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soutenir long-temps seule le poids énorme d'une dette de plusieurs milliards. Le crédit, après avoir servi quelque temps à étendre la puissance des souverains, finit toujours par la restreindre lorsqu'il a passé de certaines bornes: son influence réveille encore nécessairement l'esprit de patriotisme, par le grand nombre d'individus dont elle lie l'intérêt personnel à celui de la chose publique. On croit la Nation plus pauvre, elle n'a jamais été si riche. Il semble que le Souverain n'ait jamais été plus riche, car ses revenus sont immenses, et de fait il ne fut jamais plus pauvre. Le plus pauvre dépend toujours du plus riche; c'est donc de la Nation que dépendra désormais le Souverain.

L'impossibilité d'atteindre ou de surpasser dans les arts du génie et de l'imagination cette foule de chefs-d'œuvre que vit naître en France le siècle dernier, a porté dans celui-ci tous les bons esprits à diriger leurs efforts et leurs études vers les hautes sciences. Il n'est aucun genre de connaissances utiles qui n'ait été cultivé avec plus ou moins de succès; les Buffon, les Rousseau, les Montesquieu ont remplacé les Racine, les Boileau, les Corneille; et Voltaire lui-même, le plus bel esprit de tous les siècles, est devenu philosophe; il a surtout mérité 'ce ce titre par le talent unique qu'il eut non-seulement de mettre de grandes vérités à la portée de tout le monde, mais encore d'y intéresser vivement toutes les classes des lecteurs. Il en est résulté un foyer de lumière qu'aucun pouvoir humain ne pouvait

éteindre, une liberté de penser que les entraves qu'on cherchait à lui donner ne rendaient que plus hardie et plus attrayante. Ces dispositions furent encore exaltées par le goût des voyages, par l'établissement des clubs, par l'habitude que les hommes prirent de vivre davantage entre eux, par tous les ridicules de l'anglomanie; car quelle est la révolution qui pourrait se faire en France sans que la mode y eût plus ou moins de part?

La guerre d'Amérique, cette guerre qui ruina les deux Nations les plus riches de l'Europe pour assurer à jamais l'indépendance du peuple le plus pauvre de l'univers, cette guerre, si folle pour les Rois qui l'entreprirent, ne pouvait manquer d'être utile à leurs peuples: elle a sauvé la constitution de l'Angleterre; elle en va donner une à la France; car qui ne voit pas que, sans l'énorme deficit de ses finances, il n'y aurait jamais eu ni États-Généraux, ni Assemblée de Notables, ni Necker, ni Calonne ? Quelque justice qu'on soit disposé à rendre aux déprédations de ce dernier, sans la dépense d'une guerre où l'on eut à combattre une puissance qui disposait des richesses et du crédit des deux Mondes, il est bien clair que les ressources ordinaires auraient suffi pour réparer tout le mal qui ne peut-être imputé qu'aux vices de son administration.

Les liaisons qu'eut la France avec l'Angleterre et l'Amérique ont été pour elle, disait un homme de beaucoup d'esprit, ce que sont pour le fils d'un riche bourgeois les liaisons de quelques grands seigneurs ;

elles le ruinent communément, mais elles le forment toujours plus ou moins, donnent à ses manières plus d'aisance et de liberté, quelquefois même à sa façon de penser plus de noblesse et d'élévation.

Le Plaisir, l'Espérance et la Pudeur. Fable allégorique. Par M. Grainville.

Dans un pays (ce n'était pas en France,
Et son nom même est perdu par malheur),
On dit que le Plaisir, suivi de l'Espérance,
Un jour sur son chemin rencontra la Pudeur.
Puisque le hasard nous rassemble,

S'écria le plus gai des Dieux,

Tous trois, si vous voulez, nous ferons route ensemble.
Très-volontiers... Alors par maints propos joyeux,
Par le plus léger badinage,

Le Plaisir sut tromper les ennuis du voyage;
Mais il fallut se séparer.

On ne peut pas toujours aller de compagnie ;
Et puis d'ailleurs tout prend fin dans la vie.-
Où pourrons-nous nous rencontrer ?
Dit alors le Plaisir, car votre connaissance
M'est précieuse, en vérité.

Le froid séjour de la vâine opulence
En aucun temps n'est par moi fréquenté.
Moi je suis très-souvent, interrompt l'Espérance,
Chez les amans et les gens à projets.-
Pour moi, dit à son tour la Pudeur ingénue,

Quand une fois on m'a perdue,

On ne me retrouve jamais.

On faisait fort mauvaise chère chez madame d'Aligre, et l'on y médisait beaucoup. En vérité, ·

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disait M. de Lauragais, si avec son pain l'on ne mangeait pas ici le prochain, il y faudrait mourrir de faim.

M. le Garde des Sceaux demandait un jour au comte de Mirabeau quel homme était son frère le Vicomte Sil faut répondre franchement, lui dit M. de Mirabeau, dans toute autre famille il passerait pour un homme d'esprit et pour un mauvais sujet, mais dans la nôtre, c'est un homme ordinaire.

Un des laboureurs élus députés dans le bailliage présidé par M. de Coigni avait toutes les apparences d'un homme peu délié. Eh bien, lui dit M. de Coigni, qui l'avait fait asseoir à table à côté de lui, que vous proposez-vous de demander aux EtatsGénéraux-La suppression des pigeons, des lapins et des moines.-Voilà un rapprochement assez bizarre. Il est fort simple, Monseigneur : les premiers nous mangent en grain, les autres en herbe, les troisièmes en gerbe.

Le mardi 10 mars les Comédiens Italiens ont donné la première représentation de l'Homme à sentimens, comédie en cinq actes et en vers de M. Pluteau, qui n'est connu que par cet ouvrage. C'est une imitation d'une des comédies les plus connues du Théâtre anglais, the School for Scandal, de M. Sheridan. Un de nos petits spectacles s'était déjà emparé de ce sujet sous le titre de l'Oncle et les

deux Neveux; ce n'était qu'une mauvaise découpure d'un excellent tableau.

Cette copie d'un excellent modèle a peu réussi. La marche de l'intrigue a paru froide et languissante; ce n'est que dans les scènes fidèlement imitées de l'original qu'on a trouvé quelque intérêt. On peut reprocher à l'auteur français de n'en avoir pas conservé plusieurs dont l'intention très-comique aurait répandu sur tout l'ouvrage plus de mouvement et de variété. Nous sommes loin de prétendre cependant que l'on eût pu hasarder avec succès tous les tableaux, toutes les situations, toutes les plaisanteries de la pièce de M. Sheridan; la grande liberté du Théâtre Anglais peut faire réussir des hardiesses qui seraient repoussées par l'habitude de nos convenances théâtrales. Ce n'est pas sans doute que les mœurs de Paris soient plus pures que celles de Londres, que la société n'y offre pas peut-être encore plus communément des modèles très-ressemblans de tous les vices que M. Sheridan a voulu peindre dans l'Ecole de la Médisance; mais des tableaux où l'on représenterait nos mœurs telles qu'elles sont dans toute leur vérité ne seraient pas admis sur notre scène. On y voit tous les jours des demoiselles amoureuses à la folie, coquettes, infidèles, trahissant plusieurs amans à la fois; mais l'exemple d'une femme mariée, galante comme lady Teazle, jalouse de son amant, prête à s'abandonner à lui dans un rendez-vous qu'elle a accepté dans sa maison, cet excmple serait un scandale révoltant au

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