homme le plus sensible a-t-il jamais le droit de cesser d'être juste ?

Il n'existe aucune propriété qui, dans l'origine, n'ait été acquise plus ou moins injustement aux dépens des autres, puisqu'on ne peut rien posséder exclusivement qui ne fût antérieurement à toute convention le bien de tous.

Mais est-il vrai que les propriétés possédées par 'un petit nombre d'hommes, soit que la reconnaissance les ait décernées à la vertu, soit que la force, la ruse ou le travail les ait acquises, est-il bien vrai, dis-je, que ces propriétés exclusives diminuent réellement la portion de tous? Le contraire me paraît démontré par une réflexion fort simple, c'est qu'il n'est point de propriétés intéressantes auxquelles ne soit attaché nécessairement le désir de les conserver, de les accroître, d'en jouir: or, comment les conserver, comment les accroître, sans qu'elles augmentent, sans qu'elles s'accumulent? Comment multiplier encore les moyens d'en jouir sans en partager les fruits, sans en faire hausser par-là même le produit et la valeur Qu'est-ce qu'un champ à moi, si je ne le cultive? Que me servirait tout l'or du Pérou, si je ne pouvois l'échanger contre le travail et l'industrie de ce qui -m'entoure? Si, de l'usage même du droit de propriété, l'on voit naître le plus vif intérêt de conserver, d'accroître, de jouir, l'inégale distribution des pro

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