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troubler. Le calme du matin, les premiers chants des oiseaux, l'aspect varié des campagnes, tout ce qui frappait ses sens le rappelait à son modèle..... Libre, indépendant, il errait dans les allées, il précipitait, il modérait, il suspendait sa marche, tantôt la tête vers le ciel dans le mouvement de l'inspiration et satisfait de sa pensée, tantôt recueilli, cherchant et ne trouvant pas ou prêt à produire. Il écrivait, il effaçait, il écrivait de nouveau pour effacer encore; rassemblant, accordant avec le même soin, le même goût, le même art toutes les parties du discours; il le prononçait à diverses reprises, se corrigeant à chaque fois, et, content enfin de ses efforts, il le déclamait de nouveau pour lui-même, pour son plaisir et comme pour se dédommager de ses peines. Tant de fois répétée, sa belle prose, comme de beaux vers, se gravait dans sa mémoire; il la récitait à ses amis, il les engageait à la lire euxmêmes à haute voix en sa présence; alors il l'écoutait en juge sévère, et il la travaillait sans relâche, voulant s'élever à la perfection que l'écrivain impatient ne pourra jamais atteindre."

Ceux qui ont connu particulièrement M. de Buffon ne manqueront pas de trouver que son panégyriste lui fait bien gratuitement les honneurs d'un sentiment de modestie qu'il n'était pas même en lui de feindre, lorsqu'en parlant de ce cabinet du roi enrichi par ses soins, par ses travaux et par sa gloire, il dit: "Tout est plein de lui dans ce temple où il assista, pour ainsi dire, à son apo

théose; à l'entrée sa statue,* que lui seul fut étonne d'y voir, atteste la vénération de sa patrie, qui, tant de fois injuste envers ses grands hommes, ne laisse pour la gloire de M. de Buffon rien à faire à la postérité.

On a fort applaudi l'hommage rendu par M. Vicq d'Azyr aux personnes respectables dont M. de Buffon s'était environné dans les dernières années de sa vie; "à l'excellente amie qui a été " témoin de ses derniers efforts, qui a reçu ses "derniers adieux, qui a recueilli ses dernières "pensées; à l'illustre ami de ce grand homme, à "cet administrateur qui, tantôt dans la retraite, "éclaire les peuples par ses ouvrages, et tantôt "dans l'activité du ministère, les rassure par sa "présence et les conduit par sa sagesse.... Des "sentimens communs d'admiration, d'estime et "d'amitié rapprochaient ces trois âmes sublimes... "Avec quelle joie M. de Buffon aurait vu cet ami, ce grand ministre, rendu par le meilleur des rois

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aux vœux de tous, au moment où les représentans "du plus généreux des peuples vont traiter la grande "affaire du salut de l'Etat !..."

C'est M. de St-Lambert qui, en qualité de directeur de l'Académie, a été chargé de répondre au discours de M. Vicq d'Azyr. Quoiqu'il n'y ait pas dans le dernier de ces discours beaucoup plus

* Qui n'a pas lu avec quelque surprise l'inscription fastueuse que M. de Buffon avait laissé graver en lettres d'or sur le piédestal de cette belle statue, Naturæ par ingenium !

de mouvement et d'éloquence que dans l'autre, on y a remarqué deux ou trois morceaux dont l'expression et la pensée ont paru également heureuses et frappantes.

En parlant du progrès qu'ont fait de nos jours les hautes sciences, des rapports communs qui les lient entre elles et toutes ensemble avec les arts et les talens de l'imagination, il termine le tableau par cette belle image: "L'empire de la science n'est plus un vaste désert où l'on trouvait quelques sentiers pénibles marqués par les pas des géans ; c'est un pays cultivé, semé de toutes parts de routes faciles qui conduisent de l'une à l'autre et que les habitans peuvent parcourir sans fatigue."

Dans l'éloge qu'il fait de la manière d'écrire de M. de Buffon, il s'exprime ainsi : "Ce sont toujours de grandes choses exposées avec simplicité: tous les détails sont grands, l'ensemble est sublime. L'envie a voulu y voir de la parure, il n'y a que de la beauté."

Il appelle le Jardin du Roi et le cabinet d'Histoire naturelle une bibliothèque immense qui nous instruit toujours et ne peut jamais nous tromper. Aristote, ajoute-t-il, et c'est le dernier trait de la réponse académique, "Aristote, pour rassembler sous ses yeux les productions de la nature, avait eu besoin qu'Alexandre fît la conquête de l'Asie; pour rassembler un plus grand nombre des mêmes productions, que fallait-il à M. de Buffon? Sa gloire."

La séance a été terminée par la lecture qu'a faite

M. l'abbé Delille de deux morceaux d'un poëme sur l'Imagination. Le sujet du premier est le choix des monumens qu'il faudrait ériger à ceux dont on chérit ou dont on respecte la mémoire; on y a trouvé de superbes tableaux mêlés à des idées infiniment touchantes; on y a fort applaudi quelques vers vraiment admirables sur les tombeaux de ces rois fainéans qui n'ont fait que changer de sommeil, jetés par le sort du néant de la vie au néant de la mort, etc. Dans le second morceau, le poète, en célébrant les charmes de l'espérance, fait une description trèspiquante de la manière dont le fameux Mesmer savait enivrer de cette douce illusion la foule de ses malades; il compare le baquet magnétique à la boîte de Pandore: tous les maux n'en sortaient pas, Parmi les dit-il, mais l'espoir restait au fond.

prodiges opérés par ce célèbre thaumaturge, un des plus remarquables est celui-ci :

Le vieillard décrépit, se redressant un peu,

D'un retour de santé menaçait son neveu, etc.

Il y a eu près de mille pétitions des différentes municipalités et corporations du royaume, pour obtenir du roi une représentation plus égale à la prochaine assemblée des Etats-généraux qu'à ceux de 1614. Celle des habitans de Paris a été rédigée par un docteur en médecine, M. Guillotin; on en avait envoyé un exemplaire à tous les notaires de Paris, avec une lettre qui les invitait à recevoir la signature de tous les bourgeois qui jugeraient à propos de la déposer entre leurs mains. Le parle

ment, ayant désapprouvé la forme de cette récla mation, a mandé les syndics des notaires et le docteur Guillotin, pour rendre compte à la Cour de leur conduite; elle était si simple qu'ils n'ont pas eu beaucoup de peine à la justifier. La Cour a cependant ordonné que les dites petitions fussent rapportées au greffe, et défendu de répandre à l'avenir de semblables lettres et avertissemens. Le parlement est bien mal, disaient ce jour-là nos faiseurs de calembourgs.-Comment ?-On doit le présumer, puisqu'il vient de faire appeler le notaire et le médecin.

Un gentilhomme des Etats du Dauphiné disait, pour soutenir la primatie de sa noblesse: Songez à tout le sang que la noblesse a versé dans les batailles. Un homme du tiers-état lui répondit: Et le sang du peuple versé en méme temps était-il de l'eau !

M. l'abbé de Mably croyait que le système Anglais ne durerait pas dix ans, et que le sénat de la Suède serait à jamais durable. L'ouvrage dans lequel il disait cette belle prophétie n'était pas encore achevé d'être imprimé, que le sénat de la Suède n'existait plus. On l'en avertit; il répondit: Le roi de Suède peut changer son pays, mais non mon livre.

Ces trois anecdotes sont tirées des notes du Mémoire pour le Peuple François de M. Cerutti.

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