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yeux de l'Assemblée le tableau des revenus et des dépenses fixes de l'État. Il résulte de ce tableau que le déficit actuel se trouve réduit de soixantequinze à cinquante-six millions; mais comme il ne s'agit dans ce compte que des revenus et des dé penses fixes, on n'a dû y comprendre ni les remboursemnens, ni les dépenses extraordinaires, ni les anticipations. Pour couvrir la différence qui existe entre les revenus et les dépenses fixes, M. Necker détaille ensuite les différens aperçus que le Roi lui a ordonné de soumettre à la considération de l'Assemblée; ils consistent en seize articles, après l'énumération desquels on ne peut s'empêcher de s'écrier comme lui: Quel pays que celui où, sans impôts et avec de simples objets inaperçus, on peut faire disparaître un déficit qui a fait tant de bruit en Europe!

"Il ne faut pas, ajoute M. Necker, que les dé libérations de la plus auguste des Assemblées soient marquées à d'autre empreinte que celle de la justice et de la plus parfaite raison. Voilà le sceau perpétuel des Empires; tout peut y changer, tout peut y essuyer des révolutions; mais tant que les hommes voudront se rallier autour de ces grands principes, il n'y aura jamais rien de désespéré, il n'y aura jamais rien de perdu. Ce sera un jour, Messieurs, un grand monument du caractère moral de Sa Majesté, que cette protection accordée aux créanciers de l'État, que cette longue et constante fidélité; car, en y renonçant, le Roi n'aurait eu besoin d'aucun

secours extraordinaire, et il n'aurait pas été soumis aux diverses conséquences qui en sont résultées. C'est là peut-être un des premiers conseils que les aveugles amis de l'autorité, que les Machiavel modernes, n'auraient pas manqué de lui donner.

"Qu'il me soit permis encore de joindre aux motifs qui embrassent le bonheur général d'une Nation considérée collectivement et dans toute sa durée, le motif plus touchant peut-être encore du bonheur des individus dont l'existence passagère n'est que plus digne de soin et de compassion. Je parle surtout de ces hommes du peuple que la crainte de l'indigence a rendus laborieux, et qui, dans l'aban don d'une douce confiance, ont déposé entre les mains de leur Roi, à l'abri de sa probité et de son amour, le fruit des travaux pénibles de toute leur vie, et l'espoir long-temps acheté de quelque repos dans les jours de la vieillesse et des infirmités qui l'accompagnent; car tel est un grand nombre des créanciers de l'Etat. Je n'essaierai pas de peindre le désordre et la douleur qui résulteraient de leur attente si cruellement trompée; il est des maux assez grands, même en perspective, pour qu'on n'ose les fixer par la pensée, et la crainte qu'ils inspirent semble être le garant de leur impossibilité."

M. le Directeur général des finances traite ensuite des besoins particuliers de l'année courante, des anticipations, des remboursemens, des dettes en arrière; et l'équilibre des finances une fois rétabli, il invite au nom du Roi les Représentans de la

Nation à s'occuper du soin de maintenir cet ordre, et de le mettre à l'abri des erreurs et des fautes de tous les Ministres et de tous les agens auxquels le Souverain d'un grand Empire est dans la nécessité de se confier. Réunissons-nous, Messieurs, le Roi le permet, réunissons-nous pour arranger les choses de telle manière, que l'homme le plus ordinaire soit en état à l'avenir de gouverner le trésor royal, et que l'homme le plus habile ne soit jamais dangereux.

Enfin, Messieurs, et il est bon de vous le faire observer, ce n'est pas à la nécessité absolue d'un secours d'argent que vous devez le précieux avantage d'être rassemblés par Sa Majesté en EtatsGénéraux. En effet, le plus grand nombre des moyens qui vous ont été présentés comme propres à combler le déficit a toujours été dans la main du Souverain.......(Il en est encore d'autres dans la libération de différentes charges, dont on fait un calcul détaillé); ainsi, tandis que la France, tandis que l'Europe entière attribue la convocation des Etats-Généraux à la nécessité absolue, au besoin inévitable d'augmenter les impositions, l'on voit par ce résumé précis qu'un Roi, jaloux uniquement de son autorité, aurait trouvé dans les retranchemens soumis à sa puissance ou à sa volonté un moyen de suffire aux circonstances, et de se passer de nouveaux tributs."

Après la lecture de ce discours, le Roi s'est levé et s'est tenu debout pendant quelques minutes;

ensuite Sa Majesté est sortie suivie et précédée de la Cour, de son cortége, aux acclamations de toute l'Assemblée. Les cris de vive la Reine se sont mêlés aux cris de vive le Roi! et les applaudisse mens d'une foule immense ont accompagné Leurs Majestés jusqu'au château.

Il était impossible d'assister à ce grand spectacle, à cette scène sublime, dont les suites vont peutêtre décider à jamais du sort de la France, sans éprouver les plus vives émotions de crainte, d'espérance et de respect. Si les détails que nous nous sommes permis de rappeler avec une attention si scrupuleuse n'ont pas tous le même intérêt, on voudra bien nous le pardonner; tout frappe, tout paraît remarquable dans une circonstance où l'âme est vivement émue.

A une jeune personne nommée Rose.

Tes yeux annoncent de l'esprit,
Rose, et ta bouche tient parole.
Chez toi la volupté sourit,
Mais la décence la contrôle.
Ton œil dit oui, ta bouche non ;
Sois donc d'accord avec toi-même,
Et fais mieux honneur à ton nom.
Flatter et piquer ce qu'on aime

Tient de la rose et du chardon.

Nous nous sommes empressés de vous annoncer le Voyage d'Anacharsis au moment où l'ouvrage a paru; nous avons mis moins d'empressement à vous

rendre compte de la sensation qu'il avait faite et du jugement que nous avions osé en porter. Aujourd'hui que l'opinion qu'on peut avoir du mérite de cet ouvrage paraît plus généralement arrêtée, nous nous permettrons d'en parler avec plus de confiance. Peu de livres avaient joui, même avant d'être publiés, d'une aussi grande faveur; la réputation de l'auteur, l'estime personnelle qu'il a mé ritée à plus d'un titre, l'attente où l'on était depuis long-temps d'un travail qui avait occupé pour ainsi dire sa vie entière, tout justifiait une prévention si favorable; aussi la première édition du livre a-t-elle été enlevée en moins de deux mois. C'est en effet un des plus riches monumens qu'on ait encore élevés à la gloire du peuple le plus intéressant de l'univers; il n'existe, je crois, en aucune langue, rien de si exact, rien de si complet sur les arts, les sciences, la religion, la politique, les usages et les mœurs de la Grèce, et dans notre langue, il est au moins peu d'ouvrages dont le style soit d'une correction aussi pure, d'une élégance aussi continue. Que lui manque-t-il donc ? rien que du talent et de l'imagination. Il n'y en a point dans le plan; il n'y en a guère plus dans les détails de l'exécution.

M. l'abbé Barthelemy nous a révélé lui-même dans un avertissement tout le secret de sa composition. I suppose qu'un jeune Scythe nommé Anacharsis vient en Grèce quelques années avant la nais sance d'Alexandre, et que d'Athènes, son séjour ordinaire, il fait plusieurs voyages dans les pro

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