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Elle fait de sa langue un usage qui donne à tout ce qu'elle dit un caractère expressif et pittoresque. Sa conversation est animée, semée de traits brillans, de définitions justes, de comparaisons ingénieuses. Il faut plutôt l'entendre que s'entretenir avec elle. Elle n'a jamais le désir de briller, la prétention est au-dessous de celui qui possède pleinement et sans effort. Elle dépense son esprit comme les prodigues leur argent, pour le plaisir de dépenser et non pour paraître. Elmire doit passer pour méchante, parce qu'elle blesse souvent l'amour propre des autres, mais l'esprit seul est l'objet de ses observations; sa critique est déterminée bien plus par le besoin de comparer et de juger que par aucun sentiment de malveillance. Elle disserte saus cesse sur l'esprit, c'est son domaine; l'esprit est tout en elle, et il est tout pour elle. Elmire ne pourrait s'empêcher de révéler le défaut qu'elle remarquerait dans l'esprit d'un homme qui lui aurait sauvé la vie.”

Dans le parallèle de Henri IV et de Louis XIV, il paraît que l'auteur n'a pas fait ce qu'il voulait faire ; il cherche à rassembler tous les traits distinctifs qui pouvaient être à l'avantage de Louis XIV, et le dernier résultat de ces rapprochemens est de justifier toujours la préférence qui nous entraîne vers Henri IV.

Quoique l'ouvrage que nous avons l'honneur de vous annoncer soit assurément celui d'un homme de beaucoup d'esprit, il y a lieu de croire qu'il ajoutera

moins à la réputation littéraire de l'auteur qu'il ne pourra nuire à l'ambition de ses projets; on y a trouvé une foule de remarques dont le caractère në convient ni à la gravité de son âge, ni à celle de son état, encore moins à celle des places où l'on sait qu'il aspire. Plusieurs écrivains célèbres ont dit bien plus de mal des femmes qu'il ne s'est permis d'en dire; mais il en est peu qui les aient traitées aussi légèrement, et quelques-unes de ses critiques ont moins révolté par leur malignité que par leur ton. Où a-t-il donc vécu ? se sont écriées les femmes; et l'on a dû leur répondre: Non seule. ment dans la meilleure compagnie, mais encore dans une des sociétés les plus respectables de la Cour et de la ville....

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› Avril, 1788.

M. le comte de Buffon est mort mercredi 16 avril, à deux heures du matin, S'il a survécu à tous ses systèmes, son génie survivra plus sûrement à tous ceux qui se sont élevés et s'élèvent encore sur leurs superbes débris. Il vient de fermer la barrière du plus beau siècle dont puisse s'honorer la France.

Juin, 1788.

La séance publique de l'Académie française tenue le 14 mai, pour la réception de M. le chevalier de Florian, a été fort brillante, grâce à la présence de monseigneur le duc de Penthièvre, de S. A. S.

madame la duchesse d'Orléans, des princes ses enfans et de madame la princesse de Lamballe. Le récipiendaire a commencé son discours par payer au prince le tribut de reconnaissance qu'il lui devait, avec une franchise peu commune. "Les illusions "de l'amour propre seraient peut-être pardonnables "dans ce jour, mais elles ne m'éblouissent point, ma "sensibilité m'en garantit. Je perdrais trop de

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mon bonheur en m'imaginant le devoir à moi"même, et mon coeur jouit mieux d'un bienfait que ma vanité ne pourrait jouir d'un triomphe.... "Le prince que vous révérez tous a daigné solliciter pour moi; son rang n'aurait pas captivé vos âmes "fières et libres, mais ses vertus avaient tout pou"voir sur vos cœurs vertueux et sensibles, etc."

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Tout ce marivaudage est sans doute assez joli; au fond cependant que veut-il dire? Si d'autres méritaient mieux la place que M. de Florian, comment la vertu oserait-elle solliciter une préférence injuste? Comment des cœurs vertueux et sensibles pouvaient-ils regarder une pareille préférence comme un hommage à rendre à la vertu? Mais faut-il examiner rigoureusement la logique d'un discours de ce genre?

En rendant compte des premiers goûts, des premières études qui l'avaient attaché à la culture des lettres, M. de Florian n'a pas manqué de rappeler avec plus ou moins d'adresse tous les titres de gloire de ses nouveaux confrères, et plus particulièrement encore de ceux qui lui avaient donné leurs voix; il

a terminé très-heureusement cette longue énumération par l'éloge de M. de Buffon, et cet éloge nous paraît meriter d'être retenu.

"Il vient de nous être ravi ce génie vaste et pro"fond qui, embrassant l'immensité de la nature, "trouva dans son imagination autant de trésors que

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son modèle, s'élança d'un vol rapide par-delà les "bornes de notre univers, et, non content d'avoir "présenté tous les secrets du présent, voulut encore "arracher le voile qui couvre l'avenir et le passé ; à "qui toutes les nations éclairées venaient soumettre "leurs doutes et apporter en tribut leurs découver"tes nouvelles comme au seul homme qui pût in"terpréter le silence du Créateur; Buffon n'est "plus, vous avez perda l'immortel écrivain dont la "vie peut être comptée au nombre des époques de "la nature."

Après ce digue hommage, on nous pardonnera sans doute de citer encore celui qu'il s'est plu à rendre aux manes de Gessner.

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"Par quelle fatalité m'a-t-il fallu déplorer sa perte "au moment même où votre bienfait répandait la joie dans mon âme !.. .J'ai perdu Gessner quand vous m'adoptiez. Les félicitations de mes amis ont été troublées par les plaintes dont retentissent "les monts helvétiques, par les regrets de tous les "cœurs sensibles qui redemandent Gessner à ces

plaines, à ces vallons qu'il a dépeints tant de fois, " à ce printemps qui renaît sans lui et qu'il ne chantera plus...Que mes nouveaux bienfaiteurs me

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"laissent jeter de loin quelques fleurs sur le tom"beau de mon ami, sur ce tombeau où la piété "filiale, la tendresse paternelle, la discrète amitié, "l'amour pur et timide pleurent ensemble leur

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poète. Le chantre d'Abel, de Daphnis, le pein"tre aimable des mœurs antiques, celui dont les

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Idylles touchantes laissent toujours au fond de "l'âme ou une tendre mélancolie, ou le désir de "faire une bonne action, ne peut être étranger pour vous...Tous les grands talens, tous les cœurs << vertueux sont frères; ils ressemblent à ces fleurs "brillantes qui, dispersées dans tout l'univers, ne "forment pourtant qu'une seule famille.”

Le reste du discours est consacré à la mémoire de M. de cardinal de Luynes. On y peint le caractère de ce digne prélat, tel qu'il était en effet, comme simple et bon. En voici deux traits:

"Il avait puisé ses vertus à l'école de Fénélon, de ❝cet homme divin, dont le nom seul fait du bien au cœur. J'étais trop enfant, répétait-il souvent,

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pour avoir rétenu les discours de ce grand hom. "me; mais j'ai bien présens le plaisir, admiration, l'espèce d'extase que nous éprouvions tous έσ lorsqu'il parlait; elle se communiquait, ajoutaitil naïvement, jusqu'à nos domestiques, et quand nous étions à table avec lui, transportés comme ❝lui de l'entendre, ils ne pouvaient plus nous servir.” Lorsqu'on lui demandait avec surprise comment "il pouvait suffire à ses immenses charités, ah! répondait-il en souriant, vous ne savez pas com

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