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dit après avoir vu le Roi de Pologne. "Stanislas Po"niatowski est la seconde personne à qui j'aie sou"haité le bonheur de n'être pas au nombre des

Souverains, car je regarde comme impossible que "la multitude de personnes et d'affaires désagréables "dont ils sont assaillis ne les arrache trop souvent " à la société des gens de lettres et autres sectateurs "des Muses, bien plus intéressante pour le phi"losophe instruit que les courtisans serviles qui ne "dévouent qu'à l'ambition les instans qu'ils ont "l'air de donner au Monarque......" Sans doute tout l'appareil de la puissance et des grandeurs n'est qu'un fardeau pénible pour l'être qui pense; mais la plus sublime ou la plus ravissante de toutes les méditations vaut-elle la plus simple disposition faite pour augmenter ou pour assurer la félicité de tout un peuple? et cette disposition ne dépend-elle pas souvent de la seule volonté du Souverain? Ah! Mylady, ne dégoûtons pas les honnêtes gens d'un métier qu'il est si rare de voir faire en conscience.

L'idée que nous donne Mylady des mœurs et des habitudes de la Nation Turque paraît assez d'accord avec les Mémoires du baron de Tott et ceux de M. Volney. Qu'ajouter au naturel de la peinture que

voici ?

"Je vis l'autre jour un Turc couché sur des coussins, lequel battait lentement un fer qu'il voulait former en fer à cheval; il avait pendant tout ce temps-là la pipe à la bouche. Il y a plus: dans un rang plus élevé, les Turcs ont une invention qui

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leur épargne jusqu'à la peine de tenir leur pipe, qui est portée sur un petit affût à deux roues, et de cette manière le fumeur n'a rien à faire que d'aspirer et exhaler la fumée, ou même il laisse reposer la pipe sur la lèvre inférieure, tandis qu'il tourne la tête à droite et à gauche. Peut-être est-ce une circonstance heureuse pour l'Europe que les Turcs soient paresseux et ignorans; si cet Empire si vaste était peuplé d'hommes adroits et ambitieux, la force étonnante qu'il aurait bientôt, son influence dans la balance politique le rendraient infailliblement le maître du monde. Dans l'état présent des choses, ce n'est qu'une barrière inanimée qui sert à intercepter le commerce et à prévenir des guerres entre d'autres Puissances."

Quoiqu'à l'exemple de tant de voyageurs, Mylady n'affecte point de mêler à ses observations beaucoup d'anecdotes plus ou moins hasardées, il en est quelques-unes qui lui ont paru trop remarquables pour être négligées, comme celle-ci sur le Sultan qui règne aujourd'hui.

"Selim (dit-elle en 1786), neveu d'Achmet, qui doit lui succéder, a environ vingt-six ans. On m'a dit que son entendement perce à travers les nuages de l'éducation efféminée qu'il a reçue. Entre autres preuves qui annoncent un caractère ferme, aussitôt qu'il a été instruit de la coutume barbare d'étrangler tous les enfans qui naissent dans le sérail, et qui ne sont pas du Sultan régnant, il a déclaré qu'il ne serait jamais cause de la mort d'une créature hu

maine, et il a évité constamment toutes les occasions de devenir père."

Au tableau fantastique que fait mylady Montague des beautés du Harem, opposons encore la manière simple et vraie dont les a peintes mylady: Craven.

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"Je ne doute point que la nature avait destiné quelques-unes de ces femmes à être très-belles; mais le blanc et le rouge grossièrement appliqués, leurs sourcils cachés sous une ou deux barres noires, leurs dents noircies par la fumée de la pipe, des épaules arrondies, les font paraître plutôt mal que bien. Le dernier défaut provient de ce qu'elles sont dès leur enfance accoutumées à s'asseoir à la manière des tailleurs. La poudre noire dont elles font des lignes au-dessus de leurs paupières donne aussi à leur œil une expression de dureté. Leurs questions sont aussi sottes que leur parure est recherchée: Etes-vous mariée ? Avez-vous des enfans? N'avez-vous point de maladie? Aimez-vous Constantinople? Voilà leur conversation. Les femmes turques emploient la plus grande partie du jour au bain ou à leur toilette, singuliers passe-temps en vérité: le premier flétrit leurs charmes, le second en détruit l'effet; l'usage fréquent du bain chaud relâche les solides, et ces femmes paraissent à dixneuf ans plus âgées que je ne le suis. Elles tâchent en vain de réparer à force d'art le tort que le bain chaud fait à leur beauté; mais jusqu'à ce qu'il s'en trouve une qui découvre la cause qui fait périr avant

le temps ce présent inestimable du Ciel, et qui enseigne à la génération naissante une meilleure conduite à cet égard, elles se faneront toujours aussi promptement que les roses qu'elles idôlatrent avec tant de raison."

C'est parce que nous aurions trop à citer que nous nous refusons au plaisir de citer davantage. Des détails agréables le sont toujours; mais ce n'est que dans l'ensemble qui les lie et qui les anime qu'on juge de tout leur effet.

Juin, 1789.

De l'Autorité de Montesquieu dans la Révolution présente. Brochure in-8. avec cette épigraphe tirée de la Vie d'Agricola par Tacite :

Vir magnus quantùm licebat.

(Par M. Grouvelle, secrétaire des commandemens de Monseigneur le Prince de Condé, l'auteur de l'Epreuve délicate, comédie en trois actes, d'une Ode sur la Mort du Prince Léopold de Brunswick, etc.)

"

L'objet de cet ouvrage est de discuter le système de Montesquieu sur la Constitution française. L'auteur commence par rendre à ce grand homme l'hommage dû à son génie. Montesquieu, dit-il, trouva l'étude des lois au même point où Descartes avait trouvé toute la philosophie; il osa comme lui oublier tous ses maîtres, et percer de nouvelles avenues vers la vérité....Son influence sur l'esprit humain sera aussi durable que son influence sur l'esprit de son siècle fut rapide; sa méthode fit

l'éducation de tous ses successeurs.... Il est donc vrai, et c'est sa plus grande gloire, que Montesquieu est la cause première des changemens heureux qui sont promis à la France; mais, par une contradiction singulière, son génie lutte aujourd'hui contre lui-même, et paraît suspendre la révolution qu'il a préparée."....

Pour développer ces idées, l'auteur compare d'abord Montesquieu avec l'esprit dominant à l'époque à laquelle il écrivit, ensuite avec les phi losophes qui l'avaient précédé dans la même carrière. Après ce parallèle tracé fort rapidement, M. Grouvelle se permet de discuter avec beaucoup de liberté les premières bases du système de l'Esprit. des lois; il trouve fausse la distinction de la monarchie et du despotisme, il observe très-bien que sous le nom de monarchie Montesquieu n'eut pres que jamais que la France en vue, qu'en conséquence il s'attache à charger les nuances qui distinguent la monarchie du despotisme; mais il ne saurait concevoir comment, après avoir montré dans la France le modèle des Monarchies, il peut placer le gou vernement d'Angleterre au nombre des gouvernemens monarchiques..." Tel est, ajoute-t-il, l'esprit général de ce grand ouvrage : il présente des résultats divers, suivant les différens points de vue d'où il est observé. Une prudence craintive, en éteignant l'éclat des vérités, altère leurs véritables traits. Une modération scrupuleuse, en voulant corriger, adoucir, ébranle, atténue. Une sorte de

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