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savent employer, que peu de gens même savent entendre."...

Tout cela est prouvé dans les notes, par des passages d'Aristote, de Théophraste et d'Aristophane.

Anacharsis a dédié son ouvrage à deux illustres époux, qu'il eut, dit-il, l'avantage de connaître dans son voyage de Perse, Arsame et Phédime; c'est M. et madame de Choiseul. "Vous avez des droits sur cet ouvrage; je le composai en partie dans ce beau séjour (Chanteloup) dont vous faisiez le plus bel ornement; je l'ai achevé loin de la Perse et toujours sous vos yeux; car le souvenir des momens passés auprès de vous ne s'efface jamais. Il fera le bonheur du reste de mes jours, et tout ce que je désire après ma mort, c'est que sur la pierre qui couvrira ma cendre on grave profondément ces mots: Il obtint les bontés d'Arsame et de Phédime."

Considérations sur le Gouvernement d'Athènes, après une lecture du Voyage d'Anacharsis. La grande célébrité où tant de chefs-d'œuvre du génie et des arts avaient si justement élevé la République d'Athènes, n'a pu manquer d'introduire plus d'une erreur dangereuse dans nos théories politiques; elle semble avoir ébloui, du moins en leur faveur, des esprits très-distingués, et plus particulièrement ceux qui, nourris de la lecture des anciens, en étaient plus portés aux idées libérales, plus susceptibles d'enthousiasme pour la liberté. On a trop oublié qu'aucun autre peuple du monde, pas même

parmi ses voisins, parmi ses plus proches alliés, ne ressembla jamais au peuple d'Athènes; on n'a pas moins oublié sans doute que, quelque brillante que fût sa destinée, quelque admirables et quelque immortels qu'en soient les souvenirs, il est permis de douter si le peuple le plus spirituel de toute l'histoire ancienne et de toute l'histoire moderne fut aussi le plus sage et le plus heureux, ou sut l'être assez longtemps pour nous faire envier son sort.

J'ignore si l'on a jamais essayé de découvrir à quel enchaînement singulier de causes physiques et morales, à quel rare concours de circonstances, le peuple d'Athènes fut redevable, non-seulement de l'étonnant degré de culture auquel il était parvenu, mais encore de la rapidité non moins étonnante avec laquelle il avait passé d'un état presque sauvage à celui d'une civilisation aussi perfectionnée. Tous les monumens qui nous restent et des premiers et des derniers temps d'une si longue époque de talens et de gloire n'attestent-ils pas qu'il n'y eut jamais de peuple doué par la nature d'une organisation plus parfaite, plus heureuse, d'une oreille plus sensible, d'un tact plus délicat, d'un esprit plus subtil et plus ingénieux, d'une imagination plus vive et plus mobile, d'un goût plus susceptible et plus sûr ? Quand il n'en existerait point d'autre preuve, ne seraient-elles pas suffisantes celles qu'offrent la richesse et la précision, l'harmonie et la flexibilité, tout le mécanisme et tout l'incomparable génie de

la langue de Démosthène et de Platon, d'Aristophane et de Sophocle?

Les précieux avantages qu'une destinée unique semble avoir réservés au peuple d'Athènes n'appartenaient pas exclusivement aux classes les plus distinguées; il paraît que les plus communes en avaient obtenu leur part. Les tragédies d'Euripide et de Sophocle, les harangues d'Eschine et de Démosthène, les comédies de Ménandre et d'Aristophane, avaient ordinairement pour auditeurs et pour juges des hommes de tout état et de toute condition. Les plaisauteries même qu'Aristophane ne se permit sans doute que pour charmer et pour divertir la populace la plus populace d'Athènes, en blessant trop souvent le bon goût et les bonnes mœurs, ne prouvent-elles pas encore combien l'on osait compter sur la prestesse d'intelligence, sur la finesse d'esprit de la classe la plus nombreuse des spectateurs ?

Quel autre peuple de la terre peut se comparer à celui-là! et comment imaginer que ce qui ne dut convenir qu'à un peuple aussi singulièrement distingué sous tous les rapports, puisse jamais s'appliquer avec succès à la constitution d'aucun autre !

Parce qu'une fois, depuis cinq ou six mille ans, à l'extrémité d'une petite péninsule, sous un des climats les plus fortunés de l'Europe, on vit durant quelques siècles un gouvernement démocratique allier aux élémens du système de liberté le plus

orageux le plus haut degré de culture, beaucoup de richesses et de puissance, avec tous les genres d'ambition et de gloire, croira-t-on qu'il soit facile de voir reproduire ailleurs le prodige d'un pareil phénomène moral et politique?

Il faut bien se garder encore de confondre la démocratie d'Athènes avec celle de quelques-unes de nos Républiques modernes. Ne devait-il pas encore être fort loin des grands principes d'égalité proclamés par nos philantropes du jour, le pays où il n'y avait qu'un petit nombre d'hommes libres et un très-grand nombre d'esclaves, où parmi ces hommes libres il n'y avait qu'un petit nombre de citoyens et un très-grand nombre qui ne l'étaient pas, de simples colons, des alliés plus ou moins dépendans, ou des tributaires chargés souvent d'obligations fort pénibles, d'impôts très-onéreux ?

En comparant le nombre des habitans qui jouissaient du droit de citoyen au nombre infiniment plus considérable de ceux qui par leur condition ou par leur naissance en étaient exclus, on pourrait plutôt regarder Athènes comme une nombreuse aristocratie que comme une véritable démocratie. Ce qu'on appelait le peuple d'Athènes était bien réellement le souverain d'un assez grand Empire, et les sujets, les tributaires, les alliés de ce souverain, dans plus d'une circonstance, durent même en trouver le sceptre fort dur et fort pesant. Il n'en est pas moins vrai que cette espèce de polycratie, relativement à son régime intérieur, reposait toute

entière sur des principes très-démocratiques, et qu'il n'y eut peut-être jamais dans aucun pays de la terre une démocratie plus démocratique que celle du peuples ouverain d'Athènes, ni qui le fut d'une manière plus active, avec plus d'orgueil et de jalousie.

Ce qui n'est pas moins certain, c'est qu'il n'est guère possible de concevoir un gouvernement dont l'organisation fût tout-à-la-fois plus étendue et plus compliquée. Tout fier, tout enivré que fût ce peuple de l'amour de la liberté, son ingénieuse imagination n'avait cru pouvoir trop multiplier ni le nombre de ses Dieux ni celui de ses magistrats; ce fut apparemment pour empêcher qu'aucun de ces pouvoirs réels ou imaginaires ne pût devenir trop redoutable, trop exclusif ou trop exigeant.

Eschine réduit à trois classes toutes les différentes magistratures qui composaient le gouvernement d'Athènes. Il nous apprend en même temps que toutes les trois étaient obligées à rendre des comptes. La première classe était les apoi, les magistrats choisis par une tribu d'Athènes ou par un bourg de l'Attique, à qui la République enjoignait dans certaines occasions de les choisir pour les charger de quelque emploi; ils composaient la classe inférieure de la magistrature. La seconde classe; λnpwtal, étaient les magistrats tirés au sort par les Thesmothètes dans le temple de Thésée. Le peuple désignait les candidats entre lesquels le sort devait décider. La troisième classe enfin, spotovo, étaient les magistrats que, sur la proposition des Thesmo

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